Je travaille pour ma part sur le site de Belfort, au sein de la division turbines à gaz rachetée en 1991 par GE et anciennement « Alsthom Turbine Gaz ».
Le rachat de la branche énergie d'Alstom sous contrôle du Gouvernement devait assurer le développement de la filière, en lien avec les enjeux de la transition énergétique. GE devait amener les financements qui manquaient cruellement au groupe Alstom, très endetté.
Mais il est bon de rappeler que, dès le rachat de la branche énergie d'Alstom, GE a commencé par mettre en oeuvre un plan de restructuration conduisant à la suppression de 6 000 emplois en Europe courant 2016, dont 700 emplois en France, avec la fermeture de la dernière entité « Chaudières ». À cela il faut ajouter un nombre très important de départs non remplacés dans l'activité de services, qui intervient pourtant en support à l'exploitation de nos centrales nucléaires, situation qu'aggrave encore le dernier projet du groupe qui envisage la création d'une société de « services » pour externaliser ses intervenants sur site et faire jouer la concurrence européenne dans ce domaine pourtant sensible.
Comme vous le savez, les dirigeants du conglomérat GE, par l'intermédiaire de leur P-DG John Flannery, ont annoncé, le 13 novembre, un vaste plan de restructuration qui, outre un volet d'économies de plus de deux milliards de dollars et une forte réduction de ses efforts de recherche, envisage la vente de 20 milliards de dollars d'actifs, y compris dans le domaine pourtant hyper rentable de la santé.
Le plan du P-DG est de recentrer le conglomérat sur trois activités : l'énergie (Power), la santé (Healthcare) et l'aviation. Le nombre total de salariés du groupe passerait de 300 000 à 200 000. Le groupe réduirait ainsi son empreinte industrielle de 30 % d'ici à 2020.
Au-delà de cette période nous savons aussi que la direction envisage de remettre en cause ses participations dans l'activité Oil and Gaz, qui concerne en France trois entreprises : Thermodyn au Creusot, Lufkin à Fougerolles et Dresser à Condé-sur-Noireau.
D'autres annonces concernant l'Europe et la France seront bientôt faites. Il ne nous appartient pas de nous substituer au groupe pour en communiquer le détail, mais des milliers d'emplois, des sites de production, des entités de R&D sont menacés. Cela ne concernera pas seulement les activités héritées d'Alstom mais plus généralement toute la branche « Power » représentée en France par GE EPF et Power Conversion. C'est bien l'ensemble de ce périmètre qui est visé.
GE est impliqué dans 30 % de la production d'électricité mondiale. Il est donc légitime de s'inquiéter de l'impact que ce plan de cession d'actifs pourrait avoir sur notre politique énergétique publique.
Nous rejetons ces pratiques. Les diverses représentations du personnel en Europe ont été tenues à l'écart de toute information sur les choix stratégiques du groupe. Elles ne seront réunies que pour avaliser un processus de casse de l'outil industriel
Pourtant, malgré l'agitation de ses actionnaires, GE continue d'être une entreprise rentable et solide économiquement. En 2015, année du rachat de la partie énergie d'Alstom, GE affichait un carnet de commandes de 315 milliards de dollars, ce qui représentait déjà un point haut historique. La même année, les ventes des segments industriels ont représenté 106 milliards de dollars, les profits opérationnels des activités industrielles s'établissaient à 18 milliards de dollars, et 33 milliards de cash ont été retournés aux investisseurs. Dans la dernière période, les niveaux de profits restent élevés, avec 3,5 milliards de dollars de bénéfices pour le troisième trimestre 2017. GE aura cette année redistribué 1 dollar par action, soit plus de 5 % pour une action cotée à 18 dollars.
Ce vaste plan, s'il était mis en oeuvre, aboutirait à redessiner les contours d'un groupe industriel intervenant dans des secteurs aussi déterminants pour notre économie que la santé, le transport ou l'énergie. C'est pour éviter que cela ne se produise que l'ensemble des syndicats européens, par l'intermédiaire de leur fédération IndustriAll, demandent une rencontre avec le PDG du groupe.
La CGT dénonce ici le fait qu'il a été impossible jusqu'à présent d'avoir un vrai débat sur la stratégie industrielle du groupe, alors même que les mesures envisagées affaibliraient un outil industriel pourtant indispensable pour mener à bien la transition énergétique.
L'existence d'éventuelles garanties protégeant les effectifs basés en France ne nous rassure aucunement. En effet, nous travaillons au sein d'activités transnationales, et l'affaiblissement des uns affaiblit l'ensemble. De plus, au-delà de 2018, terme de l'accord signé avec le Gouvernement et après une éventuelle dissolution des joint ventures du groupe, plus rien n'empêchera GE d'amplifier le mouvement de destruction des entités un temps épargnées en France.
Les activités de projets issues du groupe Alstom ne sont pas toutes compatibles avec la norme de rentabilité opérationnelle de 18 % imposée par le groupe. L'avenir de ses activités est menacé par cette exigence.
Nous nous interrogeons tout particulièrement sur une activité essentielle à la réussite de la transition énergétique, à savoir les énergies renouvelables, dont font partie GE « Hydro » et GE « Éoliennes ». Or la direction projette de restructurer lourdement le secteur de l'hydro. À Grenoble elle veut procéder à la suppression de 345 postes sur 800 et arrêter la fabrication, considérant que les 8 % de marge dégagés sont insuffisants. Ce site centenaire est donc clairement en danger, alors que ses expertises sont vitales pour la bonne réalisation des objectifs de la transition énergétique. Nous aurons l'occasion de développer nos propositions pour rejeter ce plan et dynamiser cette entité.
GE est une entreprise rentable, qui fait des bénéfices. Elle devrait mener une véritable politique d'investissement et arrêter la casse des collectifs de travail, du savoir-faire des femmes et des hommes, en maintenant leur compétitivité par la formation et l'embauche, en investissant dans la R&D et les moyens de production. Force est de constater cependant qu'elle tient plus du conglomérat financier dont l'objectif principal est d'atteindre un niveau de rentabilité hors norme pour ses actionnaires.
Dans ces conditions, la CGT considère que l'État doit renforcer son contrôle industriel sur les actifs liés à l'énergie, notamment dans les secteurs du nucléaire et de l'hydraulique. C'est la raison pour laquelle nous appelons l'État à se substituer à Alstom en tant qu'actionnaire de référence dans les joint ventures constituées au moment de la vente. Il pourrait ainsi peser plus fortement sur les choix stratégiques, en lien avec tous les autres acteurs de la filière. Une véritable stratégie énergétique nécessite coordination et méthode, qualités que l'on ne peut visiblement pas attendre aujourd'hui d'un groupe comme General Electric.