‑ Claude Brdenk. Madame Hammerer, en ce qui concerne les 7 000 euros par mois, un ou deux établissements seulement en France, peut‑être trois au total en Europe pratiquent de tels tarifs. L'un d'entre eux, qui est largement cité et sur lequel est fondé l'argumentaire du livre, au service de la thèse qui y est déployée, est l'établissement de Neuilly‑sur‑Seine.
Les résidents arrivant dans un tel établissement avaient déjà des dames de compagnie, voire quatre ou cinq personnes pour les servir à leur domicile. L'établissement en question s'adresse à une clientèle très spécifique. Les résidents nous demandent la possibilité pour des dames de compagnie de poursuivre leur activité car elles connaissent toutes les habitudes de vie des personnes. C'est ainsi que plusieurs de ces dames de compagnie sont arrivées dans l'établissement. Ce n'est pas quelque chose que l'on pourrait refuser. La pratique est donc tolérée, d'autant que la principale préoccupation, dans ce genre de cas, est d'éviter autant que possible de rompre avec les habitudes de la personne âgée, pour laquelle il est déjà traumatisant d'entrer dans un tel établissement. Si l'on supprime de surcroît les visites d'une personne qu'elle voyait tous les jours, la situation peut se révéler extrêmement délicate. Il n'y a pas eu, à ma connaissance, de vente ou de facturation par Orpea des services de dames de compagnie.
Je suis très content que vous m'ayez interrogé sur les embauches, car cela revient, pour l'essentiel, à évoquer le problème des contrats à durée déterminée (CDD). Il ne s'agit pas du tout de faux contrats de travail, contrairement à ce que j'ai entendu lors des auditions précédentes.
Avant la réforme de la tarification, chaque établissement comptait entre vingt‑huit et trente‑cinq salariés, employés pour la plupart à temps plein, dans des fonctions d'hôtellerie et de restauration. La directrice générale de l'ARS Île‑de‑France vous a expliqué le mécanisme des ratios de personnels et vous a dit qu'Orpea se situait dans la moyenne ou au‑dessus. J'ai les vrais chiffres pour 2019 et 2020 – pas ceux d'avant, j'en suis désolé ; vous pouvez les demander à Orpea. Les conventions tripartites ont permis de médicaliser les établissements. Cela s'est traduit par une augmentation très progressive du nombre de salariés : une quarantaine, puis une cinquantaine et jusqu'à soixante‑cinq récemment. Ce processus a débuté non pas en 2002, mais en 2004 ou 2005. Les fluctuations étaient dues à l'évolution de la dotation, comme vous l'a expliqué M. Romersi – avec la fameuse dotation minimale de convergence (DOMINIC). En moyenne, les établissements recevaient 35 % de plus que le montant de la DOMINIC, mais la situation était très variable. Certains établissements privés touchaient seulement 10 % ou 20 % de plus, parfois même ils étaient tout juste au niveau de la DOMINIC, pour une charge de soins exactement identique.
Au moment où j'ai quitté Orpea, le groupe employait en contrat à durée indéterminée (CDI) 85 % environ de ses 25 000 salariés – pour 30 000 lits, cliniques et maisons de retraite confondues –, même si, du reste, dans des établissements employant plusieurs dizaines de personnes, on raisonne plutôt en ETP. Jean‑Christophe Romersi vous a dit qu'il y avait plutôt 82 % de CDI en 2021. Peu importe : ce que les dirigeants d'Orpea ont déclaré est tout à fait exact. Il y avait donc, à cette époque, 15 % de personnes employées en CDD, ce qui est peu. D'ailleurs, si nous avions pu employer 100 % du personnel en CDI, nous l'aurions fait : cela aurait permis de stabiliser les équipes et donc le service. Mais on sait très bien que les choses ne se passent pas ainsi dans la réalité : il faut tendre vers les 90 %, mais il restera toujours 10 % à 12 % de cas où l'on n'arrive pas à recruter des personnes en CDI, et ce pour des raisons très simples comme les vacances, les accidents ou encore les maladies, qui ont pour conséquence que certaines personnes, subitement, ne peuvent pas venir travailler. Pour pallier ces difficultés, on a recours à des CDD.
À cela s'ajoute le fait que, depuis 2004, les effectifs s'accroissent : ce sont des métiers en tension car tout le monde recrute en même temps. Il est vrai que le secteur public avait un train d'avance, mais il n'en reste pas moins que, depuis près de dix‑huit ans, la moitié des 7 000 EHPAD de France recrute en même temps pour les mêmes fonctions. C'est là un fait incontestable.
En dehors des 85 % de CDI, il faut pourvoir les postes vacants et assurer les remplacements. Cela suppose de créer des CDD – et il s'agit de vrais contrats. Or cela posait à l'époque un léger problème tenant au droit du travail. Les établissements de santé n'étaient pas les seuls à y être confrontés : le secteur de la restauration s'en était plaint lui aussi au ministère du travail. Le problème résidait dans les motifs de remplacement. Il ne s'agissait pas de faux CDD : toutes ces personnes étaient payées, bien entendu. On peut facilement le prouver, car elles figuraient dans le journal de paie.
Au début de la journée, vous constatiez qu'il vous manquait une personne le matin et une autre l'après‑midi pour assurer les soins ou les services de restauration.