Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 9 février 2022

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission auditionne M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport « La santé des enfants. Une politique à refonder pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé », communiqué à la commission des affaires sociales en application des dispositions de l'article L.O. 132‑3‑1 du code des juridictions financières.

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Nous recevons ce matin MM. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport intitulé « La santé des enfants. Une politique à refonder pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ».

C'est notre commission qui, suite à une réunion de son bureau de décembre 2020, a demandé à la Cour de procéder à une enquête sur ce sujet, en application de l'article L.O. 132‑3‑1 du code des juridictions financières. Aux termes de cet article, notre commission peut saisir la Cour « de toute question relative à l'application des lois de financement de la sécurité sociale » et lui demander de procéder à des enquêtes « sur les organismes soumis à son contrôle ».

Ce rapport, qui a été transmis lundi à l'ensemble des commissaires, dresse un état des lieux de la santé des enfants dans notre pays et des politiques publiques déployées dans ce domaine. Il pointe notamment l'insuffisance des données mais aussi les inégalités sociales et territoriales de santé ainsi que le défaut de pilotage des politiques visant à les réduire.

Il souligne également les difficultés importantes que connaissent la protection maternelle et infantile (PMI) et la médecine scolaire, et formule des propositions notamment en faveur d'une revalorisation du rôle des médecins traitants et de leur mission de prévention.

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Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Merci de nous entendre sur ce rapport que la Cour a remis suite à la demande de votre commission.

Outre M. François de La Guéronnière, président de section, je suis accompagné de Mme Clélia Delpech, de M. Charles Persoz et de Mme Isabelle Burkhard, les rapporteurs, qui ont aussi préparé le document PowerPoint qui sert de support à notre présentation.

Le sous‑titre de ce rapport, « Une politique à refonder pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé », aurait été tout aussi valable il y a cinq, dix ou même vingt ans : comme souvent en matière de santé publique et de prévention, on ne peut en effet pas dire que l'action publique se déploie avec toute l'efficacité nécessaire. Le constat est quelque peu accablant, même s'il existe des points d'amélioration, que nous soulignons.

Les travaux que nous avons menés en matière de prévention, souvent d'ailleurs à la demande de l'Assemblée nationale, sur les grandes pathologies l'année dernière, sur l'obésité il y a deux ans ou encore sur l'autisme en 2017, montrent qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir pour répondre aux besoins des patients ou aux demandes des familles.

La santé des enfants étant un vaste sujet, tant par la population concernée que par les thèmes à aborder, nous avons été conduits, en lien avec la commission, à circonscrire nos travaux aux enfants de 0 à 11 ans révolus, soit 9 millions de personnes et 14 % de la population française. Nous avons inclus l'ensemble des actions menées par les divers acteurs, en particulier par le ministère de l'éducation nationale – la Cour ayant produit il y a deux ans un rapport spécifique sur la médecine scolaire – et par les collectivités territoriales à travers notamment les services de PMI.

A été en revanche exclu tout ce qui relève de l'accueil du jeune enfant. Je signale que nous travaillons pour le mois d'octobre prochain sur la prestation d'accueil du jeune enfant. Nous ne sommes pas entrés dans les détails en matière de périnatalité, un thème sur lequel nous travaillons de façon récurrente et qui est inscrit à notre programmation pour 2022, et pour lequel les indicateurs sanitaires ne sont pas très bons. Nous n'abordons pas non plus l'autisme, le dernier rapport datant de 2017, ni la santé mentale, sur laquelle nous reviendrons sans doute ultérieurement, en lien avec la crise sanitaire.

Au‑delà des acteurs nationaux, nous avons effectué des déplacements dans quatre régions – l'Île‑de‑France, les Hauts‑de‑France, La Réunion et l'Occitanie – et neuf départements, où nous avons chaque fois rencontré les représentants des agences régionales de santé (ARS), des rectorats, des inspections d'académie, des conseils départementaux, des associations de prévention et de promotion de la santé et des structures de soins primaires.

Nous avons également souhaité faire des comparaisons internationales et, en dépit d'un cruel manque de données, avons pu obtenir un certain nombre d'éléments de la part de l'Organisation de coopération et de développement économiques et de l'Organisation mondiale de la santé pour nous situer par rapport aux pays comparables.

Nous avons aussi pu conclure un partenariat avec l'Institut national d'études démographiques (INED) afin d'exploiter les données de ce que l'on appelle la cohorte Elfe (étude longitudinale française depuis l'enfance), qui suit 18 000 enfants sur la durée.

Nous avons recherché ces données un peu à l'aveugle, car l' open data est très loin de s'appliquer facilement dans ce domaine. C'est d'autant plus étonnant que le sujet est à l'évidence essentiel – la santé des enfants d'aujourd'hui est celle des adultes de demain et l'espérance de vie d'après‑demain. Notre première observation porte donc sur le manque cruel de données aisément disponibles, qui empêche de retracer fidèlement l'état de santé des enfants dans notre pays.

Les indicateurs que nous avons pu suivre permettent de noter un certain nombre d'améliorations, en matière de mortalité, de surpoids au jeune âge – la situation se stabilise alors qu'elle continue à se dégrader dans certains pays voisins, sans même parler des États‑Unis – et de santé dentaire. En l'espèce, l'amélioration doit probablement être reliée à la campagne « M'T dents » menée par l'assurance maladie, qui a manifestement produit des effets. Quand un acteur majeur de santé public se mobilise, ça marche !

Des progrès restent à accomplir, à commencer s'agissant de la mortalité au jeune âge : les indicateurs de mortalité maternelle – c'est peu connu – et infantile au très jeune âge sont mauvais. Nous occupons une place médiocre en matière de vaccination, notamment contre la rougeole. Il en va de même s'agissant de la qualité de l'alimentation : nous sommes en la matière très loin des initiatives qui ont pu être prises concernant le tabac ou plus modestement l'alcool.

Deuxième observation, pour le coup très documentée : nous confirmons les inégalités sociales et territoriales qui sont observées depuis vingt ans. Ainsi, l'obésité a un fort gradient social, comme on peut le constater rien qu'en regardant autour de soi. Il en va de même pour la prévalence des caries.

La troisième observation porte sur les masses budgétaires en jeu. Ces données n'existent pas en tant que telles et c'est la Cour qui a procédé au chiffrage. Elle a mesuré les dépenses associées à la santé des enfants à 8,9 milliards d'euros pour 2019, c'est‑à‑dire avant la crise, dont 3,3 milliards au titre des dépenses de soins de ville, autant au titre des dépenses en établissements, et 2 milliards au titre de la prévention, dont 1,3 milliard pour la médecine scolaire et 500 millions pour la PMI.

