Merci beaucoup. Je vais essayer de répondre le plus qualitativement possible.
Monsieur Thomas Mesnier nous interrogeait notamment pour savoir s'il y a plus ou moins de plaintes et plus ou moins de contrôles selon les statuts des établissements. Sauf dans le contexte très particulier déclenché par le livre, notre grille d'analyse n'est pas par statut, mais porte d'abord sur les réclamations, les événements indésirables et les difficultés de tous ordres. Il me semble tout à fait normal qu'il en soit ainsi, même s'il en va un peu différemment dans cette période d'actualité.
Nous n'avons pas systématiquement plus ou moins de plaintes selon les statuts. Là encore, je pourrai partager avec votre commission des données plus détaillées. La situation dépend davantage des personnes, du directeur, de l'équipe soignante que du statut dans l'absolu. Je regardais encore hier les cas d'EHPAD que je citais tout à l'heure, auxquels nous avons fait des injonctions. Pour faire court, tous les statuts sont représentés.
Vous m'avez demandé s'il existe des différences de coopération et de pratiques entre départements. Il est un peu tôt pour moi pour y répondre. Je voulais simplement signaler que nous avons eu une réponse suite à ma sollicitation personnelle de la part des huit présidents départementaux pour renforcer la coopération. L'approche est différente, ce qui est normal : il existe des politiques d'ensemble différentes. Nous approfondirons ce point. De fait, la structure par statut n'est pas non plus la même par département, non plus que les pratiques de tarification ou le nombre de places d'aide sociale. En stricte application de la loi, il existe donc des différences entre départements.
Madame Vidal a insisté à juste titre sur le fait que les concitoyens ne comprennent pas comment on peut ne pas voir ce qui est décrit dans l'ouvrage. Il faut peut-être revenir, sans abuser de votre temps, sur les éléments du contrôle de 2018. Encore une fois, je transmettrai cette enquête à madame la présidente dès la fin de cette audition et je la rendrai publique. Sans relever tous les écarts constatés à cette époque, je mentionnerai la principale préoccupation de l'agence, qui était celle du temps du médecin coordonnateur. L'EHPAD a rapidement corrigé ce point et répondu aux prescriptions du CPOM. Des questions portaient sur les conditions d'intervention de médecin libéral au sein de l'EHPAD, ce qui fait écho à certains éléments lus dans le livre. Sans trop entrer dans le détail, je confirme avoir pris l'initiative de voir comment coordonner ces différents types de contrôle avec l'Assurance maladie. Ce n'est pas nouveau : cela nous arrive régulièrement. Nous le ferons donc en l'occurrence.
Des questions portaient sur le suivi du recueil de la parole et des plaintes. Nous avons également relevé la difficulté des équipes soignantes à faire face à l'ensemble des soins et donc la prise en charge par des auxiliaires de vie sociale d'actes qui ne relevaient pas forcément de leurs compétences. Ce point est très important. Sur ce sujet, les structures publiques ont une capacité plus large de mutualisation de l'ensemble des ressources, avec un meilleur usage des forces soignantes.
Sur le coût des protections, je pourrais répondre par une pirouette en disant que la partie dépendance relève des départements. Je ne le ferai pas, même si cela témoigne aussi de la complexité de nos systèmes. Le coût des protections peut effectivement être un signe d'alerte. De fait, les axes de contrôle ne sont pas toujours les mêmes quand nous réalisons un contrôle inopiné. Le chiffre de 28 % de marges arrière m'a moi aussi surprise quand je l'ai lu, mais cela ne fait pas partie des éléments que nous pouvons voir quand nous contrôlons un EHPAD.
Monsieur Vigier a fréquenté comme moi d'autres bancs, si je puis dire, et appelle à un renforcement de l'expertise financière, qui me semble très nécessaire. Je me permets de l'illustrer par le cas de l'EHPAD des Bords de Seine : le budget soins est de l'ordre de 1,8 million d'euros apportés par l'Assurance maladie et le budget dépendance de l'ordre de 700 000 euros. Il s'y ajoute une participation à l'hébergement dans certaines catégories, là encore de l'ordre de 700 000 euros. En face, figurent les montants payés par les résidents et leur famille, comme le livre l'indique, qui peuvent s'élever à 6 000 à 12 000 euros par mois. Je vous laisse le soin de faire le calcul. Encore une fois, nous ne contrôlons que la partie soins et dépendance en tant que telle, les repas relevant de la partie hébergement, ce qui pose la question des réponses que nous pouvons apporter.
De manière générale, et en réponse à plusieurs intervenants, il nous faut clairement plus de transparence et nous devons l'imposer sur l'ensemble des données de prise en charge dans les établissements. Un niveau d'exigence accru et une accréditation ont du sens. Je me permets de rappeler qu'une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 portait sur des référentiels de qualité définis par la Haute autorité de santé (HAS) ; elle a été censurée, comme cavalier, par le Conseil constitutionnel, mais elle a fait l'objet d'un travail approfondi avec la HAS.
En réponse à monsieur Vigier, je rappelle que nous n'avons pas seulement vingt contrôleurs. Ce point est très important à comprendre : nous avons vingt inspecteurs dédiés, mais nous comptons 200 personnes qui mènent régulièrement des inspections, en plus des 67 personnes que nous mobilisons en renfort. Nous avons vingt médecins inspecteurs de santé publique, 67 IAS, etc. Ces chiffres sont très importants, et heureusement, au vu du volume de structures qui existent dans la région : à peu près 700 EHPAD, sans compter le reste du secteur médico-social. Il est heureux que le contrôle ne passe pas uniquement par des inspections en tant que telles.
