COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 27 octobre 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission examine les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d'affectation spéciale Pensions (M. Belkhir Belhaddad, rapporteur pour avis).
Le compte d'affectation spéciale Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils, ouvriers d'État et militaires dont l'État a la charge. Fixés à 60,2 milliards d'euros en 2021, ils connaissent une légère hausse en 2022, pour atteindre 61 milliards. La mission Régimes sociaux et de retraite, quant à elle, regroupe de nombreux régimes spéciaux caractérisés par l'ancienneté de leur création et un fort déséquilibre démographique, dont le financement dépend du versement des crédits de l'État. On y trouve notamment les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines. Ces crédits sont en baisse, passant de 6,2 milliards en 2021 à 6,1 milliards en 2022.
Qui ne s'est pas posé les deux questions résumant à elles seules les inquiétudes de nombreux Français s'agissant de la retraite : à quel âge pourrai-je partir ? Quel sera le montant de ma pension ? Les débats sur la revalorisation des traitements servant de base au calcul des retraites des enseignants ou des personnels de santé sont significatifs de l'importance de cette deuxième question. De façon générale, il serait sans doute plus clair de parler en euros plutôt qu'en trimestres de cotisation ou en points de retraite.
J'ai choisi, cette année, de consacrer mon rapport thématique à l'âge de départ à la retraite, en abordant le sujet sous l'angle de l'équité. La question se pose pour les emplois publics de catégorie active comme pour les nombreux régimes spéciaux.
S'intéresser à l'âge, c'est d'abord observer la démographie des actifs et des retraités. Savoir qui cotise et qui perçoit une retraite est indispensable pour apprécier l'équilibre financier de notre système. Le constat est clair : nous vivons plus longtemps, et notre espérance de vie augmente plus vite que l'âge moyen de départ à la retraite. La durée de versement des retraites augmente donc mécaniquement. De plus, la génération du baby-boom arrive à l'âge de la retraite. D'important contingent de cotisants, elle devient contingent de retraités. En conséquence, les dépenses de retraite augmentent et la soutenabilité du système est menacée.
Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder se dégrader l'équilibre financier de notre système de retraite sans rien faire, en laissant les générations qui viendront après nous en subir les conséquences. L'équité intergénérationnelle commande que nous prenions dès maintenant les mesures nécessaires pour freiner ce phénomène. Or, on le sait, celles relatives à l'âge de départ sont efficaces pour rétablir l'équilibre. Une nouvelle réforme de l'âge de départ à la retraite s'impose donc comme une nécessité.
Cependant, l'équité doit être recherchée, non seulement entre les générations, mais aussi entre les situations. Comment accepter qu'une infirmière, selon qu'elle est fonctionnaire ou salariée de droit privé, ne parte pas à la retraite au même âge ? Il est temps de mettre un terme à des situations qui ne se justifient plus.
Les régimes spéciaux occupent une place centrale dans cette discussion, qui ne doit pas seulement balancer entre leur suppression pure et simple et leur maintien sans changement. Bien souvent, ces régimes spéciaux s'inscrivent dans un statut général visant à compenser des conditions de travail particulièrement difficiles. Le régime de retraite des mineurs en est un bon exemple. La suppression d'un régime spécial suppose le respect des droits acquis et des attentes légitimes des personnes. C'est l'objet de la clause dite « du grand‑père », qui prévoit le maintien dans le régime initial des personnes embauchées avant sa fermeture. Cette clause a été appliquée lors de la réforme de la SNCF. Reste que cette solution a un coût très élevé pour la collectivité.
Mettre fin aux régimes spéciaux fera disparaître les inégalités mais ne résoudra pas le problème des âges dérogatoires de départ à la retraite. Quelles conditions de travail devraient donner droit à un départ anticipé ? La réponse à cette question est complexe.
En dehors des professions régaliennes et des militaires dont la spécificité est unanimement reconnue, toute personne travaillant dans des conditions difficiles devrait pouvoir partir plus tôt à la retraite. Cela implique de définir des critères de pénibilité universels, et c'est là la difficulté. Pour les uns, il faut aller plus loin que les dispositions du contrat professionnel de prévention (C2P) ; pour les autres, les critères doivent être définis au sein de chaque branche, par la négociation collective – solution à approfondir, me semble-t-il.
La négociation collective emporte, en effet, avec elle la notion essentielle d'acceptabilité. Une réforme négociée entre les partenaires sociaux, comme celle de l'AGIRC-ARRCO, sera sans doute mieux acceptée. Une bonne réforme de l'âge de départ doit être compréhensible et efficace, c'est-à-dire entraîner une hausse régulière et continue de l'âge effectif de départ à la retraite. C'est en prenant en considération ces deux aspects qu'il faut choisir entre les divers mécanismes disponibles : hausse de l'âge d'ouverture des droits, de la durée de cotisation ou de l'âge de départ à taux plein. Les auditions que j'ai menées n'ont pas permis d'identifier une mesure faisant l'unanimité, mais les organisations syndicales et les économistes s'accordent toutefois pour rejeter le mécanisme de l'âge pivot, incompréhensible, donc peu acceptable et peu incitatif.
La situation professionnelle des préretraités doit faire partie des éléments de la réflexion. Les 60-64 ans sont particulièrement éloignés du marché de l'emploi et leur taux d'inactivité est très élevé. Quelle serait l'efficacité de l'allongement de la durée d'activité si ceux qu'il vise ne sont plus en activité ? Sans compter que les salariés exerçant des métiers difficiles ne pourront pas le faire jusqu'à l'âge de la retraite. Ils doivent avoir accès à des formations pour se reconvertir dans des métiers moins pénibles.
Il s'agit donc d'un problème complexe, et je salue le travail que Didier Martin et Stéphane Viry ont accompli dans le cadre de la mission d'information sur l'emploi des travailleurs expérimentés, présidée par Valérie Six et engagée à l'initiative de Mme la présidente.
Pour ce qui concerne les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d'affectation spéciale Pensions, ils maintiennent les droits acquis de plusieurs millions de nos concitoyens ; ils doivent donc être préservés. Je vous appelle, chers collègues, à émettre un avis favorable à leur adoption.
S'agissant des divers régimes spéciaux, l'équité impose à la fois leur mise en extinction progressive, à mesure de la transformation des métiers, et la préservation des droits acquis, notamment en raison de la pénibilité, par la mise en œuvre d'une solidarité nationale et interrégimes à leur égard. Chaque année, les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite permettent de compenser le déséquilibre démographique inhérent à ces régimes, dont le nombre de pensionnés diminue régulièrement. Il faut rassurer les personnes concernées : les pensions et les droits acquis sont préservés. À l'occasion de la mission « flash » que j'ai effectuée avec Thibault Bazin sur le régime de sécurité sociale des mines, j'ai pu mesurer l'importance pour les assurés de pouvoir continuer à faire valoir leurs droits au titre de ce régime en extinction, notamment en matière de prestations de santé.
Deux points du rapport pour avis de M. Belhaddad ont particulièrement retenu mon attention.
S'agissant du régime spécial de retraite de la SNCF, qui relève du programme 198, de nombreux citoyens nous ont fait part de leurs inquiétudes au sujet du versement d'une contribution de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de l'AGIRC-ARCCO au financement du régime de retraite de la SNCF, à hauteur des pertes induites par sa fermeture. La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a mis fin au recrutement sous statut à la SNCF, dont les nouveaux personnels sont désormais affiliés au régime général. À quoi correspond donc le versement de cette contribution ?
Ce budget reflète la volonté du Gouvernement de préserver le système de retraite par répartition, tout en mettant fin, à terme, aux régimes spéciaux au profit d'un système universel plus juste, plus équitable et plus lisible, que nous avions d'ailleurs commencé à étudier avant la crise sanitaire. Qu'adviendra-t-il de cette ambition ?
J'ai particulièrement apprécié la partie thématique, consacrée à l'âge de départ à la retraite. À l'heure actuelle, les retraites représentent plus de 14 % des dépenses publiques – cette proportion serait de 20 % si des réformes n'avaient pas été accomplies. L'âge de départ à la retraite évolue d'ores et déjà – il sera de 64 ans à la fin des années 2030 –, mais pas assez vite pour compenser l'augmentation de l'espérance de vie. Dans le contexte d'incertitude économique que nous connaissons, j'approuve l'avis selon lequel la préservation du principe d'équité intergénérationnelle nécessitera de le repousser. Il faudra travailler plus longtemps parce que l'on vit plus longtemps. Quelle est la meilleure façon d'y parvenir ?
L'inégale prise en considération de la pénibilité selon les régimes rend le sujet très complexe. Avez-vous pu déceler, faute de consensus, une ébauche de position commune ? Existe-t-il, chez nos voisins européens, des dispositions dont nous pourrions nous inspirer ? Pouvez-vous revenir sur le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue en mettant en regard la pénibilité et l'espérance de vie en bonne santé ?
À quel âge et avec quelles ressources ? S'il y a une préoccupation qui touche le cœur même de la vie des Français, c'est bien celle des retraites. Avant d'être un sujet technique, les retraites sont d'abord un sujet humain. Négliger cette dimension, c'est passer à côté des enjeux de cette mère de toutes les réformes.
La retraite est le reflet de notre vie, de nos choix, de notre parcours, de notre vie familiale ! Toute réforme des retraites doit intégrer d'emblée une dimension humaine et permettre à chaque Français de bénéficier des fruits d'une vie de travail. La retraite se prépare tout au long de la vie active. Il faut donc dire la vérité aux Français et fixer les règles dès maintenant et très clairement, pour que chacun, quel que soit son âge, sache ce qui l'attend.
Toute réforme doit répondre à une triple exigence : la clarté, la justice et l'esprit de responsabilité. Vous n'avez pas mené cette réforme, laissant les Français dans l'attente, et les comptes publics se sont détériorés. En créant de l'incertitude et de la confusion, votre attitude anxiogène a nourri la défiance, et, depuis une semaine, des blocages néfastes à l'économie du pays.
À l'heure où les courbes démographiques s'inversent dangereusement, une nouvelle réforme est indispensable. À défaut, le système deviendra très déficitaire. Monsieur le rapporteur pour avis, je salue l'ouverture d'esprit dont vous faites preuve sur l'indispensable recul de l'âge de départ à la retraite et sur la nécessité de mettre l'accent sur l'emploi des seniors, pierre angulaire de la réforme.
La mission budgétaire et le compte d'affectation spéciale que nous examinons ont pour objet de définir les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de certains régimes spéciaux qui coûtent très cher – plusieurs milliards d'euros par an – aux contribuables, et qu'il faut faire évoluer pour les intégrer au droit commun. Citons notamment les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP, des industries électriques et gazières (IEG), des marins, de l'Opéra de Paris, de la Comédie-Française et de la Banque de France. Votre rapport n'aborde pas la question de leur évolution, qui est pourtant un enjeu majeur d'équité et de justice sociale.
S'agissant de la pénibilité, il est indispensable d'en prendre mieux en considération les nouveaux types. La médecine du travail doit davantage et mieux évaluer l'usure physique objective due à l'environnement professionnel. L'enjeu est de permettre à toute personne qui n'est plus en mesure de travailler de partir plus tôt à la retraite ou d'obtenir un poste adapté, par exemple de formateur, au sein de son entreprise. Tous les actifs ne sont pas égaux devant la souffrance ; chaque corps a ses fragilités, qui peuvent engendrer de réels problèmes physiques, même dans le cadre d'une activité professionnelle a priori exempte de facteurs de pénibilité. La justice sociale commande de permettre à chacun de partir plus tôt à la retraite en raison, non pas de son statut ou de sa profession, mais de son état physique objectif.
L'examen de la mission Régimes sociaux et de retraite revêt une dimension particulière dans le contexte sanitaire et économique que nous connaissons depuis bientôt deux ans. Les deux chocs combinés que nous avons subis ont provoqué l'arrêt brutal du processus de réforme de notre système de retraites au début du printemps 2020.
Les crédits que nous examinons aujourd'hui sont symptomatiques d'un système complexe et peu lisible. Ceux du compte d'affectation spéciale Pensions atteindront 61 milliards d'euros en 2022, et ceux de la mission Régimes sociaux et de retraite s'élèveront à plus de 6 milliards. Le rapporteur pour avis l'a indiqué, ces dépenses doivent être validées pour garantir le montant des pensions de nombreux retraités. Notre groupe émettra donc, en responsabilité, un avis favorable à l'adoption des crédits. Il n'en restera pas moins nécessaire de s'interroger sur les régimes spéciaux, dérogatoires, qui pèsent en milliards d'euros sur nos comptes publics.
Plus que jamais, cette mission témoigne de la nécessité de tendre au plus vite vers un régime de retraite universel, pour mettre fin à l'illisibilité de l'ensemble et aux inégalités interrégimes qui se sont creusées au fil des ans. Elle est l'occasion de mettre en perspective la réforme d'ampleur que nécessite l'harmonisation des divers régimes de retraite existants, en particulier ceux financés par les programmes que nous examinons – SNCF, RATP, etc.
Notre groupe est convaincu qu'il est indispensable de parvenir à un système en phase avec les réalités économiques de notre pays. Accompagner la transition des régimes spéciaux, tout en protégeant leurs bénéficiaires et les fonds constitués, tel est l'enjeu. La question est autant d'équité que de soutenabilité financière à moyen terme.
Cette soutenabilité est un des éléments d'analyse de la question de l'âge de départ à la retraite, que le rapporteur pour avis a choisi comme partie thématique de son rapport. Nous partageons son point de vue : la transition démographique sera un immense défi à relever.
Le recul de l'âge de départ à la retraite est, dans notre pays, un marronnier qui exacerbe les passions et les mobilisations. Il est certes très impopulaire, mais l'accroissement exponentiel de la population âgée, dont il y a lieu de se réjouir par ailleurs, rend son envisagement inévitable. De fait, il emporte à la fois l'équilibre des régimes de retraite et l'unification des règles de départ anticipé. À l'orée de la campagne présidentielle, la lecture de cette seconde partie de votre rapport pourrait inciter ceux des candidats déclarés qui prévoient de ramener l'âge de départ à 60 ans à revoir sérieusement cette proposition.
Si notre économie semble absorber le choc grâce à des investissements publics massifs, il n'en sera pas de même de la solidarité nationale, pourtant robuste. La crise va accentuer le déséquilibre des régimes et le creusement des déficits. Le financement des régimes spéciaux et des pensions du secteur public constitue près de 13 % des dépenses totales de l'État. Il faut en convenir, le statu quo n'est plus une option. À l'évidence, la réforme des retraites doit être remise au cœur du débat public. Elle est essentielle pour l'avenir de notre pays et de nos enfants, pour sauver notre modèle social.
Sur la forme, mieux vaudrait sans doute s'attaquer aux aspects paramétriques urgents avant de reprendre la construction d'un régime de retraite universel, auquel les députés démocrates continuent de croire dur comme fer. Une chose est sûre : les délais dont nous disposons pour maintenir le navire à flot sont extrêmement contraints. L'espace de débat offert par l'élection présidentielle devra être l'occasion d'évoquer cette question en profondeur.
Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés votera les crédits de cette mission et de ce compte d'affectation spéciale, tout en rappelant l'impérieuse nécessité de s'atteler le plus tôt possible à une réforme profonde et définitive de notre système de retraite.
Comme chaque année, l'État intervient pour équilibrer les comptes des régimes spéciaux, qui sont structurellement déficitaires sur le plan démographique, puisqu'il y a plus de pensionnés que de cotisants. La subvention de 6 milliards d'euros qu'il verse à ces régimes pour 2022 vient donc rétablir l'équilibre de leurs comptes, tout en permettant d'assurer le versement des pensions à leurs assurés.
La mise au ban de ces régimes ayant été contrariée par la réforme avortée des retraites, le Gouvernement envisage toujours de les supprimer, au prétexte qu'ils constitueraient des avantages indus et un coût pour les finances publiques. Or chacun des régimes spéciaux a son histoire et sa raison d'être. Fruits d'une construction sociale et de luttes syndicales, ils sont le plus souvent la contrepartie de carrières pénibles. Les droits qu'ils octroient, notamment le départ anticipé à la retraite, viennent souvent compenser la pénibilité des métiers. Ils contribuent, par ailleurs, à l'équilibre global et à la logique d'un certain nombre de statuts et de missions.
Leur suppression ne garantirait pas des économies à court terme – ou alors des économies de bouts de chandelles. J'ai l'impression que le Gouvernement et la majorité ont un peu le « seum » que leur réforme des retraites n'ait pas abouti, alors même qu'il leur a fallu mobiliser l'article 49‑3. Vous continuez d'agiter des fantasmes, de trouver problématiques des droits attachés aux particularités de certains métiers et missions. En réalité, le véritable objectif de la réforme que vous aviez mise sur la table était de repousser l'âge de départ à la retraite : vos différentes interventions sonnent comme des aveux. L'âge de départ, c'est un peu la ligne d'horizon qui s'éloigne à mesure que l'on s'en approche. C'est la fable que vous ne cessez de nous raconter : vous nous faites rêver, ne changez rien !
Ces régimes ont déjà été réformés à plusieurs reprises pour être alignés sur celui de la fonction publique, lui-même progressivement aligné sur le régime général. En agitant le chiffon rouge, comme il le fait depuis cinq ans, le Gouvernement cherche surtout à stigmatiser les régimes spéciaux et à justifier un abaissement généralisé du droit à la retraite, appliqué à toutes et à tous. Au lieu d'un nivellement par le bas, nous avons besoin d'un socle de droits sociaux relevé : âge de départ à 60 ans, taux plein garanti au bout de quarante annuités, indexation des pensions sur les salaires, départ à 55 ans pour les métiers pénibles. Les régimes spéciaux devraient plutôt être une source d'inspiration pour l'instauration d'un système de retraite plus juste, plus solidaire, et qui reconnaisse la pénibilité du travail.
Les crédits dédiés au financement des régimes spéciaux, comme l'enveloppe dédiée au financement des pensions des fonctionnaires, ne réservent aucune surprise cette année. Dans la continuité des budgets précédents, le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 prend acte de la réduction progressive du périmètre des régimes spéciaux, en réduisant de 1,5 % la subvention d'équilibre. Il prévoit une hausse modérée – de 1,2 % – des pensions servies aux fonctionnaires, qui permet à peine de couvrir l'inflation prévue en 2022, de l'ordre de 1,5 %.
Nous voterons contre les crédits de cette mission, qui traduisent votre obsession de la maîtrise des dépenses publiques aux dépens des droits des retraités, qu'ils relèvent de la fonction publique ou d'un régime spécial de retraite.
Vous devriez tirer les leçons de la profonde opposition qu'a suscitée votre projet de réforme. Ce n'est pas parce qu'une proposition figure dans un programme présidentiel qu'elle est acceptée.
Solidarité et responsabilité, tels doivent être nos deux mots d'ordre dans la gestion des régimes sociaux et de retraite. Tels sont les deux pendants que le PLF 2022 dédie à ces sujets.
La solidarité, la majorité présidentielle la met en œuvre en finançant pour plus de 6 milliards d'euros la mission Régimes sociaux et de retraite. Ces crédits permettent de garantir l'équilibre financier de certains régimes historiques, pour la plupart antérieurs à la création de la sécurité sociale, notamment au bénéfice des anciens marins, mineurs, conducteurs routiers et de ceux qui ont travaillé dans les régies ferroviaires d'outre-mer.
Notre effort budgétaire pour protéger ceux qui se battent pour la souveraineté, le rayonnement, la prospérité et la cohésion de la France ne s'arrête pas là. Le compte d'affectation spéciale Pensions est largement abondé par le budget général, afin d'assurer le droit à la retraite des fonctionnaires civils, des militaires et des ouvriers des établissements industriels de l'État. Plus encore, il est de notre responsabilité de garantir la prise en charge des militaires blessés et des victimes de guerre : c'est ce que nous faisons à travers le compte d'affectation spéciale.
Hormis les lignes budgétaires que nous examinons aujourd'hui, le PLF 2022 assure une retraite stable à de nombreux corps de métiers qui constituent les forces vives de ce pays : je pense aux exploitants agricoles, aux employés de l'industrie électrique, aux avocats, ou encore à ceux qui font chaque jour vivre le génie français, à l'Opéra de Paris et à la Comédie‑Française.
La seconde jambe de notre politique, en matière de gestion des régimes sociaux et de retraite, c'est la responsabilité budgétaire. Sans responsabilité, nos comptes publics ne seront pas viables, et sans viabilité, la solidarité nationale ne pourra plus fonctionner. En conséquence, dans la continuité de l'action menée depuis 2017, il faut innover partout, pour tendre vers l'équilibre budgétaire de chacun des régimes.
L'un des leviers d'action est le régime de retraite du personnel du cadre permanent de la SNCF. Grâce à la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018, les personnels recrutés par la SNCF et ses filiales à partir de 2020 sont désormais affiliés au régime général. Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous déjà des chiffres permettant de faire un premier bilan de cette réforme, sachant qu'avant toute chose, c'est à l'État et à ses opérateurs de se réformer pour rationaliser leurs dépenses ? Par ailleurs, certains régimes spéciaux accusent un déclin démographique qui justifie une baisse de 6 % des subventions que l'État leur verse : sont concernés les régimes de protection des mineurs, des exploitants industriels de tabac et d'allumettes, des régies ferroviaires d'outre-mer, et les versements liés à la liquidation de l'Office de radiodiffusion-télévision française.
Une extraordinaire complexité continue de caractériser notre système de retraite, avec le maintien de régimes spéciaux dont la création était antérieure à celle du régime général, en 1945. Il en résulte des disparités substantielles entre nos concitoyens, qui s'interrogent sur la pertinence d'un tel foisonnement de régimes.
La réforme des retraites engagée au début de l'année 2020 prenait ces problèmes à bras-le-corps. Elle aurait permis d'introduire de la clarté et de l'unité, pour un système de retraite plus juste et plus soutenable. Ce chantier primordial, interrompu par la crise sanitaire, ne doit pas être abandonné. Aucun de nos concitoyens rattachés à un régime spécial ne devrait voir sa pension baisser. Mieux, grâce à l'effort de modernisation de l'action publique, la qualité de service et les relations entre les caisses et leurs affiliés continueront de s'améliorer.
La gestion des régimes sociaux nécessite de trouver une ligne de crête entre solidarité et responsabilité. En conséquence, le groupe Agir ensemble votera en faveur de l'adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d'affectation spéciale Pensions, de même que pour l'ensemble du PLF 2022.
Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite diminuent de 1,55 % par rapport à l'exercice 2021. Cette baisse n'a rien de surprenant ; elle résulte de la fermeture d'un certain nombre de régimes dont le nombre de pensionnés est en diminution. L'État accompagne ces régimes fermés ; il doit s'assurer de la continuité de leur bonne gestion, et ce au meilleur coût pour la collectivité nationale, qui les finance majoritairement.