Ces masses sont significatives mais employées, pour utiliser le langage poli de la Cour, de façon non suffisamment efficiente. Bref, 9 milliards, ce n'est pas rien et les résultats ne sont pas à la hauteur.

Pourquoi ? En raison principalement – mis à part une insuffisance ponctuelle de moyens sur un segment ou l'autre, le grand âge par exemple – d'une inorganisation générale des acteurs, ce qui est un sujet récurrent, et d'une commande interministérielle insuffisamment ferme, en dépit de progrès obtenus grâce à un comité interministériel qu'il faudrait réactiver. Les structures étatiques en cause sont lourdes à remuer : médecine scolaire, PMI. Dans cet univers, chacun fait quelque chose dans son coin mais la coordination est insuffisante.

Selon la carte de l'implantation des services territoriaux, les seuls services qui contribuent à compenser, dans la limite de leurs moyens, les inégalités territoriales sont les services de PMI. Leur densité est inversement proportionnelle à celle des médecins généralistes, sans parler de celle des pédiatres. On aurait pu penser que la médecine scolaire contribuait aussi à compenser ces inégalités, mais non : son implantation est la même que celle des médecins et pédiatres, avec de la densité à la périphérie du pays, sur les façades atlantique et méditerranéenne, et bien sûr dans les grandes métropoles, alors que tout le centre et une partie du Nord sont peu couverts.

La carte de la densité des professionnels de PMI pour 100 000 enfants de moins de 6 ans en 2019 révèle à l'inverse, donc, une densité importante dans toute la partie centrale du pays, des Hauts‑de‑France au sud de l'Occitanie, où prévalent de fortes inégalités sociales et territoriales. Si l'on regardait plus finement, en Île‑de‑France, la situation de la Seine‑Saint‑Denis, on y verrait une densité de médecins libéraux extrêmement faible et en revanche une activité de PMI extrêmement forte. J'insiste, car le constat est frappant.

Nous formulons un certain nombre de recommandations pour répondre au constat de l'inefficience de la politique en faveur de la santé des enfants malgré l'importance des enjeux qui lui sont liés. Elles visent à améliorer la gouvernance et le pilotage, et à renforcer l'offre de soins à destination des enfants. La coordination doit être améliorée au niveau national, ce qui est malheureusement assez courant en matière de santé publique, mais aussi à l'échelon régional. En effet, pourtant implantées depuis 2009, les ARS ont beaucoup de mal à entraîner les acteurs publics territoriaux de l'État, sans parler des collectivités locales, dans une vision partagée. Un catalyseur – peut‑être pourront‑elles jouer ce rôle – serait nécessaire au niveau territorial.

Des initiatives ont été prises, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », visant à transférer la médecine scolaire aux collectivités territoriales. Mais le contexte est globalement marqué par une pénurie de professionnels de santé de premier niveau. Il faut mobiliser davantage les paramédicaux et, au‑delà, tous ceux qui peuvent contribuer au premier recours, y compris l'hôpital local lorsque cela est possible, autour du suivi des enfants.

Les dysfonctionnements de notre système de santé et son insuffisante organisation se retrouvent bien dans la santé des enfants et dans les difficultés à faire progresser l'action publique dans ce domaine de façon plus coordonnée et plus corrélée aux besoins des patients.

Cela exige d'aller au fond des choses : parfois, l'amélioration d'un indicateur cache une dispersion plus forte. Il faut agir spécifiquement à destination de certaines populations, en concentrant les moyens, pour qu'un indicateur s'améliore globalement. C'est ce qu'illustre la politique d'« aller vers » menée actuellement.

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Clélia Delpech, conseillère référendaire à la Cour des comptes

Je vais reprendre rapidement les principaux constats et messages formulés dans le rapport adressé par la Cour à la commission.

La première des trois parties du rapport concerne l'état de santé des enfants âgés de moins de 12 ans en France : s'il est contrasté, il se situe néanmoins dans la moyenne des pays européens.

Des améliorations sont notables sur certains points, notamment la mortalité des moins de 15 ans, le surpoids, l'obésité et la santé dentaire, en raison des programmes ambitieux menés notamment par l'assurance maladie.

Des difficultés persistent néanmoins : les indicateurs périnataux restent très préoccupants, le taux de vaccination contre la rougeole est parmi les plus faibles de l'Union européenne et certains indicateurs relatifs aux comportements en matière de santé demeurent, au‑delà des enjeux d'alimentation et de consommation de produits sucrés, particulièrement médiocres et potentiellement inquiétants pour l'avenir.

Les analyses tirées des données de la cohorte Elfe, dans le cadre du partenariat avec l'INED, traduisent des inégalités sociales et territoriales fortes en matière d'état de santé des enfants, et ce dès le plus jeune âge.

Le graphique concernant le surpoids et l'obésité chez les enfants de 3 ans et demi en fonction des revenus du foyer fait apparaître un facteur trois entre le premier et le dernier quintile, et même un facteur sept si l'on ne considère que l'obésité. Le graphique qui porte sur la fréquence des caries à l'âge de 5 ans et demi en fonction du revenu est malheureusement de même type. On peut faire des constats comparables concernant le développement du langage, le développement psychomoteur, l'asthme ou les symptômes respiratoires.

Ces constats ont été difficiles à établir, faute d'un système efficace de suivi de la santé des enfants. Les données issues des dispositifs à vocation universelle, comme les examens médicaux ou la vaccination obligatoires, sont quasiment inexploitables. Les certificats de santé sont peu renseignés par les professionnels. Les bilans réalisés à l'âge de 3 ou 4 ans pour tous les enfants sont très hétérogènes et impossibles à valoriser à l'échelon national. Il n'existe aucune description possible de l'état de santé des enfants à partir des examens réalisés par l'éducation nationale. Les informations sont issues d'enquêtes thématiques conduites assez irrégulièrement.

Par ailleurs, le suivi épidémiologique de la santé des enfants reste incomplet et centré principalement sur les pathologies, avec une maille géographique et une fréquence des enquêtes insuffisantes. Des comportements de santé sont très peu décrits alors qu'ils sont essentiels. Certains thèmes comme la santé mentale ne sont absolument pas documentés.

Notre recommandation n° 1 vise donc à améliorer le suivi épidémiologique en exploitant davantage les données médico‑administratives, en enrichissant les indicateurs produits, en facilitant l'appariement avec des bases de données sociales, pour mieux cerner les inégalités, et en réalisant des enquêtes régulières et ciblées sur certains problèmes de santé.

La deuxième partie du rapport est consacrée aux politiques de réduction des inégalités en matière de santé menées depuis 2016 par les pouvoirs publics, dont les effets restent modestes.

