Intervention de Michèle Victory

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Avec 1 500 000 consommateurs très réguliers de cannabis, la France se trouve sur le podium des pays les plus touchés en Europe. Cela appelle à la modestie, et aussi, peut-être, à faire preuve de plus d'audace. Le cannabis cristallise les contradictions de notre société : beaucoup d'interdits, beaucoup de transgressions plus ou moins graves et, en réponse, une politique répressive qui ne s'attaque pas aux racines du mal.

Nous avons mené une mission d'information commune qui a remis trois rapports, mais le Gouvernement a largement ignoré ces travaux parlementaires et il poursuit une politique de prohibition qui n'a montré aucun effet depuis de nombreuses années : les prises augmentent, mais les flux également, vous l'avez souligné ; les forces de l'ordre et la justice, trop largement mobilisées au sujet du cannabis, disent leur frustration de devoir passer leur temps à tenter de vider l'océan à la petite cuillère alors qu'une politique de santé publique de grande ampleur visant à lutter réellement contre les dangers du cannabis par la prévention n'a toujours pas été engagée. Le narcobanditisme et la souffrance sociale dans les quartiers se sont aggravés sans qu'aucun dispositif répressif parvienne à aider les habitants à se réapproprier l'espace public.

Vous proposez une légalisation contrôlée du cannabis et la création d'un établissement public administratif chargé d'en encadrer la production et l'exploitation, comme le font des pays de plus en plus nombreux. Vous avez, monsieur le rapporteur, mené un travail approfondi depuis plusieurs mois, dans une démarche transpartisane que je salue, et les exemples des politiques suivies à l'étranger doivent nous éclairer. Aussi, même si nous ne doutons pas que la majorité préférera le statu quo aux solutions concrètes à ce fléau, notre groupe continuera de soutenir la proposition d'encadrement de la consommation et un plan de santé publique d'envergure. Nous voterons ce texte, pour nous engager dans la voie du progrès en sécurité, donner de nouvelles opportunités aux agriculteurs et développer une politique de santé publique ambitieuse et protectrice.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Cette proposition de loi nous est soumise quelques mois après la présentation du rapport de la mission d'information commune de notre assemblée sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis. Nous avions alors constaté l'échec de la politique répressive menée en France depuis plus de cinquante ans.

Disons‑le sans ambages : l'interdiction et la pénalisation n'ont pas permis de juguler les trafics. Élue d'une ville portuaire à travers laquelle ne transitent malheureusement pas que des marchandises déclarées, je puis en témoigner moi-même. Le tout répressif n'a pas non plus entraîné une baisse de la consommation, bien au contraire : avec plus de 5 millions d'usagers, elle n'a jamais été aussi forte en France et nous occupons en permanence la première place du classement des plus gros consommateurs européens.

Il est donc légitime, et même essentiel, de proposer une évolution de notre stratégie, sans nier les risques de cette consommation pour la santé du corps et de l'esprit, notamment chez les jeunes. La question de la légalisation encadrée et régulée du cannabis doit être au cœur de nos réflexions ; c'était d'ailleurs la principale recommandation formulée par la mission d'information commune. Je remercie donc le groupe La France insoumise d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour.

Toutefois, notre groupe, au sein duquel se manifestent des opinions diverses sur la question de la légalisation du cannabis, ne peut appeler à voter en faveur de ce texte, qui nous apparaît à la fois inopportun, précipité dans la forme et malvenu sur le fond. S'agissant de la forme, la légalisation du cannabis mérite plus qu'une niche parlementaire ; elle exige un travail éclairé et approfondi et la tenue d'un large débat public. Quant au fond, cette proposition de loi est incomplète, ce qui se comprend compte tenu des contraintes de l'exercice, mais il en résulte que rien n'est dit de la prévention, pourtant la meilleure des solutions, des sanctions, d'une fiscalité spécifique, comme pour le tabac, du report possible de la consommation et du modèle français. La proposition de loi se résume à un article unique et beaucoup de questions restent en suspens.

Il s'agit d'un débat de société important, dont nul ne doute qu'il reprendra au cours des mois à venir. Dans l'intervalle, le groupe Agir ensemble votera majoritairement contre ce texte.

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