Monsieur Michels demande comment sont croisées les informations entre ARS. Ce point doit être approfondi. Nous les croisons entre départements relevant d'une même ARS et nous pouvons partager les points les plus emblématiques, mais il existe sans doute une voie de progrès pour rendre ce croisement plus systématique.
Madame Pirès-Beaune m'a posé plusieurs questions sur les contrôles, auxquelles nous devrons répondre dans un second temps : je n'ai pas le recul depuis 2016. Je comprends parfaitement la question, mais je n'ai pas la réponse dans l'immédiat. Comme vous le savez, l'agence régionale de santé Ile-de-France, comme les autres, est compétente pour contrôler EHPAD par EHPAD. Nous n'avons pas de capacité à contrôler le système, avec ou sans guillemets.
Les indicateurs sur les ressources humaines (RH), comme le taux de vacance ou l'absentéisme, font partie des signaux à prendre en compte, pour déclencher une inspection notamment. Ils ressortent très régulièrement, selon les cas, dans les recommandations, voire les prescriptions, voire les injonctions, quand il y a carence. Là encore, nous avons intérêt à une plus grande publication des données. En revanche, nous n'avons pas de suivi des contentieux RH ouverts. S'agissant de la question sur les réductions d'impôt, là encore, je la transmettrai à mes collègues, de sorte à vous apporter une réponse.
Madame Iborra me demandait notamment ce que nous faisons des conseils de la vie sociale (CVS). À chaque inspection, ce point fait systématiquement partie du contrôle. Nous vérifions d'abord qu'il existe, qu'il est en place et qu'il fonctionne et nous en interrogeons les membres. Une difficulté récurrente est que nous avons beaucoup de mal pour recueillir la parole des personnes les plus dépendantes, or les cas de maltraitance qui interpellent le plus frappent malheureusement certains de nos concitoyens qui n'ont plus les moyens d'exprimer ce qui leur arrive. Plus structurellement, les EHPAD comptent de plus en plus de personnes très âgées, très dépendantes, pour lesquelles il faut penser aussi à des réponses différentes ou complémentaires.
J'ai parlé un peu de qualité ; je remercie Jean-Louis Touraine de nous avoir incités à revenir sur ce point. De manière précise, dans l'EHPAD des Bords de Seine de Neuilly, nous avons constaté quinze décès en 2020-2021, ce qui correspond à la moyenne dans la région. Il n'y a donc pas de décalage sur cet EHPAD. Je n'ai pas forcément tous les chiffres sur l'ensemble du secteur lucratif dans la région. Nous avons aussi constaté moins de décès dans les EHPAD publics, notamment hospitaliers, peut-être du fait de la proximité avec l'hôpital, comme nous avons essayé de le faire, notamment en développant des filières gériatriques. Je constate désormais, lorsque je me déplace, que les directeurs d'hôpital savent qui est leur correspondant hospitalier, ce qui n'était pas systématiquement le cas avant la crise. Nous pouvons également interroger le fait qu'en tarification globale, les EHPAD ont une plus grande souplesse à allouer les ressources soignantes – toutefois, cela relève plutôt de l'intuition que du démontré. Nous approfondirons les données que vous citez.
De manière générale, ces indicateurs de surmortalité, et plus globalement de qualité, doivent impérativement être développés, tout d'abord parce que c'est aussi cela qui donne du sens au métier. Il ne faut toutefois pas se tromper d'échelle pour mesurer la surmortalité, y compris celle liée à l'épidémie grippale. Nous la surveillons. À partir de quand un échantillon est-il représentatif ? Il faut, évidemment, systématiquement interroger les chiffres, et nous le faisons. J'ai des chiffres précis parce que nous avons, bien sûr, fait ce suivi. Les EHPAD Orpea ne présentaient pas de surmortalité particulière.
Madame Tamarelle revenait sur les sous-déclarations. Je crains effectivement qu'il n'y en ait. Je souhaite souligner à nouveau que l'agence régionale de santé traite toutes les réclamations qui lui sont adressées et ne se contente évidemment pas de transmettre les réponses fournies par l'EHPAD. Une de nos priorités sera d'encourager encore davantage les familles et les personnes elles-mêmes à faire une réclamation, mais aussi les personnels à faire part des événements indésirables.
Encore une fois, il s'agit de prises en charge difficiles. Il est difficile d'éviter ces événements indésirables, mais il est important de les analyser, c'est pourquoi nous avons besoin de manière générique d'ouvrir ces EHPAD et de faire connaître et comprendre leur fonctionnement. Cela passe aussi par des accueils de jour et, de manière plus générale, par une ouverture sur le reste de la ville et de la société. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'une réponse générale et qu'il faudra être plus précis dans la mise en œuvre concrète de ces orientations. Mais il faut faire connaître ces structures et leur mode de fonctionnement, proposer des solutions le plus longtemps possible à domicile et avec, le cas échéant, des alternances de séjour. Je crois beaucoup au potentiel des séjours de répit en EHPAD : il est important de prévoir des places en EHPAD en sortie d'hospitalisation et de retour à domicile. Cela existe et l'agence régionale de santé Ile-de-France le finance. Cela relève aussi de cette ouverture générale des établissements, qui facilitera les déclarations. Je me permettrai de conclure ainsi sur ce sujet.