On note l'absence d'une véritable politique partagée de la santé des enfants, bien que celle‑ci soit régulièrement affichée comme une priorité. La stratégie nationale de santé a certes été renouvelée, avec un tournant et un approfondissement de certaines orientations et une priorité accordée à la réduction des inégalités, mais elle demeure éclatée et complexe.

Si une déclinaison opérationnelle des différents plans de la stratégie nationale de santé existe, ainsi qu'une évaluation d'ensemble, elles sont largement insuffisantes, et on déplore l'absence d'une vision consolidée des dépenses. Nous avons dû réaliser nous‑mêmes une synthèse des dépenses relatives à la santé des enfants de moins de 12 ans, l'indicateur n'étant malheureusement pas suivi par les pouvoirs publics.

Face à ce constat d'une politique qui, malgré un large consensus sur l'importance de la santé des enfants, se heurte à la pluralité des acteurs institutionnels impliqués, nous proposons de renforcer le pilotage interministériel de la santé des enfants.

Il faut à la fois s'appuyer sur l'efficacité du réseau de l'assurance maladie, très structuré pour décliner les priorités nationales, et renforcer la cohérence d'action avec la PMI qui, en raison même de son caractère décentralisé, peine à animer cette politique nationale, ce qui prive les pouvoirs publics d'un levier véritablement efficace. D'où la recommandation n° 2 sur le renforcement du pilotage interministériel de la santé des enfants, et la recommandation n° 3, son pendant au niveau territorial, relative à l'unification du cadre de contractualisation entre ARS, assurance maladie, PMI et éducation nationale.

Nous avons examiné un certain nombre de leviers d'action à la disposition des pouvoirs publics pour cette politique de réduction des inégalités. Certains, comme les examens dits obligatoires ou la vaccination, sont anciens et reposent sur des professionnels de santé spécifiques.

Ces dispositifs, censés toucher tous les enfants, peinent à remplir leurs objectifs. Sur vingt examens médicaux qui n'ont d'obligatoires que le nom, très peu sont réalisés. Par exemple, en 2018‑2019, un enfant sur cinq a bénéficié de la visite médicale scolaire de la sixième année. De la même façon, il n'y a eu que 60 000 examens obligatoires du neuvième et du vingt‑quatrième mois, pour 125 000 enfants concernés. Cette situation s'explique pour ce qui est de la médecine scolaire par la pénurie de médecins et par les difficultés d'organisation. L'élargissement de l'obligation vaccinale a en outre eu des effets timides et ne porte pas encore pleinement ses fruits.

Par ailleurs, les parcours de santé restent encore très marqués par des inégalités sociales et territoriales, malgré des dispositifs généraux visant à lever les freins financiers à l'accès aux soins. Le recours aux urgences est plus prononcé dans les milieux sociaux les moins favorisés et surtout le recours au pédiatre est plus fréquent pour les enfants de moins de 2 ans habitant dans des grandes métropoles et issus de milieux sociaux favorisés. Aujourd'hui, le suivi de la santé des enfants relève clairement d'abord du médecin généraliste pour les catégories sociales les moins favorisées, lorsqu'elles consultent un médecin.

Les inégalités ne sont pas que sociales : deux cartes présentant le taux de réalisation de la visite médicale de la sixième année et celui du dépistage infirmier de la douzième année illustrent d'importantes inégalités entre départements.

Dans une troisième partie, la Cour, forte de ces constats, propose de réorganiser la politique de santé des enfants pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé. Cela implique de redéfinir le parcours de santé des enfants autour de la prévention et du médecin traitant, en l'inscrivant dans un cadre d'action territorialisé, adapté aux besoins et aux ressources du territoire, et en s'appuyant sur le levier de la transformation numérique.

En premier lieu, il faut clarifier le positionnement des acteurs spécifiques de la santé des enfants. La place de la PMI est essentielle, surtout pour les enfants des milieux les plus modestes, compte tenu de la fragilité de la santé scolaire – marquée par la pénurie de médecins scolaires et des difficultés d'organisation – et de la disparition progressive des compétences spécialisées en santé de l'enfant en médecine de ville.

Nous recommandons par conséquent de conforter les missions de la PMI et de consolider le financement du réseau, notamment en étendant le périmètre des actes et produits remboursés par l'assurance maladie.

En deuxième lieu, il convient de mettre la prévention au cœur de l'approche, d'abord en renforçant la promotion en santé à destination des enfants et de leurs parents. À cet égard, l'école paraît le lieu idéal pour la diffusion des messages de prévention et de promotion de la santé, à condition sans doute de clarifier les choses et de remobiliser l'ensemble des équipes autour de priorités de prévention partagées par l'éducation nationale, les ARS et l'assurance maladie. Cela suppose aussi d'investir davantage dans la prévention, tant du point de vue humain que du point de vue financier, notamment en confortant la compétence pédiatrique généraliste. C'est pourquoi nous recommandons de confier aux ARS le pilotage et le suivi renforcé des actions de promotion de la santé menées par des associations dans les établissements scolaires, dans le cadre de la contractualisation unique que nous avons préconisée précédemment, étant entendu qu'il doit y avoir une articulation fine avec les compétences de l'éducation nationale au niveau académique.

En troisième lieu, il faut réorganiser la prise en charge de la santé des enfants, en réaffirmant d'abord l'importance du médecin traitant de l'enfant. Possible depuis 2016, la désignation d'un médecin traitant n'est pas obligatoire pour les enfants – elle l'est pour les adultes. Il s'agit d'accélérer le déploiement du dispositif, qui concerne à ce jour seulement un enfant sur deux. L'idée est d'attribuer aux médecins traitants un rôle central dans la prise en charge de la santé de tous les enfants, tout en encourageant la coopération avec les auxiliaires médicaux, notamment en facilitant les délégations d'actes pour aller vers du travail aidé.

C'est au médecin traitant que serait confiée la réalisation de l'ensemble des examens obligatoires, y compris ceux effectués actuellement en milieu scolaire, afin de réussir à toucher plus d'enfants. Pour les enfants les plus éloignés du système de santé, car tous n'ont pas un accès facile aux médecins, on pourrait envisager de réaliser certains examens dans les écoles, en lien avec l'éducation nationale.

Cette approche doit être déclinée par territoire : il convient de s'appuyer sur les maisons de santé pluriprofessionnelles et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) afin de construire une réponse locale. Nous reprenons la proposition, régulièrement mise en avant, d'expérimenter un label « maison de santé de l'enfant ». Il s'agirait de regrouper en un lieu unique l'ensemble des compétences centrées sur les enfants, pour faciliter les démarches des parents. De tels lieux existent déjà ; il est possible de s'adosser aux services de la PMI ou à d'autres structures.

