Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 11h10

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 9 février 2022

La séance est ouverte à onze heures dix.

Dans le cadre des auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea, la commission auditionne Mme Amélie Verdier, directrice générale de l'agence régionale de santé Île‑de‑France.

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Nous poursuivons notre cycle d'auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea. La semaine dernière, la lecture de l'ouvrage Les Fossoyeurs, dont nous recevrons l'auteur cet après-midi même, a provoqué chez nous tous beaucoup d'émoi, d'écœurement, d'indignation, voire de colère.

J'ai immédiatement demandé aux dirigeants du groupe Orpea de venir s'expliquer devant notre commission. Mercredi dernier, à l'issue de cette audition de près de trois heures, notre émoi, notre écœurement et notre indignation n'avaient en rien diminué, bien au contraire : impréparation, voire désinvolture, tel est le sentiment donné par les réponses, dont la qualité, pour ne pas dire l'absence, nous a unanimement déçus.

Pour autant, il nous faut continuer d'entendre les différents acteurs sur les faits, très graves, dont il est question dans cet ouvrage, et qui suscitent, comme souvent en pareille occasion, de nombreuses réactions dont nous avons tous pu prendre connaissance ces derniers jours.

En effet, je ne doute pas que vous ayez tous été saisis de témoignages de familles, de résidents, de salariés des établissements mis en cause. Il va d'ailleurs de soi que je veillerai à ce que cette parole soit entendue au sein de notre commission et devant nos concitoyens.

Face à l'ampleur de ces questions, nous devons donc impérativement poursuivre notre travail d'investigation. Je réunirai d'ailleurs le bureau de notre commission dès 14 heures, cet après-midi, afin que nous décidions ensemble de la manière dont nos auditions doivent se poursuivre.

En tout état de cause, puisque l'enquête de Monsieur Castanet revient longuement sur les faits qui se seraient produits dans un établissement francilien, il nous appartient d'entendre les dirigeants de l'agence régionale de santé compétente. Je remercie donc Madame Amélie Verdier d'avoir rapidement répondu à notre invitation pour nous éclairer sur les règles, les procédures et les contrôles qui s'appliquent à ces établissements et à ces situations.

Madame la directrice générale, je vais maintenant vous donner la parole pour une durée de dix à quinze minutes. Les orateurs de groupe interviendront ensuite, avant les questions des députés.

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Amélie Verdier, directrice générale de l'agence régionale de santé Île‑de‑France

Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés. Je tenais tout d'abord à exprimer la très vive émotion que j'ai ressentie moi aussi à la lecture du livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs. Cette émotion est aussi celle de l'ensemble des agents de l'agence régionale de santé Ile-de-France et notamment de ceux dont le métier est, au quotidien, de définir le cadre de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et de s'assurer des solutions les meilleures possible à apporter à ces personnes et à leurs besoins.

Les pratiques décrites dans cet ouvrage relèvent bien sûr de la maltraitance, voire, pour citer l'auteur, d'un système organisé tant pour les résidents que pour les personnels, et de cas de fraude grave, sur lesquels toute la lumière devra être faite. Comme l'a annoncé madame la ministre Brigitte Bourguignon, une inspection confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection générale des finances (IGF) est en cours. Toutes les ARS, y compris la mienne, y contribueront. L'un des objectifs aujourd'hui est de vous faire partager ce que l'on peut voir et comprendre d'une ARS et ce que nous avons appris dans ce livre, qui devra être précisé.

Ce livre interroge bien sûr le système actuel de supervision, de contrôle et d'inspection. Je reviendrai sur cette définition, puisque la manière dont une agence régionale de santé contrôle les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne se limite pas aux inspections. L'ARS est un acteur essentiel de ce système de supervision, mais elle n'est pas le seul. Elle agit aux côtés des conseils départementaux, et souvent de manière partenariale avec eux.

J'ai souhaité structurer ce propos liminaire en quatre étapes, en respectant le temps qui m'est imparti. Je présenterai d'abord succinctement, mais précisément, la situation des EHPAD sur le territoire francilien, avec un focus sur ceux qui appartiennent au groupe Orpea. Je décrirai nos actions comme autorité de tutelle des EHPAD et notamment ce qui a été réalisé spécifiquement sur l'EHPAD des Bords de Seine avant la parution de ce livre. Je présenterai un premier bilan des mesures prises à la suite de cette parution, puis je conclurai par quelques perspectives d'amélioration.

Premièrement, pour donner quelques ordres de grandeur, les personnes âgées dépendantes peuvent être prises en charge en Ile-de-France dans le cadre de 63 000 places dans 707 établissements. Sur ce total, 340 sont à but lucratif ; ils représentent 45 % des places.

Le groupe Orpea quant à lui compte 58 EHPAD autorisés, dont un en travaux, pour 5 100 résidents, soit de l'ordre de 8 % des places. Ce groupe est présent dans tous les départements franciliens, à hauteur de quatre à onze établissements par département. Il est particulièrement présent dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-d'Oise. Au titre de la dotation « soins », de manière consolidée en 2021, le groupe a reçu 102 millions d'euros de l'Assurance maladie, versés par l'Agence régionale de santé, 95 millions au titre des financements « classiques » et 7 millions au titre de la crise Covid, dont un peu moins de 4,5 millions de compensations au titre des pertes de recettes d'hébergement, en application des règles définies au niveau national. La gravité des patients accueillis dans ces établissements est comparable à ce que l'on constate au niveau régional. En termes de structuration de l'offre francilienne, la moitié des places totales en Ile-de-France, soit 32 000, sont habilitées à l'aide sociale. Sur ce chiffre de 32 000 places, 2 160 sont prises en charge par des EHPAD privés à but lucratif, dont 248 pour Orpea et aucune pour l'EHPAD Bords de Seine qui est l'objet du livre.

Je passe rapidement sur le système d'autorisation, que votre commission connaît certainement. Je pourrai y revenir dans les réponses. Pour l'essentiel, ces autorisations ont été délivrées avant 2002, et donc avant le changement de méthode. Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) ont été initiés ; ils ne sont pas tous signés. En Ile-de-France, on compte un CPOM par département. Concernant Orpea, cinq CPOM sur huit sont signés, dont un CPOM pour les Hauts-de-Seine, incluant l'EHPAD de Neuilly. La négociation des nouveaux CPOM et la renégociation des actuels sont prévues dans la période à venir. Comme vous le savez, un certain retard a été pris lors de la crise sanitaire, assumé comme tel compte tenu des urgences qui étaient les nôtres dans cette période et du fait qu'il faut prendre le temps de bien négocier ces CPOM. Cela explique qu'ils ne soient pas tous signés à ce jour.

Le taux d'encadrement moyen d'Orpea est similaire aux taux régionaux et proche des taux nationaux : 62 équivalents temps plein (ETP) pour 100 patients pour ce qui est du taux d'encadrement global, 48 ETP pour 100 patients pour ce qui est du taux d'encadrement paramédical et agents de service hospitalier (ASH). Nous sommes donc dans les moyennes constatées au niveau national. Si nous nous intéressons de manière ciblée à ce qui distingue les établissements Orpea, les indicateurs de ressources humaines ressortent, avec un taux d'absentéisme et surtout de vacance de postes clairement plus élevé dans ces établissements que dans les médianes régionales. Le taux de vacance de poste atteint 7,3 % chez Orpea, contre 1,6 % en moyenne régionale. L'absentéisme est un peu plus élevé que la moyenne, à 15 %, contre 12,5 % en moyenne régionale. J'insiste sur le fait que l'absentéisme est un phénomène transversal, inter-structures et quel que soit le statut. Je n'aime guère ce terme, qui ne fait pas apparaître le motif de l'absence, mais l'on constate en tout état de cause un peu plus d'absentéisme et beaucoup plus de vacances de poste.

Je reviens sur les signalements et réclamations que nous avons enregistrés sur Orpea. Pour mémoire, nous sommes attentifs à deux types de signaux : les réclamations qui viennent des familles ou des hébergés et les signalements effectués par les établissements ou par les professionnels. Nous les encourageons d'ailleurs à le faire, puisque leur analyse est une manière de progresser dans la qualité des prises en charge.

En 2021, l'ARS a reçu 575 signalements des établissements dans le champ des EHPAD et des personnes âgées, soit un peu moins de 40 % des signalements que nous recevons. Tous ne concernent pas des faits de maltraitance : ils sont de multiples natures, y compris des conflits entre résidents, des vols et des sinistres. L'ARS encourage la déclaration de ces signalements et vérifie systématiquement la manière dont les établissements analysent les événements et en tirent des enseignements pour l'amélioration des prises en charge.

Toujours en 2021, nous avons reçu 290 réclamations émanant des personnes hébergées ou de leurs familles, soit à peu près 17 % en Ile-de-France du total des réclamations reçues, qui peuvent porter sur la totalité de l'offre sanitaire et médico-sociale. Je précise d'emblée que chaque réclamation adressée à l'ARS donne bien sûr lieu à une analyse et à une réponse écrite. Cette analyse est toujours produite en sollicitation de la structure, mais est réalisée de manière indépendante. Vous y avez fait allusion, madame la présidente, dans votre propos liminaire : nous sommes dans une période où beaucoup de réclamations remontent, certaines anonymes, ce qui rend la réponse difficile, mais qui sont tout de même analysées. D'autres sont très précises. J'y reviendrai. Elles méritent une analyse toujours circonstanciée et nécessitent une réponse individuelle, mais aussi une approche globale sur le faisceau d'indices qu'elles peuvent constituer sur des défauts de prise en charge.

S'agissant d'Orpea et depuis fin novembre 2020, date de mise en place d'un dispositif régionalisé de suivi, nous avons reçu 92 déclarations d'événements indésirables de la part des établissements, dix d'usagers et deux signalements transmis par des professionnels à titre privé. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur le détail des motifs : situations conflictuelles, maltraitance, problèmes de sécurité – assez nombreux – défaillances techniques et problèmes de ressources humaines, qui sont assez prégnants. Sur plus long terme, nous nous sommes également intéressés au taux de réclamation moyen par EHPAD. Nous avons relevé en moyenne, en Ile-de-France, 2,7 réclamations par établissement sur cinq ans. Il s'agit bien là des réclamations émanant des familles ou des hébergés. Le chiffre sur les EHPAD d'Orpea est très proche, à hauteur de 2,5 réclamations. Nous avons donc une moyenne, et l'on sait à quel point la moyenne peut être un chiffre sec, qui ne dit rien de la réalité des situations, et nous avons des cas. Nous en avons plus, ou nettement plus et il s'agit bien sûr de l'un des éléments qui président au choix de déclencher des inspections.

