Intervention de Claire Pitollat

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaire Pitollat, rapporteure pour avis :

Pour la deuxième fois, la commission des affaires sociales se saisit pour avis des crédits consacrés à l'hébergement et au logement dans le PLF. La crise est venue rappeler, si nous les avions oubliés, la dimension vitale d'un abri ainsi que les enjeux sanitaires et sociaux de l'habitat. Elle a aussi conforté certaines politiques en cours de déploiement et mis en exergue des insuffisances à pallier.

Je souhaite avant tout mettre en lumière les efforts accomplis en matière de politique de l'hébergement et d'accès au logement. En effet, les crédits inscrits pour 2022 dans le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables connaissent une hausse de plus de 500 millions d'euros pour atteindre plus de 2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement.

Je tiens également à saluer l'engagement du ministère du logement et de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) de renforcer la programmation et la planification en matière d'hébergement et d'accès au logement, ce qui ne sera pas tâche facile. Jusqu'ici, les pouvoirs publics considéraient que les besoins d'hébergement étaient soumis à une fluctuation saisonnière, liée aux urgences sociales, climatiques ou migratoires difficiles à prévoir et sur laquelle ils n'avaient guère de prise. Pour la première fois, la DIHAL, responsable du programme 177, affiche la volonté de programmer davantage les capacités d'accueil. Cette petite révolution aura le mérite d'assurer plus de stabilité aux acteurs de l'hébergement et de limiter les demandes de crédits supplémentaires en cours d'exercice.

Des efforts importants ont été faits pour augmenter le nombre de places d'hébergement : nous comptons aujourd'hui 203 000 places, contre 160 000 en 2019. La relative normalisation de la situation sanitaire se traduit par une légère baisse du nombre de places, lequel devrait atteindre 190 000 à la fin de l'année 2022. Il est toutefois essentiel de rappeler, pour ne pas occulter les efforts déployés depuis le début de la crise, que la diminution à venir concerne des nuitées d'hôtel et non des places en structures d'hébergement plus stables. La transformation qualitative de l'hébergement doit être poursuivie. En effet, l'hébergement ne se résume pas à des chiffres ; il faut aussi offrir des conditions d'accueil et d'accompagnement dignes et permettre des évolutions positives pour les personnes.

Les crédits alloués au plan pour le logement d'abord et à la lutte contre le sans‑abrisme doivent permettre de créer des places supplémentaires en logement adapté, par exemple par des systèmes d'intermédiation locative ou en pensions de famille. J'ai eu l'occasion de visiter certaines de ces structures. Il importe de continuer à promouvoir l'ouverture de nouvelles pensions, car ce modèle garantit un accompagnement effectif et une insertion sociale généralement très bonne.

Enfin, pour conclure sur le volet hébergement, le travail sur les indicateurs doit être poursuivi car ces derniers permettent de rendre plus effectif le service public de la rue au logement. Pour adapter les capacités aux besoins, il est nécessaire de connaître l'évolution des durées moyennes de séjour et le nombre de places disponibles dans chacune des structures. Les travaux à venir sur les systèmes d'information dans le domaine de l'hébergement devraient y aider.

L'accès au logement implique aussi la solvabilité des personnes demandeuses. En ce qui concerne les aides au logement, inscrites dans le programme 109 Aide à l'accès au logement, l'année 2021 a été marquée par la réforme de l'aide personnalisée au logement (APL), destinée à accroître la réactivité du système. Cette réforme doit faire l'objet d'un suivi attentif afin d'en mesurer les bienfaits comme les limites et d'identifier les éventuels ajustements nécessaires. Il ne faut en effet pas perdre de vue l'objectif, qui est de verser une aide correspondant le plus possible aux besoins des bénéficiaires. J'ai été alertée sur certaines difficultés consécutives à l'actualisation trimestrielle du montant de l'APL. Celle-ci peut placer dans une situation précaire des personnes qui ne perçoivent pas des revenus stables, notamment des jeunes et des travailleurs dont les revenus fluctuent d'un mois à l'autre. Des adaptations pourraient être recherchées afin de soutenir ces personnes dans une période particulière de leur vie.

