Je vous remercie de nous offrir l'occasion de débattre d'un sujet sensible et légitime, dont les enjeux sont sanitaires, sécuritaires, économiques et fiscaux. C'est aussi un sujet clivant, passionnel, y compris au sein des groupes politiques ; il doit donc être abordé sans dogmatisme. Dans ce domaine, nous avons déjà avancé, vous le savez, notamment au sujet du cannabis « bien-être », le Gouvernement ayant ouvert la voie de la commercialisation de la plante de chanvre et de l'huile de cannabidiol (CBD). En matière de santé publique, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a organisé une expérimentation du cannabis thérapeutique sous le contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Sur le fond, vous estimez que la légalisation contrôlée du cannabis répondra aux enjeux sanitaires, sécuritaires et relatifs à la régulation des usages. D'une part, nous manquons de recul pour ce qui est des comparaisons internationales concernant les effets de la légalisation sur la consommation : elles sont insuffisantes ou beaucoup trop récentes. D'autre part, la légalisation entraînera des reports de trafic, l'adaptation des filières et, généralement, de nouveaux défis pour les services de police qu'il conviendra d'anticiper.
Sur la forme, vous présentez un texte constitué d'un article unique. Les enjeux de la légalisation du cannabis sont tels qu'il ne me semble pas que l'on puisse traiter ainsi cette question en fin de législature. Il faudrait au préalable définir le modèle français souhaité, en tenant compte des succès et des échecs des expériences étrangères et aussi des spécificités politiques, historiques et culturelles de notre pays. C'est le sens de l'excellent rapport de la mission d'information commune relative à la réglementation et à l'impact des différents usages du cannabis, qui a dressé la liste des questions auxquelles le débat public doit permettre de répondre avant que cette substance soit légalisée – circuits de production et de distribution, statut de l'autoproduction, modalités de fixation des prix, réinsertion des anciens trafiquants...
Votre proposition de loi n'apporte pas de réponses sur tous ces points ; d'ailleurs, dans l'exposé des motifs, vous renvoyez à une loi ultérieure. Il est préférable de reporter la question, pour l'aborder dans le cadre d'un débat de société incluant l'ensemble des citoyens. C'est pourquoi le groupe La République en Marche votera contre ce texte.