Pour mener à bien cette réorganisation d'ensemble, nous proposons enfin de s'appuyer sur les outils numériques au service de la santé des enfants. Le déploiement des systèmes d'information est très inégal selon les acteurs, et chaque système d'information – celui de la médecine scolaire, celui des services de la PMI, sans parler du dossier médical partagé – rencontre des difficultés propres. Qui plus est, ces systèmes ne sont pas interfacés, ce qui empêche la transmission des informations, laquelle permettrait pourtant d'améliorer la qualité de la prise en charge des enfants. La dématérialisation commence tout juste, sans suivre de véritable calendrier. C'est pourquoi nous recommandons de réaliser prioritairement l'intégration du carnet de santé dématérialisé de l'enfant dans l'espace numérique de santé.

Les différentes recommandations que je viens d'énoncer sont présentées en trois blocs : améliorer la gouvernance et le pilotage, renforcer l'offre de soins à destination des enfants, construire un parcours de soins territorialisé.

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Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

De manière synthétique, voici les trois axes que nous proposons : une stratégie nationale de santé des enfants, déclinée dans les territoires ; un point d'entrée unique dans le système de santé, chargé de coordonner l'ensemble des acteurs ; des actions fortes de prévention, qui peuvent passer par de la réglementation, voire de la législation supplémentaire.

D'abord, compte tenu de l'importance des enjeux, il nous semble nécessaire d'élaborer une stratégie nationale de santé des enfants, qui se substituerait à la prolifération des plans que nous avons recensés – un plan sport piloté par le ministère chargé des sports, un plan obésité piloté par le ministère chargé de la santé, etc. Cette stratégie doit être déclinée dans les territoires, éventuellement au niveau le plus fin, à savoir le département. Les acteurs existent à ce niveau ; il faut les mobiliser autour d'une vision commune.

Ensuite, plutôt que de superposer de multiples intervenants disposant chacun de moyens limités, nous préconisons la désignation d'un point d'entrée unique. Il faut qu'il y ait un médecin coordonnateur, et nous proposons de confier ce rôle au médecin traitant – c'est le parti que nous prenons ; on peut bien évidemment en discuter. La médecine de ville est la porte du système de soins. Le médecin traitant peut être soit le généraliste, soit le pédiatre, cette seconde possibilité ayant été ouverte en 2016. Les pédiatres sont évidemment beaucoup moins nombreux que les généralistes, et rares dans certaines zones. À Paris, il est assez facile d'accéder à un pédiatre et on n'a guère besoin de recourir aux services de la PMI, sauf peut‑être dans certains quartiers.

Enfin, nous insistons une nouvelle fois sur la prévention, message constant de la Cour. Je me souviens avoir subi chaque année, lorsque j'étais enfant, un examen visuel à l'école. Cela n'existe plus : il y a eu une véritable régression. Il faut relancer des actions de prévention en matière d'alimentation, de suivi visuel et dentaire ou d'environnement – dimension que nous n'avons pas traitée dans ce rapport, mais qui mériterait des investigations plus poussées, compte tenu de la prévalence des cancers pédiatriques ou des malformations dans certaines zones dont la presse se fait l'écho.

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Verhaeghe (LaREM). Je remercie la sixième chambre de la Cour des comptes. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer dans le cadre des travaux menés sur la santé des jeunes par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Vous avez été très souvent sollicités sur ces questions et les recommandations que vous venez de présenter recoupent de nombreuses préconisations que vous aviez formulées précédemment.

Je suis frappée par le fait que votre rapport confirme les constats antérieurs ; malgré quelques éléments nouveaux, les préoccupations restent les mêmes. Mais ne nous décourageons pas ! La santé des jeunes est un enjeu majeur et doit demeurer une priorité, car c'est un facteur déterminant de leur réussite future – sociale, sociétale, affective, relationnelle. J'espère que nous parviendrons à prendre le problème à bras‑le‑corps.

Vous avez rappelé les actions positives entreprises depuis 2017. Vous notez avec justesse qu'il est difficile de s'attaquer à la tuyauterie de cette politique, aspect fondamental, bien que peu séduisant pour les acteurs politiques et le grand public. On en reste effectivement à la juxtaposition de multiples dispositifs. Plus encore qu'un problème de coordination, il y a un problème d'organisation.

J'en viens au pilotage. Vous soulignez que chaque acteur définit ses priorités en fonction de ses missions. Quel bilan tirez‑vous de l'action du comité interministériel de la santé, animé par la direction générale de la santé ? Il ne s'est pas réuni depuis trois ans, alors même que la crise sanitaire nous alerte sur les questions de prévention. Comment bâtir une culture commune ? Nous avions suggéré dans de précédents rapports la création d'un ministère délégué à la prévention. Quel est votre avis sur ce point ?

Je me réjouis que vous releviez le rôle joué par les maisons de santé, qui sont en cours d'expérimentation.

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Les indicateurs de l'état de santé et des habitudes de vie des enfants montrent de fortes disparités dès le plus jeune âge, directement corrélées aux inégalités sociales. Or l'état de santé physique et mentale de l'enfant est déterminant pour son évolution, son apprentissage et son épanouissement.

Je voudrais revenir sur le rôle et les interventions des médecins scolaires, des infirmiers et des médecins traitants. Dans votre esprit, la prise en charge des soins pour les enfants devrait désormais reposer en majeure partie sur les médecins généralistes. Pourtant, la médecine scolaire présente le sérieux avantage de toucher tous les enfants, certains d'entre eux n'étant pas suffisamment suivis en dehors de ce cadre. Pourquoi ne pas revaloriser la médecine scolaire et lutter contre la pénurie de personnels de santé – médecins, infirmiers, psychologues – afin de réduire les inégalités en matière d'accès aux soins ? Cela permettrait de réaliser des visites médicales et des dépistages, dont plusieurs devraient être obligatoires, mais aussi de diffuser une culture de la prévention dès le plus jeune âge et de repérer les troubles susceptibles d'entraver l'apprentissage.

Les confinements successifs ont pu conduire à une augmentation du temps passé devant les écrans, à une détérioration de la qualité du sommeil, à des problèmes tels que l'isolement, l'anxiété, la difficulté à se concentrer ou l'impulsivité. Une étude menée par Santé publique France a mis en évidence les effets du confinement sur la détresse psychologique des enfants. Les données relatives à la santé mentale des enfants restent extrêmement lacunaires. En attendant les résultats de l'étude lancée par Santé publique France sur la santé mentale, quelles recommandations formuleriez‑vous pour améliorer la prise en charge concrète de nos enfants dans ce domaine ? Quels acteurs interviennent déjà sur ce volet ? Avec quels résultats ?

