Vous n'ignorez pas que vos propos, tenus devant une commission parlementaire, vous engagent.
J'avais très envie de rencontrer celui qu'on décrit comme un « cost killer » et qui a perçu, au moment de son départ le 31 décembre 2020, une indemnité de 2 539 036 euros correspondant à vingt‑quatre mois de rémunération. On vous décrit comme un manager capable « de virer vingt‑sept directeurs d'une même région, d'un seul coup » : « Ça s'est fait en quelques mois. [...] Vingt‑sept prud'hommes payés ! Rien à foutre. Ils font ce qu'ils veulent. »
Ce soir, vous nous avez beaucoup parlé de responsabilité, de hiérarchie, de mutations, de nominations, d'implantations... Vous nous avez aussi dit vos sentiments, mais j'ai eu l'impression, à de nombreuses reprises, que vous noyiez le poisson. À vous entendre, vous avez toujours pris beaucoup de précautions, vous avez tout bien fait.
Pour ma part, j'ai envie de vous parler de patients alités toute la journée, de repas non servis à des résidents, de pansements pas faits, de résidents abandonnés dans leurs excréments – pour le dire moins poliment, dans leur merde –, et des différents reproches qui vous sont faits dans cet ouvrage, entre le manque de personnel chronique, les irrégularités de recrutement, les scandales financiers et la corruption... On aurait proposé à un journaliste 15 millions d'euros pour cesser d'enquêter. Lesquelles de ces accusations reconnaissez‑vous ?
Sans vous exonérer en aucune façon de vos responsabilités, je crois aussi que tout cela est la conséquence logique d'une recherche de rentabilité à tout prix permise par certaines politiques publiques. On sait que les privatisations ont été accompagnées par les pouvoirs publics, permettant l'écosystème que l'on décrit ce soir, et que la situation d'Orpea n'est pas sensiblement différente de celle de nombreux autres grands groupes. Avec l'argent public, le secteur privé lucratif fait moins bien et enrichit dirigeants et actionnaires sur le dos des patients et de l'État.
Certains de mes collègues vous ont interpellé sur les propos qui vous sont prêtés dans le livre, comparant la gestion des personnes âgées dans les EHPAD avec la vente de baskets. Vous nous avez répondu qu'aucune feuille de paie n'attestait du fait que vous auriez travaillé chez un équipementier sportif. Très franchement, nous avons l'impression que vous vous moquez du monde ! La citation qui vous est prêtée est une image, une métaphore : elle ne signifie pas que vous avez travaillé dans un magasin de sport.
Enfin, vous nous avez dit, dans votre propos liminaire, que vous vouliez bien assumer vos responsabilités. Lesquelles, cher monsieur ?