Intervention de Belkhir Belhaddad

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBelkhir Belhaddad, rapporteur pour avis :

Le compte d'affectation spéciale Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils, ouvriers d'État et militaires dont l'État a la charge. Fixés à 60,2 milliards d'euros en 2021, ils connaissent une légère hausse en 2022, pour atteindre 61 milliards. La mission Régimes sociaux et de retraite, quant à elle, regroupe de nombreux régimes spéciaux caractérisés par l'ancienneté de leur création et un fort déséquilibre démographique, dont le financement dépend du versement des crédits de l'État. On y trouve notamment les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines. Ces crédits sont en baisse, passant de 6,2 milliards en 2021 à 6,1 milliards en 2022.

Qui ne s'est pas posé les deux questions résumant à elles seules les inquiétudes de nombreux Français s'agissant de la retraite : à quel âge pourrai-je partir ? Quel sera le montant de ma pension ? Les débats sur la revalorisation des traitements servant de base au calcul des retraites des enseignants ou des personnels de santé sont significatifs de l'importance de cette deuxième question. De façon générale, il serait sans doute plus clair de parler en euros plutôt qu'en trimestres de cotisation ou en points de retraite.

J'ai choisi, cette année, de consacrer mon rapport thématique à l'âge de départ à la retraite, en abordant le sujet sous l'angle de l'équité. La question se pose pour les emplois publics de catégorie active comme pour les nombreux régimes spéciaux.

S'intéresser à l'âge, c'est d'abord observer la démographie des actifs et des retraités. Savoir qui cotise et qui perçoit une retraite est indispensable pour apprécier l'équilibre financier de notre système. Le constat est clair : nous vivons plus longtemps, et notre espérance de vie augmente plus vite que l'âge moyen de départ à la retraite. La durée de versement des retraites augmente donc mécaniquement. De plus, la génération du baby-boom arrive à l'âge de la retraite. D'important contingent de cotisants, elle devient contingent de retraités. En conséquence, les dépenses de retraite augmentent et la soutenabilité du système est menacée.

Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder se dégrader l'équilibre financier de notre système de retraite sans rien faire, en laissant les générations qui viendront après nous en subir les conséquences. L'équité intergénérationnelle commande que nous prenions dès maintenant les mesures nécessaires pour freiner ce phénomène. Or, on le sait, celles relatives à l'âge de départ sont efficaces pour rétablir l'équilibre. Une nouvelle réforme de l'âge de départ à la retraite s'impose donc comme une nécessité.

Cependant, l'équité doit être recherchée, non seulement entre les générations, mais aussi entre les situations. Comment accepter qu'une infirmière, selon qu'elle est fonctionnaire ou salariée de droit privé, ne parte pas à la retraite au même âge ? Il est temps de mettre un terme à des situations qui ne se justifient plus.

Les régimes spéciaux occupent une place centrale dans cette discussion, qui ne doit pas seulement balancer entre leur suppression pure et simple et leur maintien sans changement. Bien souvent, ces régimes spéciaux s'inscrivent dans un statut général visant à compenser des conditions de travail particulièrement difficiles. Le régime de retraite des mineurs en est un bon exemple. La suppression d'un régime spécial suppose le respect des droits acquis et des attentes légitimes des personnes. C'est l'objet de la clause dite « du grand‑père », qui prévoit le maintien dans le régime initial des personnes embauchées avant sa fermeture. Cette clause a été appliquée lors de la réforme de la SNCF. Reste que cette solution a un coût très élevé pour la collectivité.

Mettre fin aux régimes spéciaux fera disparaître les inégalités mais ne résoudra pas le problème des âges dérogatoires de départ à la retraite. Quelles conditions de travail devraient donner droit à un départ anticipé ? La réponse à cette question est complexe.

En dehors des professions régaliennes et des militaires dont la spécificité est unanimement reconnue, toute personne travaillant dans des conditions difficiles devrait pouvoir partir plus tôt à la retraite. Cela implique de définir des critères de pénibilité universels, et c'est là la difficulté. Pour les uns, il faut aller plus loin que les dispositions du contrat professionnel de prévention (C2P) ; pour les autres, les critères doivent être définis au sein de chaque branche, par la négociation collective – solution à approfondir, me semble-t-il.

La négociation collective emporte, en effet, avec elle la notion essentielle d'acceptabilité. Une réforme négociée entre les partenaires sociaux, comme celle de l'AGIRC-ARRCO, sera sans doute mieux acceptée. Une bonne réforme de l'âge de départ doit être compréhensible et efficace, c'est-à-dire entraîner une hausse régulière et continue de l'âge effectif de départ à la retraite. C'est en prenant en considération ces deux aspects qu'il faut choisir entre les divers mécanismes disponibles : hausse de l'âge d'ouverture des droits, de la durée de cotisation ou de l'âge de départ à taux plein. Les auditions que j'ai menées n'ont pas permis d'identifier une mesure faisant l'unanimité, mais les organisations syndicales et les économistes s'accordent toutefois pour rejeter le mécanisme de l'âge pivot, incompréhensible, donc peu acceptable et peu incitatif.

La situation professionnelle des préretraités doit faire partie des éléments de la réflexion. Les 60-64 ans sont particulièrement éloignés du marché de l'emploi et leur taux d'inactivité est très élevé. Quelle serait l'efficacité de l'allongement de la durée d'activité si ceux qu'il vise ne sont plus en activité ? Sans compter que les salariés exerçant des métiers difficiles ne pourront pas le faire jusqu'à l'âge de la retraite. Ils doivent avoir accès à des formations pour se reconvertir dans des métiers moins pénibles.

Il s'agit donc d'un problème complexe, et je salue le travail que Didier Martin et Stéphane Viry ont accompli dans le cadre de la mission d'information sur l'emploi des travailleurs expérimentés, présidée par Valérie Six et engagée à l'initiative de Mme la présidente.

Pour ce qui concerne les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d'affectation spéciale Pensions, ils maintiennent les droits acquis de plusieurs millions de nos concitoyens ; ils doivent donc être préservés. Je vous appelle, chers collègues, à émettre un avis favorable à leur adoption.

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