Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 20 juillet 2021 à 17h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • bioéthique
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 20 juillet 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

La commission procède à l'audition, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, de M. Jacques-Olivier Bay, dont la nomination est envisagée aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine).

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Nous sommes réunis pour auditionner le professeur Jacques-Olivier Bay, dont la nomination comme président du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine est envisagée pour succéder à Mme Sophie Caillat-Zucman qui occupe ces fonctions depuis 2015. La durée de ce mandat est de trois ans.

Les dispositions de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique nous font obligation de vous entendre avant votre nomination, de même qu'avant celle du directeur général de l'Agence. Je me réjouis qu'elles nous procurent ainsi l'occasion d'aborder à intervalles réguliers les missions et activités de l'Agence de la biomédecine, à laquelle nous sommes tous attachés depuis sa création par la loi de bioéthique de 2004.

L'Agence de la biomédecine, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, assure des missions essentielles d'accompagnement, de suivi et d'information dans les domaines du don d'organes, du don de moelle osseuse, du don de gamètes, d'assistance médicale à la procréation, de diagnostic prénatal et de génétique médicale, ainsi qu'en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Son conseil d'administration est notamment chargé de délibérer les orientations générales de l'Agence, son programme d'investissement et son budget.

Hasard du calendrier, votre nomination intervient juste après le vote définitif par l'Assemblée nationale de la loi relative à la bioéthique, en juin dernier – ce qui nous permettra d'aborder les réformes importantes que ce texte porte, ainsi que les modifications qu'il apporte aux missions de l'Agence.

Les commissaires, qui ont été destinataires de votre curriculum vitæ, interviendront après votre propos liminaire.

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Jacques-Olivier Bay

C'est un grand honneur d'avoir été proposé par le Gouvernement pour la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine. C'est également un grand honneur de me présenter devant cette commission et de vous indiquer comment j'envisage mes missions si j'accède à cette fonction de président. Je le ferai avec beaucoup de modestie et de prudence, puisque plusieurs éléments sont encore en gestation depuis le vote de la loi.

J'ai 56 ans. Ma carrière de médecin a été une vraie vocation. J'ai toujours voulu exercer ce métier et si un gène de la médecine existe, il était particulièrement dominant chez moi puisque j'ai réalisé ce vœu sans antériorité familiale ! J'ai consacré mon énergie d'enfant puis mon énergie d'adolescent pour y parvenir, avant de me spécialiser dans la cancérologie. J'avais caressé l'idée d'être médecin généraliste, mais j'ai finalement souhaité exercer cette généralité de la médecine dans une spécialité comme la cancérologie, où l'humanisme tient une grande place. Progressivement, j'ai orienté mon activité vers l'onco-hématologie, le traitement des maladies hématologiques malignes – une discipline enthousiasmante. Sur le plan scientifique, je me suis intéressé à l'ataxie‑télangiectasie, une maladie génétique et héréditaire : les familles affectées présentent un certain nombre de prédispositions génétiques au cancer.

C'est dans ce contexte que j'ai effectué une thèse à l'université de Californie à Los Angeles, après avoir terminé mon internat à Montréal et passé les aptitudes pour exercer outre‑Atlantique. Je dois avouer que le système de soins américain m'a profondément heurté. Il était peu conforme à mes convictions, avec des modes de financement que je n'estimais pas équitables. C'est l'une des raisons, les autres étant d'ordre familial, qui m'ont poussé à rentrer en France en 1995.

J'ai obtenu un poste de chef de clinique assistant des hôpitaux au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, à Clermont-Ferrand, où j'étais en charge des traitements intensifs de greffes de cellules souches hématopoïétiques, tant autologues qu'allogéniques. J'ai travaillé dans ce service pendant quelques années, avant qu'on me demande de transférer cette activité au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, qui construisait son service de thérapie cellulaire et d'hématologie clinique adulte. Nous sommes ainsi partis d'un petit embryon en 2006, date de ma nomination comme professeur des universités-praticien hospitalier, avec huit lits d'hospitalisation et trois praticiens, pour arriver à quarante-cinq lits d'hospitalisation et seize praticiens. J'en suis assez heureux, à titre collectif, car ce service est très utile à la population du territoire auvergnat, et au-delà. J'ai également obtenu la création d'un service d'oncologie médicale, dont j'ai aussi la charge, au CHU de Clermont-Ferrand. Cela a permis de pallier un manque de coordination.

