Intervention de Élodie Marchat directrice générale adjointe du pôle Solidarité du conseil départemental des Hauts‑de‑Seine

Réunion du mardi 15 février 2022 à 17h05
Commission des affaires sociales

Élodie Marchat directrice générale adjointe du pôle Solidarité du conseil départemental des Hauts‑de‑Seine :

Les services du département, que je représente, ont participé à la préparation de cet échange afin de vous apporter un éclairage technique. Les éléments que je présente aujourd'hui n'engagent pas l'ensemble des conseils départementaux. Nous avons découvert avec la même stupeur que l'ensemble de nos concitoyens, les révélations de M. Victor Castanet dans son ouvrage Les Fossoyeurs. Je souhaite rappeler ici en préambule le soutien total des services du département et la préoccupation constante de notre président envers les plus fragiles et leur famille. Nos services agissent en coordination avec l'ARS depuis de nombreuses années en fonction de leurs prérogatives afin de s'assurer du bien‑être de nos seniors. Nous tenons à saluer l'engagement des collaborateurs du département, de l'ARS et des professionnels du secteur qui sont également touchés et pourraient ressentir une remise en cause de leur travail. Il convient de souligner leurs compétences et leur professionnalisme, tout comme celui des personnels des structures sociales et médico‑sociales, notamment le personnel soignant mobilisé pleinement depuis deux ans dans un contexte de tension sur les effectifs. Je souhaite rappeler que le département des Hauts‑de‑Seine est fortement engagé auprès de tous les seniors. Les plus de 60 ans représentent 320 000 Altoséquanais, soit la part la plus élevée en Île‑de‑France. Le département consacre chaque année un budget de 145 millions d'euros à la prise en charge de ces derniers à domicile ou en établissement.

Mon propos liminaire s'articulera autour de trois points. Tout d'abord, je présenterai une photographie des EHPAD dans les Hauts‑de‑Seine. Puis j'aborderai le processus des contrôles et leur méthodologie, ce qui me permettra de répondre en partie à vos questions. Enfin, je reviendrai sur le principe des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sur cinq ans, en particulier dans le cas d'Orpea, qui se trouve au cœur de la problématique de cette audition.

En préambule, je vous communique quelques éléments de cadrage pour compléter les propos de Mme Amélie Verdier et pour fournir quelques données financières. Nous comptons 108 EHPAD autorisés dans les Hauts‑de‑Seine pour une capacité totale de 10 296 places. Le secteur privé est majoritaire avec 4 445 places, ce qui représente 53 % de l'offre dans le département. Il s'agit d'un département atypique à cet égard. 2 630 places, soit 25 %, proviennent du secteur associatif, tandis que le secteur public dispose de 2 221 places, soit 22 %. Près de 40 % des places sont habilitées à l'aide sociale départementale, chiffre relativement conforme à celui des autres départements. Cependant, 54 % le sont dans le public, 33 % dans l'associatif et 13 % dans les EHPAD privés. En ce qui concerne en particulier l'établissement Les Bords de Seine, il n'est pas intégralement habilité à l'aide sociale.

Les principaux gestionnaires privés dans le département sont DomusVi, qui offre 1 596 places – le plus important du département –, Orpea, qui propose 1 010 places, et Korian, qui dispose de 877 places. Les EHPAD ont vocation à prendre en charge leurs résidents de manière globale à travers les prestations liées à l'hébergement, les soins et la dépendance. Le département finance les EHPAD au titre des volets dépendance et hébergement au travers de l'aide sociale. En 2021, pour les 108 EHPAD du département, nous avons versé 16, 6 millions d'euros au titre de la dotation globale dépendance, également dénommée allocation personnalisée d'autonomie (APA) établissement. Sur les 16, 6 millions d'euros, 8,7 millions d'euros sont versés au secteur privé, 4,8 millions d'euros au secteur associatif et 3,1 millions d'euros reviennent au secteur public.

Pour ses onze établissements des Hauts‑de‑Seine, le groupe Orpea a perçu 727 861 euros soit 1,2 % de l'APA établissement. Ce pourcentage contribue au fonctionnement de 10 % des places en EHPAD. Par ailleurs, les établissements Orpea ne disposent que de 36 lits habilités à l'aide sociale départementale. Ils sont répartis dans cinq établissements. Nous versons, au titre de l'aide sociale, 157 000 euros. L'établissement Les Bords de Seine a reçu 15 859 euros en 2021. Cette enveloppe est relativement faible au regard du nombre de places autorisées. Cela s'explique, d'une part, par le fait que les patients de ces établissements sont moins dépendants et bénéficient donc d'un montant d'APA plus faible, et, d'autre part, parce qu'ils disposent de ressources plus élevées. En outre, certains résidents de ces établissements ne sont pas altoséquanais. Par conséquent, le département ne leur verse pas de participation.

Il faut également noter qu'Orpea nous présente chaque année des résultats déficitaires concernant la section dépendance. Le groupe déclare que les dépenses engagées par leurs établissements sur la section dépendance sont supérieures à la dotation publique. Le groupe Orpea, comme les autres groupes privés, bénéficie globalement de la convergence positive des tarifs dépendance mis en place depuis la loi d'adaptation de la société au vieillissement (« ASV ») de décembre 2015. Elle leur permet, par principe, d'augmenter leurs charges, notamment de personnel, en faveur de l'accompagnement des résidents. Pour l'EHPAD Les Bords de Seine, nous constatons une convergence tarifaire négative, ce qui signifie que le coût de la dépendance dans cet établissement est supérieur aux objectifs fixés.