Enfin, même si c'est un sujet que vous n'abordez pas dans votre rapport, consacré aux enfants de moins de 12 ans, quid de la santé sexuelle ? Faut‑il selon vous promouvoir plus largement l'action des plannings familiaux auprès des mineurs, afin d'assurer l'accès anonyme et gratuit à des services de santé sexuelle, incluant non seulement la contraception, l'avortement et le dépistage, mais aussi l'information et l'écoute sur les violences sexuelles et sexistes – en un mot, la protection de nos enfants ?

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Sibille (Dem). Je vous remercie pour cette riche présentation. La santé de nos enfants est un sujet fondamental, mais nous peinons à élaborer en la matière une politique publique lisible et efficace. Coauteur avec Ericka Bareigts d'un rapport sur la prévention santé en faveur de la jeunesse, je partage amplement les constats que vous venez de dresser : une gouvernance dispersée ; un manque de données, celles qui existent ayant un caractère lacunaire ; des inégalités en raison de facteurs socio‑économiques et familiaux ; des disparités territoriales importantes ; la nécessité de mettre l'accent sur la prévention dès le plus jeune âge grâce à l'école, lieu idéal de la promotion de la santé auprès des enfants et des parents. Ces difficultés sont la conséquence directe de l'absence de ligne directrice claire pour cette politique de santé.

Commençons par les actions. Vous soulignez à juste titre dans votre rapport que la politique de santé publique pour les plus jeunes repose essentiellement sur la prévention. Or nous ne disposons d'aucune grille de lecture exhaustive des actions et des dépenses en matière de prévention en santé dès le plus jeune âge – votre rapport est édifiant à ce sujet. Ericka Bareigts et moi avions dénombré des milliers d'actions de prévention conduites par divers acteurs, mais qui n'étaient presque jamais évaluées. Or, pour cibler la prévention, pour définir les publics et les actions d'éducation à la santé, et pour évaluer celles‑ci, nous devons absolument avoir une bonne vision populationnelle, par classe d'âge et par territoire, en fonction de déterminants de santé.

Venons‑en au pilotage. Que doivent faire respectivement l'État, les rectorats, les ARS, les départements, les communes ?

Notre rapport avait révélé que, d'un département à l'autre, les dépenses annuelles par enfant variaient de 20 à 600 euros, soit un rapport de 1 à 30. Devant de telles inégalités, il ne me semble pas opportun de confier aux départements la médecine scolaire ; celle‑ci doit relever d'une politique nationale. Ce n'est pas en regroupant deux institutions malades que nous en ferons une bien portante !

Vous proposez de confier aux ARS les actions d'éducation à la santé. En Auvergne‑Rhône‑Alpes, une expérimentation baptisée « Alliance » a démontré qu'il fallait plutôt établir une coordination entre le rectorat et l'ARS, en respectant les institutions.

Pour piloter une politique de santé, il faut effectivement des données. Nous espérons que le déploiement de « Mon espace santé » permettra de mieux coordonner les différentes médecines – médecine libérale, médecine hospitalière, PMI et médecine scolaire.

Terminons par le financement. Ne faut‑il pas s'interroger sur les moyens alloués à la prévention en santé pour la jeunesse ? C'est aussi le rôle de la Cour des comptes. Quelles recommandations formuleriez‑vous pour obtenir une véritable traçabilité des financements en la matière ? L'Assemblée a adopté des amendements relatifs aux « jaunes » ou « oranges » budgétaires. Il conviendrait d'aller plus loin pour mieux suivre le financement de la prévention, essentielle de notre point de vue. Comment faire ?

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Le groupe Socialistes et apparentés remercie la Cour des comptes pour ce rapport clair, fouillé et structuré, qui livre un diagnostic sans appel de la politique de notre nation à l'égard de la santé de nos enfants : des objectifs stratégiques difficilement identifiables, des acteurs en silos, des moyens éparpillés et, logiquement, des résultats mitigés.

Je souhaite mettre en exergue quelques chiffres alarmants de votre rapport, relatifs à la santé de nos plus jeunes générations, et notamment aux inégalités qui les frappent. Sur les trente‑trois pays européens couverts par le réseau Euro‑Peristat, notre pays se classe en dernière position pour la mortinatalité totale, laquelle comprend les morts fœtales spontanées et les interruptions médicales de grossesse. La France est aussi parmi les derniers pays européens pour la pratique de l'activité physique, la proportion d'enfants en surpoids ou obèses étant quatre fois plus élevée dans le premier quintile de revenus que dans le dernier. Enfin, le taux de réalisation de la visite médicale obligatoire lors de la sixième année de scolarité varie de 5 % à 80 % selon les départements.

Dans ce contexte alarmant, les dégâts à long terme de la covid‑19 ont probablement été sous‑estimés. Votre rapport fait état de signaux inquiétants : pendant le confinement de mars à mai 2020, un peu plus d'un enfant sur dix a éprouvé des problèmes tels que l'isolement, l'anxiété ou la difficulté à se concentrer.

Nous notons néanmoins, au cours des dernières années, une amélioration des leviers de nos politiques publiques à l'égard de la santé des enfants, notamment le développement d'un axe spécifique dans la dernière stratégie nationale de santé et l'identification d'actions dédiées de l'assurance maladie.

Au regard de ces insuffisances, nous ne pouvons que souscrire aux recommandations que vous formulez concernant la prévention, le rôle du médecin traitant ou encore la gouvernance de la politique de santé. Nous regrettons toutefois que vos propositions ne soient pas plus ambitieuses à propos de la médecine scolaire, qui a été sacrifiée.

Que proposez‑vous pour remédier aux inégalités territoriales et sociales d'accès des enfants à la santé, sachant notamment que la densité de professionnels de la PMI et de médecins scolaires varie du simple au double d'un département à l'autre ? Avez‑vous des propositions visant spécifiquement les enfants de l'aide sociale à l'enfance, qui nous semblent être les grands absents de votre rapport ?

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Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir saisi la Cour des comptes d'une demande d'enquête sur les politiques de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé dans l'enfance. Les résultats présentés aujourd'hui complètent utilement les travaux que je mène dans le cadre de la mission que m'a confiée M. le Premier ministre sur l'amélioration de l'accompagnement des parents d'enfants gravement malades. Cette mission, qui s'articule autour de quatre axes, doit notamment rendre compte des difficultés d'accès à l'information sur les aides, dispositifs sociaux et accompagnements existants qui s'adressent aux parents d'un enfant atteint d'une maladie ou d'un handicap, ou victime d'un accident d'une particulière gravité, et visent à favoriser autant que possible l'accompagnement des soins et la vie de la famille.

À la lecture de votre rapport, j'ai relevé des similitudes entre vos constats et les nôtres. En effet, l'accès à l'information sur les aides disponibles pour les parents est très inégal selon les départements et selon les établissements hospitaliers. En outre, selon plusieurs témoignages que nous avons recueillis, les personnes censées renseigner les familles ne sont pas toujours au fait des dispositifs existants ou de leur évolution. Pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, il semble nécessaire que l'information sur nos dispositifs sociaux et nos mécanismes de solidarité soit correctement diffusée et transmise. Quelles seraient vos recommandations pour rendre plus homogène la diffusion de cette information à l'échelle des territoires ?

Par ailleurs, vous le soulignez dans votre rapport, le développement des systèmes d'information relatifs à la santé des enfants accuse un retard important et se révèle très hétérogène. Cette affirmation vaut également pour la dématérialisation et l'automatisation des données en matière de prestations sociales. Quelle est votre lecture à ce sujet ?

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Valérie Six (UDI

I). Merci pour cet excellent rapport riche d'enseignements sur la santé des enfants, un sujet fondamental sur lequel le groupe UDI et Indépendants s'investit depuis de nombreuses années. J'en veux pour preuve l'adoption, lors du dernier débat budgétaire, d'un amendement de Béatrice Descamps qui a abondé de 20 millions d'euros le budget alloué à la recherche sur les cancers pédiatriques.

En matière de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, l'éclatement de la prise de décision saute tout de suite aux yeux. À l'échelon national, la santé chez l'enfant relève du ministère de la santé ; la santé scolaire, du ministère de l'éducation nationale ; la santé chez l'étudiant, du ministère de l'enseignement supérieur. Quant à la PMI, elle dépend des départements. Un renforcement des instances interministérielles s'impose, à l'image du comité pour la santé des enfants et des jeunes, chargé de piloter les politiques de santé destinées aux moins de 25 ans.

Le groupe UDI‑I prône un grand plan de décentralisation, qui consisterait en l'espèce à confier de larges compétences en matière de santé aux régions, seules capables de prendre en considération les besoins en santé de chacun des territoires : dans les Hauts‑de‑France, les pathologies dont souffrent les enfants ne sont pas les mêmes qu'ailleurs... À la lecture de votre rapport, j'ai bien saisi que les grandes régions, qui comptent beaucoup de départements, pouvaient rencontrer des difficultés pour construire des partenariats. Que pensez‑vous, dans l'idéal, d'une éventuelle extension des compétences des régions en matière de santé des enfants ?

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Je vous remercie à mon tour pour la qualité de votre rapport. Vos constats ne sont guère rassurants. Vous écrivez que, « en 2019, seuls 60 000 examens du 9e et du 24e mois ont été cotés par mois en moyenne contre 125 000 attendus ». Moins de la moitié ! Mais que fait‑on donc ?

Vous notez qu'il faudrait une meilleure coordination entre les multiples acteurs, des conventions pour définir le rôle de chacun. Hélas, tous les rapports disent la même chose ! Ce que vous n'indiquez pas, c'est le nombre de postes que l'on a supprimés dans les services concernés. Or le cœur du sujet, c'est de mettre sur le terrain, auprès des gens, davantage de professionnels de la PMI ou de le santé scolaire. Lorsque nous étions à l'école, vous l'avez dit, il y avait des visites médicales, des médecins et des infirmières. J'ai travaillé dans un service de PMI, et on se déplaçait au domicile des gens.

Par ailleurs, n'aurait‑on pas intérêt à créer un opérateur unique, compétent pour la santé de tous les enfants, qu'ils soient à la crèche ou à l'école ? Revenons à des choses simples, limitons le nombre de strates et la verticalité.

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Bravo pour votre excellent rapport, qui enfonce aussi quelques portes ouvertes : nous sommes tous conscients des problèmes d'organisation et d'accès aux soins. Je pointe l'incurie depuis trente ans, alors que nous manquons de médecins, notamment de généralistes. Or la porte d'entrée, c'est le médecin de famille ; c'est lui qu'on appelle lorsqu'on a un problème. S'y ajoutent la PMI et la santé scolaire. Je pense moi aussi qu'il faudrait un interlocuteur unique.

Dans le domaine de la santé publique, nous avons effectivement affaire à un éparpillement des acteurs, sachant que les inégalités sont socialement déterminées. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, par exemple, il y a moins de parcs et de jardins pour s'aérer et bouger. Je note néanmoins que le pass'sport, le nutri‑score et le plan vélo ont constitué des progrès. Le défi de la proximité, c'est de trouver le bon interlocuteur pour l'approche populationnelle. Pour ma part, je pense que le bon niveau, c'est l'articulation entre les groupements hospitaliers de territoire et les CPTS.

Nous n'avons pas encore pris le virage médico‑social. Dans mon territoire, de nombreuses personnes sont illettrées ou ne parlent pas le français. Les généralistes, déjà submergés, n'ont pas le temps de faire une bonne éducation thérapeutique. Qui plus est, cela ne s'invente pas : il ne s'agit pas seulement de délivrer de l'information, il faut y être formé. Et une bonne éducation prend du temps.

Pour lutter contre l'obésité, on a des outils : la balance, la toise, le repérage du rebond d'adiposité. Il faut effectivement faire de la prévention et agir dès le départ, sans attendre que l'enfant soit obèse ; sinon, nous laisserons se former une cohorte de malades du diabète. Remboursons les consultations chez les diététiciens et les psychologues !

La clef, c'est la stratégie d'« aller vers » et, surtout, les moyens alloués à l'éducation thérapeutique.

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En matière de santé, l'avenir de nos jeunes se décide dès la petite enfance. Les environnements physiques et sociaux ainsi que les comportements qui s'installent pendant cette période sont déterminants. La prévention est donc l'une des clefs pour réduire les inégalités de santé, et l'éducation a un rôle primordial à jouer. À cet égard, Santé publique France décline trois grands objectifs : développer la promotion de la santé en milieu scolaire, la développer dans les autres milieux de vie des enfants – extrascolaire, de loisirs, familial – et produire des connaissances utiles à l'action. Les politiques de santé et d'éducation doivent donc être cohérentes et parfaitement complémentaires, les particularités de chaque tranche d'âge devant être prises en compte.

D'après un rapport publié le 27 mai 2020 par la Cour des comptes, la santé scolaire souffre d'une pénurie de médecins. Au cours des années précédentes, moins d'un enfant sur cinq aurait bénéficié de la visite médicale lors de la sixième année, alors qu'elle est en principe universelle. En 2018, le taux d'encadrement des élèves s'établissait à un médecin pour 12 572 enfants. Cette situation devient intolérable, et je souscris aux propos de Jeanine Dubié concernant le manque de personnel sur le terrain. La défaillance de la médecine scolaire ne fait que renforcer les inégalités d'accès aux soins et de prise en charge, particulièrement dans les zones sous‑dotées.

Je sais que vous partagez ce diagnostic. Quelles actions concrètes préconisez‑vous ? Quid des infirmiers en pratique avancée et des psychologues ? Quels sont les leviers d'amélioration dans les déserts médicaux ?

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Je vous félicite à mon tour pour la qualité de votre travail, qui permet au Parlement de porter un regard objectif et acéré sur un sujet difficile. Nous manquons, avez‑vous dit, de données agrégées à l'échelle nationale sur l'état de santé des enfants. J'ai un peu de mal à en comprendre les véritables raisons. Le ministre des solidarités et de la santé a décidé récemment la création d'une direction nationale pour numériser et collecter l'ensemble des données – j'espère que ce service, embryonnaire, va prendre de l'ampleur. La clef, c'est l'interopérabilité entre les systèmes d'information de tous les acteurs. Allez‑vous pousser dans cette direction ?

Nous allons nous prononcer cet après‑midi sur le projet de loi « 3DS ». Un bon moyen de renforcer la médecine scolaire ne serait‑il pas de donner aux collectivités territoriales – régions, départements, communes – la possibilité de mutualiser des médecins et des infirmières scolaires, plutôt que de les garder dans le giron de l'éducation nationale ? Je fais un plaidoyer pro domo : l'Eure‑et‑Loir, avec seulement 68 médecins pour 100 000 habitants, est parmi les premiers de la classe en matière de PMI, et cela résulte d'une volonté politique du département.

Dans le cadre de la réforme du financement des urgences, une nouvelle tarification est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. La prise en charge d'un enfant est désormais moins « rémunératrice » que celle d'un adulte. N'y voyez‑vous pas un péril ?

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Le rapport que vous nous présentez mérite la plus grande attention, car le sujet est primordial. Comme pour de nombreuses autres politiques publiques, dont la protection de l'enfance, les difficultés de pilotage et de gouvernance y sont une nouvelle fois mises en exergue. À nouveau, le manque de transversalité entre les ministères et l'absence de pilotage parmi les différents acteurs territoriaux, ARS et départements, conduisent à des situations qui pourraient être évitées. Une fois encore, le défaut de pilotage à l'échelon national entraîne inévitablement une politique publique inégalement appliquée dans le territoire.

J'approuve l'idée d'articuler le parcours de santé de l'enfant autour du médecin traitant, mais, dans de nombreux territoires, il n'y a plus assez de médecins généralistes. Les politiques incitatives ne fonctionnent pas suffisamment et la fin du numerus clausus mettra des années à produire des effets. En Seine‑Saint‑Denis, la médecine scolaire se délite ; une visite médicale est rendue obligatoire par la loi tous les enfants à l'entrée en cours préparatoire et en sixième, mais elle ne peut se tenir faute de médecins. Et les inégalités territoriales ne vont malheureusement pas cesser de croître si rien n'est fait.

Considérant la pénurie actuelle de médecins, quelle action concrète et efficiente à court terme vous paraît‑elle la plus adaptée ?

Par ailleurs, vous parlez peu de la pédopsychiatrie, un sujet pourtant important, notamment dans le champ de la protection de l'enfance.

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Vous soulignez une amélioration dans les domaines de la santé dentaire et de la lutte contre l'obésité – dont la prévalence stagne depuis 2006, mais reste élevée – et vous insistez sur le déterminisme social en matière de santé de l'enfant, en particulier de surpoids, dès le plus jeune âge.

Dans ma circonscription, Asnières Collectif Parents, très investi dans la lutte contre l'obésité, se bat pour obtenir que soient servis dans les cantines scolaires du pain artisanal, des produits locaux, des produits artisanaux, provenant de préférence de circuits courts, et un plat végétarien quotidien. Plus de deux cents communes font de même et agissent pour des cuisines sans plastique et pour valoriser les pratiques culinaires du monde entier, avec l'association Meet My Mama.

L'État a mené dans quatre départements – le Nord, le Pas‑de‑Calais, la Seine‑Saint‑Denis et La Réunion – l'expérimentation « Mission : retrouve ton cap », qui consiste en une prise en charge gratuite, précoce et pluridisciplinaire, associant nutritionnistes, psychologues et médecins, financée par la caisse primaire d'assurance maladie et mise en œuvre dans des centres municipaux, des centres médico‑sportifs et des associations. Elle sera étendue à l'échelon national en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Le Secours catholique préconise de développer des tarifs de cantine à 1 euro dans tout le territoire, dans la continuité du plan « pauvreté », de favoriser une alimentation de qualité à la cantine, dans le prolongement de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (« EGALIM »), de créer des conseils de politique alimentaire comme au Royaume‑Uni et en Allemagne, et enfin de permettre l'accès de tous à des structures d'aide alimentaire. Que pensez‑vous de ces propositions ? Quelles sont vos propres préconisations pour lutter contre l'obésité chez l'enfant ?

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Pourquoi avez‑vous exclu la périnatalité du champ de votre rapport ? Les inégalités sociales influencent la grossesse et les conditions de l'accouchement, qui forment un continuum avec ce qui se passe ensuite.

Au‑delà du recrutement de fonctionnaires dans les collectivités territoriales, dont l'organisation technocratique n'a parfois rien à envier au niveau national – difficile de comprendre quelque chose à la répartition des responsabilités dans le fameux « mille‑feuille territorial » – les CPTS que nous sommes en train de mettre en place peuvent avoir un effet notable sur les phénomènes qui nous préoccupent. Le projet de loi « 3DS » modifie la composition des conseils d'administration des ARS de sorte que les collectivités territoriales y soient représentées. En Occitanie, l'ARS a installé, à la suite du Ségur de la santé, une commission régionale destinée à lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé, en lien avec l'ensemble des acteurs et avec la société civile. Cela me paraît une bonne base pour traiter de ce problème, qu'il concerne les enfants ou d'autres catégories de population.

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Les constats dressés semblent transposables à de nombreuses politiques sociales : la multiplicité des donneurs d'ordre et des intervenants et le défaut d'interministérialité entraînent l'inefficacité globale du système. Quelles sont les premières pistes pour résoudre ces problèmes ?

