Je vous remercie de votre présentation. Cette audition constitue une obligation légale mais elle est surtout l'occasion d'un échange libre, intéressant et ouvert concernant l'Agence de la biomédecine, son fonctionnement, ses compétences et ses missions.
Nous venons de voter la nouvelle révision de la loi de bioéthique : d'importantes modifications ont été apportées en matière d'assistance médicale à la procréation, de transplantation d'organes et de recherche sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires – autant de thématiques portées par l'Agence de la biomédecine, dans le respect des dispositions légales. Nous sommes très nombreux à nous féliciter de ces avancées importantes et utiles, ainsi que du grand progrès opéré dans la lutte contre les discriminations. Le projet de loi doit encore être promulgué, puis les décrets seront publiés.
Comment comptez-vous agir, en votre qualité de président du conseil d'administration, pour appliquer les diverses dispositions nouvelles et positives de la loi ? S'agissant de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, quels moyens pourront être engagés pour assurer un accès large, sans discrimination et partout sur notre territoire ? S'agissant de l'accès des personnes nées d'un don aux données non identifiantes et, à leur majorité, à l'identité du donneur, comment comptez‑vous accompagner cette évolution ?
Par ailleurs, et j'ai à nouveau interpellé le ministre des solidarités et de la santé à ce propos la semaine dernière, comment pensez-vous pouvoir accompagner la mission d'information et de sensibilisation du grand public en matière de don de gamètes ? Une large campagne à l'attention du grand public semble indispensable mais malgré les moyens dédiés, rares sont les Françaises et les Français qui ont été touchés par une telle communication ; la pénurie de gamètes risque de s'aggraver.
Au cours de nos débats, nous avons identifié des difficultés sur le terrain et nous sommes plusieurs à avoir interpellé le Gouvernement sur le faible taux de succès des parcours d'assistance médicale à la procréation, comparé à ceux qui prévalent en Belgique ou en Espagne. Parmi les facteurs d'échec, on peut citer l'aneuploïdie – un nombre anormal de chromosomes chez l'embryon. En France, la loi de bioéthique interdit le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdie (DPI-A), même pour les femmes relativement âgées ou celles ayant déjà connu de nombreuses fausses couches, bien que l'ensemble des professionnels aient exhorté à la pratique de ce test. Comment envisagez-vous de traiter cette question ? Suggérez-vous qu'elle soit de nouveau examinée, afin que les femmes concernées ne soient plus incitées à aller à l'étranger pour ne plus vivre un nouvel échec ?
Comptez-vous veiller à une amélioration des pratiques en matière d'assistance médicale à la procréation ? Je pense notamment à l'appariement des gamètes avec le couple receveur. Bien qu'encadrée par des guides de bonnes pratiques ou des dispositions réglementaires, cette pratique se développe parfois de façon outrancière.
Je souhaite aussi vous interroger quant aux activités de prélèvement et de transplantation d'organes, alors que se prépare le futur plan greffe. La crise sanitaire est venue accentuer des difficultés déjà bien ancrées. Les personnes transplantées ou en attente de greffe ont payé un lourd tribut : certaines ont développé des formes graves de covid, trop souvent mortelles, du fait du déficit immunitaire causé par l'insuffisance rénale chez les dialysés ou des traitements immunosuppresseurs chez les greffés d'organes.
L'accès à la greffe a été rendu plus difficile, notamment lors du premier confinement, durant lequel les activités de transplantation ont été arrêtées pendant de nombreuses semaines. Depuis, l'activité a été partiellement réduite, en particulier pour le rein. Je salue l'implication remarquable de l'Agence de la biomédecine dans cette période difficile, dont les conséquences auraient probablement été plus dramatiques encore sans le dévouement des acteurs sur le terrain.
Ce ralentissement d'activité de transplantation serait moins grave si notre pays ne s'était pas déjà trouvé en situation de déficit très significatif dans les années qui ont précédé. Malgré les efforts importants des professionnels, dont il faut saluer l'engagement, les objectifs du plan greffe 2017-2021 n'ont pas été atteints. Ainsi, au lieu des 4 950 transplantations rénales annuelles visées, l'activité n'a été que de 3 567 en 2018 et de 3 643 en 2019. Et parmi celles‑ci, les transplantations rénales à partir d'un donneur vivant n'ont pas progressé, passant de 541 en 2018 à 510 en 2019, quand l'objectif fixé était de 1 000 par an. Les causes de cette carence sont multiples et connues : insuffisance des effectifs de soignants, déficit budgétaire, attribution des moyens à d'autres secteurs de l'hôpital, pénurie d'organes, faiblesse des ressources humaines et de leur formation pour les personnels des coordinations de prélèvement, gardes réduites dans les CHU ou inaccessibilité aux blocs opératoires. Comment envisagez-vous le prochain plan greffe ? Quelles sont les pistes de travail de l'Agence de la biomédecine pour redoubler d'efforts en matière de prélèvement et de transplantation ? L'Agence compte-t-elle engager des actions spécifiques dans les territoires, en lien avec les coordinations, sachant qu'il existe des disparités considérables d'une région à l'autre ?
Je n'ai guère le temps d'aborder les questions relatives aux transplantations de cellules souches hématopoïétiques, qui me passionnent tout autant que vous.
L'Agence de la biomédecine est une magnifique maison, dans laquelle j'ai siégé jusqu'en 2018. Je sais que vous vous épanouirez dans cette belle mission. Je suis confiant dans le fait que votre nomination sera confirmée. Vous pourrez compter sur nous, parlementaires, pour vous aider chaque fois que vous le jugerez utile. Le lien entre l'agence et le Parlement est essentiel. J'espère d'ailleurs qu'il se renforcera encore au cours des prochaines années, notamment pour assurer un suivi des dispositions votées dans la loi de bioéthique.