Seize inspections ont été réalisées dans quatorze des 57 EHPAD Orpea en Ile-de-France depuis 2011. Ces visites ont pu donner lieu à des recommandations, dont la mise en œuvre est facultative, et à des prescriptions, dont la réalisation est obligatoire et suivie par l'agence. Aucune de ces inspections n'a conduit l'agence à prononcer des injonctions, dont l'application fait ensuite l'objet d'une vérification lors d'une inspection supplémentaire, et, si elle n'est pas suivie d'effet, peut conduire à une mise sous administration provisoire ou à une mesure plus stricte.

J'en viens maintenant, dans un deuxième temps, à l'EHPAD des Bords de Seine. Je rappellerai d'abord dans quelle perspective globale l'ARS exerce son rôle de tutelle. L'ARS doit conseiller et appuyer méthodologiquement les établissements. Cela se fait dans le cadre du dialogue de gestion, comme cela a beaucoup été le cas pendant la crise du Covid sur les règles d'hygiène, la pédagogie à apporter sur la vaccination, etc. Je n'y reviens pas, mais le rôle des équipes est d'abord celui-là. Cette démarche est d'abord orientée vers l'accompagnement, en vue de la sécurisation et de l'amélioration du service rendu, bien sûr. Elle peut in fine, quand il y a lieu, aller vers la sanction ou la répression des opérateurs. Je redis à quel point cet ouvrage a été un choc : il met en évidence l'écart entre ce que l'agence essaie de faire et les pratiques constatées.

L'EHPAD des Bords de Seine est concerné par un CPOM signé entre l'ARS, le conseil départemental et Orpea fin 2017. Cet EHPAD est donc inclus dans un CPOM qui couvre la période 2018-2022. Il contractualise des objectifs stratégiques déclinés en objectifs opérationnels. Je n'insiste pas ; je pourrai y revenir lors des questions. J'ai été frappée en le reprenant de constater qu'il était déjà prévu des axes de qualité spécifiques sur la nécessité de réduire l'absentéisme, la vigilance sur le turn-over, la nécessité d'augmenter les projets de vie individualisés et de développer des partenariats avec l'extérieur dans le cadre de la politique générale, que vous connaissez, d'ouverture de nos EHPAD. Je reviendrai par la suite sur ce qui a pu être constaté dans les évaluations externes liées aux CPOM.

L'ARS a mené une inspection inopinée en août 2018 de cet EHPAD. Le rapport définitif a été transmis à l'établissement en juin 2019. Il n'y a pas eu d'inspection conjointe cette fois-ci, puisque le conseil départemental des Hauts-de-Seine avait réalisé une inspection en février 2018. Je précise d'emblée, puisque l'ouvrage laisse penser que l'ARS avait été sollicitée pour un contrôle conjoint, que nous n'en avons pas trouvé trace. En tout état de cause, nous travaillons en bonne intelligence maintenant avec le conseil départemental des Hauts-de-Seine et nous menons en ce moment même une inspection conjointe.

En 2018, les réclamations, telles qu'elles étaient connues de l'ARS, ne portaient pas sur des faits de maltraitance de l'ampleur et de la gravité de celles exposées par l'enquête du journaliste Victor Castanet. Nous avons depuis demandé à l'EHPAD de nous exposer certains cas, pour lesquels nous avons vérifié que nous n'avons pas eu de réclamation. C'est bien sûr quelque chose qui nous préoccupe ; j'y reviendrai sans doute en conclusion. Nous devons susciter beaucoup plus les réclamations et montrer que nous y apportons des réponses.

Ces inspections avaient notamment identifié un turn-over important des personnels et un manque d'encadrement, un temps d'intervention trop faible du médecin coordonnateur, notamment, et des conséquences en termes de dysfonctionnements dans la qualité des prises en charge, une absence de convention sur le champ d'intervention dit des dames de compagnie qui est bien exposé dans l'ouvrage, des projets personnalisés des résidents encore trop peu mis à jour et une gestion des risques insuffisamment travaillée.

Ainsi que je l'indiquais à madame la présidente, il me semblait important que vous soyez les premiers à avoir le détail des éléments de ce rapport et je pourrai bien sûr y revenir tout à l'heure. Je vous indique que j'entends rendre public ce rapport assez rapidement, mais je souhaitais vous en parler préalablement, y compris pour bien expliciter ce qu'on voit et ce que l'on ne voit pas dans une inspection de ce type.

À la demande de l'ARS, l'établissement a présenté en juillet 2019 un plan d'actions qui, globalement, semblait répondre aux recommandations et prescriptions. Un responsable et un échéancier étaient prévus pour chaque action. J'insiste sur ce qui a été le principal point de vigilance pour nous, à savoir la vérification qu'un médecin coordonnateur était bien présent. Je peux vous confirmer que cela est bien le cas, y compris en 2022. D'autres points, je n'y reviens pas, étaient en cours.

À partir de 2019, le nombre de réclamations reçues par l'ARS avait nettement diminué. Cet établissement avait été sélectionné pour une inspection inopinée au vu du volume de réclamations. Cet indicateur n'est pas le seul, mais il consiste à suivre l'évolution des plaintes. Neuf réclamations avaient été enregistrées entre 2016 et fin 2018-début 2019, d'où le déclenchement de ce contrôle. Elles n'étaient plus que trois entre 2019 et 2022.

Ce point ayant été rendu public, je reviens sur le fait que le Défenseur des droits avait attiré l'attention de l'ARS sur le cas d'une personne hébergée dans cet EHPAD, par courrier, le 30 décembre 2019, juste avant le début de la crise sanitaire. Une inspection inopinée de l'établissement était initialement programmée au cours de l'année 2020. La surveillance de la crise sanitaire a quelque peu bouleversé les plans de contrôle de l'ensemble des ARS, en tout cas de l'ARS Ile-de-France. Elle a imposé un plan de continuité d'activité et une mobilisation exceptionnelle des effectifs de l'agence, notamment de ceux de l'inspection régionale, qui a conduit à affecter ces agents en cellule de crise, en conseil et en accompagnement des EHPAD qui se trouvaient dans une situation très difficile, notamment en 2020.

J'insiste sur le fait que nous n'avons pas cessé de mener des inspections dans cette période. Le premier semestre en a vu nettement moins, mais le programme a ensuite été revu et a été ajusté pour se rendre d'abord là où il y avait le plus de signalements et de réclamations. Nous avions pour cet EHPAD un contrôle, un plan de mise en œuvre et moins de signalements. Le suivi a donc été fait, mais ne s'est pas traduit par une inspection inopinée jusqu'à janvier 2022.

Pour terminer sur ce point, j'ajoute qu'une plainte pour homicide involontaire a été déposée pour un décès survenu en 2020 au sein de cet EHPAD. Ce cas avait fait l'objet d'une réclamation à l'ARS. Les services avaient instruit ce dossier de manière très précise et apporté une réponse circonstanciée qui n'a pas convaincu la famille, laquelle a souhaité porter plainte. Cet élément est public, mais je le rappelle ici : une plainte pénale a été déposée par la même requérante, dont le parquet a annoncé la semaine dernière qu'il s'était saisi. Sur l'ensemble des cas décrits, celui-ci avait donc été analysé, contrairement à d'autres qui figurent dans le livre et dont nous n'avions pas connaissance.

Dès le lendemain de la parution du livre de Victor Castanet, les équipes de l'ARS ont conduit, avec celles du conseil départemental des Hauts-de-Seine, une inspection inopinée, dont on peut néanmoins imaginer qu'elle pouvait être anticipée. Nous l'avons prolongée le lendemain par un contrôle qui n'avait pas été annoncé la veille. L'inspection est toujours en cours. Il est important de prendre le temps de bien analyser tout ce qui aura été constaté.

Cette inspection a été axée d'une part sur la suite de ce qui avait été vu en 2019. Elle s'est aussi appuyée sur les premiers éléments que nous voyons dans l'ouvrage, en insistant sur ce qui pouvait être vu par la mission et ce qui serait renvoyé à la mission IGAS-IGF que j'ai mentionnée précédemment. Nous respecterons bien entendu nos standards d'exigence et le principe du contradictoire. Au-delà, la ministre l'a annoncé, nous avons un programme de contrôle spécifique, conduit en étroite collaboration avec les départements franciliens. Huit départements sur huit ont répondu favorablement à notre demande de mener ensemble l'analyse de risques, pour croiser tous les signaux, y compris ceux reçus au travers du numéro d'appel dédié, traités par les services des départements. Ces travaux déboucheront sur un programme d'inspection, dont vous comprendrez que je ne tiens pas à le détailler ici, afin d'en préserver l'efficacité.

Je terminerai, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, sur tout ce que ceci nous inspire et ce que nous devons modifier. Encore une fois, nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Je souhaite insister sur le fait, comme cela a déjà été dit, qu'on ne peut jeter l'opprobre sur l'ensemble d'un secteur, crucial, et sur des professionnels qui sont engagés au quotidien au service de nos aînés. J'ai d'ailleurs été frappée, en lisant l'ouvrage, sur la distinction qui est bien opérée avec les professionnels des EHPAD de ce groupe, dont beaucoup d'entre eux témoignent de la manière dont ils essaient d'assurer au mieux leurs missions. Ce secteur connaît de très fortes tensions de ressources humaines et de recrutement. Nous devons donc nous positionner sur ces deux jambes, de renforcement de la qualité des prises en charge, des formations, de la réassurance à donner à ces personnels sur leur cadre d'exercice, et bien sûr sur l'élévation des standards demandés et des plans de contrôle.

Je voudrais insister sur le fait qu'en Ile-de-France, nous avons, au fur et à mesure des négociations des CPOM, essayé de durcir ce qui est déjà prévu par la réglementation, notamment pour définir un plafond de charge par soignant – infirmier ou aide-soignant – en dépendance et en soin à partir de la lourdeur des cas qui sont prévus et autorisés par EHPAD. Une disposition financière n'a pas encore trouvé à s'appliquer, parce qu'elle est très récente : elle oblige contractuellement à solliciter l'ARS sur l'affectation d'éventuels excédents et empêche qu'ils soient utilisés à quoi que ce soit d'autre qu'une action de service public. Nous prévoyons des dialogues de gestion plus intenses et plus rapprochés que ce qui est prévu par la réglementation. Même si ce cadre plus exigeant n'a pu s'appliquer du fait de la crise sanitaire, nous avions bien prévu de le faire cette année.

Je termine sur les actions de soutien à l'amélioration des prises en charge : plusieurs appels à candidatures ont été lancés depuis 2014, avec le déploiement d'astreintes de nuit d'infirmiers et une aide financière de l'ARS permettant d'avoir un dispositif couvrant plusieurs EHPAD d'un même territoire. Nous expérimentons des temps de médecins prescripteurs en EHPAD en tarif partiel, pour avoir un suivi médical plus régulier. Nous avons 54 équipes mobiles gériatriques en Ile-de-France, ainsi que des infirmières mobiles d'hygiène, rattachées aux hôpitaux, mais permettant une action d'ensemble. Jusqu'à la parution de ce livre, c'était l'un des éléments qui ont beaucoup marqué les EHPAD, quel que soit leur statut : ils sont beaucoup plus que précédemment inscrits dans des filières gériatriques d'ensemble qui permettent une prise en charge graduée.

En conclusion, au-delà du plan de contrôle qui est en train de se mettre en place à très court terme, il faudra bien sûr tirer toutes les conséquences de ce qui est mentionné dans ce livre, renforcer les contrôles inopinés. Je voudrais insister sur le fait que les contrôles sont parfois, effectivement, annoncés. Je pourrai y revenir et des questions porteront peut-être sur ce sujet. Trois raisons l'expliquent. D'abord, une inspection dans un EHPAD est très perturbante pour la prise en charge des hébergés. Quand nous contrôlons un EHPAD pour des soupçons de maltraitance, nous le faisons évidemment de manière inopinée. Quand les questions sont plus structurelles et que le contrôle porte par exemple sur les effectifs, nous n'avons pas de raison d'ajouter du désordre. Une question porte de manière évidente sur le délai de préavis. Nous pouvons également mener des inspections thématiques. Nous renforcerons le poids de l'inopiné par rapport au programmé, mais je souhaite expliquer pourquoi nous procédons de la sorte. Par exemple, une partie du contrôle ne peut être faite quand le directeur n'est pas sur place, or les directeurs supervisent parfois plusieurs établissements.

Deuxièmement, nous avons un plan global d'attractivité des métiers qui porte aussi sur la formation initiale continue, la coopération interprofessionnelle et la bonne collaboration entre les soignants et les équipes d'hébergement, point de difficulté particulièrement relevé dans le cas de cet EHPAD de Neuilly. Tel est également le cas dans d'autres. Le livre illustre d'ailleurs les difficultés des soignants à exercer un suivi d'ensemble de leurs prescriptions. Encore une fois, je veux vous redire notre engagement à faire cesser toute situation de ce type. La mobilisation est très forte. J'ai eu dès le lendemain des témoignages d'agents de l'ARS me demandant comment ils pouvaient aider. Je voudrais terminer sur ce point, madame la présidente, pour dire à quel point nous prenons tout cela très au sérieux.

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Merci, madame la directrice, pour votre intervention. Je souscris pleinement à ce que vous avez dit concernant les personnels : il ne s'agit pas, bien sûr, de jeter l'opprobre sur les professionnels de ce secteur. Le but de nos travaux est de faire la lumière sur l'affaire Orpea suite à la parution du livre et nullement de jeter l'anathème sur ces personnels qui font un travail remarquable, dévoué et s'investissent au quotidien pour accompagner nos aînés. Je voulais le souligner à nouveau.

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Madame la directrice générale, je voudrais vous remercier d'avoir répondu à l'invitation de notre présidente pour témoigner devant la représentation nationale. De nombreuses questions sont devant nous et nous devons y apporter des réponses. Vous nous aidez à faire la lumière sur ce qui se passe, en toute transparence, dans les EHPAD français, dans les EHPAD d'Ile-de-France et singulièrement dans ceux du groupe Orpea.

Ce qui nous a bien sûr bouleversés et révoltés, ce sont les aspects de maltraitance, mais nous avons également été choqués par l'apparente impunité au regard des faits qui se déroulent et qui ne doivent pas se dérouler. Certes, des contrôles existent. Vous avez évoqué ces contrôles programmés et ces contrôles inopinés. Nous sommes particulièrement attentifs à l'aspect de la qualité des soins et aux aspects sanitaires, en complément de ce que fait le département pour la dépendance.

D'après l'ouvrage de Monsieur Castanet, ces contrôles sont, à l'évidence, trop rares. Ils sont souvent programmés et annoncés très en amont, ce qui laisse aux établissements le temps de s'y préparer. La qualité de ces contrôles est parfois peut-être insuffisante et cela permet que les sanctions et les mesures soient peut-être insuffisantes, elles aussi. Ce qui est aussi condamnable, c'est peut-être la façon dont, avant ces contrôles, les établissements peuvent modifier des plannings et déplacer des résidents pour passer sous le seuil de capacité autorisé. Je passerai sur d'éventuelles falsifications de contrats, etc.

Face à ces constats, mon questionnement est simple. Pouvez-vous nous indiquer encore plus précisément comment sont réalisés ces contrôles, quelle est leur réalité ? Vous avez déjà commencé à le faire dans votre intervention. Quelles sont les marges de manœuvre dont vous disposez pour impulser des changements de comportement ? Considérez-vous, comme M. Castanet, que la qualité des contrôles est largement perfectible ? Merci de répondre à ces questions.

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Merci, madame la directrice générale, d'être venue aujourd'hui face aux députés de la commission des affaires sociales. Dans un premier temps, j'aimerais pouvoir, en ayant un proche résident dans un des EHPAD de ce groupe, redire à quel point le personnel soignant et les aides-soignants font un travail remarquable, dévoué, avec beaucoup de professionnalisme, mais dans des conditions de travail extrêmement difficiles.

J'ai trois questions à vous poser. La première concerne le grand plan d'accompagnement des EHPAD qui a été présenté à la fin du précédent quinquennat, avec des budgets supplémentaires alloués. Nous n'avons pas de retour sur l'organisation de ce plan ni sur la manière dont les budgets ont été alloués : est-ce une réussite ? Faut-il des plans supplémentaires pour mieux accompagner les EHPAD ?

Ma deuxième question porte sur la plainte pour homicide involontaire qui a été déposée. Vous avez fait l'historique des inspections qui ont été réalisées. Est-ce à dire que lorsqu'une plainte concernant des faits aussi graves de maltraitance est déposée, il n'y a pas automatiquement de contrôle mené de manière commune par les conseils départementaux et l'ARS ? Ce problème doit être mis en lumière.

Enfin, nous avions parlé dès le début de ce quinquennat d'une loi sur le grand âge et sur la dépendance, qui malheureusement n'a pas été présentée. Pensez-vous qu'une loi sur la dépendance offrirait des garde-fous supplémentaires pour vous accompagner et accompagner les professionnels de santé, pour signaler ce genre d'événements dramatiques et pour éviter qu'ils puissent se renouveler ? Je vous remercie.

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Parmi les missions de l'ARS, figurent la régulation de l'offre de soins et à ce titre, la mission d'assurer la qualité, la sécurité des prises en charge et l'efficacité au meilleur coût. Dans la tourmente des accusations portées à l'encontre d'un EHPAD du groupe Orpea, l'insuffisance des contrôles est, à juste titre, pointée du doigt. Bien évidemment, la responsabilité des contrôles n'est pas uniquement celle de l'ARS, qui n'a en charge que la partie sanitaire : elle revient également au département. Toutefois, selon la fédération UNSA Santé, les moyens propres à l'ARS pour effectuer ces contrôles auraient diminué de 26 % entre 2014 et 2020. Cette baisse atteindrait même 40 % pour les médecins inspecteurs. Dans les faits, en 2019, seuls 17 établissements sur 700 auraient été contrôlés en Ile-de-France, dont dix seulement sur la base de signalements.

Il semble par ailleurs qu'il existe une grande disparité dans l'exécution des contrôles selon les régions. Ainsi, selon le journal Libération, l'ARS de la région Aquitaine disposerait de 300 agents, soit entre vingt et trente ETP, chargés des contrôles. Ces derniers seraient tenus à un minimum de 25 journées de contrôle effectives et 121 contrôles auraient été effectués en 2019. Par ailleurs, je souhaite évoquer le palmarès des 250 maisons de retraite paru dans Les Echos en octobre 2020, qui incluait 239 EHPAD. Parmi ceux-ci, ne figuraient que dix établissements franciliens, contre 23 établissements de la région Nouvelle Aquitaine. S'il est difficile de déterminer l'impact des contrôles dans ce classement, il ne semble pas incongru de les mettre en relation.

Aussi, pouvez-vous détailler la politique de l'ARS Ile-de-France en matière de contrôle des EHPAD ? Combien de contrôles sont effectués chaque année ? Combien d'agents sont dédiés à cette mission en Ile-de-France ? Enfin, j'apprécierais que vous nous transmettiez quelques éléments qualitatifs concernant ces contrôles. Quels sont les critères qui vous permettent d'évaluer un établissement ? Le périmètre de contrôle se limite-t-il aux soins ? Inclut-il d'autres dimensions, telles que le bien-être des patients ? Je vous remercie.

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Merci, madame la directrice générale, pour cette présentation. Pour ce qui me concerne, j'ai quelques questions simples. Sur la prise en charge, quand il s'agit évidemment de personnes âgées dépendantes, il faut être à la fois exigeants et modestes. C'est une tâche difficile et le travail des personnels soignants est absolument considérable. Vous avez parlé vous-même d'un livre qui révélait un système. C'est sur ce système que je veux vous interroger, et sur la nature des contrôles. Vous avez évoqué quelques-uns de leurs aspects, mais lors des contrôles, avez-vous décelé des comportements suspects ? Des produits de santé facturés exactement au prix remboursé révélant peut-être des marges arrière, comme dans la grande distribution ? Des tableaux d'effectifs truqués pour optimiser les enveloppes attribuées par l'ARS ? Des tarifications à l'activité sensiblement plus élevées que dans d'autres établissements exerçant pourtant la même activité ? Plus généralement, au-delà des EHPAD, des cliniques d'Orpea ont-elles été contrôlées ?

En deuxième lieu, les alertes ont été nombreuses. Je voulais savoir de quelle manière le Gouvernement, interpellé par ma collègue Christine Pirès-Beaune, qui s'exprimera après moi, a donné ou non instruction aux ARS de renforcer les contrôles. Si j'en crois le directeur général d'Orpea, ils étaient de 96 en 2016, 75 en 2017, 55 en 2018, 49 en 2019, 18 en 2020, dix en 2021 – considérons que ces deux dernières années sont d'une nature particulière. Je voudrais que vous nous indiquiez quels sont les effectifs consacrés à ces inspections au sein de l'ARS Ile-de-France.

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Madame la directrice, merci de venir échanger avec nous ce matin sur ce sujet si important. Tout d'abord, je souhaite intervenir sur un axe que vous n'avez pas abordé et qui est évoqué dans le livre : le pantouflage et les collusions entre ARS et Orpea. Vous venez de prendre vos fonctions au mois d'août 2021 à la tête de l'ARS. Je pense que nous devons aborder ce sujet, même si bien sûr, ce sont les enquêtes qui le démontreront.

« Vous n'imaginez pas à quel point le sentiment d'impunité est ancré dans ce groupe », page 288. « Orpea a entrepris de nouer des relations directes avec des membres de la haute administration directe de la santé et plus précisément avec des figures importantes des ARS », page 317. Quelles sont les conséquences de ces soi-disant pantouflages et collusions ? Des contrôles pourtant annoncés par l'ARS annulés à la dernière minute, des facilités dans l'octroi des agréments.

Madame la directrice, comment voyez-vous, en interne, le respect de ces règles éthiques et de déontologie auxquels sont astreints les agents de votre ARS ? Comment éviter ce système ? Quelles actions comptez-vous mener pour éviter, par exemple, que des relations de connivence ne s'installent entre les hauts fonctionnaires et les dirigeants de cliniques et EHPAD privés ? Selon vous, la législation en matière de pantouflage devrait-elle être renforcée ?

Sur les contrôles, « est-ce que les ARS ont les capacités et les moyens de contrôler des groupes comme Korian ou Orpea ? Est-ce qu'ils ont la puissance d'expertise pour le faire ? Aujourd'hui, clairement non. » Ce sont des propos de l'ancien directeur général adjoint de Korian, page 293. Pour avoir avec mon collègue, Jean-Carles Grelier, réalisé un rapport sur les ARS il y a quelques mois, tous les directeurs des ARS nous ont souligné ce point : ils n'ont pas les moyens nécessaires pour effectuer ces contrôles. L'ouvrage dénonce des « contrôles bidon », car trop rares, planifiés et donc préparés, et parfois défaillants.

Plusieurs questions peuvent se poser : sur l'ensemble des contrôles réalisés par vos services, quelle est la proportion de contrôles inopinés ? Disposez-vous de moyens humains et matériels suffisants pour réaliser de manière régulière et sérieuse ces contrôles ? Effectuez‑vous systématiquement un contrôle lorsque vous recevez un signalement ? Comment travaillez-vous avec les services départementaux chargés du contrôle social ? Considérez-vous qu'il soit pertinent que deux autorités distinctes soient chargées de contrôler les mêmes établissements ? Privilégiez-vous les contrôles conjoints ?

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Je voudrais d'abord remercier madame la directrice générale d'être venue aussi rapidement nous donner ces informations. J'ai bien conscience aussi que vous n'avez été nommée à la tête de l'ARS que cet été.

Nous avons toutes et tous été choqués par les allégations de maltraitance révélées la semaine dernière à l'encontre du groupe Orpea, mais également par le cynisme des réponses apportées par son PDG. Il nous appartient maintenant de faire la lumière sur les responsabilités sans doute partagées entre l'Etat, le département et l'entreprise. À ce titre, les dirigeants d'Orpea ont pointé du doigt la responsabilité des ARS et des départements sur les volets du soin et de la dépendance, qui rappelons-le, font l'objet d'un financement public.

Nous savons que le manque de personnel soignant est un élément majeur dans les situations de maltraitance. Le groupe UDI défend la mise en place d'un ratio minimal de personnes travaillant en EHPAD. Or c'est précisément le mode de calcul du ratio de personnel qui est dénoncé par Orpea, fixé par conventionnement entre l'ARS, le département et l'établissement. De quelle marge de manœuvre dispose l'ARS pour modifier l'attribution de personnels aux EHPAD ? Cette crise met également en avant la nécessité urgente de revoir les systèmes de contrôle de qualité en EHPAD. La fréquence et la qualité des contrôles sont notamment mises en cause, grandement liées à un manque de personnel d'inspection. Selon le directeur général d'Orpea, les contrôles inopinés seraient ainsi passés de 94 visites en 2016 à 55 en 2018. Dans son rapport relatif aux droits fondamentaux des personnes vivant en EHPAD, la Défenseure des droits déplorait le fait que ces contrôles aboutissent très rarement à la fermeture effective d'un service ou d'un établissement. Quels seraient les moyens de les optimiser ? Comment expliquez-vous le peu de moyens consacrés par les ARS à ces missions ? Je vous remercie.

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Merci, madame la directrice, d'être venue ce matin. Vous vous dites choquée, comme beaucoup de mes collègues, par les révélations récentes. Autant vous dire que, pour ma part, je n'ai été choquée en rien et je rappelle qu'ici même, au mois d'octobre dernier, sous les ricanements, j'avais détaillé les pratiques inhumaines des EHPAD privés lucratifs. Autant écouter quand il se passe des choses ici !

Les effectifs dans les ARS chargés de contrôler des milliers d'établissements relevant de leurs compétences n'ont cessé de fondre ces dernières années. Ainsi, les inspections dans les établissements pour personnes âgées sont principalement effectuées par un corps de fonctionnaires dont les effectifs ont chuté de 28 % en six ans, et même 40 % pour les médecins inspecteurs.

Pouvez-vous nous présenter avec précision l'évolution des effectifs d'inspecteurs pour les EHPAD de l'ARS Ile-de-France depuis 2017 ? Cette année-là, sur 700 établissements en Ile-de-France, seulement 17 ont été contrôlés. À ce rythme, un établissement est soumis à une inspection tous les 41 ans. Ces six dernières années, le Défenseur des droits a été saisi de quelque 720 réclamations afférentes aux droits des résidents d'EHPAD. Comment se fait-il que le nombre d'inspections par l'ARS Ile-de-France soit très significativement inférieur à ce chiffre ? Y a-t-il, oui ou non, une inspection à chaque signalement ? Y a-t-il, oui ou non, une inspection à chaque fiche d'événement indésirable remplie ? Recevez-vous d'ailleurs toutes les fiches d'événements indésirables ? Sur l'ensemble des inspections réalisées depuis 2017, pouvez-vous indiquer la proportion d'entre elles effectuées uniquement sur pièces, c'est-à-dire sans déplacement sur place ? Pouvez-vous nous indiquer la proportion de celles réalisées sans que l'EHPAD ait été prévenu à l'avance ? Je reprends vos mots : « inopiné, mais un peu anticipé ». Pour moi, dans ce cas, ce n'est pas inopiné. Pouvez-vous nous indiquer le nombre d'EHPAD d'Ile-de-France ayant reçu, depuis le début du quinquennat, une prescription obligatoire suite à une inspection ? Qu'en est-il du nombre d'EHPAD ayant reçu des injonctions du fait de problèmes graves ?

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Merci, madame la directrice, pour votre présentation. Je prends en compte le fait que vous êtes arrivée seulement en juillet 2021 et que vous ne pouvez être comptable du fonctionnement de l'ARS antérieurement. Tout de même, dans le livre, il est écrit : « Ce mur, ce silence de l'administration, plusieurs témoins de mon enquête l'ont constaté, amers. » Des directeurs d'établissement, des personnels, dont des familles, ont tenté d'alerter les ARS ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), sur la partie hébergement, sur les pratiques du groupe Orpea, en vain. Comment, madame la directrice, pouvez-vous expliquer ce manque de réaction de l'ARS ?

Vous nous dites que vous avez effectué un contrôle en août 2018, un contrôle inopiné si je comprends bien. Malgré tout, le conseil départemental, lui, l'a fait en février. Vous savez bien que pour avoir une évaluation complète de l'établissement, il fallait un contrôle conjoint entre département et ARS. Vous dites que vous ne le retrouvez pas. Le département dit que vous ne leur avez pas répondu. Nous n'allons pas être arbitres sur ce sujet, mais ce qui m'intéresse est de savoir, suite au contrôle du département, quand vous décidez de faire l'inspection en août 2018, ce qui déclenche ce contrôle inopiné ? Est-ce le département qui vous a apporté des éléments suite à son inspection du mois de février ou bien est-ce l'accumulation de déclarations de faits indésirables ? Le Défenseur des droits vous saisit sur un signalement ; une plainte pour homicide involontaire est déposée. Ces événements doivent interpeller l'administration et posent peut-être même la question du retrait de l'autorisation d'exercice.

Vous qui venez de prendre vos fonctions, je vous demande ce que vous comptez faire. Quels effets peut avoir ce livre sur le fonctionnement des ARS ? Comment comptez‑vous désormais mettre en place les contrôles sur ces établissements ? Je vous remercie.

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Je passe la parole à madame la directrice générale dans un premier temps pour des éléments de réponse, sachant que je compte dix demandes d'intervention, c'est-à-dire une deuxième salve de dix questions au moins.

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Amélie Verdier, directrice générale de l'agence régionale de santé Île‑de‑France

Je vous remercie. Je vais essayer de répondre de manière complète, même si bien évidemment beaucoup de sujets ont été soulevés.

Je voudrais revenir sur la manière dont nous déclenchons les contrôles et les inspections. Par « inopiné », je veux dire qu'ils sont vraiment inopinés : nous nous présentons le matin sans que personne ne soit prévenu, même la veille. Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté sur ce point. Madame Fiat a parfaitement raison : c'est un enjeu important, y compris quand on comprend, en lisant le livre, un certain nombre de sujets. Les contrôles véritablement « inopinés » représentent de l'ordre de 20 à 25 %, selon les années, des contrôles réalisés aujourd'hui dans l'ARS Ile-de-France pour les EHPAD. J'ai annoncé que je souhaitais augmenter cette part. S'agissant du délai de prévenance, ce peut être dans certains cas 24, 48 heures à l'avance, pour vérifier que le directeur sera là, ou qu'encore une fois, nous ne perturberons pas l'activité. Dans certains cas, le délai de prévenance est de deux ou trois semaines. Tel est notamment le cas quand il s'agit de mener à bien des axes de contrôles définis de manière nationale et thématiques, par exemple pour vérifier la bonne application et compréhension de référentiels sur la prescription médicamenteuse et pour lequel il est demandé à l'établissement de réunir de la documentation.

L'inspection n'est que la phase la plus visible du système de contrôle. Je ne reviens pas sur le contexte des autorisations, qui représente un premier niveau. Il faut citer le cadre des CPOM, du dialogue de gestion et des échanges réguliers. Vous m'interrogez à plusieurs reprises pour savoir s'il y a inspection à chaque fois qu'il y a réclamation. La réponse est non. À chaque réclamation, il y a un examen de la plainte, une confrontation des autres signaux que nous pouvons avoir et un examen de la réponse qui est apportée par la structure. Ce qui est certain – en tout cas dans les éléments qui m'ont été présentés, mais je n'ai pas de raison d'en douter –, c'est qu'il y a une réponse quand il y a une réclamation. Les inspections sont déclenchées sur la base d'un faisceau d'indices : quels sont les motifs des plaintes ? Quelle est la réponse apportée, encore une fois ? En cas de plainte d'usager, par exemple, comment se réunit le conseil de la vie sociale ? Quand il s'agit de faits plus graves, de réclamations qui questionnent la prise en charge, nous y allons évidemment, même si nous n'y allons pas forcément tout de suite. Je remercie les orateurs qui l'ont souligné, les années 2020 et 2021 sont quand même un peu particulières. J'insiste sur le fait que nous n'avons pas arrêté les inspections, mais elles ont été moins nombreuses, c'est tout à fait exact. Je ne reviens pas sur la mobilisation de nos équipes.

Vous m'avez demandé le nombre d'inspecteurs. J'ai bien vu l'interpellation de l'UNSA au niveau national sur ce point. Il est important de préciser la manière dont se déroulent les contrôles. L'inspection régionale de notre ARS compte vingt inspecteurs. Simplement, un contrôle mobilise plus que les inspecteurs du service d'inspection. En tant que tel, le potentiel d'« inspectants », si vous me permettez ce raccourci, est de 200 personnes au sein de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France. Comment passe‑t‑on de l'un à l'autre de ces chiffres ? Comme cela a été indiqué, il faut compter les médecins, les pharmaciens et les infirmiers inspecteurs. Il faut également citer les personnes formées pour être habilitées. Quand nous déclenchons un contrôle, certains personnels ont la formation de contrôle, si je puis dire, et d'autres ont une formation plus spécialisée, notamment des personnes du département autonomie – la directrice de l'autonomie est à mes côtés – ou de la direction départementale. En fonction du motif de déclenchement, nous pouvons mobiliser des médecins d'autres structures. Parmi les actions définies par la suite, figurera évidemment le renforcement de ce potentiel d'inspecteurs.

Notre rôle est de fermer un établissement quand cela est nécessaire, ou plutôt d'en transférer la gestion, car nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des places. D'abord et avant tout, il s'agit d'accompagner ceux qui essaient de faire bien, et de mettre fin à l'existant quand il en est besoin.

J'ai bien examiné la question des surcapacités, que Monsieur Martin a pointée. Nous ne l'avons pas constatée à l'ARS Ile-de-France – mais je précise à nouveau que je ne suis là que depuis six mois. Cela n'implique pas que le phénomène n'existe pas, mais les contrôles effectués lors des années récentes n'ont pas donné lieu à suspicions. Le livre nous invite bien sûr à aller plus avant, au sens où nous constatons des capacités légèrement en deçà le jour du contrôle. Ce point devra évidemment être approfondi.

Vous vous interrogez, plus globalement, sur la réalité des contrôles. Certains points peuvent ne pas être forcément vus lors d'une inspection d'un EHPAD. C'est évidemment ce qui nous interpelle et qui nécessitera une approche plus structurelle et conjointe pour croiser les informations. Nous sommes frappés de la dénonciation de pratiques que nous n'avions pas vues. Pour avoir repris certains rapports, je ne sais toutefois pas très bien si nous pouvions les voir à partir du contrôle d'un EHPAD, d'où la nécessité aussi de regarder comment les différentes entités chargées des contrôles croisent leurs informations.

Madame Brenier, vos questions étaient peut-être plus générales et nationales. Je les entends parfaitement. Nous pourrons peut-être y revenir, si madame la présidente m'y autorise, postérieurement à cette audition, pour donner des chiffres précis sur les allocations de ressources supplémentaires depuis le plan de 2016 pour porter chaque EHPAD à sa dotation plafond, sur la base de l'équation tarifaire des revalorisations permettant d'augmenter le taux d'encadrement en soignants. Je me propose de vous transmettre ces éléments chiffrés ultérieurement. Il existe en soi une capacité de modulation entre les trois groupes fonctionnels à l'intérieur d'un plafond de ressources. Nous sommes, bien sûr, attentifs à la masse salariale allouée à la dotation soins et dépendance.

En réponse à une autre question, nous n'avons pas, dans les contrôles récents, constaté cette pratique, dite « à l'euro près », qui interpelle en effet. Je reste toutefois prudente : nous devrons reprendre ces contrôles de manière plus systématique que nous n'avons pu le faire dans le bref laps de temps qui nous sépare de la parution du livre.

A juste titre, vous m'interpellez sur la plainte pour homicide involontaire. Je me suis peut-être exprimée un peu rapidement tout à l'heure. Nous avons enregistré une réclamation de la famille sur les conditions du décès. Elle a fait l'objet d'un deuxième regard, notamment médical. Une plainte pour homicide involontaire a ensuite été déposée, dont nous n'avons pas eu connaissance immédiatement. Je ne voudrais pas laisser penser que nous nous sommes contentés de répondre à une plainte pour homicide involontaire par un petit écrit après analyse. Peut-être ai-je pu faire ce raccourci tout à l'heure, mais ce n'est pas le cas.

Je n'ai pas sous les yeux les effectifs des corps de contrôle et j'ignore si nous en disposons. De fait, nous avons observé une baisse. Il est important de distinguer les effectifs des personnels titulaires dans les différents corps qui constituent une ARS et la réalité des compétences mobilisées, c'est pourquoi j'ai beaucoup insisté sur les plans de formation des inspecteurs ou contrôleurs des agences régionales de santé (ICARS), c'est-à-dire des inspecteurs qui viennent en complément renforcer les effectifs. Il arrive que des postes publiés ne soient pas pourvus, ce qui renvoie à d'autres préoccupations sur l'attractivité des postes en Ile-de-France. Ce qui nous importe, ce sont aussi les capacités globales d'effectifs de contrôle, même si nous avons besoin de ces compétences. Nous veillons d'ailleurs à les répartir entre les directions départementales, pour disposer de compétences partout, au plus près du terrain.

L'agence régionale de santé avait procédé, sur décision de l'un de mes prédécesseurs, à la régionalisation du service de contrôle, ce que je pense être une bonne mesure, car les inspections sont réalisées en mobilisant les effectifs des directions départementales. Cela permet donc de consolider une expertise globale, tout en ayant ensuite, quand l'inspection se réalise, une association des différentes compétences. Madame de Vaucouleurs insiste sur les disparités entre agences régionales de santé. C'est tout à fait exact. Cela fait partie, je pense, des éléments qu'il faut harmoniser.

Même si le sujet est compliqué, je ne suis pas favorable à un objectif ciblé par catégorie de structures sur une année donnée. Un objectif minimum aurait du sens, mais nous avons à cœur, à chaque fois, de regarder l'analyse de risque et les réclamations existantes. L'ARS s'occupe aussi d'autres établissements, tant sanitaires que médico-sociaux. Les évolutions des volumes de contrôle sont aussi le résultat des retours que nous pouvons faire. J'ai bien conscience que ces résultats peuvent être insuffisants. Les axes que j'identifie pour l'avenir comprennent la nécessité de beaucoup mieux faire connaître les dispositifs de réclamation et les suites qui peuvent leur être données. En effet, nous ne les recevons manifestement pas toutes, comme nous le voyons depuis la parution du livre, avec de nouvelles réclamations, correspondant à des cas anciens, que nous n'avions pas eues. L'agence en tient un suivi très précis.

S'agissant de l'EHPAD des Bords de Seine, l'inspection inopinée, le plan de contrôle, le suivi d'actions et le nombre de plaintes en baisse constituaient un faisceau d'indices plutôt rassurants, qui nous a conduits à aller ailleurs. Il faudra le vérifier plus en détail dans la période qui vient, mais les cas signalés sont a priori contemporains à ceux qui ont donné lieu à l'enquête inopinée, plutôt que postérieurs. Je m'exprime avec prudence, car vous avez compris qu'un contrôle est en cours pour préciser ces éléments.

Le livre évoque un « système ». Nous ne pouvons le vérifier EHPAD par EHPAD. Cela fait partie des questionnements plus systématiques. J'ai souhaité insister dans ma déclaration liminaire sur le suivi des ressources humaines en tant que tel : vérification du bon volume d'interventions de médecins coordonnateurs, d'infirmiers coordonnateurs et de personnels aides-soignants. L'ARS Ile-de-France a souhaité instituer un plafond de « charge en soins » par catégorie de personnel soignant, ce qui est contraignant, mais représente une réassurance, même s'il faut ensuite vérifier ce qui se passe chaque jour et chaque nuit.

Je me permets devant cette assemblée de redire à quel point j'ai été, pour ma part, choquée d'entendre certains dirigeants d'Orpea dire que tout ceci est lié à une insuffisance des contrôles. À titre personnel, je n'attends pas d'être contrôlée pour faire ce pour quoi j'ai signé. Pardon de cette remarque personnelle. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas faire de contrôle : ce n'est pas le sens de ma remarque. Je le dis au nom de tous les professionnels de l'agence régionale de santé qui essaient tous les jours de bien faire.

Vous trouvez peut-être que j'insiste trop à ce sujet, mais je ne suis à la tête de cette agence que depuis six mois, donc je n'ai pas vécu la première partie de la crise du Covid, qui a été très dure, d'abord pour les personnels en EHPAD qui se sont largement retrouvés seuls. Je me suis rendue dans un certain nombre des 700 EHPAD de la région depuis mon arrivée. Ils ont désormais des référents gériatriques et savent que l'ARS leur répond, face aux besoins. Il faut aussi être, non pas juste, puisqu'il ne m'appartient pas de me situer dans un registre moral, mais précis sur ce qui peut être pris en défaut. Encore une fois, nous sommes là pour améliorer nos plans de contrôle. Des contrôles portent aussi sur les cliniques.

Je me permets de signaler que la chambre régionale des comptes a réalisé un contrôle sur Clinea. Cette information est publique. Une partie est d'ailleurs encore centralisée : quand on contrôle Clinea, des éléments relèvent du siège Orpea, ce qui montre la manière dont l'organisation du groupe est centralisée. Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement déclenche une inspection globale. Les contrats précaires et les vacataires sont nombreux dans les EHPAD de ce groupe, ce qui doit aussi nous alerter.

Nous avons déjà renforcé les contrôles. Je ne souhaite pas être trop détaillée à ce sujet, mais je peux vous dire que les contrôles inopinés ont déjà commencé, suite aux instructions reçues du Gouvernement. Un plan global se met en place de manière coordonnée avec les services des départements.

Madame Firmin Le Bodo m'a interpellée à juste titre sur de potentielles collusions et des enjeux déontologiques. Premièrement, sur le cas concernant l'agence régionale de santé Ile-de-France qui est cité dans le livre, je pense que nous avons identifié la personne dont il s'agit. Je me permets simplement de dire qu'elle a quitté l'agence lors de la transformation des agences régionales d'hospitalisation (ARH) en ARS. Je dois encore terminer l'instruction pour vérifier dans quel cadre elle a quitté la structure, mais je comprends que votre question était plus générale, sur le cadre déontologique existant. D'une part, un large spectre des agents est soumis à déclaration publique d'intérêts et cette obligation est vérifiée. Toutefois, comme souvent en la matière, après l'institution des règles, remontent des difficultés liées à la situation antérieure. Cela ne signifie pas qu'il faille se contenter de la législation existante. Les actions menées sont un rappel des règles, pour s'assurer que nul ne les ignore.

S'agissant des agréments, j'ai vérifié très précisément ce qui est mentionné dans le livre. Sur la période récente, datant des ARS, aucun nouvel agrément n'a été demandé. Nous avons donc été peu confrontés à cette situation.