Les Français sont préoccupés par l'âge auquel ils pourront prendre leur retraite et par le montant de leur pension. La question de l'âge rejoint celle de la soutenabilité financière, dans un contexte de transition démographique de grande ampleur. Dans son rapport annuel remis en juin 2021, le Conseil d'orientation des retraites (COR) indique que le ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités va passer de 1,7 en 2019 à 1,3 en 2070, en raison de l'augmentation de l'espérance de vie. La fragilité de notre système de retraite est mise en exergue et son équilibre dépend bien des gains de productivité. Si l'on vit plus longtemps, il faut en effet travailler plus, d'autant que la durée moyenne de versement des retraites est particulièrement élevée en France.
La question de l'âge est toutefois indissociable de celle de la pénibilité. Or la meilleure manière de prendre en compte la pénibilité reste la prévention. À cet égard, je me réjouis que nous ayons adopté la loi visant à renforcer la prévention en matière de santé au travail. J'en profite pour évoquer le parcours longévité de l'Institut Pasteur de Lille : il correspond à l'une des trente-quatre propositions du rapport sur l'emploi des travailleurs expérimentés, que j'ai rédigé avec mes collègues Didier Martin et Stéphane Viry.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous soulignez la nécessité d'améliorer la situation des 60-64 ans sur le marché de l'emploi. Je viens d'être nommée rapporteure de la proposition de loi visant à améliorer l'emploi des seniors, dans laquelle je proposerai des mesures pour remédier à ce problème. En 2018, seuls 63 % des nouveaux retraités et 52 % des nouvelles retraitées avaient une activité professionnelle au moment de leur départ à la retraite. La fin de carrière devient donc un enjeu pour notre société. Nous devons favoriser la formation et les possibilités de reconversion professionnelle. Chaque salarié est différent, chaque futur retraité est différent : c'est pourquoi nous devons imaginer une large gamme de mesures.
En matière de retraite, aborder le débat par l'angle de l'âge de départ ne me semble pas des plus pertinent.
On a tendance à l'oublier, même si l'âge légal du départ à la retraite est à 62 ans aujourd'hui, lorsque l'on n'a pas tous ses trimestres, il faut travailler jusqu'à 67 ans pour percevoir une pension à taux plein. L'enjeu principal pour notre système de retraite est davantage la solidarité intergénérationnelle et nationale, à travers la prise en compte de la pénibilité et des ruptures de carrière, notamment pour les femmes.
L'âge du départ à la retraite serait conditionné par la situation financière des régimes de retraite. Pourtant, les analyses du COR ne sont pas alarmistes. Elles prévoient une légère hausse des dépenses liées aux retraites jusqu'en 2027, puis une baisse entre 2030 et 2060, pour atteindre finalement, à l'horizon 2070, un ratio inférieur à celui de l'année 2019 – entre 11,3 et 13 % du PIB. Malgré ces perspectives, M. le rapporteur estime que le ratio démographique va se dégrader et que la situation financière à venir des régimes de retraite justifie la poursuite des mesures destinées à atténuer les effets de la transition démographique.
Du fait des réformes précédentes, l'âge constaté de départ à la retraite est en constant recul. Selon le COR, il passera de 62,2 ans en 2019 à près de 64 ans à partir de la fin des années 2030. Les marges de manœuvre liées à l'âge semblent donc relativement réduites. De plus, la question de l'âge a perdu de sa pertinence dans le système à points que vous aviez imaginé, et qui a été enterré par l'épidémie de covid-19.
Il me semble qu'il y a des questions plus pertinentes à se poser que celle de l'âge. Faut-il continuer avec le système d'une retraite principale et une ou plusieurs retraites complémentaires, ou passer à une seule retraite ? Comment tenir compte des modes d'exercice de l'activité professionnelle, qui est bien moins linéaire que par le passé ? Comment prendre en compte la pénibilité, sous toutes ses formes ? Le Gouvernement a-t-il abandonné son projet de réforme systémique, autour d'une retraite par points ?
Il est logique que les régimes spéciaux soient en déséquilibre puisqu'ils sont fermés et ne comptent que des retraités – le dernier à avoir été fermé est celui de la SNCF, le 1er janvier 2020. Il est normal que la solidarité nationale joue. Notre groupe est globalement favorable à l'extinction de ces régimes spéciaux, mais il faut que ce virage ne remette pas en cause les droits acquis – la fameuse clause du grand-père – et que l'avenir des réserves des retraites complémentaires soit traité de manière juste.
Enfin, le déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales et des agents de la fonction publique hospitalière (CNRACL) ne cesse de se creuser : de 571,8 millions d'euros en 2018, il est passé à 722,3 millions en 2019 et a atteint 1,5 milliard en 2020. Les revalorisations salariales décidées dans le cadre du Ségur de la santé vont entraîner une augmentation de 2,5 % du montant des cotisations. Cela suffira-t-il à rétablir l'équilibre ?
J'aimerais rappeler quelques principes, puisque notre dernier débat sur les retraites, qui était riche et utile, est resté inachevé, le Gouvernement ayant décidé d'y mettre fin avec l'article 49-3.
Si l'on en croit le rapport du COR, notre régime de retraite ne court pas de danger dans l'immédiat. Or, de tous les scénarios envisagés par le COR, le Gouvernement a pris le pire pour construire et justifier son projet.
Pour la première fois depuis bien longtemps, grâce aux réformes successives, parfois dures mais nécessaires, nous aurions pu envisager une réforme dégagée des contingences financières. Nous n'avons eu ni la réforme systémique que vous aviez proposée, ni aucune réforme paramétrique. Tout ce que nous avons, c'est la menace d'une réforme saignante et austéritaire, qui nous a été promise par le ministre délégué chargé des comptes publics, et qui coûtera cher à ceux pour qui la vie est déjà difficile.
La question qu'il faudrait se poser, mais qui reste taboue, c'est celle de la part du PIB que nous comptons consacrer aux retraites et du niveau de vie relatif des inactifs par rapport à celui des actifs – on sait déjà qu'à l'horizon 2040, il sera de 75 %.
Une autre question essentielle est celle de la prévention et de la réparation de la pénibilité. À cet égard, vous avez d'ores et déjà pris une mesure paramétrique en supprimant le compte personnel de prévention de la pénibilité, ainsi que certains critères, alors qu'il y a toujours des carrières pénibles qui abîment les corps. L'espérance de vie d'un cadre est supérieure de six ans à celle d'un ouvrier et de treize ans à celle d'un égoutier. Au lieu d'essayer de changer cette situation, vous l'avez encore aggravée.
Cette affaire de l'âge est donc une incongruité, d'abord parce que les réformes successives font que l'on cotise déjà plus longtemps, et parce que vous n'avez pas pris en compte la pénibilité.
La meilleure des carrières est garante de la meilleure des retraites : c'est sur ce sujet qu'il aurait fallu travailler.
D'abord, l'essentiel des inégalités dans la retraite résulte d'inégalités dans la carrière. De ce point de vue, les femmes sont les premières victimes. Au rythme auquel nous allons, l'égalité salariale entre les femmes et les hommes sera acquise en 2126. Ce n'est pas ce que nous souhaitons à nos filles.
Ensuite, il faut que le travail paye. Les salaires, qui sont contributifs, doivent permettre aux plus modestes de vivre dignement, dans la vie active comme à la retraite. Or vous avez augmenté la CSG des retraités plutôt que les salaires ; vous avez pris dans les portefeuilles des grands-mères plutôt que dans celui des entreprises.
Un débat se fait jour, après la grande crise que nous avons connue : si le partage de la masse salariale depuis 2008 avait été équitable, 30 % des plus bas salaires auraient bénéficié d'une augmentation de 10 %. Quant à votre réforme de l'assurance chômage, elle fera 40 % de perdants dans la vie active puis à la retraite.
Enfin, concernant le niveau des pensions, vous aviez promis de fixer le minimum à 1 000 euros et à 85 % du SMIC. Avec les règles d'indexation, 1 000 euros auraient rapidement fait moins de 85 %. La réalité, c'est qu'en ne faisant rien, vous parviendrez au même résultat.
Nous serons vigilants quant à vos intentions dans les semaines à venir. Augurons que d'autres offres politiques permettront d'assurer une réforme dans la justice.
Tous les arguments développés, à gauche comme à droite, confirment la nécessité de travailler à un système universel de retraite pour garantir des pensions dignes à nos concitoyens. La loi que nous avions votée en première lecture s'attachait à régler un certain nombre d'inégalités, comme les carrières hachées des femmes ou le minimum contributif.
S'agissant de la cessation progressive d'activité, qu'en est-il des personnes en situation de handicap, pour lesquelles nous avions voté un dispositif particulier ? Comment accompagner ces personnes lorsqu'elles arrivent en fin de carrière et souhaitent aller vers une cessation progressive ?
Selon moi, l'extinction des régimes spéciaux nécessite non seulement de la gestion financière, mais aussi un suivi humain. La clause du grand-père est une chose, assurer son application avec un accompagnement de qualité en est une autre.
Je souhaite relayer ici le parcours du combattant d'anciens salariés des mines, qui subissent des délais extrêmement longs dans la mise à jour de leur situation. Un guichet unique serait nécessaire pour les anciens mineurs, car leurs différents interlocuteurs méconnaissent leur régime. Leur faible nombre ne peut justifier qu'on les laisse dans l'errance. Nous devons redoubler de vigilance en nous préoccupant de ces personnes oubliées et en tirant des enseignements de ces difficultés.
Il faut oublier le débat sur l'âge légal de départ à la retraite. Les réformes paramétriques et sociales d'Éric Woerth et de Marisol Touraine ont démontré qu'il fallait travailler plus si l'on voulait échapper aux abattements sur les pensions.
Ne pensez-vous pas que, pour réussir une réforme, il faut que la parole donnée soit tenue ? Plutôt que d'opérer une transformation du jour au lendemain, les régimes spéciaux doivent être progressivement mis en extinction. Concernant le critère de la pénibilité, ne faudrait-il pas s'adapter à notre temps ? Des métiers, autrefois pénibles, le sont moins désormais, tandis que d'autres, qui ne l'étaient pas, le sont devenus. Enfin, ne serait-il pas souhaitable d'adopter une méthode de convergence progressive entre le public et le privé pour mettre un terme à la disparité des situations ? Il faut reprendre le travail selon ces trois critères, sinon l'échec sera de nouveau au rendez-vous.
Vos différentes interventions démontrent la nécessité de ne pas s'en tenir au statu quo. C'est pourquoi nous avions voulu être ambitieux en créant un régime de retraite universel de nature à résorber les inégalités entre régimes.
Je suis extrêmement sensible aux difficultés des affiliés au régime minier. Le siège de cette caisse se trouve à côté de ma permanence.
Concernant la SNCF, le versement d'une contribution de l'AGIRC-ARCCO à la caisse de la SNCF n'a pas à voir avec le maintien du régime spécial mais avec la baisse des cotisations liée à la fin de l'embauche au statut. Les cotisations sont versées au régime général, et l'AGIRC-ARRCO en reverse une partie à la caisse de la SNCF. Cela illustre la difficulté posée par la clause du grand-père.
Les critères de pénibilité doivent être universels, étant entendu que tout salarié exposé à la pénibilité doit pouvoir partir à la retraite avant l'âge d'ouverture des droits. Le projet de loi instituant un système universel de retraite prévoyait de faire du C2P le seul mode d'évaluation de la pénibilité sur la base de six critères. Certains syndicats voulaient en intégrer quatre autres – manutention de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux – mais je n'ai pas perçu de consensus sur ce point. Le rapport Tirole-Blanchard proposait plutôt de confier aux partenaires sociaux la possibilité de définir, dans chaque secteur d'activité, les conditions de prise en charge de la pénibilité ; c'est une voie à explorer. Quant au financement, il doit être pris en charge par les branches pour ne pas créer de subvention au travail pénible.
Les régimes spéciaux offrent certes de meilleures conditions aux salariés qui en relèvent, mais ils sont inéquitables et 65 % des Français souhaitent leur suppression. Leur extinction doit néanmoins être progressive et aller de pair avec le respect des droits acquis en compensation de certaines situations de travail particulières ; la clause du grand-père a vocation à en maintenir le bénéfice pour les salariés au statut au moment de la fermeture de ces régimes. Cette solution est extrêmement coûteuse, comme l'ont souligné la Cour des comptes et le COR. Le programme 195, doté d'environ 1,1 milliard d'euros, regroupe à la fois des régimes fermés et d'autres qui ne devraient s'éteindre que vers 2100.
L'universalité, la soutenabilité financière et la volonté d'aboutir à un régime universel de retraite sont une ambition que je partage. Je crois à la pertinence d'un tel système : à défaut, nous risquons d'aller droit dans le mur ! L'approche démographique, notamment à travers la question de l'âge, me semble pertinente, bien qu'elle soit très souvent oubliée dans nos politiques publiques, qui ne s'inscrivent pas dans une vision à long terme.
À ceux qui ont évoqué l'utilisation du « 49-3 », je rappelle la logique d'obstruction qui, avec le dépôt de quelque 40 000 amendements, n'a pas facilité l'avancement du débat, alors même que celui-ci était de qualité. Quand on est aux responsabilités, on ne se préoccupe ni d'aveu, ni de fable, ni de faire rêver ; on fait en sorte de regarder la réalité telle qu'elle est. Les inégalités, la soutenabilité financière, l'évolution démographique font qu'on ne peut pas laisser perdurer une situation dans laquelle un certain nombre de nos concitoyens n'auraient que de faibles retraites. Il fallait absolument faire quelque chose.
Revenir à un âge légal de départ à 60 ans aurait, selon les estimations, un coût de l'ordre de 30 milliards d'euros. Comment ceux qui le préconise les financent-ils ? C'est un grand classique de ne pas le dire !
Madame Firmin Le Bodo, je partage votre avis concernant les métiers que vous avez évoqués. Il faut prendre en compte les différentes situations. Toutefois, je n'ai pas d'élément précis concernant votre question ; je vous les communiquerai après cette réunion.
Les seniors rencontrent effectivement des difficultés. La moitié d'entre eux arrivent à l'âge de la retraite sans être en activité. Nous avons accompli un certain nombre de réformes sur ce point dans chacune des lois de financement de la sécurité sociale, et nos collègues Stéphane Viry et Didier Martin ont fait plusieurs propositions sur le sujet, comme le renforcement du cumul emploi-retraite, la retraite progressive ou encore une meilleure information sur ces dispositifs.
La question de l'âge ne serait pas pertinente. Pour ma part, je pense qu'il faut absolument la traiter en relation avec l'espérance de vie en bonne santé, car elle recouvre aussi l'aspect de la pénibilité.
Je partage le souhait d'une réforme systémique à points. Je pense qu'elle ne paraîtra acceptable que si elle est compréhensible et permet aux gens de répondre aux deux questions qu'ils se posent : à quel âge partir à la retraite, avec quel montant de pension ? Ils veulent pouvoir évaluer ce montant au long de leur vie, pour anticiper leurs conditions futures. Peut‑être un mode de calcul en euros plutôt qu'en points leur semblerait-il plus simple ? C'est une observation que je verse au débat. En tout cas, je ne pense pas qu'il faille abandonner une réforme que l'on estime juste simplement parce qu'on n'a pas encore réussi à l'expliquer et à la rendre claire pour nos concitoyens.
S'agissant de la CNRACL, les taux de cotisation ont en effet été relevés. En loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, un versement de 1,3 milliard par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) devait compenser les déficits liés au déséquilibre démographique. Toutefois, le résultat pourrait atteindre, selon les prévisions, – 1,7 milliard en 2021. La Caisse des dépôts et consignations évoque la nécessité de recourir à nouveau à la CADES.
Des dispositions prises en 2003, en 2010 et en 2014 ont certes permis d'atténuer les tensions pesant sur le financement du système de retraite et d'éviter le pire. Je tempérerai l'optimisme du COR, parce que ses hypothèses reposent notamment sur la productivité, un indicateur qu'il reconnaît lui-même comme difficilement prévisible. Les incertitudes actuelles perturbent déjà la prévision d'évolution des indicateurs ne serait-ce qu'à trois mois ; que le COR puisse faire des prévisions à l'horizon 2070 me paraît compliqué. De surcroît, il n'intègre aucune évolution législative dans ses perspectives.
Selon la Cour des comptes, le système de retraite restera durablement en déficit, se situant entre – 0,1 % et 0,4 % du PIB en 2025. Ces hypothèses sont confirmées par l'annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui prévoit un déficit de la branche vieillesse de 9,7 milliards d'euros en 2025. La situation financière à venir des régimes de retraite semble justifier la poursuite des mesures, dont la nature reste à étudier, destinées à atténuer les effets de la transition démographique. Si tout ne va pas mal aujourd'hui, le défi démographique nous placera demain devant des difficultés considérables.
S'agissant des dispositifs de cessation progressive d'activité, l'idée est bien de simplifier la procédure pour les publics auxquels ils s'adressent, pour maintenir les possibilités de départ anticipé ou améliorer, lorsque c'est possible, l'accès à l'emploi. En toute hypothèse, les personnes en situation de handicap doivent pouvoir prendre leur retraite de manière anticipée.
Monsieur Bazin, vous avez raison, les délais de traitement des dossiers sont parfois très longs. Les difficultés que rencontrent nos concitoyens en la matière nous commandent d'être vigilants.
Monsieur Vigier, je ne peux qu'abonder dans votre sens : certains critères devront être revus dans le cadre de la mise en place d'un système universel de retraite.
La commission en vient à l'examen des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d'affectation spéciale Pensions.
Article 20 et état B
Amendement II-AS110 de Mme Hélène Zannier.
Voici un amendement que je défends chaque année depuis 2018. J'espère que ma constance paiera !
Il s'agit d'abonder de 3 millions l'action 01 Versements au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) du programme 195, pour augmenter non pas le montant des pensions mais les fonds dédiés à l'action sanitaire et sociale (ASS) en faveur des anciens mineurs. Cela couvre les mesures de prévention dans le domaine de la santé, les aides pour le maintien à domicile ou encore le soutien aux aidants, qui ont donné lieu à de nombreuses expérimentations par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).
Je conviens que la baisse des crédits est liée à celle du nombre de bénéficiaires, mais un coup de rabot de 3 millions a été porté en 2018, sans concertation préalable ni justification, ce qui a désarçonné les mineurs et les syndicats. Cet amendement transpartisan tend à apporter réparation et à rétablir les prestations qui existaient auparavant.
Le régime de retraite des mines est fermé depuis le 31 août 2010. La subvention d'équilibre de l'État s'ajoute aux autres ressources de la CANSSM et vient compenser le déséquilibre démographique du régime. La baisse de cette subvention ne me paraît pas excessive au regard de la diminution du nombre de pensionnés. Les conventions d'objectifs et de gestion (COG) conclues entre l'État et les organismes de gestion prévoient souvent une telle évolution.
Le budget de l'ASS reste élevé ; il est même en hausse, si l'on regarde l'évolution sur plusieurs années, en termes de dépenses par assuré. De surcroît, il sera encore sous‑consommé cette année, qui a certes été marquée par un contexte particulier.
Par ailleurs, l'amendement ne permettrait pas d'atteindre l'objectif visé, puisque les dépenses de l'ASS sont des prestations extralégales financées par des crédits limitatifs, selon le cadre défini par la COG 2018-2021. Si un débat budgétaire doit avoir lieu, il convient de le tenir lors de la renégociation de la COG, et non lors de l'examen du PLF. Le budget de l'ASS inclut des crédits relatifs à la maladie, financés par la branche maladie du régime général ; ils ne relèvent donc pas du PLF,
Je vous demande de retirer votre amendement.
Nous saluons la constance de Mme Zannier et soutiendrons son amendement, car il s'agit d'une mesure juste. On ne s'habitue jamais à l'incapacité d'écouter. Certaines pensions baissent : celles des marins, par exemple, ont diminué de 6 % depuis 2017. Nous aurions aimé savoir comment ont évolué celles des mineurs.
Je partage le point de vue du rapporteur. Madame Zannier, lors de la présentation de votre communication sur le régime de sécurité sociale des mines, avec M. Thibault Bazin, vous nous avez dit qu'un enjeu majeur était de trouver des interlocuteurs informés des spécificités du régime des mineurs, afin de préserver leurs droits. Il faudrait y travailler avec les différents organismes.
Vous souhaitez revenir au budget de l'ASS de 2017 mais, depuis lors, le nombre de pensionnés a diminué. La baisse de ce budget semble donc justifiée – elle est même moins forte que celle du nombre d'affiliés. Le ministère indique d'ailleurs que les crédits sont systématiquement sous-consommés. Si les prestations diminuent, c'est la prochaine COG qui permettra d'y remédier ; ce n'est pas à notre main. De surcroît, l'adoption de l'amendement conduirait à réduire les crédits d'un autre programme.
Il serait utile de redéposer l'amendement en séance, pour avoir des réponses précises du ministre, mais il ne paraît pas souhaitable de le voter en commission.
J'ai cosigné l'amendement, car il s'inscrit dans le prolongement des travaux que nous avons menés pour évaluer la situation des mineurs, dont le régime est en voie d'extinction. Le nombre de pensionnés diminue, mais les coûts liés à leur vieillissement augmentent : il faut les anticiper. Nous demandons non pas des crédits supplémentaires, mais le maintien des enveloppes qui étaient attribuées au début du quinquennat. Les anciens mineurs peuvent souffrir de pathologies très spécifiques et connaissent des taux de comorbidité supérieurs à la moyenne, par exemple pour certains cancers.
Il serait souhaitable, madame Zannier, que vous redéposiez l'amendement en séance pour interroger le Gouvernement sur ces oubliés. On ne peut pas accepter que certains mineurs attendent la mise à jour de leur situation depuis un an. Même s'ils sont peu nombreux, il faut entendre ces personnes qui n'ont plus d'interlocuteur et que l'ANGDM renvoie vers la Caisse des dépôts et consignations.
Si l'amendement n'était pas adopté, je le redéposerai en séance. J'ai conscience du déclin démographique et de l'augmentation des dépenses par pensionné, mais le coup de rabot a supprimé des prestations très utiles. Les crédits demandés serviraient à anticiper le vieillissement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite non modifiés.
Article 22 et état D
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale Pensions non modifiés.
La séance s'achève à dix heures cinquante-cinq.
Informations relatives à la commission
La commission a nommé :
Présences en réunion
Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9 heures 30
Présents. - M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Marine Brenier, Mme Annie Chapelier, M. Sébastien Chenu, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Perrine Goulet, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion‑Firmin, Mme Véronique Hammerer, Mme Myriane Houplain, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, M. Alain Ramadier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - Mme Stéphanie Atger, Mme Justine Benin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Hélène Vainqueur-Christophe