Je souhaitais vous fournir ces éléments de cadrage en amont de ma présentation sur les modalités de contrôle mises en place par le département.

Une stratégie de contrôle est définie par le département depuis plusieurs années. Elle concerne tous les champs du secteur. Le contrôle inopiné appartient au champ des méthodes de contrôle. Un programme d'inspection est validé en début d'année civile. Il n'est pas lié au statut juridique des établissements, il est multifonction et peut donc indifféremment toucher le secteur public, le secteur privé et le secteur associatif. Il fait l'objet d'aménagements en fonction d'éventuelles alertes ou de faisceaux d'indices nécessitant une visite sur place.

Le pôle Solidarités est doté d'une équipe d'inspection de treize cadres : quatre sont chargés de la tarification, huit s'occupent du contrôle des établissements pour personnes âgées et personnes handicapées et un médecin gériatre référent est chargé d'établir les niveaux de dépendance par établissement, ce que nous appelons également les coupes de groupes moyens pondérés (GMP). Ce principe existe également au sein de l'ARS, qui dispose d'un autre médecin gériatre pour le forfait soins. En fonction du niveau de dépendance, notre médecin gériatre fixe les coupes de GMP. Au regard d'un faisceau d'indices, cette équipe peut être complétée par des auditeurs internes du pôle de l'audit afin d'assurer une inspection plus globale. Il est à noter que la grille d'analyse des risques n'est pas liée au statut juridique.

En 2021, nous avons contrôlé 38 EHPAD, soit 41 % des établissements du département, ce qui représente un chiffre conséquent au regard de la population concernée et des financements alloués à la dépendance. Ces contrôles sont généralement programmés. L'usage du contrôle inopiné est réservé au signalement de cas de maltraitance dans un constat de flagrance. Ainsi, il ne faut pas confondre contrôle inopiné et flagrant délit. À chaque réclamation, un examen est réalisé en lien avec l'ARS et une prise de contact est effectuée avec la personne qui a réalisé le signalement.

À la suite des événements évoqués dans le livre de M. Victor Castanet et à la demande de l'ARS, un plan de contrôles conjoint a été élaboré pour l'année 2022. Il intensifie celui d'ores et déjà prévu par nos services.

Le CPOM signé avec l'ARS et Orpea pour la période 2018‑2023 repose sur quatre objectifs : simplifier les parcours de vie des personnes ; améliorer la qualité de l'offre de services ; contribuer à l'épanouissement des personnes dans leur environnement ; participer à la restructuration et à l'évolution de l'offre. Selon l'arrêté du 3 mars 2017 pris en application de la loi « ASV », « la conclusion progressive de CPOM pour l'ensemble des EHPAD s'accompagne de réformes importantes de l'allocation de ressources fondée sur les principes de confiance mutuelle entre autorité de tarification et gestionnaire et de respect de l'autonomie des gestionnaires dans le cadre des objectifs fixés par le CPOM ». Dans un esprit de dialogue de gestion et de partenariat, il s'agit donc de laisser de la souplesse entre les trois sections : hébergement, soins et dépendance. Ainsi, le groupe Orpea a pris des engagements pour évoluer en termes de qualité de l'accompagnement et de suivi des ressources humaines à la fin de l'année 2017.

Pour conclure, je souhaite vous faire part de quelques réflexions.

Les événements indésirables graves (EIG) sont remplis par les directeurs eux‑mêmes, qui peuvent sous‑qualifier les dysfonctionnements dans leur propre établissement. Les familles sont également présentes pour nous signaler les faits et nous les incitons à nous saisir. Elles disposent du numéro 3977, que nous gérons et qui demeure sous‑utilisé. Les dispositifs d'information doivent être renforcés auprès des familles, qui ne perçoivent pas toujours elles‑mêmes l'enjeu de la réalité de la situation, car même en cas de dysfonctionnement significatif, les familles rencontrent des difficultés à nous en informer. À l'instar de l'univers de la petite enfance dont je m'occupe également, nous ne pouvons recueillir le témoignage de nourrissons en crèche. Les personnes âgées très dépendantes ne sont pas nécessairement en capacité de témoigner de leur réalité. Nous tirons donc tous ensemble les conclusions nécessaires pour faire évoluer nos pratiques collectives d'inspection. On ne peut laisser dire que les instances ont failli par manque de courage politique. Nous sommes dans les limites d'un système avec ses failles, entre des remontées d'informations insuffisantes, des champs de compétences pas toujours simples à apprécier et, si ce qui est décrit dans cet ouvrage est exact, nous sommes face à un système de fraude organisée. Les moyens de contrôle des administrations sont vraisemblablement insuffisants pour déceler et contrecarrer des techniques internationales de fraudes sophistiquées. En pareil cas, et sans informations extérieures, elles paraissent difficiles à démontrer. Tous ces enjeux posent un choix de société. Quelles places pour la prise en charge pour nos aînés de demain ?

Le rapport d'information parlementaire du 5 décembre 2017, présenté par Mmes les députées Agnès Firmin Le Bodo et Charlotte Parmentier‑Lecocq, relatif à l'application de la loi « ASV », insistait sur la nécessité « de corriger les paramètres de tarification pour atteindre l'objectif d'équité ». De plus, Mmes les députées Caroline Fiat et Monique Iborra rappelaient dans un autre rapport que le domicile reste le choix le plus largement plébiscité pour la fin de vie de nos aînés, mais que la structure collective est souvent une alternative contrainte pour les plus dépendants qui ne peuvent rester seuls ou sans famille à leurs côtés.

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