S'agissant du pantouflage, la législation est très claire. Les cas dans lesquels la commission de déontologie doit être saisie sont précis. Là encore, cela fait partie des éléments que nous rappellerons pour vérifier ce qui se passe, le cas échéant. Je pense notamment aux départs à la retraite, pour lesquels je ne suis pas certaine que les règles assurent une couverture complète. Je me permets, de manière personnelle, de vous redire mon entière détermination à ce qu'il ne puisse y avoir de soupçons en la matière, en interne comme en externe. Il me semble tout de même que la législation est claire de ce point de vue.

Je souhaite réagir sur l'expression de « contrôles bidon », employée par une des députées tout à l'heure. Le livre utilise effectivement ce terme, ce qui nous invite à réagir. Je demande que l'on trace à chaque fois dans quel contexte le contrôle a été réalisé et qui a été prévenu. Cet élément est très interpellant dans le livre. Il se trouve que je suis inspectrice de formation : je suis inspectrice générale des Finances. Certains éléments peuvent être retracés, et d'autres non.

Le livre met en avant une ambiance générale. Nous vérifierons de nouveau ce que donnera cette nouvelle inspection inopinée de l'EHPAD des Bords de Seine. Ce contrôle est inopiné au sens où nous n'avons pas prévenu de notre venue, ni même de notre retour le lendemain, mais ils devaient l'avoir anticipé, au vu des questions des journalistes. L'agence régionale de santé avait d'ailleurs transmis au journaliste, à son initiative, des éléments sur cet EHPAD, comme il l'explicite dans le livre : il se plaint que certaines données aient été anonymisées. Sur ce point, nous avions appliqué les recommandations de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) sur le fait que certaines informations puissent être soumises au secret professionnel ou au secret des affaires. Le livre décrit donc une ambiance générale, une manière d'optimiser l'organisation qui suscitera, je pense, une réflexion sur nos guides de contrôle et sur la manière dont certains éléments doivent être systématisés.

Je ne crois pas disposer ici de la part des contrôles conjoints, mais ils sont importants. Entre 2018 et 2021, en Ile-de-France, 136 EHPAD ont été inspectés, c'est-à-dire ont fait l'objet d'une visite. Il ne s'agit donc pas de contrôles « du bureau », lesquels ont néanmoins leur valeur. Des contrôles sur pièces permettent de confronter différentes sources pour voir s'il y a lieu de déclencher une inspection inopinée ou non. Je ne reviens pas sur les moindres contrôles qui ont été réalisés en 2020-2021.

Sur les ratios de personnel, j'ai lu attentivement le rapport de Madame Fiat et de Madame Iborra. En moyenne, ils sont à peu près dans les ratios prescrits – je ne parle pas des ratios EHPAD par EHPAD, un jour donné. Si un contrôle relève un écart, une action est bien évidemment nécessaire. Comme le montre le livre, ils peuvent atteindre ces ratios avec des vacataires, des contrats courts, des remplacements de titulaires qui ne sont pas là, éléments sur lesquels l'agence régionale de santé n'a pas le plus de compétences, mais nous verrons comment renforcer les contrôles et la coopération des organismes chargés des contrôles sur ce point.

Vous évoquez le fait qu'il n'y a quasiment jamais de retrait d'autorisation. Des injonctions sont en revanche délivrées. Six ou huit EHPAD ont reçu des injonctions depuis 2018 suite à une inspection, dont deux ont fait l'objet de mises sous administration provisoire. Je vous laisse apprécier ces chiffres, qui montrent que le phénomène existe, même s'il n'est pas fréquent. Je redis que notre objectif final est de mettre fin à des pratiques telles que nous les voyons, mais aussi d'apporter des solutions pour les personnes hébergées.

Je parcours à nouveau les questions de Madame Dubié, qui utilise des termes très forts : « mur », « silence », etc. Des familles tentent d'alerter en vain. Nous creuserons ces éléments. Dans le cadre des contrôles en cours, nous avons non seulement entendu toutes les parties, mais suscité les manifestations d'expression et les prises de parole, notamment de l'EHPAD contrôlé. Il s'agit de la pratique générale : quand les inspecteurs arrivent, ils laissent un mot à l'accueil pour signaler leur présence et susciter la prise de parole. Encore une fois, il faut travailler sur les deux jambes et renforcer les obligations des EHPAD, quels qu'ils soient, à disposer d'un traitement clair des réclamations. Ce traitement doit également être transparent. L'un d'entre vous a fait allusion au classement des Echos. J'ignore s'il faut entrer dans ces classements « médiatiques », mais je suis très favorable à la transparence des contrôles, de leurs résultats et des modalités d'instruction des plaintes. Ils font partie des éléments que nous contrôlons, mais que nous devons susciter encore davantage.

Je reprends les questions de Madame Fiat. Nous vous transmettrons des chiffres précis sur les évolutions des effectifs. J'insiste sur le fait que le nombre d'inspections n'est pas le seul indicateur des modalités de contrôle d'un EHPAD. Nous nous interrogeons aussi sur les évaluations externes réalisées par des évaluateurs rémunérés par l'EHPAD, mais aussi certifiés par l'ARS. Cela fait partie de nos points de contrôle. Je ne suis pas sûre de disposer des chiffres de contrôle d'EHPAD depuis 2017, mais je les transmettrai, sachant encore une fois qu'il convient de distinguer l'inspection des autres éléments d'ensemble.

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Merci, madame la directrice, pour ces réponses. Je compte dix questions en plus de celles du rapporteur, à qui je donne tout de suite la parole.

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le rapporteur général Thomas Mesnier

Merci, madame la directrice générale, d'être devant nous aujourd'hui. Merci pour la qualité de vos réponses. Nous aurions été collectivement beaucoup plus satisfaits si nous avions eu le même niveau de qualité, la semaine dernière, de la part des dirigeants d'Orpea.

Vous avez insisté sur ce qui est contrôlé et sur ce qui ne l'est pas, ce qui est très important. J'en profite pour souligner la qualité du travail des soignants dans les EHPAD, ainsi que des agents qui assurent les contrôles. Vous êtes largement revenue dans vos réponses sur le nombre d'agents assurant les contrôles et travaillant de manière générale dans le champ de l'ARS. J'ai quelques questions complémentaires.

D'abord, vous avez déclaré que les huit départements d'Ile-de-France avaient répondu favorablement à votre sollicitation. Voyez-vous, sur les huit départements, des différences de coopération, qui permettraient d'identifier des pistes d'amélioration pour le travail conjoint entre ARS et conseils départementaux, et donc la qualité des contrôles ? Sur ce qui est contrôlé, comment jugez-vous le cadre actuel des critères qualité ? Qu'en est-il du contrôle financier des établissements ? Jugez-vous qu'il serait opportun de revoir ce cadre dans nos prochains textes législatifs ? Enfin, recevez-vous en proportion plus de plaintes concernant les établissements privés par rapport aux autres établissements ? Y a-t-il, en proportion, plus de contrôles ou autant ? Surtout, diagnostiquez-vous des différences selon que l'EHPAD soit public, privé solidaire ou privé lucratif ? Je vous remercie.

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Merci, madame la directrice, de votre présence ce matin ici et de la qualité des réponses que vous avez d'ores et déjà apportées. Vous le savez, vous l'avez entendu : la commission des affaires sociales est très attachée à la recherche de la vérité sur les faits qui sont révélés. L'ARS peut nous y aider, puisqu'elle est chargée de contrôler le fonctionnement des établissements et services médico-sociaux ainsi que les pratiques professionnelles, par la programmation annuelle et par des contrôles inopinés.

Je voudrais toutefois vous dire que nous sommes beaucoup interpellés par des concitoyens qui ne comprennent pas ces contrôles ni comment les faits décrits, s'ils sont exacts, peuvent se produire et échapper à votre regard. Concernant précisément l'établissement des Bords de Seine mis en cause, pouvez-vous nous présenter le résultat du contrôle de 2018, ou nous le transmettre, puisque vous êtes arrivée récemment ? Que contenait le plan d'actions ? Quelles étaient les mesures proposées par l'établissement après ce contrôle ? Comment le suivi a-t-il été fait ? Des mesures ont-elles vraiment corrigé les actions ayant été relevées lors de ce contrôle ? Concernant les faux contrats évoqués, si tant est que cela soit vrai, pouvez-vous les déceler quand vous opérez des rapprochements de présences sur les plannings ? Je rappelle qu'elles doivent être signées et conservées avec le tableau nominatif des emplois. Enfin, quand on lit dans le livre que le coût des protections par jour et par résident se situe à 54 centimes, avec une rétrocession de 28 %, alors que la moyenne dans les autres établissements est de 1,15 euro, est-ce que cela n'est pas un signe prégnant d'alerte sur la non-qualité de la prise en charge ? Analysez-vous ces points ?

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Madame la directrice générale, chers collègues, la dénonciation du système Orpea dans le livre Les Fossoyeurs éclabousse le monde des EHPAD privés. Ce scandale questionne à nouveau la compatibilité du modèle économique lucratif, avec le secteur social et médico-social. Il rend urgent non seulement un meilleur encadrement par l'Etat, mais aussi une écoute renforcée des usagers et de leur famille.

Cependant, nous ne devons pas perdre de vue que la maltraitance n'est pas le seul fait des EHPAD sous gouvernance privée à but lucratif. Comme le souligne Madame la Défenseure des droits, parmi les 900 réclamations reçues, 45 % des dossiers concernent un EHPAD public, 30 % un EHPAD à but non lucratif et 25 % un EHPAD privé à but lucratif. Les sous-effectifs en personnel se retrouvent dans la plupart des établissements et imposent de réduire le temps passé avec chaque personne pour sa toilette, ses soins, ses repas. Ces conditions de travail conduisent à l'épuisement des professionnels et favorisent des manifestations de maltraitance qui commencent dès que l'on impose à une personne âgée un rythme qui n'est pas le sien. Ce dernier nécessite du temps, de l'attention, du respect simplement pour sa personne d'être humain à part entière, quel que soit son degré de dépendance.

Le second point visé par l'ouvrage concerne la défaillance de l'Etat et de ses services, en dépit des alertes lancées par les familles auprès notamment de l'ARS et des recommandations de la Défenseure des droits.

J'ai plusieurs questions. Y a-t-il eu des contrôles inopinés concernant les établissements cités dans l'ouvrage, mis en œuvre par l'ARS Ile-de-France avant la publication de l'ouvrage ? Sur quels critères ? Les effectifs en personnel sont-ils pris en compte ? Sur les aspects financiers, les remises arrière à hauteur de 28 % sur les protections peuvent-elles être décelées ? Avez-vous été saisie d'alertes concernant l'établissement des Bords de Seine de Neuilly-sur-Seine de la part des familles, en amont de la publication de l'ouvrage ? Comment les avez-vous traitées ? Enfin, quelles mesures pour garantir le respect des droits fondamentaux des résidents ? Je vous remercie.

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Madame la directrice, tous les collègues se sont exprimés pour témoigner de leur confiance envers les personnels travaillant dans ces établissements et pour souligner un sentiment partagé qu'ils sont pointés du doigt dans cette affaire grave. Il est donc important que la confiance soit restaurée.

Ne pensez - vous pas qu'il existe un parallèle entre la massification des très grands groupes et les pratiques constatées, dont on voit bien qu'elles sont au début vertueuses, puis qu'elles s'éloignent ensuite de la vertu ?

Deuxièmement, vous avez été une experte du budget. J'imagine que cette formation longue et couronnée de succès vous permettra de recourir à un certain nombre de critères analytiques. Je prends un exemple. Dans un EHPAD d'un département que je ne citerai pas, le prix de revient est de 5,25 euros par jour pour quatre repas. Quand on a eu la chance comme moi d'être maire pendant seize ans et qu'on a présidé un conseil d'administration, on sait de quoi on parle. J'ai analysé des budgets à plusieurs reprises et je me suis rendu compte d'un certain nombre de choses. Il existe des ratios à ce sujet.

Ne croyez-vous pas enfin que le recours à l'accréditation, comme le Comité français d'accréditation (COFRAC) a su le faire pour la biologie médicale, serait pour vous un outil important, avec la capacité à tout moment de lever l'accréditation, qui signifie la fin des remboursements ? Là, la sanction est brutale. Un restaurateur qui fait l'objet d'une descente de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) le matin à 8 heures peut être fermé à 10 heures. L'Etat sait donc le faire. Je souhaite donc savoir si vous comptez emprunter ces pistes, sachant que vous n'avez pas les moyens de travailler à l'heure actuelle. Vous l'avez dit vous-mêmes : vous disposez de vingt contrôleurs en Ile-de-France. Je sais combien en compte ma région : un établissement sera contrôlé une fois tous les quinze ans. Tout cela n'a pas de sens quand il s'agit de prendre soin d'êtres humains, et compte tenu des dépenses considérables en jeu. Merci beaucoup.

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Madame la directrice, merci pour vos explications complètes. Je voudrais poursuivre la réflexion sur les moyens que vous mettez en œuvre en matière d'inspection et sur les compétences nécessaires pour être plus efficace dans ce cadre. Je pense aux compétences informatiques et d'analyse de données. Nous voyons bien que vous êtes confrontée à des problèmes de personnel : vous parlez de vingt agents sur plus 200 personnes, ce qui se traduit par des difficultés à mener des inspections de manière systématique, voire à travailler au fil de l'eau. Nous voyons bien dans le cas d'Orpea, qui nous occupe, qu'il faut être plus efficaces face à des groupes qui, si les allégations sont vérifiées, manipulent les données. Cela suppose d'avoir des compétences pour déjouer ce type de pratiques.

Mon deuxième point concerne le partage des informations entre les ARS. Nous sommes là dans le cadre d'un groupe national, Orpea. Comment sont croisées les informations qui peuvent venir de différents endroits sur le territoire ? Je pense à la situation d'un EHPAD d'Orpea qui a connu des difficultés dans les années 2016 et auquel l'ouvrage fait référence. Je vous remercie.

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Merci, madame la présidente, de m'accueillir au sein de votre commission. Merci aussi à madame la directrice générale pour ces éléments.

Nous sommes face à un système industrialisé qui vise à maximiser les profits à tous les étages, si vous me permettez, c'est-à-dire à rogner sur tout. C'est ce système industrialisé qui provoque la maltraitance des résidents, mais aussi des personnels : je vous rejoins sur ce point, les personnels sont aussi maltraités. C'est un système industrialisé, mais c'est aussi un système hypercentralisé, puisque les directeurs n'ont aucune autonomie chez Orpea. De ce fait, avez-vous diligenté des contrôles au siège, c'est-à-dire à Puteaux ?

Deuxième question, j'ai interrogé hier le ministre de la Santé sur la baisse du nombre de contrôles. Je ne parle pas de la période de crise. En 2016, 96 contrôles ont eu lieu, contre 49 en 2019. Le nombre de contrôles a été divisé par deux, avant crise. Le ministre me dit qu'il n'a pas donné de consignes. Pourquoi ces contrôles ont-ils autant diminué ?

Vous avez évoqué, madame la directrice générale, le taux de vacance et le taux d'absentéisme, beaucoup plus élevés que la moyenne régionale. Ne devrait-on pas obliger les EHPAD à communiquer ces taux aux familles avant admission des résidents ? Combien de contentieux relatif aux ressources humaines avez-vous décelés chez Orpea ces dernières années et notamment dans l'établissement des Bords de Seine ?

Vous êtes inspectrice des Finances, je fais donc appel à votre mémoire : il existe des réductions d'impôt quand on « investit » dans des places en EHPAD. Au-delà de l'immoralité d'une telle niche fiscale, savez-vous à peu près quelle somme représentent ces réductions d'impôt ?

Enfin, ma dernière question sera pour madame la présidente : comptez-vous auditionner le numéro 1, le numéro 2 et le numéro 3 qui sont cités dans le livre de Monsieur Castanet ? Je vous remercie.

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Merci, madame la directrice générale. Je voudrais parler d'un autre problème, celui de la mortalité. La mortalité par Covid a été observée comme significativement plus élevée dans les établissements privés par rapport au public. Dans l'enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), il est ainsi observé que les événements critiques touchent de 11 à 13 % des établissements – 11,5 % pour les privés non lucratifs et 13 % pour les privés commerciaux. En revanche, dans les établissements publics, ce taux n'est que de 7 à 9 % selon qu'il s'agit du secteur public hospitalier ou non.

Cette différence a fait l'objet d'un calcul par la Fédération hospitalière de France, qui a démontré comment on aurait pu avoir, dans notre pays, 12 000 morts de moins dans les EHPAD si le système privé avait adopté les mêmes règles que le système public. Cela signifie donc qu'il y a eu 12 000 morts illégitimes du fait de ce système développé par les établissements privés pour accueillir les personnes âgées, ceci en dépit du fait que les établissements publics ont des charges plus importantes que le privé et en dépit du fait que ces établissements publics ont une rémunération par les résidents et leurs familles inférieure, bien sûr, au secteur privé.

L'explication n'est pas encore complètement établie. Avez-vous des données plus précises sur ce sujet et des facteurs explicatifs ? Les premiers qui viennent à l'esprit portent sur la présence médicale, encore plus insuffisante dans les établissements privés, et les effectifs en personnel, là aussi inférieurs dans ces établissements privés. Il y a partout une pénurie, mais elle est plus criante encore dans plusieurs établissements privés, pouvant en partie au moins être responsable de cette surmortalité. Je voudrais rappeler, d'ailleurs, que le phénomène n'est pas nouveau.

Je termine juste d'une phrase, pour rappeler que l'on observait déjà une surmortalité par la grippe depuis plusieurs années dans des établissements privés de différentes natures, qui avait été notée en corrélation avec un taux de vaccination bien inférieur des personnels comme des résidents dans ces établissements.

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Merci, madame la directrice générale, pour toutes ces informations, sachant évidemment que nous ne jugeons pas votre travail, dans la mesure où il dépend beaucoup de la politique que nous menons. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous vous avons suivie.

Sur le partage des compétences entre conseil départemental et ARS, on nous dit que les inspections des conseils départementaux portent sur la prise en charge de la dépendance, alors que les inspections des ARS sont davantage axées sur la qualité des soins, comme si l'une était indépendante de l'autre. On nous montre donc que ces contrôles sont menés dans une démarche institutionnelle qui ne laisse pas beaucoup de place à la réalité des prestations fournies. Par exemple, le conseil de vie sociale, quand il existe, ce qui n'est pas le cas partout, n'est jamais interrogé, ce qui peut quand même nous poser un problème.

D'autre part, comment les financeurs que sont les départements et l'ARS peuvent-ils être à la fois juges et parties ? Nous avons un vrai problème à ce sujet. Le contrôle ne pourrait être, à mon sens, une évaluation objective qu'à partir du moment où il serait mené par une instance complètement indépendante. Si nous ne sortons pas de ce schéma, nous aurons toujours les résultats que l'on obtient aujourd'hui.

Enfin, l'aspect quantitatif est évalué. L'aspect qualitatif peut-il l'être alors qu'il n'existe en France aucune norme qualitative opposable ? Ce fait apparaît déjà dans le rapport de 2018, puis dans tous les rapports suivants, mais nous n'en avons toujours aucune en France aujourd'hui.

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Merci, madame la directrice, pour cet exercice qui n'est pas facile. Je voudrais revenir sur un point précis, qui préoccupe souvent les familles. Quand elles estiment ou qu'elles constatent un problème de mauvais traitement au sens large, il n'est parfois pas facile de le dire. Il n'est pas facile de le dire à l'établissement parce qu'on a peur de représailles ou qu'on craint que cela n'arrange pas la situation pour son parent.

Ce manque de facilité concerne aussi le système qui pourrait recueillir cette information préoccupante. En 2021, le 3977 a ouvert 1 892 dossiers pour des signalements en EHPAD, mais l'Organisation mondiale de la santé fait état d'un sous-signalement dû aux non-dits ou à une sous-estimation des faits. Avez-vous des éléments à nous donner pour mieux comprendre la politique de gestion de ces informations ? Quelle est la fluidité des parcours de signalement auprès de l'ARS ? Combien de signalements ont donné lieu à des inspections ? Vous disiez à juste titre qu'un signalement ne débouche pas forcément sur une inspection, mais sur quoi débouche-t-il ? Quelle est la coordination avec le département et en particulier le président du conseil départemental, responsable de la solidarité et du soutien aux personnes, avec les services de police et de gendarmerie le cas échéant, et avec le 3977 ? Comment tout cela s'articule-t-il ?

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Merci, mes chers collègues. Avant de donner la parole à madame la directrice générale, je vais répondre à Madame Pirès-Beaune, qui m'a interpellée. Nous avons, madame la députée, une réunion de bureau cet après-midi à 14 heures pour précisément discuter des éventuelles auditions à mener. Ce point figure donc à l'ordre du jour.

La commission des affaires sociales a été très réactive, puisque nous avons déjà auditionné le numéro 1 d'Orpea, Monsieur Charrier, et le directeur général France, M. Romersi. Je suis en train d'essayer de contacter l'ancien directeur général, Monsieur Yves Le Masne. Dès que j'aurai son adresse, je pourrai lui adresser l'invitation, pour ne pas dire la convocation.

Madame la directrice générale, vous avez la parole.

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Amélie Verdier, directrice générale de l'agence régionale de santé Île‑de‑France

Merci beaucoup. Je vais essayer de répondre le plus qualitativement possible.

Monsieur Thomas Mesnier nous interrogeait notamment pour savoir s'il y a plus ou moins de plaintes et plus ou moins de contrôles selon les statuts des établissements. Sauf dans le contexte très particulier déclenché par le livre, notre grille d'analyse n'est pas par statut, mais porte d'abord sur les réclamations, les événements indésirables et les difficultés de tous ordres. Il me semble tout à fait normal qu'il en soit ainsi, même s'il en va un peu différemment dans cette période d'actualité.

Nous n'avons pas systématiquement plus ou moins de plaintes selon les statuts. Là encore, je pourrai partager avec votre commission des données plus détaillées. La situation dépend davantage des personnes, du directeur, de l'équipe soignante que du statut dans l'absolu. Je regardais encore hier les cas d'EHPAD que je citais tout à l'heure, auxquels nous avons fait des injonctions. Pour faire court, tous les statuts sont représentés.

Vous m'avez demandé s'il existe des différences de coopération et de pratiques entre départements. Il est un peu tôt pour moi pour y répondre. Je voulais simplement signaler que nous avons eu une réponse suite à ma sollicitation personnelle de la part des huit présidents départementaux pour renforcer la coopération. L'approche est différente, ce qui est normal : il existe des politiques d'ensemble différentes. Nous approfondirons ce point. De fait, la structure par statut n'est pas non plus la même par département, non plus que les pratiques de tarification ou le nombre de places d'aide sociale. En stricte application de la loi, il existe donc des différences entre départements.

Madame Vidal a insisté à juste titre sur le fait que les concitoyens ne comprennent pas comment on peut ne pas voir ce qui est décrit dans l'ouvrage. Il faut peut-être revenir, sans abuser de votre temps, sur les éléments du contrôle de 2018. Encore une fois, je transmettrai cette enquête à madame la présidente dès la fin de cette audition et je la rendrai publique. Sans relever tous les écarts constatés à cette époque, je mentionnerai la principale préoccupation de l'agence, qui était celle du temps du médecin coordonnateur. L'EHPAD a rapidement corrigé ce point et répondu aux prescriptions du CPOM. Des questions portaient sur les conditions d'intervention de médecin libéral au sein de l'EHPAD, ce qui fait écho à certains éléments lus dans le livre. Sans trop entrer dans le détail, je confirme avoir pris l'initiative de voir comment coordonner ces différents types de contrôle avec l'Assurance maladie. Ce n'est pas nouveau : cela nous arrive régulièrement. Nous le ferons donc en l'occurrence.

Des questions portaient sur le suivi du recueil de la parole et des plaintes. Nous avons également relevé la difficulté des équipes soignantes à faire face à l'ensemble des soins et donc la prise en charge par des auxiliaires de vie sociale d'actes qui ne relevaient pas forcément de leurs compétences. Ce point est très important. Sur ce sujet, les structures publiques ont une capacité plus large de mutualisation de l'ensemble des ressources, avec un meilleur usage des forces soignantes.

Sur le coût des protections, je pourrais répondre par une pirouette en disant que la partie dépendance relève des départements. Je ne le ferai pas, même si cela témoigne aussi de la complexité de nos systèmes. Le coût des protections peut effectivement être un signe d'alerte. De fait, les axes de contrôle ne sont pas toujours les mêmes quand nous réalisons un contrôle inopiné. Le chiffre de 28 % de marges arrière m'a moi aussi surprise quand je l'ai lu, mais cela ne fait pas partie des éléments que nous pouvons voir quand nous contrôlons un EHPAD.

Monsieur Vigier a fréquenté comme moi d'autres bancs, si je puis dire, et appelle à un renforcement de l'expertise financière, qui me semble très nécessaire. Je me permets de l'illustrer par le cas de l'EHPAD des Bords de Seine : le budget soins est de l'ordre de 1,8 million d'euros apportés par l'Assurance maladie et le budget dépendance de l'ordre de 700 000 euros. Il s'y ajoute une participation à l'hébergement dans certaines catégories, là encore de l'ordre de 700 000 euros. En face, figurent les montants payés par les résidents et leur famille, comme le livre l'indique, qui peuvent s'élever à 6 000 à 12 000 euros par mois. Je vous laisse le soin de faire le calcul. Encore une fois, nous ne contrôlons que la partie soins et dépendance en tant que telle, les repas relevant de la partie hébergement, ce qui pose la question des réponses que nous pouvons apporter.

De manière générale, et en réponse à plusieurs intervenants, il nous faut clairement plus de transparence et nous devons l'imposer sur l'ensemble des données de prise en charge dans les établissements. Un niveau d'exigence accru et une accréditation ont du sens. Je me permets de rappeler qu'une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 portait sur des référentiels de qualité définis par la Haute autorité de santé (HAS) ; elle a été censurée, comme cavalier, par le Conseil constitutionnel, mais elle a fait l'objet d'un travail approfondi avec la HAS.

En réponse à monsieur Vigier, je rappelle que nous n'avons pas seulement vingt contrôleurs. Ce point est très important à comprendre : nous avons vingt inspecteurs dédiés, mais nous comptons 200 personnes qui mènent régulièrement des inspections, en plus des 67 personnes que nous mobilisons en renfort. Nous avons vingt médecins inspecteurs de santé publique, 67 IAS, etc. Ces chiffres sont très importants, et heureusement, au vu du volume de structures qui existent dans la région : à peu près 700 EHPAD, sans compter le reste du secteur médico-social. Il est heureux que le contrôle ne passe pas uniquement par des inspections en tant que telles.

Monsieur Michels demande comment sont croisées les informations entre ARS. Ce point doit être approfondi. Nous les croisons entre départements relevant d'une même ARS et nous pouvons partager les points les plus emblématiques, mais il existe sans doute une voie de progrès pour rendre ce croisement plus systématique.

Madame Pirès-Beaune m'a posé plusieurs questions sur les contrôles, auxquelles nous devrons répondre dans un second temps : je n'ai pas le recul depuis 2016. Je comprends parfaitement la question, mais je n'ai pas la réponse dans l'immédiat. Comme vous le savez, l'agence régionale de santé Ile-de-France, comme les autres, est compétente pour contrôler EHPAD par EHPAD. Nous n'avons pas de capacité à contrôler le système, avec ou sans guillemets.

Les indicateurs sur les ressources humaines (RH), comme le taux de vacance ou l'absentéisme, font partie des signaux à prendre en compte, pour déclencher une inspection notamment. Ils ressortent très régulièrement, selon les cas, dans les recommandations, voire les prescriptions, voire les injonctions, quand il y a carence. Là encore, nous avons intérêt à une plus grande publication des données. En revanche, nous n'avons pas de suivi des contentieux RH ouverts. S'agissant de la question sur les réductions d'impôt, là encore, je la transmettrai à mes collègues, de sorte à vous apporter une réponse.

Madame Iborra me demandait notamment ce que nous faisons des conseils de la vie sociale (CVS). À chaque inspection, ce point fait systématiquement partie du contrôle. Nous vérifions d'abord qu'il existe, qu'il est en place et qu'il fonctionne et nous en interrogeons les membres. Une difficulté récurrente est que nous avons beaucoup de mal pour recueillir la parole des personnes les plus dépendantes, or les cas de maltraitance qui interpellent le plus frappent malheureusement certains de nos concitoyens qui n'ont plus les moyens d'exprimer ce qui leur arrive. Plus structurellement, les EHPAD comptent de plus en plus de personnes très âgées, très dépendantes, pour lesquelles il faut penser aussi à des réponses différentes ou complémentaires.

J'ai parlé un peu de qualité ; je remercie Jean-Louis Touraine de nous avoir incités à revenir sur ce point. De manière précise, dans l'EHPAD des Bords de Seine de Neuilly, nous avons constaté quinze décès en 2020-2021, ce qui correspond à la moyenne dans la région. Il n'y a donc pas de décalage sur cet EHPAD. Je n'ai pas forcément tous les chiffres sur l'ensemble du secteur lucratif dans la région. Nous avons aussi constaté moins de décès dans les EHPAD publics, notamment hospitaliers, peut-être du fait de la proximité avec l'hôpital, comme nous avons essayé de le faire, notamment en développant des filières gériatriques. Je constate désormais, lorsque je me déplace, que les directeurs d'hôpital savent qui est leur correspondant hospitalier, ce qui n'était pas systématiquement le cas avant la crise. Nous pouvons également interroger le fait qu'en tarification globale, les EHPAD ont une plus grande souplesse à allouer les ressources soignantes – toutefois, cela relève plutôt de l'intuition que du démontré. Nous approfondirons les données que vous citez.

De manière générale, ces indicateurs de surmortalité, et plus globalement de qualité, doivent impérativement être développés, tout d'abord parce que c'est aussi cela qui donne du sens au métier. Il ne faut toutefois pas se tromper d'échelle pour mesurer la surmortalité, y compris celle liée à l'épidémie grippale. Nous la surveillons. À partir de quand un échantillon est-il représentatif ? Il faut, évidemment, systématiquement interroger les chiffres, et nous le faisons. J'ai des chiffres précis parce que nous avons, bien sûr, fait ce suivi. Les EHPAD Orpea ne présentaient pas de surmortalité particulière.

Madame Tamarelle revenait sur les sous-déclarations. Je crains effectivement qu'il n'y en ait. Je souhaite souligner à nouveau que l'agence régionale de santé traite toutes les réclamations qui lui sont adressées et ne se contente évidemment pas de transmettre les réponses fournies par l'EHPAD. Une de nos priorités sera d'encourager encore davantage les familles et les personnes elles-mêmes à faire une réclamation, mais aussi les personnels à faire part des événements indésirables.

Encore une fois, il s'agit de prises en charge difficiles. Il est difficile d'éviter ces événements indésirables, mais il est important de les analyser, c'est pourquoi nous avons besoin de manière générique d'ouvrir ces EHPAD et de faire connaître et comprendre leur fonctionnement. Cela passe aussi par des accueils de jour et, de manière plus générale, par une ouverture sur le reste de la ville et de la société. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'une réponse générale et qu'il faudra être plus précis dans la mise en œuvre concrète de ces orientations. Mais il faut faire connaître ces structures et leur mode de fonctionnement, proposer des solutions le plus longtemps possible à domicile et avec, le cas échéant, des alternances de séjour. Je crois beaucoup au potentiel des séjours de répit en EHPAD : il est important de prévoir des places en EHPAD en sortie d'hospitalisation et de retour à domicile. Cela existe et l'agence régionale de santé Ile-de-France le finance. Cela relève aussi de cette ouverture générale des établissements, qui facilitera les déclarations. Je me permettrai de conclure ainsi sur ce sujet.

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Merci, madame la directrice générale, pour votre présence et pour la qualité de vos réponses sur ce sujet qui nous préoccupe tant, à savoir l'accompagnement de nos anciens.

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 11 heures

Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, Mme Gisèle Biémouret, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, Mme Annie Chapelier, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Carole Grandjean, Mme Véronique Hammerer, Mme Myriane Houplain, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Bénédicte Pételle, M. Alain Ramadier, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusés. – M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, Mme Audrey Dufeu, Mme Perrine Goulet, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer

Assistait également à la réunion. – Mme Christine Pires Beaune