Vous dites à la fois que le bilan en matière de santé dentaire est plutôt satisfaisant et qu'il faudrait donner un rôle central au médecin traitant. Mais il y a de moins en moins de dentistes comme de médecins. Comment appliquer vos préconisations dans ce contexte ? Comme pour d'autres politiques de santé, ne faudrait‑il pas confier certains examens obligatoires à d'autres professionnels de santé pour tenir compte du manque de temps médical ? Il s'agirait de recourir aux pratiques avancées au bénéfice de l'enfance.

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Vous avez conclu en insistant sur la prévention. C'est un domaine dans lequel nous tous ici sommes très investis depuis le début de la législature. Mais, au‑delà des incantations, que faire ? Cette politique publique est éparpillée entre trop de ministères et trop d'acteurs pour que nous puissions appliquer une véritable ligne directrice. La création d'une délégation interministérielle à la prévention pourrait‑elle contribuer à nous doter d'un pilote et coordonnateur dans un domaine, celui de la santé des enfants ou d'autres, puisque la prévention doit se faire à tout âge ?

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Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Merci, au nom de toute l'équipe, de vos avis positifs.

Nous n'avons pas travaillé sur la crise ni sur son impact sur la santé des enfants, mais nous le ferons ultérieurement, car la question mérite d'être creusée. Pour l'instant, monsieur Perrut, nous ne disposons donc pas de données sur la dégradation de la santé mentale des enfants, même si nous voyons passer des informations à ce sujet. Nous avons l'intention de travailler sur la pédopsychiatrie et aurons l'occasion de vous présenter nos travaux sur ce thème, peut‑être encore à la demande de votre assemblée.

Nous comptons conduire d'autres travaux qui nous permettront de mieux répondre à vos questions, par exemple sur la périnatalité, sur laquelle la Cour a déjà produit trois rapports et sur laquelle nous nous pencherons à nouveau au second semestre de cette année. Les observations étaient en gros les mêmes que dans le rapport d'aujourd'hui : les indicateurs sont mauvais, les acteurs dispersés, les moyens existent et globalement, cela ne marche pas.

S'agissant de la médecine scolaire, notre rapport d'il y a presque deux ans, faisait état d'une augmentation des postes budgétaires ouverts et, parallèlement, d'une hausse des vacances de poste. Autrement dit, les professionnels de santé, dont vous avez souligné à juste titre le manque sur le terrain, ne vont pas davantage dans les services de médecine scolaire qu'ailleurs ; dans l'hypothèse où le desserrement du numerus clausus améliorerait la situation, ce ne sera pas avant de très nombreuses années.

Dans l'immédiat, la délégation de compétences et de tâches et le recours aux pratiques avancées de professionnels de santé paramédicaux seraient essentiels, mais se heurtent à de très fortes réticences. Pourtant, comment dégager du temps médical sinon en transférant à ces personnels des tâches aujourd'hui accomplies par des médecins ? On l'a vu pendant la crise.

Dans la politique qui nous occupe, les intervenants sont multiples et non coordonnés. Les CPTS – qui ne sont que 100 ou 200 sur les 1 000 annoncées, la crise ayant retardé cette organisation des soins de premiers recours – peuvent effectivement être un point d'entrée dans le système. L'enjeu est en tout cas de parvenir à trouver un interlocuteur unique. On peut renforcer les moyens de la médecine scolaire et des PMI mais, même si l'on trouvait des professionnels de santé pour tous les postes, madame Dubié, sans coordination, cela resterait sans effet. Le problème est bien dans la coordination, pas seulement dans les moyens.

Cet interlocuteur unique peut être le médecin traitant, mais, là où cela se justifie, dans les déserts médicaux et les zones les moins favorisées, le relais peut être pris par la médecine scolaire et plus encore par les infirmières scolaires, toujours dans le cadre de délégations de compétences et de tâches. En revanche, en Île‑de‑France et dans les zones qui comptent de très nombreux professionnels de santé en ville, ce n'est pas nécessairement utile.

En ce qui concerne la répartition des compétences entre l'État et les collectivités et la coordination de l'action publique, des commissions de coordination des politiques de santé publique, notamment de prévention, ont été créées dès la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), en 2009. À l'évidence, elles ne fonctionnent pas – au bout d'une décennie, cela se verrait dans les indicateurs sanitaires ! Il faut donc changer de pied, dans l'esprit de la future loi « 3DS », en passant plutôt à l'échelon départemental, celui des inspections académiques et des délégations territoriales des ARS. Lorsque nous avons traité de la prévention de la dépendance, nous avons mis en évidence la pertinence de la coordination départementale. Je ne crois pas que le transfert de compétences aux régions, défendu par Mme Six, apporterait les solutions nécessaires.

S'agissant de la création d'une structure pour renforcer les actions de prévention, ce ne serait peut‑être pas un cadeau pour la personne qui en serait responsable, mais elle pourrait avoir un sens, au moins pour l'affichage, voire pour catalyser des actions éparpillées. C'est mon point de vue à titre personnel, même si nous ne l'avons pas proposé dans le rapport sur la prévention que nous avons présenté au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

De notre point de vue, madame Firmin Le Bodo, la prévention se résume à quatre mots d'ordre : tabac, alcool, alimentation, environnement. Les propos de Mme Pételle sur les cantines scolaires, appuyés sur une expérience de terrain, vont évidemment dans le bon sens : tout ce qui peut améliorer la qualité de l'alimentation des enfants est le moyen déterminant de lutter contre l'obésité. Selon un article qui vient de paraître dans Le Monde, une étude établit que l'on peut gagner jusqu'à dix ans d'espérance de vie par une alimentation plus équilibrée. J'ajoute que rien ne sert de faire des efforts concernant les circuits courts ou les produits bio dans les cantines si les familles font la queue au supermarché au milieu d'un amoncellement de produits sucrés. Il faudrait peut‑être, et ce ne serait pas difficile, mener des actions de sensibilisation visant la grande distribution ; c'est ce que nous préconisions dans notre rapport sur l'obésité.

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Je vous remercie pour la qualité de votre rapport, mais aussi de vos réponses, très précises.

J'indique qu'à l'issue de cette présentation en commission, il appartient à la Cour de rendre public ce rapport sur son site internet.

La séance est levée à dix heures cinquante.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9 heures 30

Présents. - Mme Stéphanie Atger, M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, Mme Gisèle Biémouret, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Jean‑Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, Mme Myriane Houplain, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac‑Sibille, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, M. Alain Ramadier, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, M. Jean‑Louis Touraine, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Hélène Zannier

Excusés. - M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, Mme Audrey Dufeu, Mme Perrine Goulet, Mme Claire Guion‑Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer