La proposition de loi part d'un constat que nous partageons tous : les chiffres du chômage sont les meilleurs depuis plus de dix ans, mais le taux d'emploi des seniors reste bien trop faible – à peine plus de 50 % en 2019.
Ce faible taux d'emploi est un gâchis économique. Alors que de très nombreuses entreprises se plaignent d'avoir du mal à recruter, le système met chaque année à la retraite des centaines de milliers de personnes très compétentes, car formées depuis quarante ans et plus. C'est surtout un immense gâchis humain. L'accès à la retraite est un acquis social de grande valeur, mais un départ brutal, total, du jour au lendemain est vécu comme un traumatisme par nombre de nos concitoyens. Qui n'a pas, dans son entourage, des personnes qui ont traversé une grave dépression en se retrouvant à la retraite ? Vous aviez des collègues, un savoir-faire reconnu et, du jour au lendemain, vous avez le sentiment de ne plus être utile à la société.
Merci d'avoir mis le sujet sur la table !
Je suis un peu moins enthousiaste s'agissant des mesures de la proposition de loi. L'efficacité des solutions incitatives qu'elle propose pour que les entreprises se saisissent de la question n'est pas garantie. Le label « 50+ », visant à promouvoir les bonnes pratiques en la matière, est intéressant, mais des politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE) l'intègrent déjà. Quant à l'index « Dynamique des âges », il apparaît peu opportun. D'abord, il est calqué sur l'index de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Est‑il cohérent de mettre ces deux thèmes sur le même plan ? Ensuite, il est redondant avec l'index « Diversité » créé en janvier 2021, dont l'une des composantes vise précisément les seniors. Enfin, les disparités d'âge structurelles entre les secteurs d'activité ne permettront pas une mise en œuvre opérante de ce dispositif.
Si la mesure d'ouverture des droits nouveaux pour les travailleurs en situation de cumul emploi-retraite est, quant à elle, absolument nécessaire, elle ne peut pas être décorrélée d'une réforme globale du système de retraite. Il faudrait travailler sur un ensemble de mesures pour un passage plus souple, plus progressif d'un statut d'employé à plein temps à celui de retraité.
En revanche, la disposition relative à l'entretien professionnel de mi‑carrière apparaît très pertinente. Bénéficier à 45 ans d'un temps pour évoquer son avenir professionnel et aborder d'ores et déjà ses droits à la retraite serait assurément positif. Il faut l'appuyer sur l'outil qu'est le conseil en évolution professionnelle.