Je me suis beaucoup impliqué dans le développement de la thérapie cellulaire et de la transplantation de cellules souches hématopoïétiques, puis de l'utilisation des cellules génétiquement modifiées de type CAR-T.

J'ai largement participé aux sociétés savantes inhérentes – la Société française d'hématologie, la Société française du cancer et la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, que j'ai eu l'honneur de présider de 2017 à 2021. Par ailleurs, j'ai intégré le groupe d'onco-hématologie de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), et je suis expert auprès de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS). J'ai récemment accepté un poste de conseiller pour les activités de thérapie cellulaire à l'ANSM. Autre fonction annexe, qui me permet d'entretenir mes connaissances, je suis rédacteur en chef du Bulletin du cancer, la revue de la Société française du cancer. J'exerce enfin des fonctions administratives, notamment celles d'assesseur à l'université, sous couvert de notre doyen, en tant que membre élu du conseil de gestion.

Je suis profondément attaché à mon indépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Je n'ai pas de conflit d'intérêts. Je n'ai pas de rapport avec le développement de médicaments ou le conseil, si ce n'est au travers d'études académiques pour lesquelles des financements ont été obtenus auprès d'associations comme la fondation ARC pour la recherche sur le cancer ou la Ligue contre le cancer, ou auprès de l'État, dans le cadre de programmes hospitaliers de recherche clinique.

Je suis également attaché à une philosophie du travail en réseau, dans une région dont le territoire est vaste et déshérité en médecins. Je me suis initialement appuyé sur le réseau Oncauvergne, dont j'avais l'honneur d'assurer la présidence. Je poursuis cette démarche en dispensant des consultations dans des villes éloignées des grands centres, ce qui me permet de constater les difficultés de prise en charge dans un certain nombre d'hôpitaux.

Je connais l'Agence de la biomédecine depuis longtemps, notamment au travers de ses missions relatives à la greffe de cellules souches hématopoïétiques. J'ai régulièrement participé au conseil médico-scientifique et j'ai intégré le conseil d'administration en 2018. J'ai souhaité renouveler ma participation à ce dernier pour apporter mes compétences au service de l'Agence. J'ai toujours eu beaucoup d'estime pour ses membres, qui exercent des missions très vastes avec beaucoup de professionnalisme et un engagement personnel très important.

L'Agence de la biomédecine, créée par la loi de bioéthique du 6 août 2004 pour faire suite à l'Établissement français des greffes, a des compétences multiples – notamment dans les greffes d'organes, les greffes de tissus et les greffes de cellules. Elle s'est aussi vu confier des missions complémentaires comme l'assistance médicale à la procréation, l'embryologie et la génétique humaine, et couvre le concept intéressant du domaine thérapeutique utilisant les éléments du sang humain à l'exception du sang.

Elle encadre les activités de prélèvement de tissus et de cellules, l'assistance médicale à la procréation, le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire. Elle gère les registres des greffes et d'opposition au don. Elle assure le suivi des donneurs. Elle autorise les centres de diagnostic préimplantatoire et les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, ainsi que la recherche sur les cellules embryonnaires et sur les embryons. Elle agrée des médecins, notamment pour les activités génétiques et les diagnostics préimplantatoires. Elle assure vigilance et biovigilance. Enfin, elle donne des avis quant aux règles de bonnes pratiques et aux autorisations, notamment auprès des agences régionales de santé.

En somme, les compétences de l'Agence de la biomédecine sont très larges. Elle fait appel à des expertises médicales et scientifiques multiples, mais également juridiques et éthiques de haut niveau. Pour cela, elle s'appuie sur un conseil médical et scientifique et sur un conseil d'orientation. Son conseil médical et scientifique est constitué de deux parties, l'une relative à la greffe et l'autre à la procréation, et veille au respect de la loi de bioéthique et des principes fondamentaux d'équité, d'éthique, de sécurité et de solidarité.

Plus spécifiquement, le rôle du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine consiste à délibérer les orientations générales, le programme d'investissement, le rapport d'activité annuel, le budget, les comptes, les subventions, les dons et les legs. Sa présidence est non exécutive, le rôle exécutif étant confié à la direction générale de l'Agence.

L'année 2021 sera charnière, puisqu'elle marquera la fin des trois précédents plans stratégiques ministériels respectivement relatifs à la greffe de cellules souches hématopoïétiques, à la greffe d'organes et de tissus et à l'assistance médicale à la procréation, l'embryologie et la génétique humaine. Les deux premiers rapports sont quasiment finalisés et le troisième est en cours de rédaction. L'Agence discute actuellement la programmation des trois prochains plans stratégiques, pour 2021-2025, lesquels seront complémentaires du contrat d'objectifs et de performance qui lui permet de contractualiser avec l'État. Ce contrat comporte onze objectifs orientés autour de deux axes : un axe médical et scientifique et un axe transverse. Le premier vise à accroître l'accès à la greffe d'organes, de tissus et de cellules souches hématopoïétiques, mais également à l'aide médicale à la procréation. L'axe transverse concerne la promotion à la recherche, la communication avec le public, la formation des personnels de santé, le renforcement des relations institutionnelles et la présence territoriale.

S'il fallait définir l'Agence de la biomédecine par des maîtres mots, je choisirais ceux d'équité, de transparence, d'éthique, de solidarité, de neutralité, d'expertise et d'engagement collectif. Très motivé par la présidence de son conseil d'administration, j'espère mettre au service de ces valeurs mon indépendance, mon respect des institutions, mes connaissances et mon expérience.

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Je vous remercie de votre présentation. Cette audition constitue une obligation légale mais elle est surtout l'occasion d'un échange libre, intéressant et ouvert concernant l'Agence de la biomédecine, son fonctionnement, ses compétences et ses missions.

Nous venons de voter la nouvelle révision de la loi de bioéthique : d'importantes modifications ont été apportées en matière d'assistance médicale à la procréation, de transplantation d'organes et de recherche sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires – autant de thématiques portées par l'Agence de la biomédecine, dans le respect des dispositions légales. Nous sommes très nombreux à nous féliciter de ces avancées importantes et utiles, ainsi que du grand progrès opéré dans la lutte contre les discriminations. Le projet de loi doit encore être promulgué, puis les décrets seront publiés.

Comment comptez-vous agir, en votre qualité de président du conseil d'administration, pour appliquer les diverses dispositions nouvelles et positives de la loi ? S'agissant de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, quels moyens pourront être engagés pour assurer un accès large, sans discrimination et partout sur notre territoire ? S'agissant de l'accès des personnes nées d'un don aux données non identifiantes et, à leur majorité, à l'identité du donneur, comment comptez‑vous accompagner cette évolution ?

Par ailleurs, et j'ai à nouveau interpellé le ministre des solidarités et de la santé à ce propos la semaine dernière, comment pensez-vous pouvoir accompagner la mission d'information et de sensibilisation du grand public en matière de don de gamètes ? Une large campagne à l'attention du grand public semble indispensable mais malgré les moyens dédiés, rares sont les Françaises et les Français qui ont été touchés par une telle communication ; la pénurie de gamètes risque de s'aggraver.

Au cours de nos débats, nous avons identifié des difficultés sur le terrain et nous sommes plusieurs à avoir interpellé le Gouvernement sur le faible taux de succès des parcours d'assistance médicale à la procréation, comparé à ceux qui prévalent en Belgique ou en Espagne. Parmi les facteurs d'échec, on peut citer l'aneuploïdie – un nombre anormal de chromosomes chez l'embryon. En France, la loi de bioéthique interdit le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdie (DPI-A), même pour les femmes relativement âgées ou celles ayant déjà connu de nombreuses fausses couches, bien que l'ensemble des professionnels aient exhorté à la pratique de ce test. Comment envisagez-vous de traiter cette question ? Suggérez-vous qu'elle soit de nouveau examinée, afin que les femmes concernées ne soient plus incitées à aller à l'étranger pour ne plus vivre un nouvel échec ?

Comptez-vous veiller à une amélioration des pratiques en matière d'assistance médicale à la procréation ? Je pense notamment à l'appariement des gamètes avec le couple receveur. Bien qu'encadrée par des guides de bonnes pratiques ou des dispositions réglementaires, cette pratique se développe parfois de façon outrancière.

Je souhaite aussi vous interroger quant aux activités de prélèvement et de transplantation d'organes, alors que se prépare le futur plan greffe. La crise sanitaire est venue accentuer des difficultés déjà bien ancrées. Les personnes transplantées ou en attente de greffe ont payé un lourd tribut : certaines ont développé des formes graves de covid, trop souvent mortelles, du fait du déficit immunitaire causé par l'insuffisance rénale chez les dialysés ou des traitements immunosuppresseurs chez les greffés d'organes.

L'accès à la greffe a été rendu plus difficile, notamment lors du premier confinement, durant lequel les activités de transplantation ont été arrêtées pendant de nombreuses semaines. Depuis, l'activité a été partiellement réduite, en particulier pour le rein. Je salue l'implication remarquable de l'Agence de la biomédecine dans cette période difficile, dont les conséquences auraient probablement été plus dramatiques encore sans le dévouement des acteurs sur le terrain.

Ce ralentissement d'activité de transplantation serait moins grave si notre pays ne s'était pas déjà trouvé en situation de déficit très significatif dans les années qui ont précédé. Malgré les efforts importants des professionnels, dont il faut saluer l'engagement, les objectifs du plan greffe 2017-2021 n'ont pas été atteints. Ainsi, au lieu des 4 950 transplantations rénales annuelles visées, l'activité n'a été que de 3 567 en 2018 et de 3 643 en 2019. Et parmi celles‑ci, les transplantations rénales à partir d'un donneur vivant n'ont pas progressé, passant de 541 en 2018 à 510 en 2019, quand l'objectif fixé était de 1 000 par an. Les causes de cette carence sont multiples et connues : insuffisance des effectifs de soignants, déficit budgétaire, attribution des moyens à d'autres secteurs de l'hôpital, pénurie d'organes, faiblesse des ressources humaines et de leur formation pour les personnels des coordinations de prélèvement, gardes réduites dans les CHU ou inaccessibilité aux blocs opératoires. Comment envisagez-vous le prochain plan greffe ? Quelles sont les pistes de travail de l'Agence de la biomédecine pour redoubler d'efforts en matière de prélèvement et de transplantation ? L'Agence compte-t-elle engager des actions spécifiques dans les territoires, en lien avec les coordinations, sachant qu'il existe des disparités considérables d'une région à l'autre ?

Je n'ai guère le temps d'aborder les questions relatives aux transplantations de cellules souches hématopoïétiques, qui me passionnent tout autant que vous.

L'Agence de la biomédecine est une magnifique maison, dans laquelle j'ai siégé jusqu'en 2018. Je sais que vous vous épanouirez dans cette belle mission. Je suis confiant dans le fait que votre nomination sera confirmée. Vous pourrez compter sur nous, parlementaires, pour vous aider chaque fois que vous le jugerez utile. Le lien entre l'agence et le Parlement est essentiel. J'espère d'ailleurs qu'il se renforcera encore au cours des prochaines années, notamment pour assurer un suivi des dispositions votées dans la loi de bioéthique.

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L'Agence de la biomédecine dont vous prendrez, je l'espère, la responsabilité est compétente dans de nombreux domaines, dont l'assistance médicale à la procréation, le prélèvement et la greffe d'organes, de tissus et de cellules souches. Votre parcours démontre votre connaissance parfaite de ces différents sujets. Comment envisagez-vous le rôle de l'Agence face aux incidences de la crise sanitaire ? Des recommandations ont été publiées pour adapter les modalités des opérations à cette crise. Pensez-vous qu'elles soient suffisantes ? Doivent-elles évoluer, avec l'émergence de nouveaux variants ? Comment les protocoles doivent-ils s'adapter en cas de détection de cas positifs au covid dans un processus de greffe ou un autre type d'opération ?

En 2018, l'Agence de la biomédecine a publié un rapport sur l'application de la loi de bioéthique. Que pensez-vous de la révision ? Les avis émis par l'Agence ont-ils été suivis ? En tant que président, quelles pistes d'évolution proposerez-vous ?

Vous avez évoqué les rapports en cours de rédaction. Quels sujets souhaiteriez-vous travailler une fois en place ?

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L'activité de l'Agence de la biomédecine repose principalement sur le principe du don, principe fondamental auquel nous sommes très attachés dans notre pays, avec une histoire singulière. Comment imaginez-vous promouvoir et protéger ce principe, et faire en sorte qu'on puisse, par le biais du don, toujours mieux répondre aux besoins de nos concitoyennes et concitoyens ? L'enjeu est de taille, d'autant que ce principe est menacé par les logiques de marchandisation des produits issus du corps humain, qui prévalent dans certains endroits du monde. Il y a donc là un modèle à protéger et à promouvoir. Comment étayer ce système et lui permettre de trouver sa pleine efficacité, en laquelle je crois ?

Par ailleurs, comment développer la réponse publique dans les domaines qui vous occupent ? Lors de nos débats des dernières semaines, certains échanges ont parfois été vifs. Lorsque l'on traite de produits issus du corps humain par le biais du don, il importe que la puissance publique soit aux avant-postes et propose, partout sur le territoire, les services nécessaires.

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L'Agence de la biomédecine estime que l'an dernier, les dons d'organes ont chuté de 25 %. Comment retrouver, cette année, un niveau de prélèvements et donc de greffes similaire à celui d'avant la crise de la covid ? Avec la reprise épidémique causée le variant delta, connaîtrons-nous à nouveau une situation critique ? Avez-vous des chiffres à nous communiquer concernant la perte de chance des malades ? Combien de patients sont en attente d'une greffe ? Quels sont les besoins les plus importants ? Comment remettre en route cette activité de dons et de greffes en partenariat avec les soignants, toujours mobilisés dans la lutte contre l'épidémie ?

S'agissant du don d'organes, les Français restent très frileux. Une fois sur trois en moyenne, les proches de patients décédés en mort cérébrale refusent de donner leurs organes. Comment jugez-vous les échecs que représentent les non‑réponses aux demandeurs de greffe ? Sont-elles dues à un manque de greffons ou à un manque de compatibilité avec les receveurs potentiels ? Comment réfléchir à cette dynamique ? Quelles raisons invoquent les familles ? Comment sensibiliser les citoyens à l'importance du don ? Cette question serait-elle taboue, ou souffre-t-elle seulement d'un déficit de connaissance des procédures ? N'y a-t-il pas, avec le registre national des refus, un « trou dans la raquette » ? Pourquoi n'y aurait-il pas un registre d'acceptation des greffes ? L'information circulerait mieux.

Le don d'organes est gratuit en France. Mais certains sont prêts à mettre le prix pour échapper à une longue attente et des noms disparaissent chaque année de la liste des demandeurs en toute impunité, ce qui démontre les carences en matière de traçabilité des organes greffés dans les territoires. Quels leviers pourraient être actionnés pour remédier à cette situation ? Comment décourager le tourisme de transplantation ? Êtes-vous favorable à ce que toute greffe effectuée à l'étranger sur un citoyen français soit inscrite dans le registre national des patients transplantés à l'étranger, géré par l'Agence de la biomédecine ?

Ma dernière question portera sur le projet de loi relatif à la bioéthique. Que l'on soit favorable ou non aux chimères, ces avancées scientifiques ouvrent d'immenses perspectives mais portent aussi des risques de terribles dérives, d'ailleurs pointées par le Conseil d'État. Si les chercheurs se disent conscients des risques et des lignes rouges à ne pas franchir, la loi ne précise pas explicitement ces dernières, s'agissant d'un domaine fluctuant. Ces règles devront être fixées par l'Agence de la biomédecine. Quelles orientations pourriez-vous d'ores et déjà nous communiquer à ce sujet, si important ?

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Jacques-Olivier Bay

Dans le domaine que je connais le mieux, la greffe de cellules souches hématopoïétiques, il y a effectivement eu une perte de chance l'année dernière, mais celle-ci est surtout due aux difficultés de transport. Un certain nombre de services ont réussi à maintenir une activité relativement importante et les chiffres de 2020 montrent que la baisse n'a pas été trop marquée. L'Agence de la biomédecine a énormément travaillé. Je dois reconnaître, en tant que président de la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, qu'elle a été extrêmement ouverte. Nous avons énormément travaillé pour établir des procédures en temps et en heure, même si elles devaient parfois être modifiées la semaine suivante. Grâce au maillage des centres de greffe, les informations ont assez bien circulé. L'Agence a relayé nombre d'entre elles en direction du monde associatif et de la société civile, notamment les proches de patients en attente de transplantation.

S'agissant de la greffe d'organes, les difficultés ont été multiples, notamment du fait de l'organisation des hôpitaux. Les services d'hématologie ont été touchés en interne, lorsque le personnel soignant était affecté ou en raison de l'afflux de malades atteints du covid, mais ils l'ont peu été dans leur fonctionnement. Ces services, qui étaient déjà assez isolés, ont été mis à l'écart de l'organisation de l'hôpital pour faire face au covid. En revanche, il est en allé tout autrement pour les blocs opératoires, les urgences et d'autres services.

Si l'activité de greffe d'organes et les personnes concernées ont été pénalisées, j'ignore combien de patients ont subi cette situation et combien en sont décédés. Les chiffres dans le domaine de la cancérologie sont mieux connus, grâce aux études régulières conduites par l'Institut national du cancer.

Quelles qu'en soient les causes, ce résultat est assez triste. L'objectif fixé dans le plan 2017-2021, 7 800 greffes, n'a pas été atteint : 4 000 à 5 000 greffes d'organes ont été effectuées alors que 26 000 à 27 000 patients sont en attente. Des améliorations sont toutefois à noter, grâce notamment au protocole Maastricht III, qui a permis d'accroître le nombre de patients transplantés. En revanche, les donneurs en mort cérébrale sont de moins en moins nombreux : c'est heureux, mais malheureux pour l'utilisation de leurs organes. Nous devons poursuivre nos efforts et mieux informer la société. Nous autres, médecins, sommes toujours déçus de constater les réticences de nos concitoyens concernant le don d'organes.

La piste d'un fichier ouvert, dans lequel seraient inscrites toutes les personnes favorables au don, mérite réflexion. Il faut espérer qu'il serait plus dense que celui des refus. Des améliorations pourraient être apportées dans ce domaine. L'Agence de la biomédecine a parfaitement conscience de son rôle extrêmement important d'information et de formation de nos concitoyens.

Du côté des donneurs vivants, il est également décevant de constater que le nombre de greffes de rein n'est pas à la hauteur du plan greffe. Nous aurons du travail à faire dans le cadre du plan 2021-2025 pour améliorer cette situation.

Il m'est plus difficile de répondre aux questions relatives au projet de loi de bioéthique, n'étant pas médecin de la reproduction – même si ces domaines m'intéressent vivement. Comme vous, je me félicite de l'ouverture apportée par le projet de loi. Les principes qui y sont défendus sont à l'honneur de notre pays. L'Agence de la biomédecine s'est beaucoup investie, au travers des questions qui lui ont été posées et des différents rapports qu'elle a publiés. D'autres agences lui en ont demandé, comme l'Institut national du cancer. Après cet important travail, il appartiendra à l'Agence d'appliquer les dispositions de la loi, puisque la gestion du registre des donneurs de gamètes lui incombera. En revanche, la détermination de la filiation, lorsqu'elle sera souhaitée, relèvera d'une commission. L'Agence de la biomédecine s'attachera parfaitement à respecter les règles posées par la loi. Elle devra notamment faire en sorte que tous les prélèvements soient assurés dans les meilleures conditions.

La question des chimères est complexe. Le conseil médico-scientifique de l'Agence devra à coup sûr s'impliquer dans les projets de recherche qui seront présentés, notamment dans sa mission de délivrance des autorisations. Il faudra y développer un volet dédié à l'utilisation des chimères.

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En marge de cette audition, je voudrais aborder le sujet de la vaccination. L'ARN messager nourrit des peurs : introduit par le vaccin dans l'organisme humain, il pourrait, selon ses détracteurs, modifier jusqu'à notre propre message génétique. Envisagez-vous de participer à une communication grand public pour casser ce discours ?

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Jacques-Olivier Bay

J'en ai parlé avec la directrice générale de l'Agence il y a quatre jours. Une telle campagne s'avère absolument nécessaire. Je partage votre effarement de constater que notre société dispose d'un vaccin, qu'elle ne souhaite malheureusement pas utiliser.

Dans le cadre de ses missions actuelles, l'Agence peut inciter les proches de personnes greffées et les donneurs potentiels à se faire vacciner. Elle peut aussi rappeler aux patients immunodéprimés l'intérêt de la triple vaccination. Mais une campagne de communication outrepasserait ses missions et serait une erreur.

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Merci, monsieur le professeur. Je ne doute pas que vous serez nommé et vous souhaite beaucoup de satisfaction dans prochaines fonctions.

La séance s'achève à dix-sept heures cinquante.

Réunion du mardi 20 juillet 2021 à 17 heures

Présents. - Mme Marine Brenier, M. Pierre Dharréville, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Martin, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin

Excusés. - Mme Justine Benin, Mme Josiane Corneloup, Mme Jeanine Dubié, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe