Intervention de Annie Prévot

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Annie Prévot, directrice de l'Agence du numérique en santé :

Vous souhaitiez nous interroger sur le déploiement de la carte e‑CPS. Il s'agit d'une carte dématérialisée, à laquelle les médecins peuvent accéder via leur téléphone. Son utilisation a été très fortement accrue, puisque l'identification sur SI‑DEP ou VacciListe passe par e‑CPS. Malgré quelques difficultés de disponibilité au mois d'août, le dispositif s'est généralisé. Il s'agissait, avec Pro Santé Connect, de l'une des fondations de la maison.

Les pouvoirs publics se penchaient depuis longtemps sur la question de la télémédecine. Des textes existaient à ce sujet depuis 2009, sans entraîner de conséquences véritables. Le premier confinement a eu un effet majeur sur l'utilisation de la télémédecine, multipliée par trois pour les patients et par cinq pour les médecins, avec un taux de satisfaction de l'ordre de 80 %. Aujourd'hui, deux tiers des patients et trois quarts des médecins se disent satisfaits de cette utilisation.

Quelques freins à l'utilisation de la télémédecine demeurent. Les premiers sont techniques. De plus, la télémédecine suscite une peur de déshumanisation de la relation. Si la télémédecine constitue aujourd'hui un service utile, elle reste toutefois largement articulée avec la consultation physique. Selon les chiffres de l'assurance maladie, 5 à 6 % des consultations sont réalisées en téléconsultation.

Dès le début de la crise covid, les pouvoirs publics ont tenté d'organiser le recours aux applications de téléconsultation. Un questionnaire en ligne a été mis en place. Les éditeurs de logiciels devaient le remplir pour mesurer leurs performances du point de vue de la sécurité et de l'interopérabilité. Mis à disposition de chacun, il s'agissait d'un questionnaire déclaratif à partir d'un référentiel fonctionnel d'utilisation de la téléconsultation, publié par notre agence. Ce questionnaire a été très utile à tous. Nous souhaitons avancer encore sur ce sujet. Vous avez voté l'année dernière dans la loi de financement de la sécurité sociale les extensions de la télésurveillance et de télé‑expertise. Nous travaillons pour mettre en œuvre ces nouveautés. S'agissant de la télésurveillance, des expérimentations ont été menées sur cinq pathologies critiques, comme le diabète, l'insuffisance rénale et l'insuffisance cardiaque. Nous réfléchissons désormais à un référencement des logiciels de télésurveillance respectant les critères de sécurité, d'interopérabilité et de respect de la Haute autorité de santé, qui fera partie des critères pour prétendre à un remboursement par l'zssurance maladie. M. Fatôme pourra revenir sur ce point.

Concernant les effets de la crise covid, nous aurions en effet souhaité qu'elle survienne trois ans plus tard. Nous aurions ainsi davantage développé le numérique en santé. Au moment du Ségur, la DNS et les pouvoirs publics ont souhaité agir pour accélérer le déploiement du numérique en santé. Ces efforts sont sans précédent. 2 milliards d'euros ont été débloqués pour le numérique en santé, dont 600 millions pour le secteur médico‑social. L'ambition est de déployer beaucoup plus rapidement le numérique en santé, suivant des principes de travail avec l'écosystème innovants. Jusqu'alors, les pouvoirs publics travaillaient de leur côté, et produisaient des normes et standards qui n'étaient pas forcément appliqués. Aujourd'hui, nous souhaitons coconstruire le numérique en santé et l'appliquer sur le terrain. Il s'agit par conséquent d'accélérer l'interopérabilité et la sécurité des systèmes d'information pour les échanges entre les professionnels de santé et l'alimentation de Mon Espace Santé. Nous publierons les normes et standards coconstruits avec les professionnels de santé.

Plusieurs task forces sont proposées dans les domaines de la biologie, de la radiologie, de l'hôpital et de la médecine de ville. Chaque acteur s'est demandé quelle brique minimale était nécessaire pour favoriser les échanges de manière sécurisée et pour alimenter le dossier médical partagé et Mon Espace Santé. Ainsi, des documents comme la lettre de sortie de l'hôpital, qui ne nous parvient souvent qu'après la consultation chez le médecin généraliste ou le spécialiste en ville, ou les comptes rendus de radiologie ou de biologie, alimenteront Mon Espace Santé et seront échangés entre les professionnels de santé de manière sécurisée. La semaine dernière, deux nouvelles task forces ont été publiées autour de la pharmacie et du médico‑social. En effet, les parcours de vie d'un patient nécessitent d'articuler le sanitaire et le médico‑social.

Pour cela, nous avons actionné plusieurs leviers. Les premiers sont des leviers financiers d'incitation, les seconds des leviers coercitifs d'opposabilité.

S'agissant du financement, deux outils ont été utilisés. Nous avons pensé qu'il fallait financer l'équipement des professionnels de santé, ce qui avait déjà été fait dans le passé, notamment au moment du déploiement des feuilles de soins électroniques. Toutefois, nous avons souhaité procéder différemment. Nous finançons ainsi directement les éditeurs de logiciel pour qu'ils mettent en conformité leur logiciel, mais seulement à partir du moment où ils le déploient réellement sur le terrain. C'est ce que nous appelons système ouvert et non sélectif. Il s'agit d'un système d'achat public issu de la jurisprudence européenne, conduit par l'ANS. Dans un premier temps, nous publions les dossiers de spécification produits avec les écosystèmes, nous référençons les logiciels, ce que nous faisons actuellement. Dans un second temps, les éditeurs nous montrent qu'ils ont commencé à déployer leur logiciel, et l'argent leur est alors versé pour éviter un reste à charge pour le professionnel de santé ou l'établissement de santé qui utilise ce pack Ségur. C'est le premier système.

En parallèle, nous proposons des systèmes de financement à l'usage, destinés aux établissements de santé ou aux professionnels de santé. Ces derniers sont incités à recourir à des logiciels conformes, à utiliser l'INS et à alimenter le DMP. Des incitations suivant des niveaux et des volumes attendus de plus en plus élevés existent également. Vous avez rendu possible l'opposabilité. Quelques référentiels sont déjà opposables, comme l'INS, et les autres le deviendront. La troisième étape consiste à l'introduire dans les normes, telles que les normes qualité portées par les incitations financières à l'amélioration de la qualité (IFAQ) dans les hôpitaux ou celles pour les laboratoires de biologie émises par le Comité français d'accréditation.

Vous pouvez constater que la courbe décollait tout en restant relativement plate. Désormais, nous souhaitons atteindre plusieurs millions de documents échangés par Mon Espace santé. Vous avez probablement déjà ouvert votre espace santé. Il est sans doute encore vide. Le but est que l'ensemble des documents se trouvent dans Mon Espace Santé, alimenté de façon transparente par les professionnels et établissements de santé. In fine, l'objectif est de garantir une meilleure santé en plaçant le patient au cœur de sa santé. Vous pouvez constater le nombre de logiciels référencés. Une centaine d'éditeurs sont entrés en contact avec nous et une trentaine d'entre eux est en cours de référencement. La dynamique est encore un peu lente, mais nous sommes confiants. Le guichet pour la première vague a fermé à la fin du mois de mai. Nous incitons par conséquent les industriels à se mettre en conformité, pour que l'effet levier sur Mon Espace Santé devienne rapidement visible.

Cette démarche a été menée en coconstruction avec les éditeurs de logiciels et les professionnels de santé afin de créer une dynamique sur le numérique en santé. L'assurance maladie et nous‑mêmes ne ménageons pas notre peine à ce titre. Nous proposons de nombreux webinaires communs pour expliquer la démarche et inciter les professionnels et établissements de santé à se mettre en conformité. La dynamique est très forte, et englobe les territoires, les ARS ou encore les pouvoirs publics. Pour la première fois, cette conjonction apparaît pour déployer le numérique en santé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.