Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur :

J'ai oublié de remercier Caroline Janvier, cosignataire de la proposition de loi, pour son intervention, qui ne m'a pas étonné vu son rôle au sein de la mission d'information commune.

Mon amendement AS10, qui ne sera pas examiné si les amendements de suppression sont adoptés, vise à interdire la consommation de cannabis par les mineurs.

Je regrette un peu la position du groupe La République en Marche car j'avais cru comprendre qu'il était au moins satisfait que le débat ait lieu et qu'il n'était pas forcément animé par une opposition de principe, même s'il était contre ce texte dans l'immédiat. Le dépôt d'un amendement de suppression, qui constitue une sorte d'arme atomique puisqu'il met fin aux débats, ne correspond pas à ce que j'avais compris concernant l'état d'esprit de ce groupe. J'espère qu'il en sera autrement en séance.

Monsieur Door, le problème de la situation actuelle est qu'elle ne produit aucune recette. L'exemple du Colorado est compliqué : cet État, après avoir totalement libéralisé le marché – les chiffres que vous avez cités correspondent à cette période –, est en train de revenir sur cette politique parce qu'elle a fait des dégâts.

Savez-vous qu'en Seine‑Saint‑Denis le chiffre d'affaires lié au trafic de drogue représenterait la moitié du budget du conseil départemental ?

Notre collègue Cyrille Isaac-Sibille a dit que l'argent du trafic manquerait. Or il part largement ailleurs, les têtes de pont n'étant pas dans les quartiers. Une politique globale devrait également mettre le paquet sur les filières, notamment sur le terrain de la fiscalité et du blanchiment d'argent, et permettre de travailler sur la réinsertion sociale, par la rescolarisation et par l'emploi, en particulier pour les « petites mains » tentées par l'illusion de l'argent facile, malgré les douze heures de présence par jour, week-end compris, et le passage par la case prison un jour ou l'autre.

J'ai déjà relevé que l'État consacre très peu d'argent aux politiques de prévention – je n'y reviens pas.

Monsieur Bazin, les politiques de légalisation comparables à celle que nous souhaitons ne favorisent pas la consommation de cannabis par les mineurs. Au Québec, elle a considérablement baissé en raison des politiques de prévention globales qui sont menées. Ce que vous avez dit est factuellement faux. En France, la situation est actuellement dramatique s'agissant des mineurs.

J'en viens aux exemples étrangers : l'Allemagne va bientôt lancer une expérience, à nos frontières, ce qui soulèvera des questions, et la Suisse devrait faire de même. Par ailleurs, aucun pays ne revient sur la légalisation, non par souhait de favoriser la consommation de cannabis, mais en raison de la comparaison avec la situation antérieure.

Le problème du cannabis et du trafic de drogue n'est pas devant nous, parce qu'on déciderait une légalisation : il se pose dès aujourd'hui. Nous sommes les champions d'Europe en matière de consommation.

Contrairement à ce qu'on suppose parfois, on n'a pas échoué parce que la justice ne serait pas assez sévère avec le trafic de drogue. C'est faux, j'ai entendu des policiers le dire eux-mêmes, il y a quelques jours, à un maire de la Seine‑Saint‑Denis qui prétendait le contraire. À Marseille, 37 % des gens détenus aux Baumettes sont là pour des questions liées au trafic. La justice répond de manière proportionnée.

Le problème concret qui fait qu'il s'agit d'un puits sans fond, est que les « petites mains » de la drogue, dans beaucoup de points de deal en Seine‑Saint‑Denis, sont souvent des mineurs isolés étrangers, qui sont utilisés. La justice pourra toujours envoyer en prison des petits dealers, la main‑d'œuvre est inépuisable et elle rapporte énormément aux trafiquants. C'est la raison pour laquelle la politique menée est un échec. La qualité des policiers n'est pas en cause, pas plus que celle des juges ou la volonté que la justice passe : c'est simplement un marché sans fin.

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