Je me suis également intéressée à la qualité de vie au sein de l'habitat. S'agissant de la lutte contre l'habitat indécent ou insalubre, abordée dans le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat, il est essentiel de continuer à combiner les approches incitative et coercitive pour mieux protéger les occupants.

Pour ce qui est des incitations, des aides aux propriétaires et aux occupants existent et elles sont de plus en plus répandues. Il convient désormais de renforcer la communication sur ces aides, afin qu'elles servent dans le plus grand nombre de logements possible à améliorer la qualité de vie des habitants. L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) s'est d'ailleurs vu confier de nouvelles missions : les aides en faveur de la rénovation énergétique ont ainsi été amplifiées, notamment dans le cadre de MaPrimeRénov', dispositif le plus récent et le plus important que nos concitoyens se sont bien approprié. L'ANAH pourrait apporter son expertise dans l'accompagnement et le conseil aux usagers en matière de rénovation, qui devrait être renforcé dans les prochaines années du fait de la création par la loi « climat et résilience » de la fonction d'accompagnateur rénov'.

Pour ce qui est de la coercition, une nouvelle police de l'habitat indigne est entrée en vigueur, conformément à l'ordonnance du 16 septembre 2020 et au décret du 24 décembre 2020. Elle promet une meilleure coordination des procédures contre les propriétaires indélicats et les marchands de sommeil.

La lutte contre l'habitat insalubre ne sera jamais aussi efficace que si elle est menée au plus près du terrain. Cette maille fine trouve à s'incarner dans le permis de louer que les collectivités volontaires peuvent instaurer. L'idéal pour repérer les logements indécents ou insalubres serait de pouvoir visiter les logements au cas par cas. C'est un travail de longue haleine, mais l'ajout d'un critère de décence dans le diagnostic de performance énergétique, prévu par la loi « climat et résilience », pourra certainement accélérer les choses.

Au-delà des situations les plus dramatiques, chaque personne en France a été confrontée à des problèmes liés à son logement lors des confinements. Ces derniers ont été l'occasion d'une prise de conscience de certaines nuisances ou insuffisances liées au cadre de vie. Ils ont aussi montré que l'habitat a un impact direct sur la santé et peut contribuer au développement de pathologies. Pour faire du logement un lieu de protection plutôt que de potentiel danger, la construction et la rénovation doivent prendre en considération des critères de qualité d'usage mais aussi sanitaires.

Nous sommes malheureusement confrontés aujourd'hui à un engorgement de la demande de logements. L'accès au parc immobilier a été rendu plus difficile par la crise, qui a empêché la mobilité pendant de longs mois et a modifié les attentes des Français à l'égard de leur logement. L'offre et la demande de logements se sont ainsi éloignées, et la construction a été ralentie ; la production de logements sociaux a également été moindre en 2020. Les objectifs sont revus à la hausse pour 2021 et 2022 – 250 000 logements en deux ans – afin de répondre aux besoins accumulés depuis deux ans.

La mobilisation de nouveaux logements, qui est l'une des clés pour ralentir l'augmentation du coût du logement, impose non seulement la construction mais aussi la rénovation de logements anciens ou la remise sur le marché de logements vacants. Les actions entreprises en ce sens méritent d'être encouragées. Toutes les solutions permettant de soulager le marché immobilier dans les zones tendues sont les bienvenues.

Enfin, je voudrais remercier l'ensemble des personnes auditionnées, qui ont su faire part de leur vision concrète des problématiques sanitaires et sociales liées à l'hébergement et au logement. Je suivrai avec attention l'évolution des différentes actions prévues pour l'hébergement et le logement, car le rôle vital de ceux-ci et l'importance de la dignité des conditions de vie ne peuvent pas être sous-estimés.

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