Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • logiciel
  • médecin
  • médical

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 16 février 2022

La séance est ouverte à neuf heures trente

La commission auditionne Mme Annie Prévot, directrice de l'Agence du numérique en santé, et Mme Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé, sur les mutations de notre système de santé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La législature qui s'achève a été marquée par l'actualité toujours prégnante de la crise sanitaire, à laquelle notre commission s'est beaucoup consacrée, mais cela ne doit pas pour autant éclipser les importantes réformes de notre système de santé qui ont été engagées. Pour s'en tenir aux seuls textes législatifs, mentionnons la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ainsi que la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, en lien respectivement avec la stratégie « Ma santé 2022 » et le Ségur de la santé.

En cette période nécessairement consacrée aux bilans, il nous a donc paru utile, avec le rapporteur général Thomas Mesnier, de consacrer un cycle d'auditions aux mutations de notre système de santé. La semaine dernière, nous avons échangé en visioconférence avec la directrice générale de l'offre de soins, et nous recevrons tout à l'heure le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM).

Nous commençons ce matin nos auditions avec la directrice de l'Agence du numérique en santé et la déléguée ministérielle au numérique en santé, que je remercie de s'être rendues disponibles pour nos commissaires.

Permalien
Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé

Je vous remercie pour cette opportunité d'échanger avec vous. Notre propos liminaire visera à vous présenter une vision complète des chantiers passés et à venir sur le numérique en santé. Nous vous proposons une présentation rapide de la feuille de route lancée en avril 2019 et de ses avancées, ainsi qu'un point plus détaillé sur la gestion de crise du covid et ses implications en matière de systèmes d'information. Nous aborderons également le Ségur du numérique, Mon Espace Santé, l'innovation et enfin l'international, en lien avec la présidence française au Conseil de l'Union européenne.

L'histoire a commencé avec le plan « Ma santé 2022 » et le rapport réalisé par Dominique Pon, avec qui je copilote le chantier, et Annelore Coury, de l'assurance maladie. Ce rapport dressait un état des lieux assez déprimant sur le numérique en santé. Il mettait en lumière des logiciels ne communiquant pas entre eux, des professionnels de santé peinant à se coordonner, des ruptures dans les parcours, des logiciels peu interopérables, des problèmes de sécurité. Il montrait enfin que les patients ne sont pas encore suffisamment acteurs de leur santé, car ils n'ont pas accès à leurs données de santé. Le dossier médical partagé (DMP) est malheureusement en grande partie une coquille vide. Au‑delà des données, nous manquons de services numériques qui pourraient être utiles pour mieux prévenir ou faire de la télésurveillance. Ces services ne sont en tout cas pas largement déployés.

Nous nous sommes servis des conclusions de ce rapport pour remonter aux causes et nous avons collectivement lancé une feuille de route, commune à nous tous, acteurs publics qui faisons le numérique en santé, au niveau national comme régional, et à tous les professionnels de santé, aux hôpitaux, aux associations de patients, aux industriels et aux citoyens eux‑mêmes. Cette feuille de route s'ancre dans un cadre de valeurs que nous identifions comme un prérequis au développement du numérique en santé. Nous ne sommes ni la Chine, ni les États‑Unis : nous voulons créer une troisième voie, à la française et idéalement à l'européenne, en développant un numérique en santé éthique, souverain et citoyen. Ce ne sont pas des mots en l'air. Ces idées se traduisent par des actions et des outils concrets.

La feuille de route a été lancée en avril 2019. Elle comporte cinq grandes orientations. La première est une orientation liée à la gouvernance. Les quatre suivantes sont des orientations de fond, représentées par une petite maison. Aujourd'hui, environ 80 % des fondations de cette maison ont été réalisées. La maison représente la doctrine d'État‑plateforme qui nous est chère. Elle consiste à nous demander comment urbaniser les systèmes d'information en santé et comment définir la juste place entre le public et le privé. Pour cela, nous nous inspirons du mode de gouvernance d'une ville, dans laquelle les pouvoirs publics définissent d'abord les règles, comme le code de la route ou le code de l'urbanisme.

Dans le numérique en santé, les règles renvoient aux trois fondations profondes de la maison : l'éthique, la sécurité, l'interopérabilité. Les pouvoirs publics supervisent aussi le développement d'infrastructures clefs, comme les routes, les ponts, le réseau d'égouts. Dans le numérique en santé, cela correspond à nos communs numériques. Ce sont des services qui ne font pas partie des fondations profondes de la maison, mais qui se situent sous le plancher : il s'agit du DMP, de la messagerie sécurisée des professionnels de santé, de l'agenda, de la e‑prescription ou des outils de coordination. Dans une ville, les pouvoirs publics ne construisent pas toutes les maisons individuelles, mais ils s'assurent que ces dernières respectent les règles et se raccordent aux routes, aux ponts ou aux réseaux d'égouts. Ces maisons individuelles ne sont pas réalisées par le public, sauf exception de type HLM, lorsqu'un besoin social n'est pas pris en charge par le secteur privé. Dans le numérique en santé, notre rôle consiste à vérifier que ces services numériques tiers, réalisés par la société civile ou le secteur privé, respectent les règles d'éthique, de sécurité, d'interopérabilité, et qu'ils se raccordent en interface de programmation, avec des ponts logiciels, à nos communs numériques.

