Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 15 février 2022 à 17h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 15 février 2022

La séance est ouverte à dix‑sept heures cinq.

Dans le cadre des auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea, la commission auditionne Mme Élodie Marchat, directrice générale adjointe du pôle Solidarités du conseil départemental des Hauts‑de‑Seine.

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Nous poursuivons notre cycle d'audition sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea. Ce cycle a été entamé le 2 février 2022 avec l'audition de ses dirigeants. Je souhaite vous indiquer que nous avons sollicité, M. Yves Le Masne, ancien directeur général d'Orpea, afin qu'il vienne s'exprimer devant notre commission. Son avocat nous a transmis le message suivant que je tiens à vous communiquer intégralement par souci de transparence : « M. Yves Le Masne a dû supporter une mise à l'écart de son poste et un départ de l'entreprise dont il était salarié depuis vingtneuf ans. Cette douloureuse sanction a provoqué une altération soudaine de sa santé. Il a été admis à l'hôpital pour des soins en urgence. Sa convalescence se poursuit en dehors de Paris et ne permettra pas, dès lors, son audition le 15 ou 16 février prochain. » M. Yves Le Masne ne pourra donc être entendu cette semaine par notre commission. Toutefois, son avocat nous a indiqués aujourd'hui que M. Yves Le Masne devrait être disponible sous dix à quinze jours.

Par ailleurs, je vous informe que conformément aux décisions du bureau de la semaine dernière et sur la base des thèmes et candidatures reçus de la part des différents groupes, il est proposé que quatre missions « flash » soient lancées parallèlement aux auditions de notre commission. M. Didier Martin, Mme Marine Brenier et M. Cyrille Isaac‑Sibille seront les rapporteurs sur les conditions de travail et la gestion des ressources humaines en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Mme Caroline Janvier, Mme Jeanine Dubié et M. Pierre Dharréville travailleront quant à eux sur la gestion financière des EHPAD. Mme Gisèle Biémouret, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Valérie Six examineront le rôle des proches dans la vie des EHPAD. Mme Véronique Hammerer, Mme Isabelle Valentin et Mme Caroline Fiat seront chargées de travailler sur l'EHPAD de demain et son modèle.

Je ne vois pas d'objections ? Il en est donc ainsi décidé.

Afin de montrer notre réactivité, les conclusions de ces missions « flash » devraient être présentées à la commission dès le 2 mars. Le rythme de travail sera donc particulièrement soutenu.

Après avoir entendu la semaine précédente Mme Amélie Verdier, directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) Île‑de‑France et M. Victor Castanet auteur de l'ouvrage Les Fossoyeurs, nous poursuivons nos travaux sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea. Nous nous intéressons plus particulièrement cet après‑midi à l'établissement Les Bords de Seine situé à Neuilly‑sur‑Seine, que l'ouvrage précité évoque largement, en recevant Mme Élodie Marchat, directrice générale adjointe du pôle Solidarités du conseil départemental des Hauts‑de‑Seine, accompagnée de Mme Hélène Devisscher, cadre d'appui.

L'ouvrage décrit des dysfonctionnements majeurs au sein de l'établissement Les Bords de Seine. Si les tarifs pratiqués pouvaient nous laisser penser qu'il s'agit d'un EHPAD de grand luxe, les situations décrites en son sein, entre rationnement des repas et des protections, sous‑effectifs chroniques et défaut de suivi médical, ne peuvent que démentir violemment ce qualificatif. Nous souhaiterions que vous nous indiquiez si le conseil départemental avait été informé de dysfonctionnements dans cet établissement et que vous nous présentiez la teneur des inspections réalisées, notamment celle qui a eu lieu en février 2018 mentionnée par l'ouvrage de M. Victor Castanet ainsi que les suites données aux remarques des inspecteurs. Plus largement, nous souhaiterions vous entendre sur les moyens dont disposent les services du conseil départemental pour contrôler le fonctionnement des EHPAD sur son territoire et sur le nombre d'inspections réalisées. L'ouvrage décrit un système de marges arrières obtenues sur les produits financés par de l'argent public, notamment les protections payées par le conseil départemental, tandis qu'il présente les discordances entre le nombre de postes financés par les fonds publics et les emplois effectivement occupés dans les EHPAD. Dans quelle mesure les services départementaux ont‑ils les moyens de déceler de telles pratiques ?

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Élodie Marchat directrice générale adjointe du pôle Solidarité du conseil départemental des Hauts‑de‑Seine

Les services du département, que je représente, ont participé à la préparation de cet échange afin de vous apporter un éclairage technique. Les éléments que je présente aujourd'hui n'engagent pas l'ensemble des conseils départementaux. Nous avons découvert avec la même stupeur que l'ensemble de nos concitoyens, les révélations de M. Victor Castanet dans son ouvrage Les Fossoyeurs. Je souhaite rappeler ici en préambule le soutien total des services du département et la préoccupation constante de notre président envers les plus fragiles et leur famille. Nos services agissent en coordination avec l'ARS depuis de nombreuses années en fonction de leurs prérogatives afin de s'assurer du bien‑être de nos seniors. Nous tenons à saluer l'engagement des collaborateurs du département, de l'ARS et des professionnels du secteur qui sont également touchés et pourraient ressentir une remise en cause de leur travail. Il convient de souligner leurs compétences et leur professionnalisme, tout comme celui des personnels des structures sociales et médico‑sociales, notamment le personnel soignant mobilisé pleinement depuis deux ans dans un contexte de tension sur les effectifs. Je souhaite rappeler que le département des Hauts‑de‑Seine est fortement engagé auprès de tous les seniors. Les plus de 60 ans représentent 320 000 Altoséquanais, soit la part la plus élevée en Île‑de‑France. Le département consacre chaque année un budget de 145 millions d'euros à la prise en charge de ces derniers à domicile ou en établissement.

Mon propos liminaire s'articulera autour de trois points. Tout d'abord, je présenterai une photographie des EHPAD dans les Hauts‑de‑Seine. Puis j'aborderai le processus des contrôles et leur méthodologie, ce qui me permettra de répondre en partie à vos questions. Enfin, je reviendrai sur le principe des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sur cinq ans, en particulier dans le cas d'Orpea, qui se trouve au cœur de la problématique de cette audition.

En préambule, je vous communique quelques éléments de cadrage pour compléter les propos de Mme Amélie Verdier et pour fournir quelques données financières. Nous comptons 108 EHPAD autorisés dans les Hauts‑de‑Seine pour une capacité totale de 10 296 places. Le secteur privé est majoritaire avec 4 445 places, ce qui représente 53 % de l'offre dans le département. Il s'agit d'un département atypique à cet égard. 2 630 places, soit 25 %, proviennent du secteur associatif, tandis que le secteur public dispose de 2 221 places, soit 22 %. Près de 40 % des places sont habilitées à l'aide sociale départementale, chiffre relativement conforme à celui des autres départements. Cependant, 54 % le sont dans le public, 33 % dans l'associatif et 13 % dans les EHPAD privés. En ce qui concerne en particulier l'établissement Les Bords de Seine, il n'est pas intégralement habilité à l'aide sociale.

Les principaux gestionnaires privés dans le département sont DomusVi, qui offre 1 596 places – le plus important du département –, Orpea, qui propose 1 010 places, et Korian, qui dispose de 877 places. Les EHPAD ont vocation à prendre en charge leurs résidents de manière globale à travers les prestations liées à l'hébergement, les soins et la dépendance. Le département finance les EHPAD au titre des volets dépendance et hébergement au travers de l'aide sociale. En 2021, pour les 108 EHPAD du département, nous avons versé 16, 6 millions d'euros au titre de la dotation globale dépendance, également dénommée allocation personnalisée d'autonomie (APA) établissement. Sur les 16, 6 millions d'euros, 8,7 millions d'euros sont versés au secteur privé, 4,8 millions d'euros au secteur associatif et 3,1 millions d'euros reviennent au secteur public.

Pour ses onze établissements des Hauts‑de‑Seine, le groupe Orpea a perçu 727 861 euros soit 1,2 % de l'APA établissement. Ce pourcentage contribue au fonctionnement de 10 % des places en EHPAD. Par ailleurs, les établissements Orpea ne disposent que de 36 lits habilités à l'aide sociale départementale. Ils sont répartis dans cinq établissements. Nous versons, au titre de l'aide sociale, 157 000 euros. L'établissement Les Bords de Seine a reçu 15 859 euros en 2021. Cette enveloppe est relativement faible au regard du nombre de places autorisées. Cela s'explique, d'une part, par le fait que les patients de ces établissements sont moins dépendants et bénéficient donc d'un montant d'APA plus faible, et, d'autre part, parce qu'ils disposent de ressources plus élevées. En outre, certains résidents de ces établissements ne sont pas altoséquanais. Par conséquent, le département ne leur verse pas de participation.

Il faut également noter qu'Orpea nous présente chaque année des résultats déficitaires concernant la section dépendance. Le groupe déclare que les dépenses engagées par leurs établissements sur la section dépendance sont supérieures à la dotation publique. Le groupe Orpea, comme les autres groupes privés, bénéficie globalement de la convergence positive des tarifs dépendance mis en place depuis la loi d'adaptation de la société au vieillissement (« ASV ») de décembre 2015. Elle leur permet, par principe, d'augmenter leurs charges, notamment de personnel, en faveur de l'accompagnement des résidents. Pour l'EHPAD Les Bords de Seine, nous constatons une convergence tarifaire négative, ce qui signifie que le coût de la dépendance dans cet établissement est supérieur aux objectifs fixés.

Je souhaitais vous fournir ces éléments de cadrage en amont de ma présentation sur les modalités de contrôle mises en place par le département.

Une stratégie de contrôle est définie par le département depuis plusieurs années. Elle concerne tous les champs du secteur. Le contrôle inopiné appartient au champ des méthodes de contrôle. Un programme d'inspection est validé en début d'année civile. Il n'est pas lié au statut juridique des établissements, il est multifonction et peut donc indifféremment toucher le secteur public, le secteur privé et le secteur associatif. Il fait l'objet d'aménagements en fonction d'éventuelles alertes ou de faisceaux d'indices nécessitant une visite sur place.

Le pôle Solidarités est doté d'une équipe d'inspection de treize cadres : quatre sont chargés de la tarification, huit s'occupent du contrôle des établissements pour personnes âgées et personnes handicapées et un médecin gériatre référent est chargé d'établir les niveaux de dépendance par établissement, ce que nous appelons également les coupes de groupes moyens pondérés (GMP). Ce principe existe également au sein de l'ARS, qui dispose d'un autre médecin gériatre pour le forfait soins. En fonction du niveau de dépendance, notre médecin gériatre fixe les coupes de GMP. Au regard d'un faisceau d'indices, cette équipe peut être complétée par des auditeurs internes du pôle de l'audit afin d'assurer une inspection plus globale. Il est à noter que la grille d'analyse des risques n'est pas liée au statut juridique.

En 2021, nous avons contrôlé 38 EHPAD, soit 41 % des établissements du département, ce qui représente un chiffre conséquent au regard de la population concernée et des financements alloués à la dépendance. Ces contrôles sont généralement programmés. L'usage du contrôle inopiné est réservé au signalement de cas de maltraitance dans un constat de flagrance. Ainsi, il ne faut pas confondre contrôle inopiné et flagrant délit. À chaque réclamation, un examen est réalisé en lien avec l'ARS et une prise de contact est effectuée avec la personne qui a réalisé le signalement.

À la suite des événements évoqués dans le livre de M. Victor Castanet et à la demande de l'ARS, un plan de contrôles conjoint a été élaboré pour l'année 2022. Il intensifie celui d'ores et déjà prévu par nos services.

Le CPOM signé avec l'ARS et Orpea pour la période 2018‑2023 repose sur quatre objectifs : simplifier les parcours de vie des personnes ; améliorer la qualité de l'offre de services ; contribuer à l'épanouissement des personnes dans leur environnement ; participer à la restructuration et à l'évolution de l'offre. Selon l'arrêté du 3 mars 2017 pris en application de la loi « ASV », « la conclusion progressive de CPOM pour l'ensemble des EHPAD s'accompagne de réformes importantes de l'allocation de ressources fondée sur les principes de confiance mutuelle entre autorité de tarification et gestionnaire et de respect de l'autonomie des gestionnaires dans le cadre des objectifs fixés par le CPOM ». Dans un esprit de dialogue de gestion et de partenariat, il s'agit donc de laisser de la souplesse entre les trois sections : hébergement, soins et dépendance. Ainsi, le groupe Orpea a pris des engagements pour évoluer en termes de qualité de l'accompagnement et de suivi des ressources humaines à la fin de l'année 2017.

Pour conclure, je souhaite vous faire part de quelques réflexions.

Les événements indésirables graves (EIG) sont remplis par les directeurs eux‑mêmes, qui peuvent sous‑qualifier les dysfonctionnements dans leur propre établissement. Les familles sont également présentes pour nous signaler les faits et nous les incitons à nous saisir. Elles disposent du numéro 3977, que nous gérons et qui demeure sous‑utilisé. Les dispositifs d'information doivent être renforcés auprès des familles, qui ne perçoivent pas toujours elles‑mêmes l'enjeu de la réalité de la situation, car même en cas de dysfonctionnement significatif, les familles rencontrent des difficultés à nous en informer. À l'instar de l'univers de la petite enfance dont je m'occupe également, nous ne pouvons recueillir le témoignage de nourrissons en crèche. Les personnes âgées très dépendantes ne sont pas nécessairement en capacité de témoigner de leur réalité. Nous tirons donc tous ensemble les conclusions nécessaires pour faire évoluer nos pratiques collectives d'inspection. On ne peut laisser dire que les instances ont failli par manque de courage politique. Nous sommes dans les limites d'un système avec ses failles, entre des remontées d'informations insuffisantes, des champs de compétences pas toujours simples à apprécier et, si ce qui est décrit dans cet ouvrage est exact, nous sommes face à un système de fraude organisée. Les moyens de contrôle des administrations sont vraisemblablement insuffisants pour déceler et contrecarrer des techniques internationales de fraudes sophistiquées. En pareil cas, et sans informations extérieures, elles paraissent difficiles à démontrer. Tous ces enjeux posent un choix de société. Quelles places pour la prise en charge pour nos aînés de demain ?

Le rapport d'information parlementaire du 5 décembre 2017, présenté par Mmes les députées Agnès Firmin Le Bodo et Charlotte Parmentier‑Lecocq, relatif à l'application de la loi « ASV », insistait sur la nécessité « de corriger les paramètres de tarification pour atteindre l'objectif d'équité ». De plus, Mmes les députées Caroline Fiat et Monique Iborra rappelaient dans un autre rapport que le domicile reste le choix le plus largement plébiscité pour la fin de vie de nos aînés, mais que la structure collective est souvent une alternative contrainte pour les plus dépendants qui ne peuvent rester seuls ou sans famille à leurs côtés.

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Les révélations du livre de M. Victor Castanet, Les Fossoyeurs, ont suscité, lors de sa sortie, un émoi considérable et légitime. Avant toute chose, il est important de rappeler qu'il ne faut pas généraliser un cas d'espèce à tous les EHPAD, la plupart effectuant un travail remarquable auprès de leurs résidents. Néanmoins, ces révélations s'accompagnant d'une multiplicité d'éléments, de preuves tangibles et concrètes, c'est aussi le rôle de la commission des affaires sociales que d'investiguer ces informations.

L'ouvrage ne manque pas de témoignages émanant de tous bords : résidents, familles de résidents, personnels soignants, salariés ou encore directeurs d'établissement. Les faits évoqués sont graves et intolérables vis‑à‑vis de la dignité de nos aînés : rationnement de la nourriture, des couches, absence de soins pendant plusieurs heures, mutualisation de plusieurs résidents par chambre simple... La liste est encore longue, tandis que nous pourrions évoquer pendant des heures les faits reprochés. Les faits sont tels qu'il est difficile de comprendre comment le département a pu passer à côté, malgré le grand nombre de signalements et plaintes déposées en amont de l'éclatement du scandale des EHPAD Orpea. Les départements ont, par le passé, dénoncé la grande complexité de la prise en charge de nos aînés. En effet, la multiplication des intervenants et des structures vient compliquer l'indispensable contrôle qui incombe aux pouvoirs publics s'agissant des conditions de vie des résidents en EHPAD. Cette grande hétérogénéité des acteurs tend à dissoudre les responsabilités. Il conviendrait donc de réformer ce système en profondeur.

Pourriez‑vous nous dire si, et le cas échéant pour quelles raisons, le département est passé à côté de ces faits ? Vous nous avez expliqué avoir réalisé des contrôles. Néanmoins, les faits de déviances et de maltraitances existent. Comment les expliquez‑vous ? Avez‑vous reçu des signalements ou des plaintes de la part des familles ? Si oui, comment les avez‑vous gérés ? Comment envisagez‑vous la suite ?

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Comment est‑il possible que cette résidence Orpea Les Bords de Seine, visée par une enquête préliminaire du parquet de Nanterre après un dépôt de plainte pour des faits d'homicide involontaire concernant une résidente, n'ait pas été mieux contrôlée ? M. Victor Castanet évoque dans son enquête votre refus de le recevoir. Pouvez‑vous nous expliquer pourquoi vous lui avez opposé ce refus ? Comment expliquer que ces cas de maltraitances soient particulièrement prégnants dans certains établissements plutôt que dans d'autres ? Quel diagnostic pouvez‑vous poser sur ces situations ? Combien d'établissements du groupe Orpea ont‑ils été contrôlés par votre conseil départemental en 2018, 2019, 2020 et 2021 ? Comment et pourquoi malgré ces contrôles un tel dysfonctionnement peut‑il être constaté ? L'optimisation permanente de la masse salariale n'est‑elle pas contraire aux exigences des conseils départementaux ? Ne fait‑elle pas le lit de cette maltraitance institutionnelle et systématique ? Quels indicateurs mettez‑vous en place ? Comment s'exercent concrètement vos contrôles ? Quelles articulations et communications existent‑elles entre le département de l'ARS et le conseil départemental ? Quelles mesures prenez‑vous en cas de manquement ? De quels signalements avez‑vous été destinataire ? Quel type de procédure s'enclenche‑t‑il à la suite de ces remontées ? Que fait le conseil départemental du bien‑être des résidents ? La surveillance des établissements semble défaillante. Partagez‑vous ce constat ?

L'ampleur du problème de maltraitance a été mise en lumière lors de la crise pandémique. Ce contexte a‑t‑il eu un impact sur vos contrôles ? Une importance particulière a‑t‑elle pu être donnée à certains éléments ? Madame la directrice, nous souhaiterions vous entendre sur l'ensemble de ces interrogations et comprendre la responsabilité éventuelle des conseils départementaux dans les dérives qui ont pu être constatées.

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Sibille (Dem). Madame la directrice générale adjointe, j'espère que vous nous apporterez un éclairage sur la situation de certains EHPAD à la suite des accusations de maltraitance des résidents au sein de certaines résidences du groupe Orpea, en particulier dans l'établissement Les Bords de Seine situés dans votre département.

Je souhaite vous interroger sur les contrôles réalisés par votre conseil départemental. Les EHPAD privés bénéficient d'un financement public émanant des conseils départementaux. Votre conseil a compétence pour contrôler l'action de tous ces établissements et la qualité du service qui les lie aux personnes âgées dépendantes. Ces contrôles peuvent être programmés, ou inopinés s'ils font suite à des signalements d'événements indésirables au sein des établissements concernés. Or nous savons que ces événements indésirables ont été nombreux. Dans son ouvrage, l'auteur dénonce les conditions de vie des résidents, des maltraitances et des manquements au sein de cet EHPAD.

J'ai entendu votre discours. Il est particulièrement proche de celui tenu par d'autres responsables auditionnés. Reconnaissez‑vous avoir une part de responsabilité devant ces faits de maltraitance ? Je souhaiterais en savoir davantage sur les contrôles effectués par votre conseil départemental. Comment les établissements ciblés sont‑ils choisis ? Quelle est la méthodologie appliquée ? À quelle fréquence ces contrôles ont‑ils lieu ? Selon les dirigeants d'Orpea, 94 visites avaient été réalisées en 2016, contre 10 en 2021. Quelles sont les suites données à ces contrôles ? Les établissements sont‑ils sanctionnés ? Je souhaiterais disposer de faits.

Estimez‑vous humblement qu'il existe des manquements de la part de votre conseil départemental dans la réalisation de ces contrôles ? S'agissant des accusations de marges arrières réalisées par le groupe Orpea, quelles sont les actions du conseil départemental pour s'assurer du bon usage des deniers publics ?

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Madame la directrice générale adjointe, notre commission vous auditionne ce jour afin de mieux comprendre les ressorts de l'éventuel « système Orpea » et plus largement de possibles dysfonctionnements dans la gestion quotidienne des établissements privés à but lucratif. En tant que directrice générale adjointe du pôle Solidarités du conseil départemental des Hauts‑de‑Seine, vous êtes pleinement concernée par cette affaire. J'ajouterai qu'en votre qualité de financeur de ces EHPAD, vous êtes également victime du système Orpea si les allégations de M. Victor Castanet s'avéraient véridiques. Notre objectif consiste à vérifier si les dirigeants Orpea ont volontairement dupé les pouvoirs publics et les résidents des EHPAD en réalisant d'importants profits sur leur mal‑être.

M. Victor Castanet explique, aux pages 134 et 180 de son ouvrage, le système dit des rétrocessions de fin d'année. Le mécanisme vous concerne directement. Le conseil départemental finance l'achat par les EHPAD des produits de santé comme les protections hygiéniques ou les fauteuils roulants selon une grille tarifaire déterminée. Les responsables du groupe Orpea s'efforceraient de ne pas dépasser cette grille afin d'être intégralement remboursés par le département que vous représentez. Cependant, ils demandent à leurs fournisseurs des produits de qualité inférieure facturés normalement au département, en échange d'une exclusivité commerciale. En échange, le fournisseur rétrocède en fin d'année 5 % dudit contrat, ce qui concrètement permettrait à Orpea de détourner 5 % de l'argent versé par le conseil départemental. Prenez‑vous connaissance des évaluations externes ? Semblent‑elles suffisantes et pertinentes ? Est‑ce un moyen adapté pour contrôler les établissements ? Comment comptez‑vous vous assurer que les financements accordés aux EHPAD à but lucratif par votre département servent bien à assurer une bonne qualité des soins aux résidents plutôt qu'à enrichir les actionnaires de grands groupes financiers ?

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Ma première question concerne le contrôle que les départements doivent effectuer envers les EHPAD au titre des fonds versés pour la partie dépendance. Vous avez indiqué que les moyens alloués à l'établissement Les Bords de Seine étaient inférieurs à ceux dépensés. Comment pouvez‑vous le vérifier ? Les résidents de ces établissements bénéficient‑ils du financement de la prise en charge de la dépendance ?

Ma seconde question concerne le « système Orpea » : avez‑vous les moyens d'accéder aux comptes bancaires qui permettent de mettre en place ce type de système ou bien avez‑vous uniquement accès à la partie correspondant au financement alloué par le département ? Cela expliquerait‑il la méconnaissance de la mise en place de ce système ?

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Parmi les missions du conseil départemental figure celle de l'aide à l'autonomie pour les personnes vivant dans le département. Il est notamment en charge du versement de l'APA et des agents de services hospitaliers, tandis qu'il a pour mission le contrôle des EHPAD. L'enquête menée par le journaliste Victor Castanet a révélé les défaillances du modèle économique des établissements du groupe Orpea. Il a également démontré de graves manquements dans les contrôles de ces établissements. Des contrôles existent, mais peu d'entre eux sont inopinés. N'y a‑t‑il pas eu de contrôles physiques sur place ? Des contrôles des stocks des dispositifs médicaux ont‑ils été effectués ? Des contrôles du registre unique du personnel des établissements ont‑ils eu lieu ? Pouvez‑vous détailler la politique du conseil départemental en matière de contrôle ? Pensez‑vous travailler suffisamment avec les ARS ? Seriez‑vous favorable à un contrôle conjoint entre l'ARS et le conseil départemental afin de lutter plus efficacement contre les abus ?

Selon le rapport d'inspection de l'ARS Île‑de‑France de juillet 2018, le conseil départemental des Hauts‑de‑Seine a réalisé un contrôle en début d'année 2018 concernant les conditions d'hébergement dans l'établissement Les Bords de Seine. Pouvez‑vous nous présenter les résultats de ce rapport ?

Enfin, M. Dominique Libault, dans son rapport de mars 2019, formule une proposition afin de mieux prévenir la maltraitance dans les EHPAD. Il s'agit d'organiser un réseau départemental d'alerte, chargé du recueil des signalements de maltraitance sur les territoires. Ainsi, il propose de rendre obligatoire dans chaque département la présence d'une instance de gestion coordonnée des signalements de maltraitance. Pouvez‑vous nous donner votre avis sur cette formulation ?

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Le département des Hauts‑de‑Seine, à l'instar des autres départements français, finance la partie dépendance des EHPAD, à savoir l'embauche des soignants et l'achat des fournitures pour l'incontinence. Quel est le taux d'encadrement moyen de soignants par résidents dans votre département ? Quelle est la valeur du point groupe iso‑ressources (GIR) ? Les groupes privés lucratifs tels qu'Orpea réalisent des économies abjectes sur ces postes aux dépens du bien‑être des résidents.

Le code de commerce interdit aux ARS d'accéder à la totalité des comptes des EHPAD privés lucratifs. J'imagine qu'il en est de même pour les départements. Faut‑il revenir sur ce principe pour éviter que les financements du département ne servent à augmenter les dividendes des actionnaires dans l'opacité la plus totale ?

Concernant les moyens financiers et humains mis en place pour contrôler l'utilisation des fonds distribués à ces établissements, vous avez évoqué que vous disposiez de treize cadres dont huit pour le contrôle. Comment ces moyens ont‑ils évolué au cours des cinq dernières années ?

Une fois une inspection réalisée par l'ARS, le suivi incombe aux délégations départementales. Quels sont les moyens mis en œuvre ? Quels en sont les résultats ? Avez‑vous déjà procédé à des fermetures ?

Vous avez évoqué la somme de 16,6 millions d'euros versée aux EHPAD. Comment négociez‑vous les enveloppes du département ? Un certain nombre d'anciens hauts fonctionnaires des ARS ont été embauchés par les groupes privés, Orpea, Korian et d'autres. Avez‑vous connaissance d'élus ou de hauts cadres du département des Hauts‑de‑Seine embauchés ensuite par un groupe d'EHPAD privés lucratifs ? Si oui, de qui s'agit‑il ?

Enfin, les tarifs des EHPAD dans les Hauts‑de‑Seine sont les plus élevés de France avec une médiane de 3 264 euros. Pouvez‑vous nous détailler votre politique en termes d'aides sociales à l'hébergement, de prise en charge d'un éventuel talon dépendance et de prélèvement sur les ressources des résidents bénéficiaires ? Pouvez‑vous nous décrire l'évolution des dépenses engagées par votre département ces cinq dernières années en matière d'aide sociale à l'hébergement ?

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Dans son livre, M. Victor Castanet explique que vous avez sollicité l'ARS pour votre contrôle du mois de février 2018, mais que cette dernière n'a jamais répondu à cette demande d'inspection conjointe. L'ARS, lors de son audition, a indiqué ne pas avoir trouvé trace de cette demande. Ce phénomène pose la question de la coordination des acteurs en matière de contrôle des établissements sociaux et médico‑sociaux. À la suite de votre contrôle de février 2018, l'ARS a réalisé un contrôle en août 2018. Nous avons été destinataires de son rapport d'inspection. Avez‑vous échangé avec l'ARS sur la situation de cet établissement ? Je suis surprise que l'ARS constate qu'il n'existe pas de liste précise des résidents accueillis dans l'établissement. En effet, il s'agit d'un impératif en matière de sécurité incendie.

Pour le secteur dépendance, vous assurez la tarification. Comment établissez‑vous les tarifs dépendance puisque vous indiquez n'avoir versé que 15 859 euros d'APA ? Cela signifie que les résidents payent, outre le forfait hébergement, la tarification dépendance. Quel est le montant de ces tarifs en GIR 5‑6, GIR 3‑4 et en GIR 1‑2 ? Comment assurez‑vous les contrôles des établissements puisqu'un CPOM est signé avec Orpea depuis 2018 ?

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Il m'importe de savoir quel était l'état de vos connaissances avant la parution de ce livre. Comment de tels événements ont‑ils pu survenir ? Pourquoi n'en avez‑vous pas eu connaissance ? Envisagez‑vous des actions en justice ? Quelles mesures avez‑vous pris depuis ces quelques jours ? Comment évaluez‑vous la nature du travail conduit avec les services de l'État ? Disposez‑vous d'une capacité d'intervention sur les conditions de travail ? Il semblerait que cet établissement propose des tarifs entre 8 000 et 12 000 euros par mois. Quel regard portez‑vous sur ces tarifs ? Quelles seraient selon vous les évolutions à conduire ?

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Ces questions sont très intéressantes et particulièrement claires. Elles appellent donc des réponses précises.

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Élodie Marchat

Concernant le processus de contrôle, sur lequel beaucoup d'entre vous êtes revenus, depuis la réception de signalements d'incidents par les familles en 2016 jusqu'à aujourd'hui, nous avons mis en place différentes actions. La présentation des faits permettra d'expliquer nos contrôles inopinés, notre travail conjoint avec l'ARS et nos méthodes de suivi.

À l'origine, en 2016, nous recevons de nombreux signalements des familles de résidents qui nous alertent sur des dysfonctionnements graves. Nous examinons alors ces réclamations transmises par courriel ou par téléphone. Dans ce cadre, nous disposons d'une commission d'examen des réclamations dans laquelle siègent nos deux instances – ARS et département des Hauts‑de‑Seine. Notre département coopère beaucoup avec l'ARS. Cette commission s'est réunie et a constaté qu'un certain nombre de ces réclamations concernaient l'établissement Les Bords de Seine. Dès lors, le conseil départemental a décidé de rencontrer la directrice régionale du groupe Orpea, le 23 novembre 2016. Celle‑ci reconnaît alors des dysfonctionnements et énonce des mesures qu'elle met en place afin d'améliorer la prise en charge et le soin apporté aux résidents. Elle engage son intégrité au travers de la négociation du CPOM de 2017.

En février 2017, une seconde commission des réclamations envisage une inspection conjointe avec l'ARS. Ce projet figure dans le compte rendu de cette seconde commission et il y est fait mention dans l'ouvrage de M. Victor Castanet, aux pages 294 et 295. En juillet 2017, pendant les négociations du CPOM, une visite est organisée dans l'établissement avec nos collaborateurs du département dans le cadre de la négociation. La direction déclare avoir mis en place des actions correctives pour répondre aux exigences des familles. Nous souhaitons alors vérifier les dires de la directrice régionale d'Orpea et conclure le CPOM.

Parallèlement à la signature du CPOM à la fin de l'année 2017, nous décidons de réaliser plusieurs contrôles en 2018. Une visite inopinée a lieu le 22 février 2018. Je tiens le rapport, dont vous me demandez les conclusions, à la disposition de la commission des affaires sociales. Il a fait l'objet d'un processus contradictoire de suivi et d'un suivi d'inspection usuel. Cette inspection inopinée a été diligentée par nos soins. Nous avions alors demandé à l'ARS de nous accompagner, au vu de la commission de réclamations prévoyant une inspection conjointe sur les réclamations relevées en 2017. Toutefois, l'inspection a été réalisée par des inspecteurs du département uniquement et le médecin référent gériatre.

Un rapport est transmis à la direction de l'établissement Les Bords de Seine le 30 avril, comprenant trois injonctions et quatre recommandations. Il est également communiqué au Défenseur des droits en 2019. Nous notifions ces trois injonctions et quatre recommandations en date du 30 avril 2018. Il s'agissait de former et de sensibiliser le personnel à l'utilisation du système d'appel malade, c'est‑à‑dire à la régularisation des transmissions entre le résident et l'équipe des soignants. En effet, un dysfonctionnement important de ce système d'appel malade avait été constaté. Nous demandons à ce qu'un contrôle régulier des appels malades soit assuré, afin que les réponses soient rapidement apportées. Nous avions effectivement constaté de longs délais de réponse du personnel soignant. Nous exigeons que cette injonction soit résolue sans délai. Par ailleurs, nous requérons la mise en conformité des dossiers des personnels soignants avec la réglementation en vigueur. Nous repérons effectivement, à l'instar de l'ARS, des problématiques de contrat de travail ou de vacations multipliées. Je rappelle qu'à l'occasion de ce contrôle sur site, nous comparons le nombre de contrats de travail et la cohérence de la présence effective du personnel de jour et de nuit. Enfin, nous demandons à l'établissement qu'un plan de formation soit mis en œuvre pour répondre aux besoins des salariés. En effet, nous avions relevé des problématiques de formation à l'embauche de certains membres du personnel insuffisamment formés au regard des exigences.

Nous formulons ensuite des recommandations : rendre accessible le cahier des avis et des suggestions et en assurer le suivi. En l'occurrence, il s'agit là du rôle du conseil de la vie sociale (CVS), alors que le conseil départemental doit, quant à lui, s'assurer que le CVS se réunit. Toutefois, ce cahier des avis, dans lequel les remontées doivent être retranscrites, n'était pas suffisamment accessible aux usagers. En effet, il est important que les usagers puissent s'y exprimer. Ensuite, nous recommandons de stabiliser l'équipe de direction et l'ensemble du personnel soignant, puis d'adapter l'organigramme en conséquence. En effet, cet établissement connaît un turnover important, puisque sept directeurs se sont succédé depuis 2010. Nous menons d'ailleurs cette inspection avec un directeur d'établissement qui quittera son poste peu de temps après. Étant donné que ce directeur nous assure alors que l'équipe est en cours de stabilisation, nous nous limitons à une recommandation. En effet, si ce phénomène n'est pas rédhibitoire, il perturbe les résidents, l'équipe d'encadrement et les personnels. En outre, nous recommandons que l'ensemble du personnel dispose d'un badge précisant la fonction exacte de chacun. Nous avions constaté que le personnel ne portait pas de badge. Enfin, nous demandons que les modalités de transport des plateaux‑repas soient modifiées afin de prévenir les troubles musculo‑squelettiques (TMS) des salariés concernés. Ces derniers devaient en effet utiliser un chariot sur de la moquette et ce revêtement compliquait leur tâche.

Nous notifions tous ces éléments le 30 avril 2018 dans le cadre de la procédure contradictoire. À l'issue de la procédure et en réponse aux observations du groupe, nous indiquons aux dirigeants de l'établissement, par une lettre en date du 17 septembre 2018, que deux injonctions et trois recommandations demeurent. Nous requérons la formation et la sensibilisation du personnel au service d'appel malade.

Un souci informatique demeurait : il était nécessaire d'assurer le contrôle régulier des délais de réponse aux personnes malades. J'écris alors que cette injonction demeure et nous demandons que des réponses y soient apportées. Je prends acte de la mise en place de la traçabilité de tous les contrôles effectués sur les appels émis depuis le 14 mai 2018 : « Cependant, je vous prie de bien vouloir transmettre à mes services, au plus tard le 30 septembre 2018, une analyse précise des temps de réponse aux appels malades et le cas échéant un état des mesures mises en place afin d'améliorer le temps de réponse. »

La seconde injonction est également maintenue, il s'agit de la mise en conformité des dossiers du personnel au regard de la réglementation en vigueur : « Une procédure d'organisation du dossier administratif existe, elle est élaborée par le groupe gestionnaire. Pourtant, lors de l'inspection, il a été constaté que cette procédure n'était pas appliquée et que des pièces importantes ne figuraient pas dans le dossier du salarié. Aucune précision n'est apportée concernant les mesures mises en œuvre par la direction de l'établissement pour revoir chaque dossier du personnel afin de le mettre en conformité avec la procédure du groupe. » Il s'agit d'un sujet majeur de conformité au droit du travail de l'établissement.

Par ailleurs, notre recommandation subsiste concernant le cahier de suivi et son accessibilité. Le cahier existe, mais n'est pas accessible à l'ensemble des familles et des pensionnaires. L'annexe transmise le 6 juin 2018 a été consultée lors des visites de contrôle. Elle témoigne qu'aucune remarque ou doléance n'a été inscrite sur ce cahier depuis le mois d'avril 2017. Les familles nous informent, mais aucun signalement n'est effectué dans l'établissement. Les familles ne souhaitent peut‑être pas laisser de traces de leurs remarques.

En outre, il est de nouveau recommandé de fournir un badge à l'ensemble du personnel, précisant l'identité et la fonction exactes de chacun : « Le port du badge est notifié dans le contrat de travail et dans le règlement intérieur. Néanmoins, lors de la visite, il a été constaté que ces règles n'étaient pas systématiquement appliquées. Aussi je vous prie de bien vouloir transmettre à mes services des éléments démontrant la mise en œuvre d'actions menées pour rappeler cette obligation. »

Notre dernière recommandation concerne les modalités de transport des plateaux‑repas pour prévenir l'apparition de TMS : « Je vous encourage à poursuivre votre recherche d'un système électrique adapté qui permettrait de soulager l'utilisation des chariots repas et je vous remercie de bien vouloir informer mes services du système finalement retenu. » Enfin, nous prenons acte du plan de formation puisque la direction nous en adresse un qui correspond à notre demande.

Le rapport de suivi d'inspection a conduit à un déplacement sur site des équipes du conseil départemental le 5 décembre 2018. Mme Amélie Verdier vous a indiqué qu'entre‑temps l'ARS s'est rendue sur site en juillet 2018. Nous ne l'avons pas rejointe lors de cette visite, car nous demeurions engagés sur notre visite du mois de février et le contradictoire qui nous avait été transmis. Nous décidons de lever le contradictoire lorsque les points, ayant fait l'objet d'injonction ou de recommandations de notre part, furent traités par l'équipe de direction. Cependant, en 2019 nous souhaitons retourner dans l'EHPAD. Une visite a lieu le 21 janvier 2019, en présence de la caisse régionale d'assurance maladie d'Île‑de‑France, afin de contrôler l'utilisation du chariot repas motorisé et les suites apportées à cette recommandation. Une démonstration de l'utilisation du chariot est effectuée devant notre équipe. Nous disposons du compte rendu de cette visite.

Enfin, un suivi d'inspection par le conseil départemental a lieu, de manière inopinée, le 18 décembre 2019, dans l'établissement Les Bords de Seine. Deux de nos injonctions restent maintenues : le système d'appel malade et la mise en conformité des dossiers du personnel. Toutefois, nous ne retournons pas dans l'établissement puisque, le 10 décembre 2019, une évaluation externe nous est transmise par un organisme indépendant accrédité. La loi « ASV » prévoit effectivement le recours à des rapports d'évaluation externe. Ce rapport a été élaboré le 10 décembre 2019 et remis à la structure après un contradictoire le 18 mars 2020. À la lecture de ce document, nous avons constaté que nos injonctions et recommandations avaient été suivies. Ainsi, dans le chapitre 6, en page 89, il est indiqué, concernant les modalités d'accompagnement des professionnels dans leur prise de poste et les actions pour mettre en œuvre et consolider leurs compétences : « Le personnel rencontré semble apprécier travailler au sein de l'EHPAD avec les conditions de travail actuelles. L'infirmier coordinateur travaille actuellement sur une organisation qui répartit de la même manière la charge de travail entre les infirmiers de l'établissement (IDE) et les aides‑soignants. ». La lecture de ce document d'audit externe ne laisse apparaître aucun élément d'alerte majeur.

La plainte qui a été déposée en 2020 ne nous est pas parvenue. Nous n'avons pas été informés de celle‑ci, mais uniquement de la médiatisation de l'affaire. Cette plainte relevait du secteur soins, soit d'une compétence de l'ARS. Elle n'a pas été instruite à l'échelon du département. Elle concerne une résidente décédée en avril 2020 pour défaut de soins dans la nuit et absence d'une injection de médicament. Cette plainte a été évoquée par Mme Amélie Verdier la semaine dernière. Il existe des défauts de coordination au regard du partage des informations et une faille du système au regard de la multiplicité de ses acteurs.

En 2020 et 2021, nous réalisons moins de contrôles sur site puisque nous sommes en période de confinement. Nous suivons les consignes nationales. Les inspecteurs appellent chaque jour les établissements afin d'identifier les difficultés liées à la propagation du virus et de pouvoir y répondre. L'ARS avait également des exigences sur le soin, nous sommes alors vigilants quant à la campagne de tests. En avril 2020, nous lançons une campagne de dépistage, 25 000 tests sont réalisés entre le 16 avril et le 6 mai 2020.

Dans les établissements Orpea, on dénombre 656 résidents, ce qui ne représente pas un taux d'occupation complet. Ce taux s'élève à 80 % dans l'établissement Les Bords de Seine. Cela explique la section tarifaire dépendance déficitaire. Lorsque nous calculons notre forfait dépendance, nous partons d'une base de 80 %. Les tests concernent 80 % des résidents d'Orpea. Ils nous ont permis d'isoler 102 cas positifs. Le rôle du département a été majeur dans la mise en place des dépistages. Ainsi, les établissements Orpea n'ont pas connu une surmortalité, contrairement à d'autres résidences du département. Il me semble que Mme Amélie Verdier a évoqué cette situation lors de son audition. L'occupation est moindre, tandis que les résidents sont moins dépendants.

Nous disposons d'un plan de contrôles sur l'ensemble des établissements et services médico‑sociaux des personnes âgées, des personnes hospitalisées et de la protection de l'enfance. Ces contrôles sont gradués en fonction de risques, de faisceaux d'indices, d'alertes ou de situations particulières. L'absence d'alerte critique sur les établissements Orpea ne nous incite pas à entreprendre des contrôles, hormis pour la résidence Les Bords de Seine. La situation des autres établissements n'engendre pas d'alerte particulière. Nous n'avons pas contrôlé particulièrement les établissements Orpea. Nous avons réalisé du contrôle inopiné dans l'établissement Les Bords de Seine uniquement.

Nos contrôles sont adaptés aux faisceaux d'indices que nous recevons. Le plan correspond au profil de nos EHPAD et non à l'échelle d'un groupe gestionnaire. En 2021, nous avons effectué 38 contrôles, 8 en 2020, 13 en 2019, 40 en 2018 et 25 en 2017. En 2022, des contrôles sont prévus dans le cadre de notre plan de contrôle classique, commun avec l'ARS. Les contrôles peuvent être communs ou non. Nous contrôlons la dépendance, tandis que l'ARS investigue les soins. Quand cela est possible, nous privilégions les contrôles communs.

Par ailleurs, le département ne règle pas les factures des protections urinaires. Vous connaissez bien le système puisque vous l'avez voté. Le forfait global dépendance correspond à un calcul théorique, une équation tarifaire qui permet de disposer d'un plafond de dépenses. Dans ce calcul du forfait global dépendance, il existe un poste pour les protections. Le forfait global dépendance de l'établissement Les Bords de Seine, à l'intérieur duquel se trouve le poste des protections, correspond à l'état prévisionnel des dépenses. Celui‑ci a remplacé les systèmes de dépenses poste par poste. Il s'agit d'un état déclaratif qui est ensuite contrôlé par une vérification de l'état réalisé des recettes et des dépenses (ERRD). Nous ne disposons pas de la globalité des ERRD, mais uniquement de la partie dépendance. Nous n'avons pas de vision globale des comptes d'Orpea ou d'autres groupes gestionnaires. Seules certaines informations sont déclarées.

Le poste protections urinaires atteint 44 498 euros. Il s'agit d'un poste élevé pour des résidents qui ne sont pas dépendants. Lors du contrôle inopiné en février, nous avons constaté l'existence d'un stock de protections suffisant. Je ne peux pas juger de l'utilisation qui en est faite. Il existe un ratio national qui doit être supérieur à 1,1 euro par résident et par jour. Dans l'absolu, notre médecin gériatre évalue l'emploi des protections selon le degré de dépendance. Le ratio est conforme au taux d'occupation et supérieur à la moyenne nationale. Il s'établit à 1,2 euro dans l'établissement Les Bords de Seine. Il s'agit d'un point de contrôle obligatoire. L'établissement doit disposer d'un stock de quinze jours.

Le rapport indique que ce sujet ne constitue pas un point d'alerte, car le ratio est conforme à la moyenne. Le rapport précise que « les factures concernant les fournitures d'incontinence commandées en 2017 auprès du fournisseur ont été transmises à la mission ». L'analyse de ces documents amène aux conclusions suivantes : les commandes sont régulières, les quantités de protections commandées semblent adaptées mais il demeure une problématique concernant les gants jetables, car, si la quantité commandée, supérieure à 10 000 euros par mois, semble suffisante, les produits s'avèrent de mauvaise qualité.

Dans le forfait dépendance, nous contrôlons l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) ainsi que l'état réalisé des recettes et des dépenses en fonction d'un taux de dépendance constaté par une coupe de GMP. La valeur du point GIR dans le département des Hauts‑de‑Seine s'élève à 7,25 euros en 2021. Elle a augmenté de 0,5 %. La coupe du GIR moyen pondéré (GMP) de la dépendance atteint 740 pour le département. Ce taux élevé s'explique par le nombre important de personnes âgées dans notre département. La coupe du GMP d'Orpea est de 720. À titre de comparaison, la coupe GMP de l'établissement Le Séquoia, qui appartient également au groupe Orpea, est de 640. Cette résidence a une section dépendance déficitaire importante, car son taux de dépendance est faible. La coupe du GMP de l'établissement Orpea La Jonchère est de 786. Lorsqu'une importante commande de protections est passée, mais que l'établissement héberge peu de personnes dépendantes, la gestion de ce poste est alors déficitaire. Des analystes du conseil départemental assurent le suivi de ces postes et de leur conformité au taux de dépendance.

Sur les EIG, la problématique du sous‑signalement s'avère un fait commun. Les familles ne perçoivent pas toujours la réalité des situations vécues par leur proche et nous signalent peu d'éléments. Le numéro de téléphone 3977, que nous gérons, reçoit peu de signalements. En ce moment, nous en recevons davantage. Cela fait suite à la parution du livre de M. Victor Castanet. En 2021, nous avons reçu douze appels. A contrario, les EIG sont remontés par les directeurs d'établissement. Il n'existe pas nécessairement de concordance entre les faits et les déclarations des directeurs. Il peut s'agir de problématiques entre résidents. Nous disposons de tableaux de suivi qui comprennent des plans d'action. En 2017, 25 EIG ont été déclarés, 52 en 2018, 43 en 2019, 22 en 2020 et 51 en 2021. Il y a davantage d'EIG dans le secteur privé que dans le secteur public. Ainsi, dans le secteur privé, nous comptabilisons 11 EIG en 2017, 33 en 2018, 35 en 2019 et 37 en 2021. Ces EIG ne donnent pas lieu systématiquement à une visite sur place. Nous analysons et qualifions tous les EIG. Ils font l'objet d'une analyse collégiale et pluridisciplinaire. Nous ne qualifions pas nécessairement un EIG de maltraitance. Cela a été le cas lorsqu'une vacataire de l'établissement Les Bords de Seine a abusé d'un résident en 2018. Elle a été licenciée. Lorsqu'il existe un soupçon de maltraitance, nous sommes face à un phénomène pénal, relevant de l'article 40 du code de procédure pénal.

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Je suis interpellée par le processus que vous décrivez. Vous avez émis un certain nombre de recommandations et plusieurs injonctions. Toutefois, le temps de leur application pose question. Ainsi, plusieurs mois s'écoulent avant une mise en conformité. Pendant ce temps, le bien‑être de nos anciens est mis à mal. Outre ce problème de réactivité, une meilleure coordination entre vos services et ceux de l'ARS serait souhaitable.

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Élodie Marchat

Le prix de journée dépendance ou tarif dépendance a augmenté avec la loi « ASV ». Il existe un défaut d'information important de nos résidents sur ce qu'ils payent pour l'EHPAD. Ils règlent l'hébergement et une partie de la dépendance. Avec la convergence, dans le département des Hauts‑de‑Seine, pour les GIR 1‑2 en 2016, le prix de journée dépendance était de 19,16 euros. En 2022, ce tarif atteint 20,56 euros par jour.

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Je souhaiterais disposer des tarifs dépendance de la résidence les bords de Seine en GIR 5‑6, en GIR 3‑4 et en GIR 1‑2.

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Élodie Marchat

Il me semblait important de vous donner les chiffres globaux. Dans le secteur public, ce tarif était de 22,90 euros en 2016 contre 21,22 euros en 2022. Nous retrouvons cet effet convergence dans le secteur public également. Cette augmentation des tarifs de la journée dans le secteur public se répercute sur d'autres dépenses de l'établissement.

Concernant la résidence Les Bords de Seine, en 2021, par jour, le GIR 1‑2 s'élève à 20,84 euros, le GIR 3‑4 à 13,23 euros et le GIR 5‑6 à 5,2 euros. En 2022, le montant quotidien du GIR 1‑2 est de 20,30 euros et du GIR 3‑4 de 12,84 euros.

Par ailleurs, nous n'avons pas procédé à une fermeture d'EHPAD dans le département des Hauts‑de‑Seine depuis une dizaine d'années.

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Madame Élodie Marchat, avez‑vous lu l'intégralité de l'ouvrage Les Fossoyeurs de M. Victor Castanet ? La semaine dernière, lors de son audition devant cette commission, l'auteur nous a décrit un système tandis qu'il a insisté sur le rôle démesuré joué par le siège du groupe Orpea dans la négociation et la mise en œuvre des CPOM. Les directeurs d'établissement, acteurs pourtant essentiels du processus de contractualisation, ne disposeraient que d'informations très partielles quant aux moyens humains et financiers dont leur établissement pourrait disposer. D'ailleurs, dans votre exposé, vous ne les avez cités que dans le cadre des réclamations. Ces directeurs seraient entièrement tributaires des moyens qui leur sont accordés par le siège. Ils subiraient, sans le savoir, la stratégie de réduction des coûts. On les obligerait ainsi à recourir à l'intérim, à multiplier les contrats à durée déterminée (CDD), à restreindre les effectifs ce qui nuit gravement aux services des résidents. Qu'en pensez‑vous ?

Dans ce livre, l'auteur met en évidence les stratégies du groupe Orpea pour rogner une partie de la masse salariale sur des postes payés par de l'argent public et réaliser ainsi des économies d'une grande ampleur. Au travers des comptes d'emploi annuels que vous vérifiez, avez‑vous trouvé des éléments pour déceler ce phénomène ?

Au service de la profitabilité de l'établissement et donc du groupe Orpea, ce dernier a mis en place des spoliations manifestes de l'argent public. Quelles sont vos réactions par rapport à ce probable de détournement de fonds publics qui concerne la dépendance et les soins ?

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L'autonomie et l'APA appartiennent aux compétences du conseil départemental. Ce dernier est considéré comme chef de file en matière d'aide sociale et d'autonomie des personnes. En 2018, dans son rapport établi à la suite de l'inspection de l'établissement Les Bords de Seine, l'ARS alertait sur les manquements et les dysfonctionnements au sein de cet EHPAD. Son rapport recensait une dizaine d'entorses à la législation en vigueur et formulait treize remarques sur des situations jugées contraires aux bonnes pratiques. L'ARS vous a‑t‑elle livré ses investigations ? Vous a‑t‑elle transmis son rapport ?

La semaine dernière, la directrice de l'ARS Île‑de‑France nous a indiqué que des contrôles avaient lieu. Cependant, ces derniers se déroulent principalement après en avoir avisé les établissements au préalable. Elle a déploré le manque d'inspecteurs. Selon vous, comment le département pourrait‑il agir en transversalité avec l'ARS afin d'opérer un meilleur contrôle des établissements ? Considérez‑vous qu'il existe un cloisonnement trop important entre les différents services de l'État et des collectivités territoriales qui empêcherait de coordonner efficacement cette politique publique ?

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Je souhaite vous interroger sur les actions mises en œuvre à la suite de ces révélations pour améliorer la qualité des contrôles que vous effectuez. Vous avez expliqué le processus suivi. Toutefois, nous pouvons remarquer des failles dans ce système de contrôle, qui appellent des réponses fortes. Je m'interroge sur la manière dont vous pourriez utiliser les remarques des résidents au niveau du CVS. Elles pourraient permettre de repérer des signaux faibles. Le livre de M. Victor Castanet relève des incidents dramatiques qui prennent leur source dans des événements du quotidien.

Votre département fait appel aux hébergements privés. Cette crise vous conduira‑t‑elle à revoir cette politique ? Il s'agit d'un département qui dispose de moyens pour s'occuper correctement de ses aînés.

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Vous avez évoqué des champs de compétences pas toujours simples à apprécier. Sur quel point particulier ces champs sont‑ils mal identifiés ? Quelles sont les conséquences d'une mauvaise définition de ces périmètres ?

Vous avez évoqué le principe de confiance mutuelle dans le cadre des CPOM, qui octroient de la souplesse aux établissements entre les trois secteurs du soin, de l'hébergement et de la dépendance. Pouvez‑vous nous préciser ce que vous entendez par « souplesse » ? Ne serait‑elle pas, pour partie, responsable des abus dévoilés ?

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Lecocq. Parmi les contrôles que vous avez évoqués, il me semble qu'il s'agit souvent de contrôles administratifs, financiers, voire procéduraux. Vous n'évoquez pas d'audition éventuelle des résidents. Certains d'entre eux ont‑ils été entendus ? Des salariés ont‑ils été auditionnés ? Des représentants du personnel ont‑ils été interrogés ?

Le turnover des salariés de l'établissement constitue une preuve d'un dysfonctionnement important. D'anciens directeurs ont‑ils été entendus concernant les raisons de leur départ ? Nous pouvons comprendre que des contrôles administratifs aient lieu. Toutefois, en cas de maltraitance et de personnes rationnées en nourriture et en fournitures d'hygiène, nous nous interrogeons sur l'absence d'évaluation psychologique et sanitaire. Depuis la parution de ce livre, nous recevons un grand nombre d'appels d'anciens salariés du groupe ou de proches des résidents qui témoignent d'actes confortant les dires de M. Victor Castanet. Avez‑vous reçu ce type de remontées qualitatives ? Ont‑elles été traitées ? Si oui, comment ont‑elles été investiguées ?

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Il y a eu une enquête de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) sur les abus de CDD et les contrats de remplacement ; vous avez mené des enquêtes ; l'ARS a également investigué ; des familles ont lancé des appels au secours ; Mediapart s'est également emparé du dossier. Les dysfonctionnements sont d'une telle importance que se pose la question de la fin de vie de Mme Françoise Dorin, dont je tiens à saluer le neveu qui se bat pour connaître la vérité. Vous parlez de recommandations, d'injonctions, de formations de salariés. Or comment est‑il possible que les ARS, les ministères, les fédérations, les représentants, les familles et vous‑même n'ayez pas échangé ensemble en concertation pour savoir comment assurer un suivi de ces dysfonctionnements ?

Il ne s'agit pas d'un problème d'agents, mais de management et de gestion déplorable pour réaliser du profit. M. Victor Castanet dénonce dans son ouvrage un système porté par trois hommes. Je ne comprends pas qu'en dépit de vos compétences, vous n'ayez pas échangé ensemble. Il s'agit d'une limite de l'exercice sur la transversalité et la concertation. Comment est‑il possible de travailler en silo sur ce type de dossier ?

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Malgré ces contrôles, nous constatons les limites de ce système puisqu'ils n'ont pas permis d'empêcher ce que dénonce M. Victor Castanet dans son livre. Ma question rejoint celle de mes collègues. Des signalements ont été effectués par les familles. Prenez‑vous attache avec les familles pour les entendre ?

Le contrôle des EHPAD dépend principalement de l'État et des départements. Or ce sont ces derniers qui financent ces établissements. Comment est‑ce possible d'être juge et partie ? Les évaluations et contrôles des EHPAD ne devraient‑ils pas être réalisés par une autorité indépendante ? Comme il existe un contrôleur général des lieux de privation de liberté pour les prisons, il pourrait exister une autorité administrative de ce genre pour les établissements accueillant des personnes âgées. Cette autorité pourrait diligenter des contrôles inopinés, recueillir les doléances des résidents et des familles et alerter par rapport aux manquements constatés.

Par ailleurs, avant de vous entendre, je m'interrogeais déjà quant à cette gouvernance bicéphale, étant moi‑même encore conseillère départementale et ayant sollicité auprès du ministère de la santé la possibilité de disposer d'une gouvernance unique. En effet, nous constatons que la gouvernance bicéphale pose souci, tant en termes de financement – nos personnels sont financés par l'ARS et interviennent également dans le cadre des missions du département —, qu'en matière de contrôle et de responsabilité. Ne pensez‑vous pas qu'une seule gouvernance s'avèrerait plus efficace ? Le département de Saône‑et‑Loire l'a sollicitée afin de disposer de l'entière maîtrise de la situation et que nos aînés soient respectés comme des citoyens à part entière.

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Élodie Marchat

Pour répondre à Mme Josiane Corneloup, je ne représente pas l'autorité politique. L'Association des départements de France a émis le souhait d'une gouvernance plus simple et unique. Effectivement, notre champ de contrôle s'avère complexe. Nous vérifions les 30 % de personnel, les agents de service, que nous finançons. Les 70 % autres relèvent du soin. Il en est de même pour les aides‑soignants dont nous contrôlons 30 %, les autres étant gérés par l'ARS. Nous finançons 100 % des psychologues. La complexité reste de savoir jusqu'où nous pouvons aller. Nos rapports de contrôle sont peut‑être dilués dans les responsabilités, puisque nous contrôlons des postes, mais pas l'intégralité de la situation. Or nous n'avons pas nécessairement les mêmes objectifs ni des priorités identiques. Mon équipe de contrôle demeure plus simple à regrouper, car elle est départementale, contrairement à l'ARS qui est régionale. Notre champ de compétence peut s'avérer complexe.

Concernant les autorisations, nous ne disposons pas de compétences uniques. Le conseil départemental n'a pas décidé de l'implantation des EHPAD privés sur son territoire. Il n'y a pas eu de création d'EHPAD dans les Hauts‑de‑Seine depuis dix ans. Avec plus de 10 000 places, notre département se trouve déjà énormément pourvu. Près de 50 % de nos résidents n'habitaient pas dans les Hauts‑de‑Seine. Nous les finançons au titre de l'APA. Il ne s'agit pas d'une volonté de l'État ou du département, d'autant que les taux d'occupation demeurent faibles sur certaines structures. Nous devons mieux remplir ces établissements en proposant d'autres services tels que l'accueil de jour, l'accueil séquentiel, ou de l'accueil programmé. L'EHPAD territorial de demain ne proposera pas uniquement des places permanentes. Ainsi, nous avons mis en place de l'accueil séquentiel dans le cadre de la pandémie pour permettre un répit temporaire à la suite d'une hospitalisation. Ce dispositif a été repris par l'État en juin 2020. Nous devons travailler sur des situations alternatives. Nous ne créons plus d'EHPAD mais nous proposons une couverture importante en structures qu'il s'agisse de résidences ou de soins à domicile. Dans ce cadre, nous contrôlons 46 résidences autonomie. Leur taux d'équipement propose un modèle intéressant pour des personnes moins dépendantes. Notre offre départementale se révèle particulièrement différenciée.

Il existe un contrôle de niveau 1 concernant le budget. Il est obligatoire. Le contrôle de niveau 2 concerne davantage les aspects techniques. Il permet d'apprécier les conditions d'accueil et les risques de dysfonctionnement. Ces contrôles s'effectuent seuls ou en commun avec l'ARS. Nous disposons également d'un contrôle de niveau 3 avec le pôle d'audit. Il intervient pour des situations graves et a été mis en place pour une structure à Nanterre qui n'était plus adaptée et se trouve actuellement en réadaptation. Ce type de contrôle dure une à deux semaines alors que le contrôle de niveau 2 n'a lieu que sur une journée. Lors d'un contrôle de niveau 3, nous échangeons avec les familles. Concernant Les Bords de Seine, ces échanges n'ont pas réellement eu lieu, si ce n'est à la marge lors de notre passage dans le réfectoire. Ces éléments sont indiqués dans le rapport. Le contrôle de niveau 3 constitue une investigation lourde, d'autant plus que l'équipe d'audit ne réalise pas uniquement du contrôle d'EHPAD.

Concernant la création d'une autorité indépendante de contrôle, il s'agit d'une idée qui pourrait répondre aux problématiques posées par les failles des investigations actuelles.

Il me semble avoir évoqué les autorisations. Le rapport vous sera transmis. Il n'existe plus de compte d'emploi depuis la mise en place des CPOM. D'ailleurs M. Victor Castanet se trompe à ce sujet. À la page 211, il mentionne les comptes d'emploi qui n'existent plus depuis le CPOM. Il existe désormais des EPRD. Vous pouvez constater que j'ai lu cet ouvrage attentivement.

Nous ne disposons pas des rapports des autres autorités de contrôle. Il existe un rapport de la DIRECCTE dont je n'ai pas connaissance. S'il existe un rapport de l'URSSAF, je n'en dispose pas non plus. C'est pourquoi j'évoquais l'importance des échanges d'informations entre les différents services dans mes propos liminaires. Je ne dispose pas de l'agrégation du groupe. Notre autorité s'arrête à l'établissement et à sa fonction dépendance, voire à l'aide sociale quand il y a hébergement. Nous passons un CPOM avec le groupe. Nous ne disposons pas des rapports des services fiscaux ni des autorités vétérinaires. À l'inverse, le rapport de contrôle externe nous est transmis. Comme vous l'avez relevé, ce dernier est payé par l'établissement. Les autorités étant scindées, le travail ne peut être collectif. En outre, nous ne disposons pas de pouvoir d'investigation. Nos agents ne sont pas assermentés.

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Lecocq. Avez‑vous reçu des témoignages de résidents ou d'anciens salariés ? J'ai compris qu'ils n'avaient pas été auditionnés.

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Nous ne parlons plus de DIRECCTE désormais, mais de direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Les acronymes changent. Ma question demeure fondamentale. L'argent public finance des postes pour la dépendance et pour le soin. Dans cette plateforme de gestion, les directeurs d'établissement n'ont pas les moyens d'ouvrir des postes qui leur sont refusés. Ils ne disposent d'aucune transparence ni de visibilité en la matière. Le système est simple : on leur demande de baisser le nombre des emplois, de diminuer les dépenses pour augmenter les marges arrières. C'est ce que vous avez pu lire dans l'ouvrage de M. Victor Castanet. Je vous interroge à ce sujet en tant que citoyenne.

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Lecocq. N'y avait‑il pas matière à déclencher un contrôle de niveau 3 ? Qu'est‑ce qui aurait permis de susciter un tel contrôle ?

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Je n'ai pas obtenu de réponse à ma question sur les échanges avec les personnes concernées. Vous nous expliquez que la gouvernance n'est pas suffisamment centralisée et que certaines choses n'appartiennent pas à votre champ de compétences. Avez‑vous rencontré l'ARS, les représentants des salariés, les familles ? Face à ces déferlements d'alertes, l'absence de concertation constitue pour moi un dysfonctionnement.

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Élodie Marchat

En 2016, nous avons reçu des courriers des familles. Ces témoignages ont déclenché un contrôle inopiné. Nous prenons toujours en compte les remarques qui proviennent des proches. En principe, nous recevons également celles qui arrivent à l'ARS.

Lorsque nous nous rendons sur site, nous ne rencontrons pas systématiquement les familles. Notre processus de contrôle consiste à rencontrer le président du CVS et nous lisons les procès‑verbaux du CVS. Des alertes portées à notre connaissance ont été prises en compte. Pour autant, nous n'avons pas échangé à ce moment précis, afin de mettre en place les différents types de contrôles envisageables. Nous ne coordonnons pas suffisamment nos moyens. Nous nous sommes rendus dans cet établissement en février, l'ARS en juillet. Il existe également un rapport de la DREETS émanant d'une autre visite. Nous n'avons pas déclenché de contrôle de niveau 3, car il n'existait pas de problématique financière pour mettre en place une procédure amenant à des dépenses en termes d'argent public. Nous finançons uniquement ce que nous devons financer, il n'existe pas de surfacturation. Nous versons seulement l'APA établissement. De fait, nous n'avions pas nécessité à vérifier les comptes.

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Élodie Marchat

Je n'ai pas davantage contacté l'ARS que les autres partenaires. Je ne sais pas si vous avez posé cette question à Mme Amélie Verdier. Nous entretenons des contacts réguliers. Toutefois, nous ne disposons pas d'instance de coordination à l'échelon départemental. Il n'est pas prévu de réunir tous les partenaires lors des contrôles. Il est question de techniques frauduleuses qui ne relèvent pas uniquement du champ de compétence des départements. Il s'avère nécessaire de trouver d'autres techniques d'investigation, car les marges arrières n'apparaissent pas lorsque nous contrôlons un établissement.

Je suis auditionnée en tant que directrice générale adjointe en charge des solidarités, je n'évoquerai donc pas ma posture personnelle.

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J'ai interrogé la directrice générale de l'ARS Île‑de‑France sur la capacité de son service à percevoir ces marges arrières. Cette dernière a répondu qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir pour constater ces fraudes. Il me semble donc nécessaire de revoir les méthodes d'investigation qui devraient être centralisées. Si ces fraudes sont avérées, elles résultent de processus particulièrement organisés.

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Je rappelle également que Mme la ministre déléguée Brigitte Bourguignon a diligenté une double enquête menée par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales. Nous espérons disposer de réponses rapidement à la suite de celle‑ci.

La séance est levée à dix‑neuf heures quinze.

Informations relatives à la commission

La commission des affaires sociales a désigné :

– M. Didier Martin, Mme Marine Brenier et M. Cyrille Isaac‑Sibille rapporteurs de la mission « flash » sur les conditions de travail et la gestion des ressources humaines en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

– Mme Caroline Janvier, Mme Jeanine Dubié et M. Pierre Dharréville rapporteurs de la mission « flash » sur la gestion financière des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

– Mme Gisèle Biémouret, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Valérie Six rapporteures de la mission « flash » sur le rôle des proches dans la vie des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes;

– Mme Véronique Hammerer, Mme Isabelle Valentin et Mme Caroline Fiat rapporteures de la mission « flash » sur l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de demain : quels modèles ?

Présences en réunion

Réunion du mardi 15 février 2022 à 17 heures

Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Philippe Chalumeau, Mme Christine Cloarec‑Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Véronique Hammerer, M. Cyrille Isaac‑Sibille, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier‑Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Valérie Six, M. Jean‑Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs

Excusés. – Mme Justine Benin, M. Paul Christophe, Mme Claire Guion‑Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur‑Christophe

Assistait également à la réunion. – Mme Mathilde Panot