Intervention de Denis Morin

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Merci, au nom de toute l'équipe, de vos avis positifs.

Nous n'avons pas travaillé sur la crise ni sur son impact sur la santé des enfants, mais nous le ferons ultérieurement, car la question mérite d'être creusée. Pour l'instant, monsieur Perrut, nous ne disposons donc pas de données sur la dégradation de la santé mentale des enfants, même si nous voyons passer des informations à ce sujet. Nous avons l'intention de travailler sur la pédopsychiatrie et aurons l'occasion de vous présenter nos travaux sur ce thème, peut‑être encore à la demande de votre assemblée.

Nous comptons conduire d'autres travaux qui nous permettront de mieux répondre à vos questions, par exemple sur la périnatalité, sur laquelle la Cour a déjà produit trois rapports et sur laquelle nous nous pencherons à nouveau au second semestre de cette année. Les observations étaient en gros les mêmes que dans le rapport d'aujourd'hui : les indicateurs sont mauvais, les acteurs dispersés, les moyens existent et globalement, cela ne marche pas.

S'agissant de la médecine scolaire, notre rapport d'il y a presque deux ans, faisait état d'une augmentation des postes budgétaires ouverts et, parallèlement, d'une hausse des vacances de poste. Autrement dit, les professionnels de santé, dont vous avez souligné à juste titre le manque sur le terrain, ne vont pas davantage dans les services de médecine scolaire qu'ailleurs ; dans l'hypothèse où le desserrement du numerus clausus améliorerait la situation, ce ne sera pas avant de très nombreuses années.

Dans l'immédiat, la délégation de compétences et de tâches et le recours aux pratiques avancées de professionnels de santé paramédicaux seraient essentiels, mais se heurtent à de très fortes réticences. Pourtant, comment dégager du temps médical sinon en transférant à ces personnels des tâches aujourd'hui accomplies par des médecins ? On l'a vu pendant la crise.

Dans la politique qui nous occupe, les intervenants sont multiples et non coordonnés. Les CPTS – qui ne sont que 100 ou 200 sur les 1 000 annoncées, la crise ayant retardé cette organisation des soins de premiers recours – peuvent effectivement être un point d'entrée dans le système. L'enjeu est en tout cas de parvenir à trouver un interlocuteur unique. On peut renforcer les moyens de la médecine scolaire et des PMI mais, même si l'on trouvait des professionnels de santé pour tous les postes, madame Dubié, sans coordination, cela resterait sans effet. Le problème est bien dans la coordination, pas seulement dans les moyens.

Cet interlocuteur unique peut être le médecin traitant, mais, là où cela se justifie, dans les déserts médicaux et les zones les moins favorisées, le relais peut être pris par la médecine scolaire et plus encore par les infirmières scolaires, toujours dans le cadre de délégations de compétences et de tâches. En revanche, en Île‑de‑France et dans les zones qui comptent de très nombreux professionnels de santé en ville, ce n'est pas nécessairement utile.

En ce qui concerne la répartition des compétences entre l'État et les collectivités et la coordination de l'action publique, des commissions de coordination des politiques de santé publique, notamment de prévention, ont été créées dès la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), en 2009. À l'évidence, elles ne fonctionnent pas – au bout d'une décennie, cela se verrait dans les indicateurs sanitaires ! Il faut donc changer de pied, dans l'esprit de la future loi « 3DS », en passant plutôt à l'échelon départemental, celui des inspections académiques et des délégations territoriales des ARS. Lorsque nous avons traité de la prévention de la dépendance, nous avons mis en évidence la pertinence de la coordination départementale. Je ne crois pas que le transfert de compétences aux régions, défendu par Mme Six, apporterait les solutions nécessaires.

S'agissant de la création d'une structure pour renforcer les actions de prévention, ce ne serait peut‑être pas un cadeau pour la personne qui en serait responsable, mais elle pourrait avoir un sens, au moins pour l'affichage, voire pour catalyser des actions éparpillées. C'est mon point de vue à titre personnel, même si nous ne l'avons pas proposé dans le rapport sur la prévention que nous avons présenté au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

De notre point de vue, madame Firmin Le Bodo, la prévention se résume à quatre mots d'ordre : tabac, alcool, alimentation, environnement. Les propos de Mme Pételle sur les cantines scolaires, appuyés sur une expérience de terrain, vont évidemment dans le bon sens : tout ce qui peut améliorer la qualité de l'alimentation des enfants est le moyen déterminant de lutter contre l'obésité. Selon un article qui vient de paraître dans Le Monde, une étude établit que l'on peut gagner jusqu'à dix ans d'espérance de vie par une alimentation plus équilibrée. J'ajoute que rien ne sert de faire des efforts concernant les circuits courts ou les produits bio dans les cantines si les familles font la queue au supermarché au milieu d'un amoncellement de produits sucrés. Il faudrait peut‑être, et ce ne serait pas difficile, mener des actions de sensibilisation visant la grande distribution ; c'est ce que nous préconisions dans notre rapport sur l'obésité.

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