Intervention de Jean

Réunion du mardi 15 février 2022 à 21h05
Commission des affaires sociales

Jean :

Claude Brdenk. Un médecin en CDD, c'est assez rare... j'ai rarement vu cela – peut‑être une rétribution en honoraires, ou une convention, s'il exerce en libéral.

Concernant les postes en soins, les choses sont quasiment fixes. Ils dépendent des budgets qui nous sont octroyés, vous le savez très bien. Il y a peu de souplesse possible.

Les CDD de remplacement sont nécessairement anticipés. Quand on peut, on essaye de le faire. Il est toujours difficile de trouver quelqu'un pour le lendemain. Que fait‑on quand on n'a pas assez de personnel en soins ? Ponctuellement, il est possible que l'on n'arrive pas à en trouver. Dans ce cas, on décide de recruter coûte que coûte. Les personnes concernées, qui sont évidemment accompagnées, apparaissent alors, dans les éléments de reporting, comme « faisant fonction de ». Certaines ARS les acceptent, d'autres les rejettent. Je n'ai jamais compris la raison de cette différence de traitement.

Ces personnes, des auxiliaires de vie en CDD de remplacement, non diplômées, étaient très importantes pour nous : elles ont servi de vivier de recrutement pour des CDI et, surtout, nous les avons fait bénéficier de formations internes diplômantes. Cela va peut‑être vous étonner, mais, en 2004, la seule entreprise qui a réussi à décrocher l'autorisation d'avoir une école de formation délivrant le diplôme d'État d'aide‑soignant, c'est le groupe Orpea. À l'époque, nous commencions tous à instaurer les conventions tripartites, nous essayions tous de faire venir des aides‑soignantes et des infirmiers, fonctions qui n'existaient pas auparavant dans nos structures, et nous nous apercevions que cela allait être difficile.

Lors d'un congrès de notre syndicat national, le ministre de la santé de l'époque, M. Douste‑Blazy, nous a expliqué qu'il ne comprenait pas pourquoi, alors que la réforme de la tarification lancée par Mme Guinchard‑Kunstler était en marche, les groupes présents ne créaient pas d'école d'aides‑soignantes. On s'est tous regardés, et je suis allé le voir après son intervention : « monsieur le ministre, votre remarque est très pertinente, mais cela fait un an et demi que nous suivons la procédure administrative pour cela auprès de deux ministères » – dans mon souvenir, ce n'est pas la santé qui demandait des documents, mais l'enseignement supérieur – « et que nous n'arrivons pas à avancer ». Il a souri, a dit « très bien » ; l'un de ses collaborateurs était présent ; j'ai été recontacté dans la semaine et deux ou trois semaines après, je me suis retrouvé dans le ministère dont dépendait la création de l'école, accompagné de ce collaborateur du ministère de la santé, qui a demandé à notre interlocuteur ce qui bloquait dans les volumes de papiers que nous avions déposés. On n'a pas très bien compris sa réponse, mais j'ai obtenu l'autorisation quinze jours plus tard.

Tout cela ne signifie peut‑être pas grand‑chose et ne représentait en tout cas pas grand‑chose quantitativement. Mais, pour nous, c'était énorme. Depuis 2004, nous avons diplômé dans cette école, avec 100 % de réussite, dix personnes seulement : cela vous semble ridicule au regard des besoins ; mais cela nous a permis d'apprendre à diplômer les personnes. Or, à cette époque, nous pensions déjà que l'on pouvait faire de l' e‑learning et utiliser la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour des fonctions que l'on appelait les aides médico‑psychologiques. Dans ce cadre, ce ne sont pas dix personnes que l'on diplômait à terme, mais deux cents, trois cents. In fine, Orpea a délivré des diplômes d'État d'aide‑soignant en VAE, dans le cadre de commissions départementales où siégeaient les agences régionales de l'hospitalisation, à des milliers de personnes. Et là, cela a changé la donne. Tout cela parce que nous nous étions battus, qu'un ministre nous avait écoutés, et que nous avions obtenu dix places. Car c'est ce qui nous a permis de comprendre ce qu'il fallait faire.

Pour revenir à votre question, madame la députée... (« Ah ! »)... à laquelle j'ai déjà répondu en grande partie, il y a très peu de postes fixes sur lesquels on peut faire des remplacements. Dans le domaine des soins, je vous ai expliqué ce que nous faisions lorsque nous ne trouvions pas de soignants. Les remplacements de personnel, nous nous efforcions d'y procéder, comme je vous l'ai aussi expliqué : c'est ce qui entraîne cette foultitude de CDD. Il s'agit, je le répète, d'un exercice budgétaire que l'on nous demande. Il est impossible de se conformer exactement au cadre budgétaire qui nous est donné : on est toujours au‑dessus ou en dessous.

Vous m'avez demandé si nous reversions nos dotations excédentaires. Oui, madame, nous les reversions, jusqu'en 2016, date d'instauration des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. De mémoire, toutes les dotations qui n'étaient pas dépensées en personnel en année n – je vais vous expliquer pourquoi, mais vous le savez déjà – étaient reprises en année n + 2. Les montants distribués par les ARS étaient assez considérables ; c'était la période de montée en charge des dispositifs et de ce que l'on a appelé la convergence tarifaire. Mais vous maîtrisez tout cela aussi bien que moi, voire mieux.

Pourquoi avions‑nous des excédents ? C'est un point très important. Vous connaissez, je pense, l'existence des budgets prévisionnels et des comptes d'emploi, au mois d'avril. Les crédits déconcentrés de l'État arrivaient dans les ARS officiellement en avril, mais, dans les faits, plutôt en juin ou juillet ; le temps qu'ils soient répartis, beaucoup nous parvenaient au cours du dernier trimestre, entre septembre et novembre, et plutôt en novembre qu'en septembre. Dès lors, soit nous avions eu la chance de procéder à des recrutements en CDI – ces fameux recrutements que nous tentions d'obtenir – et nous les avions financés sur la trésorerie de l'établissement, auquel cas les dotations permettaient de résorber ces coûts ; soit nous n'avions pas réussi à trouver ces personnes et nous avions utilisé des CDD, dont le coût était lui aussi absorbé ainsi ; soit, enfin, nous n'étions pas parvenus à trouver ces personnes et nous n'avions pas eu la certitude d'avoir les dotations, auquel cas cet argent que nous ne pouvions plus utiliser était, selon la procédure, reversé aux ARS au bout de deux ans.

Je ne peux pas vous dire quelles sommes cela représentait ; il faudrait poser la question à Orpea ; mais cela dépassait largement le million d'euros chaque année.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.