La direction en place aujourd'hui a une expérience très limitée en matière de turbines. Certains pensent que l'on peut concevoir une turbine sur la base d'une simple procédure et souhaitent standardiser les produits mais, comme l'a dit Jean-Bernard Harnay, on ne peut pas standardiser les montagnes et les rivières. Ils ont du mal à assimiler cela.
Ce qu'ils veulent délocaliser, c'est surtout l'ingénierie, le design, c'est-à-dire les études. Ils sont en pourparlers avec Tata Consulting, par exemple ; cela montre à quel modèle ils se réfèrent. La direction pense que l'on peut délocaliser les métiers vers l'Inde ou la Chine, qui n'ont pas les mêmes compétences que nous, mais avec ce transfert nous aurons, nous, perdu ces compétences. Chez Tata, ce sont de gros bureaux d'études, qui ne font même pas forcément la différence entre une pièce de voiture et une pièce de turbine.
La délocalisation concernera également la fabrication. Ils ont prévu de fermer l'atelier, dont tout le personnel est licencié. Ils ont d'ailleurs bien noté dans leur Livre II qu'ils entendaient ouvrir un hub au Kenya et un autre en Turquie. Les 345 postes supprimés sont des postes-clés, avec des compétences-clés. Les départs en retraite ne seront pas non plus remplacés.
Notre JV « Hydro » a une particularité. Il y a ce qu'on appelle le call et le push. Alstom a annoncé officiellement qu'elle réclamerait l'autre moitié de la somme de la JV en novembre mais pourrait aussi ne pas la demander et racheter « Hydro ». L'État peut encore intervenir et pousser dans ce sens. Ne venez pas nous dire que cela coûte trop cher car ce n'est pas vrai : la JV vaut moins de 700 millions.
Ce qui vaut pour Hydro vaut aussi pour les turbines Arabelle. Si demain a lieu une cession, nous avons peur que la stratégie énergétique de la France soit gérée par des acteurs étrangers. Nous avons qualifié Alstom d'actionnaire dormant car, depuis le rachat, nous ne les entendons, ne les voyons plus. Notre expert nous a dit que GE n'avait pas informé Alstom de la restructuration, ne lui a pas demandé son avis, alors qu'elle a un droit de véto. Le nom même a disparu : effacer le nom d'Alstom est d'ailleurs la première chose qui a été faite, alors pourtant que nous sommes dans une JV. Quand l'expert a souhaité rencontrer Alstom pour connaître son opinion concernant cette restructuration, on lui a rétorqué que c'était GE, et non Alstom, qui décidait.
S'agissant de l'État, nous avons rencontré Bercy à trois reprises. Nous avons été écoutés religieusement.