Ces fondations représentent la plateforme d'État, puis viennent trois grands types d'outils. Tout d'abord, Mon Espace Santé est pensé pour les citoyens. Pour les professionnels de santé, le bouquet de services professionnels, miroir de l'espace santé, est prévu pour fin 2022. Enfin, le dernier outil est le Health Data Hub, qui n'est pas une plateforme de services numériques, mais une plateforme de données. Les actions relatives à l'innovation sont représentées par les nuages au‑dessus de la maison.

Deux grands programmes de financement ont été débloqués il y a deux ans. Le premier concerne les fondations profondes de la maison. Dans le cadre du Ségur du numérique, 2 milliards d'euros d'investissements de la Commission européenne nous permettent d'accélérer l'implémentation des briques de la maison dans tous les logiciels. Nous souhaitons que les logiciels des pharmaciens, des kinésithérapeutes, des hôpitaux, des médecins intègrent le DMP ainsi que les règles d'éthique, d'interopérabilité et de sécurité. Notre ambition est d'atteindre un partage fluide et sécurisé des informations. Depuis des années, nous faisions face à un échec de la dématérialisation et de la circulation des données de santé. Toutefois, nous souhaitons aller plus loin. Le numérique en santé doit permettre des avancées au‑delà du papier, pour mieux soigner et prévenir. Je fais référence aux nuages au‑dessus de la maison, qui renvoient à l'innovation. Au moins 650 millions d'euros ont été débloqués dans le cadre de France Relance et de la stratégie d'accélération en santé numérique.

Depuis trois ans, nous avançons à marche forcée sur ces chantiers, et nous sortons de terre un grand nombre de serpents de mer, tels que l'identité nationale de santé (INS), le répertoire partagé des professionnels de santé, dans lequel les infirmiers ont enfin été ajoutés, ou encore la messagerie sécurisée pour les citoyens. La mise en place d'une messagerie sécurisée pour 60 millions de Français représentait un réel défi technique. Nous l'avons toutefois relevé, et nous généralisons aujourd'hui cette messagerie. Tous les citoyens pourront l'utiliser pour communiquer avec leurs professionnels de santé.

Nous nous sommes d'abord penchés sur le sujet clef de la gouvernance. Nous visions une meilleure coordination entre la multitude d'acteurs et d'opérateurs de la santé publique et du numérique. Cette coordination est intrinsèquement compliquée. Début 2019, nous avons créé un chef d'orchestre, doté d'un véritable poids politique, rattaché au ministre. J'insiste sur le fait que nous n'avons pas créé une agence supplémentaire, mais transformé la délégation à la stratégie des systèmes d'information de santé, qui appartenait au secrétariat général au sein du ministère, en délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), que je copilote avec Dominique Pon. Nous étions deux, et comptons désormais une quarantaine d'agents. Nous sommes rattachés au ministre. Notre rôle est d'établir la vision de la maison et de garantir son implémentation à un rythme très soutenu.

Le bras armé opérationnel de la DNS est l'Agence du numérique en santé (ANS). Je souligne que cette agence a été transformée. Le management a représenté un sujet très important au sein de l'ANS. Nous avons réinternalisé un grand nombre de consultants. Il s'agissait de l'important défi de 2019. Cela a permis une diminution du budget et un pilotage bien plus efficace des projets par la suite. Cette réinternalisation a permis d'opérer d'importants changements ainsi qu'une augmentation du plafond d'emplois. Presque tout le comité de direction a été changé. Mme Prévot et un nouveau président ont été intégrés. Surtout, la culture profonde de ce bras armé de la feuille de route a été modifiée. Cette feuille de route renvoie aux fondations profondes de la maison, tandis que l'assurance maladie travaille davantage sur des sujets touchant à ce qui se trouve sur le plancher de la maison. L'ANS traite plutôt des référentiels socles, des fondations profondes de la maison, alors que l'assurance maladie est liée aux services. Je m'intéresse ici à l'interne. Je n'évoque pas la dynamique régionale, pourtant essentielle. Nous avons intégré les territoires, les agences régionales de santé (ARS) et les groupements régionaux à l'appui du développement de la e‑santé. Il s'agit de groupements d'intérêt public ou de groupements de coopération sanitaire. Il en existe un par région, ce qui représente quasiment cent personnes par région. Ces instances n'étaient pas coordonnées. Nous tâchons de les intégrer à la gouvernance de l'ANS pour mieux travailler ensemble, au niveau national et régional, afin de nous appuyer sur des doctrines communes. Il s'agit réellement de la clef du succès.

Sur l'externe, nous avons créé le Conseil du numérique en santé (CNS). Tous les six mois, depuis mi‑2019, nous invitons des représentants de syndicats, des professionnels de santé, des hôpitaux, des associations de patients pour dresser un bilan public entièrement transparent sur les réalisations des six derniers mois. Dans un second temps, nous donnons de la visibilité sur les travaux des six prochains mois. Il s'agit d'un rendez‑vous essentiel. Il nous permet de respecter nos délais, de prendre de nouveaux engagements tous les six mois et de présenter nos avancements. Toutefois, ce n'est pas lors du CNS que nous construisons l'écosystème. C'est pour cela que des comités ad hoc, que nous réunissons très fréquemment, parfois tous les mois, ont été mis en place. Nous sommes très satisfaits du comité citoyen du numérique en santé, qui a été lancé puis progressivement structuré depuis trois ans. Trente citoyens représentatifs de toutes les catégories socioprofessionnelles ont été tirés au sort pour émettre des recommandations sur des sujets liés au numérique en santé. Ils ont notamment rendu un rapport sur Mon Espace Santé. Nous nous sommes d'ores et déjà engagés à prendre en compte 60 % des recommandations de ce rapport, et nous instruisons les 40 % restants. En effet, certaines de ces recommandations demandent de passer par la loi. Nous en reparlerons donc avec vous. Nous coconstruisons donc l'écosystème avec ce comité citoyen, qui est assez innovant et qui redonne une véritable foi en la démocratie, le comité des professionnels de santé, le comité industriel, le comité de structure, ou encore le comité des territoires.

Outre la feuille de route, nous avons dû traiter des sujets liés à la crise covid, qui a généré une immense charge de travail. Malgré cela, nous nous sommes astreints à respecter les délais annoncés au lancement de la feuille de route en avril 2019, à la semaine près. En effet, nous avions conscience que ce travail de fond permettrait in fine de mieux gérer les crises à venir. Lorsque la crise est arrivée, nous avions développé un tiers des avancements de la feuille de route. Nous avons ressenti une grande frustration. Si nous avions été dotés d'une messagerie sécurisée citoyenne, cette dernière aurait facilité le contact tracing. Si l'INS avait été déployée, il aurait été moins complexe de dédoublonner les cas des laboratoires de première et de deuxième intention. Avec trois années d'avance, la gestion de la crise aurait été plus facile. Néanmoins, j'insiste sur le foisonnement d'énergie, tant en interne qu'en externe, auquel nous avons assisté. Nous prenons aujourd'hui du recul sur les projets que nous avons alors portés. Nous avons par exemple mis en place le système d'information de dépistage (SI‑DEP) en trois semaines, alors que depuis huit ans, nous ne parvenions pas à porter ce projet sur la dengue et le chikungunya. Nous nous sommes inspirés des leviers mis en œuvre sur SI‑DEP et les avons répliqués pour Mon Espace Santé et le Ségur.

Les fondations profondes de la maison n'avaient pas encore été construites. Nous avons ajouté des briques. Dans le cadre de SI‑DEP, en trois semaines, nous avons connecté en temps réel, de manière exhaustive et automatique, les 4 500 laboratoires de biologie médicale, afin d'éviter tout cas de double saisie. Pourquoi y sommes‑nous parvenus ? Nous avons travaillé avec les biologistes et leurs éditeurs de logiciel, comme si nous étions collègues. En outre, nous avons travaillé en direct avec les éditeurs de logiciel, au lieu de passer par les 4 500 biologistes. C'était très efficace. Nous l'avons répliqué dans le droit commun pour Mon Espace Santé, pour connecter non seulement les laboratoires, mais aussi les hôpitaux, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les pharmacies, les médecins libéraux, au dossier médical, afin que ce dernier cesse d'être une coquille vide. Cela a représenté un an de négociations avec les juristes de Bercy, le Conseil d'État et d'autres acteurs. C'est un exemple de projet réalisé pendant la crise et répliqué dans le droit commun. Nous avons activé des leviers incitatifs et réglementaires, coercitifs, à destination des professionnels de santé, pour rendre obligatoire l'alimentation de SI‑DEP, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors.

Le mur vert de la maison comprend les outils à destination du citoyen. Quelques‑uns sont comparables à des HLM : ils sont réalisés par la puissance publique, comme TousAntiCovid. Nous avons également contribué à faire émerger et à structurer des maisons individuelles, comme Vite Ma Dose, les services de prise de rendez‑vous en ligne en centre de vaccination tels que Doctolib, KelDoc ou Maiia, BriserLaChaine, outil fondamental pour le contact tracing, ou encore Covidliste. Certains services se superposent au mur vert et au mur jaune, car ils bénéficient d'un point d'entrée citoyen, pour prendre le rendez‑vous par exemple, et d'un point d'entrée pour les professionnels de santé, qui se servent aussi de ces outils.

Nous avons sans doute mal communiqué sur ce sujet, mais il s'agissait réellement de la consécration de l'État‑plateforme en lien avec la société civile et pas uniquement avec le privé pendant la crise covid. Des initiatives de la société civile ont montré leur utilité pour aider à la résolution de crise pendant la pandémie. J'ai évoqué BriserLaChaine, Vite Ma Dose, Covidliste. Nous avons réellement joué notre rôle d'État‑plateforme. Non seulement, nous avons mis à disposition de ces acteurs des briques de la maison pour qu'ils travaillent plus vite, comme des données en open data, sans lesquelles CovidTracker n'aurait pu exister, mais aussi Pro Santé Connect. Ce service, qui semble une brique très technique, est l'équivalent sectoriel de France Connect, à destination des professionnels de santé. Il leur permet de s'identifier de façon fiable dans un système d'information et de prouver qu'ils sont pharmaciens, infirmiers ou médecins, afin d'avoir accès à des données. Le fait que Covidliste ait intégré Pro Santé Connect sans avoir à prendre en charge l'enrôlement de tous les professionnels de santé a permis à ses développeurs de gagner deux mois de déploiement et de sécuriser le système d'information.

Des services socles ont également été mis à disposition, ainsi que des experts de l'administration, issus de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), pour rendre ces services conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD). Cela garantit une meilleure sécurité de ces services. Ce n'était pas toujours le cas, car ils ont été construits très rapidement par des acteurs de la société civile.

Nous avons également apporté une large contribution à la communication et au passage à l'échelle, en conseillant tel service à destination des ARS ou en demandant au Président de la République de publier un tweet. La puissance publique a enfin joué un rôle dans le financement de ces services, mais il ne s'agissait pas du point central. La mise à disposition d'experts, des briques de l'État‑plateforme, et l'accompagnement global du déploiement représentaient davantage de valeur pour ces acteurs, car il s'agit de sujets chronophages pour des startups en cours de création.

Ainsi, malgré la frustration que nous avons ressentie lors de la crise covid, car ni l'INS ni la messagerie sécurisée citoyenne n'étaient déployées, des briques de la maison ont pu être mises en œuvre beaucoup plus rapidement, car elles ont été tirées en avant par les usages lors de la pandémie.

Permalien
Annie Prévot, directrice de l'Agence du numérique en santé

Vous souhaitiez nous interroger sur le déploiement de la carte e‑CPS. Il s'agit d'une carte dématérialisée, à laquelle les médecins peuvent accéder via leur téléphone. Son utilisation a été très fortement accrue, puisque l'identification sur SI‑DEP ou VacciListe passe par e‑CPS. Malgré quelques difficultés de disponibilité au mois d'août, le dispositif s'est généralisé. Il s'agissait, avec Pro Santé Connect, de l'une des fondations de la maison.

Les pouvoirs publics se penchaient depuis longtemps sur la question de la télémédecine. Des textes existaient à ce sujet depuis 2009, sans entraîner de conséquences véritables. Le premier confinement a eu un effet majeur sur l'utilisation de la télémédecine, multipliée par trois pour les patients et par cinq pour les médecins, avec un taux de satisfaction de l'ordre de 80 %. Aujourd'hui, deux tiers des patients et trois quarts des médecins se disent satisfaits de cette utilisation.

Quelques freins à l'utilisation de la télémédecine demeurent. Les premiers sont techniques. De plus, la télémédecine suscite une peur de déshumanisation de la relation. Si la télémédecine constitue aujourd'hui un service utile, elle reste toutefois largement articulée avec la consultation physique. Selon les chiffres de l'assurance maladie, 5 à 6 % des consultations sont réalisées en téléconsultation.

Dès le début de la crise covid, les pouvoirs publics ont tenté d'organiser le recours aux applications de téléconsultation. Un questionnaire en ligne a été mis en place. Les éditeurs de logiciels devaient le remplir pour mesurer leurs performances du point de vue de la sécurité et de l'interopérabilité. Mis à disposition de chacun, il s'agissait d'un questionnaire déclaratif à partir d'un référentiel fonctionnel d'utilisation de la téléconsultation, publié par notre agence. Ce questionnaire a été très utile à tous. Nous souhaitons avancer encore sur ce sujet. Vous avez voté l'année dernière dans la loi de financement de la sécurité sociale les extensions de la télésurveillance et de télé‑expertise. Nous travaillons pour mettre en œuvre ces nouveautés. S'agissant de la télésurveillance, des expérimentations ont été menées sur cinq pathologies critiques, comme le diabète, l'insuffisance rénale et l'insuffisance cardiaque. Nous réfléchissons désormais à un référencement des logiciels de télésurveillance respectant les critères de sécurité, d'interopérabilité et de respect de la Haute autorité de santé, qui fera partie des critères pour prétendre à un remboursement par l'zssurance maladie. M. Fatôme pourra revenir sur ce point.

Concernant les effets de la crise covid, nous aurions en effet souhaité qu'elle survienne trois ans plus tard. Nous aurions ainsi davantage développé le numérique en santé. Au moment du Ségur, la DNS et les pouvoirs publics ont souhaité agir pour accélérer le déploiement du numérique en santé. Ces efforts sont sans précédent. 2 milliards d'euros ont été débloqués pour le numérique en santé, dont 600 millions pour le secteur médico‑social. L'ambition est de déployer beaucoup plus rapidement le numérique en santé, suivant des principes de travail avec l'écosystème innovants. Jusqu'alors, les pouvoirs publics travaillaient de leur côté, et produisaient des normes et standards qui n'étaient pas forcément appliqués. Aujourd'hui, nous souhaitons coconstruire le numérique en santé et l'appliquer sur le terrain. Il s'agit par conséquent d'accélérer l'interopérabilité et la sécurité des systèmes d'information pour les échanges entre les professionnels de santé et l'alimentation de Mon Espace Santé. Nous publierons les normes et standards coconstruits avec les professionnels de santé.

Plusieurs task forces sont proposées dans les domaines de la biologie, de la radiologie, de l'hôpital et de la médecine de ville. Chaque acteur s'est demandé quelle brique minimale était nécessaire pour favoriser les échanges de manière sécurisée et pour alimenter le dossier médical partagé et Mon Espace Santé. Ainsi, des documents comme la lettre de sortie de l'hôpital, qui ne nous parvient souvent qu'après la consultation chez le médecin généraliste ou le spécialiste en ville, ou les comptes rendus de radiologie ou de biologie, alimenteront Mon Espace Santé et seront échangés entre les professionnels de santé de manière sécurisée. La semaine dernière, deux nouvelles task forces ont été publiées autour de la pharmacie et du médico‑social. En effet, les parcours de vie d'un patient nécessitent d'articuler le sanitaire et le médico‑social.

Pour cela, nous avons actionné plusieurs leviers. Les premiers sont des leviers financiers d'incitation, les seconds des leviers coercitifs d'opposabilité.

S'agissant du financement, deux outils ont été utilisés. Nous avons pensé qu'il fallait financer l'équipement des professionnels de santé, ce qui avait déjà été fait dans le passé, notamment au moment du déploiement des feuilles de soins électroniques. Toutefois, nous avons souhaité procéder différemment. Nous finançons ainsi directement les éditeurs de logiciel pour qu'ils mettent en conformité leur logiciel, mais seulement à partir du moment où ils le déploient réellement sur le terrain. C'est ce que nous appelons système ouvert et non sélectif. Il s'agit d'un système d'achat public issu de la jurisprudence européenne, conduit par l'ANS. Dans un premier temps, nous publions les dossiers de spécification produits avec les écosystèmes, nous référençons les logiciels, ce que nous faisons actuellement. Dans un second temps, les éditeurs nous montrent qu'ils ont commencé à déployer leur logiciel, et l'argent leur est alors versé pour éviter un reste à charge pour le professionnel de santé ou l'établissement de santé qui utilise ce pack Ségur. C'est le premier système.

En parallèle, nous proposons des systèmes de financement à l'usage, destinés aux établissements de santé ou aux professionnels de santé. Ces derniers sont incités à recourir à des logiciels conformes, à utiliser l'INS et à alimenter le DMP. Des incitations suivant des niveaux et des volumes attendus de plus en plus élevés existent également. Vous avez rendu possible l'opposabilité. Quelques référentiels sont déjà opposables, comme l'INS, et les autres le deviendront. La troisième étape consiste à l'introduire dans les normes, telles que les normes qualité portées par les incitations financières à l'amélioration de la qualité (IFAQ) dans les hôpitaux ou celles pour les laboratoires de biologie émises par le Comité français d'accréditation.

Vous pouvez constater que la courbe décollait tout en restant relativement plate. Désormais, nous souhaitons atteindre plusieurs millions de documents échangés par Mon Espace santé. Vous avez probablement déjà ouvert votre espace santé. Il est sans doute encore vide. Le but est que l'ensemble des documents se trouvent dans Mon Espace Santé, alimenté de façon transparente par les professionnels et établissements de santé. In fine, l'objectif est de garantir une meilleure santé en plaçant le patient au cœur de sa santé. Vous pouvez constater le nombre de logiciels référencés. Une centaine d'éditeurs sont entrés en contact avec nous et une trentaine d'entre eux est en cours de référencement. La dynamique est encore un peu lente, mais nous sommes confiants. Le guichet pour la première vague a fermé à la fin du mois de mai. Nous incitons par conséquent les industriels à se mettre en conformité, pour que l'effet levier sur Mon Espace Santé devienne rapidement visible.

Cette démarche a été menée en coconstruction avec les éditeurs de logiciels et les professionnels de santé afin de créer une dynamique sur le numérique en santé. L'assurance maladie et nous‑mêmes ne ménageons pas notre peine à ce titre. Nous proposons de nombreux webinaires communs pour expliquer la démarche et inciter les professionnels et établissements de santé à se mettre en conformité. La dynamique est très forte, et englobe les territoires, les ARS ou encore les pouvoirs publics. Pour la première fois, cette conjonction apparaît pour déployer le numérique en santé.

Permalien
Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé

Le Ségur contribuera à la partie émergée de l'iceberg pour les Français, c'est‑à‑dire le mur vert de la maison.

Mon Espace Santé offre d'ores et déjà deux fonctionnalités. Tout d'abord, le dossier médical intègre le profil médical, où l'utilisateur renseigne ses allergies, ses antécédents, ses directives anticipées, ou encore son groupe sanguin. Il peut également ajouter des documents médicaux, comme des comptes rendus d'hospitalisation, de biologie, de radiologie. Il doit remplir lui‑même cette section, en prenant une photo du document, si l'hôpital n'est pas encore connecté. L'ajout des documents au dossier médical se fait de manière ergonomique et rapide. Progressivement, grâce au Ségur de la santé, l'alimentation par le laboratoire, l'hôpital ou le cabinet de radiologie sera automatique.

En plus du dossier médical, qui reprend le DMP, mais dont nous avons refondu l'ergonomie, la messagerie de santé constitue une nouveauté. Il n'est pas normal de pouvoir à son banquier par des canaux sécurisés, mais d'envoyer une ordonnance à son pharmacien par Gmail ou de demander un conseil de rééducation à son kinésithérapeute par WhatsApp. Nous n'avons pas simplement déclaré une souveraineté numérique. Nous avons œuvré pour proposer une réelle alternative à ces outils, dont la sécurité et l'éthique sont garanties par les pouvoirs publics.

Ce produit sera évolutif, comme tout outil numérique. La stratégie n'est pas celle du one shot, mais celle d'une évolution permanente. Une feuille de route, rendue publique, permet de voir quand l'agenda médical sera par exemple disponible. Courant 2022, deux nouvelles fonctionnalités seront en effet proposées. La première est l'agenda médical, dans lequel l'utilisateur retrouvera l'ensemble de ses rendez‑vous médicaux, et qui sera également utile pour émettre des rappels de prévention, par exemple sur le dépistage du cancer du sein ou la vaccination. La seconde fonctionnalité innovante, consécration de l'État‑plateforme, est un catalogue d'applications et de services, du privé et de la société civile, respectant les fondations de la maison. Nous vérifierons leur éthique, leur sécurité, leur opérabilité, avant de les intégrer à ce catalogue.

À quoi servira Mon Espace Santé ? Les usages sont multiples. Je ne dispose malheureusement pas de suffisamment de temps pour détailler l'exemple du parcours d'usage « grossesse », testé dans l'un des trois départements pilotes de l'expérimentation.

S'agissant de la sécurité des données, les données personnelles de santé sont hébergées en France, sur des serveurs français. Il existe deux sites, l'un dans le Nord, l'autre dans l'Ouest. La supervision et la coconstruction du service ont été assurées par l'ANSSI et la CNIL, qui contrôlera régulièrement le service. Des bug bounties sont en cours de réalisation. Des hackeurs bienveillants, appartenant à des collectifs militants tels que YesWeHack, tentent de s'introduire dans le service à la recherche de failles de sécurité que nous n'aurions pas découvertes. Elles nous seront signalées pour que nous améliorions la sécurité du service. Par ailleurs, les données sont chiffrées et anonymisées. Ce sont des normes de sécurité certifiées hébergeurs de données de santé (HDS).

Seuls les citoyens et les professionnels de santé de leur choix pourront avoir accès aux données du dossier médical. Ni l'État, ni l'assurance maladie, ni les assurances tierces, ni les mutuelles, ni les employeurs n'ont accès aux données. J'insiste sur le fait que cet accès est impossible juridiquement et techniquement, pour répondre aux craintes éventuelles. Des travaux sont en cours sur la publication en open source du code, pour que chacun puisse vérifier la manière dont l'outil est codé.

La traçabilité et le contrôle des accès sont à disposition du patient, qui doit consentir à l'accès des données de son dossier médical par les professionnels de santé. Les professionnels de santé n'ont pas accès aux mêmes documents en fonction de leur spécialité médicale. Un dentiste n'a pas accès au compte rendu d'accouchement. Une matrice d'habilitation définit les droits d'accès aux données en fonction de la spécialité médicale, pour respecter la proportionnalité des données. En surcouche de cette matrice d'habilitation, implémentée dans tous les cas, le patient peut choisir de masquer encore davantage de documents. Ainsi, un accord doit dans tous les cas être donné, puis vient la matrice d'habilitation plus protectrice, et enfin la possibilité de masquer les documents. De plus, tous les accès sont tracés. Un tableau de bord affiche l'historique des accès dans Mon Espace Santé. Une notification est envoyée au patient dès qu'un professionnel de santé accède à son dossier médical, qu'un nouveau document est automatiquement envoyé ou qu'un message sécurisé lui est adressé.

Mon Espace Santé a été lancé. Vous pouvez dès à présent vous rendre sur la plateforme et cliquer sur « Générer un nouveau compte provisoire ». Le compte s'active en 5 minutes. C'est le mécanisme d'ouverture proactif, dit « opt‑in ». L'une des différences avec le DMP est la mise en place de l'« opt‑out », une ouverture automatique sauf opposition de la personne. Entre fin janvier et le 28 mars 2022, 65 millions de courriers ou de courriels sont envoyés aux Français, leur annonçant l'arrivée de Mon Espace Santé. La personne peut décider d'activer son espace avec le code provisoire. Elle peut également s'y opposer de manière très simple, et un numéro de téléphone est en outre à sa disposition si nécessaire. Si la personne ne s'est pas manifestée dans les six semaines, l'espace est ouvert automatiquement. Cependant, la personne est notifiée de cet accès. Même après six semaines, et contrairement à certaines rumeurs, sans date limite, la personne peut décider de s'opposer. Vous pouvez voir le calendrier de la généralisation par territoire. Même en cas de fermeture de Mon Espace Santé, il est possible de demander la suppression des données pour qu'elles ne soient pas archivées durant dix ans. En effet, elles sont par défaut archivées pendant dix ans, en harmonie avec le délai de conservation classique des données dans la santé, pour permettre notamment des recours en justice. Une grande campagne de communication, avec des spots télévisés et auprès des professionnels de santé, a été lancée.

La fracture numérique est un sujet clef, car même si l'outil est particulièrement ergonomique et qu'il est connecté à tous les logiciels sur le terrain pour une alimentation automatique, il est indispensable d'accompagner tous les Français qui en ont besoin dans sa mise en œuvre. Il s'agit là de la clef de notre succès. Nous devrons les aider à utiliser Mon Espace Santé et répondre à leurs craintes potentielles sur l'utilisation des données de santé. Un numéro de support a été mis en place. Il ne s'agit pas de laisser les personnes seules face à un chatbot. Des partenariats inédits entre la sphère santé et la médiation numérique ont été montés. Nous avons formé et formons actuellement tous les conseillers numériques France Services, ainsi que des aidants du réseau Aidants Connect, sociétaires de la MedNum, des hubs territoriaux, et tous les médiateurs du terrain, à l'utilisation de Mon Espace Santé. Ils se rendront dans les EHPAD, les hôpitaux, les universités, les entreprises, pour expliquer comment fonctionne Mon Espace Santé à ceux qui en ont besoin. C'est inédit. Une stratégie de cette ampleur n'avait jamais été proposée. Des coordinateurs supplémentaires ont été recrutés pour atteindre nos objectifs en matière d'accompagnement.

Cette mobilisation collective est la clef de notre avancement. Nous avons pu mettre en place une ruche dans laquelle chacun apporte sa pierre à l'édifice. C'est aussi le cas concernant le Ségur. Jamais une telle coconstruction n'avait été possible. Le même phénomène s'observe quant à Mon Espace Santé. Une tribune a été signée par des associations de patients, des ordres, des syndicats de professionnels de santé, des fédérations hospitalières médicosociales, des syndicats d'industriels ou encore des élus. Chacun s'engage à contribuer au succès de ce projet, qui est celui de tous les Français, et pas uniquement du gouvernement ou de l'assurance maladie. C'est un projet essentiel pour regagner notre souveraineté et plus particulièrement notre souveraineté sanitaire.

Outre le Ségur et Mon Espace Santé, nous travaillons sur l'innovation autour de cinq grandes thématiques. Certains concernent des sujets basiques, mais essentiels, comme la formation des professionnels sa santé au numérique en santé, sur lesquels nous parvenons enfin à avancer en travaillant en interministériel. L'attractivité ressources humaines de la direction des systèmes d'information hospitalière est une problématique clef. Les responsables de la sécurité des hôpitaux sont très mal rémunérés. Nous avons revalorisé leur grille salariale pour rendre ce métier attractif par rapport à d'autres secteurs, et afin qu'ils puissent recruter des personnes plus expérimentées et porter des projets avec efficacité. Ces sujets sont des prérequis au développement du numérique. D'autres sujets sont liés au développement économique et à la mise en place d'une filière industrielle française européenne robuste. Il s'agit par exemple du remboursement anticipé. Nous avons répliqué le modèle allemand pour rembourser de manière anticipée un dispositif médical connecté au même titre qu'un médicament, ce qui est par exemple utile pour la télésurveillance. Il existe au total trente‑cinq actions sous‑jacentes, que je ne développerai pas.

Des projets au niveau européen sont également en cours. L'Europe a démontré sa capacité à porter des projets numériques de grande ampleur pendant la crise sanitaire. Par ailleurs, elle va accélérer son rôle sur les sujets numériques grâce à l'espace européen des données de santé, dont le règlement sera prochainement présenté par la Commission européenne. Il permettra par exemple à un Français de se voir dispenser sa prescription en français dans une officine en Allemagne. Un professionnel de santé allemand pourra accéder à la synthèse numérique et connaître les allergies d'un patient français arrivant inconscient aux urgences.

La présidence française de l'Union européenne donne lieu à une stratégie globale, qui se caractérise par les termes de puissance, de relance et d'appartenance. Cette stratégie se décline sur la santé numérique. Nous militons pour une troisième voie européenne, qui ne soit ni chinoise ni américaine. Pour accélérer les usages, nous devons nous mettre d'accord sur des normes techniques communes, afin d'assurer la communication des logiciels et des conditions d'accès au marché, notamment au remboursement. En prérequis, et afin de garantir la confiance, nous avons fait signer en trois semaines par la Commission européenne et tous les États membres des principes éthiques du numérique en santé. Ces principes comprennent quatre piliers. Le premier est la fracture numérique, car nous nous engageons chacun à ne laisser personne de côté. Le deuxième est l'application réelle du RGPD, pour garantir l'accès à ses données de santé et décider à qui elles sont partagées. Le troisième pilier concerne les services numériques qui répondent à des valeurs humanistes, par exemple une intelligence artificielle responsable. Enfin, le dernier pilier renvoie à l'écoresponsabilité du développement du numérique en santé. Ces principes ont été adoptés le 2 février 2022.

Nous avons toujours été convaincus, tant au niveau européen que français, de la nécessité d'une mobilisation collective, à la fois des pouvoirs publics entre eux, mais aussi avec les acteurs du terrain, notamment les citoyens en direct via le comité citoyen. C'est seulement en procédant de cette manière que nous pourrons progresser dans un cadre de valeurs à la française, éthique, humaniste et citoyen.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la déléguée ministérielle, madame la directrice, je tiens à vous remercier pour votre présence parmi nous aujourd'hui, et pour vos propos denses. Il était difficile de résumer le rattrapage de vingt ans de retard en seulement 20 minutes. Vous avez montré l'ampleur du travail colossal que vous et vos équipes avez réalisé. Vous avez répondu à bon nombre des questions que je souhaitais vous poser.

Le ministre des solidarités et de la santé a présenté il y a quelques jours l'espace numérique en santé. Il aura vocation à rassembler toutes les données de santé des Français. C'est un outil assez formidable, et je tiens encore à vous remercier pour le travail qui a permis sa concrétisation. J'ai moi‑même créé mon espace santé la semaine dernière. Je précise que les parents peuvent créer un espace numérique pour leurs enfants en bas âge. J'invite tous mes collègues à créer le leur. Vous nous avez largement présenté les évolutions à venir et les démarches prévues pour permettre aux citoyens de se l'approprier davantage.

En dehors de l'espace numérique en santé, je souhaitais vous interroger sur la montée en puissance de la prescription électronique. Cette mesure, que nous avions votée dans le cadre de la loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, prévoyait déjà l'espace numérique en santé et le Health Data Hub. Une expérimentation a été lancée dans plusieurs départements. Pouvez‑vous nous dire où elle en est ? Comment ces prescriptions électroniques s'articuleront‑elles avec l'espace numérique en santé ? Quand pourrons‑nous les voir arriver dans notre quotidien ? Je vous remercie encore pour ce très bel outil qui nous fait enfin entrer dans le XXIe siècle de la santé en France.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Verhaeghe (LaREM). Madame la déléguée ministérielle, madame la directrice, je m'associe aux remerciements, car vos explications montrent la pédagogie qui accompagne cette démarche et ce travail au service de notre système d'information de santé. Pour avoir rencontré Mme Létourneau, je peux témoigner de son énergie, de sa détermination et de sa passion. Il s'agit d'un véritable défi, bien illustré par l'espace en santé. Il faut oser l'ambition, avec la ténacité, mais aussi une volonté, une foi de travail en commun, qui permet la rapidité dans la mise en œuvre des projets.

Votre outil est clef pour les consultants et les professionnels. Vous faites preuve d'une réelle méthodologie, face au problème récurrent de la multiplicité des acteurs et de l'absence de coordination. Vous avez créé une unité transversale, avec un socle de priorités, une cohérence avec l'existant, une régularité dans les échanges et un lien coopératif sans cloison entre le public et le privé. En matière de culture, il s'agit d'un grand challenge. Je retiens donc que cet impressionnant défi a été relevé, dans l'intérêt des Français, mais aussi des consultants, replacés au cœur de leur santé. Ils en sont acteurs et disposent de la maîtrise de leurs données. Il est vrai que l'interopérabilité, qui permet d'éviter la mainmise de certains acteurs sur nos services publics, est un vrai défi.

Avec le Ségur, il est crucial que les outils touchant au DMP soient accessibles à tous les professionnels. Qu'en est‑il des professionnels de prévention ? Quelle liaison avec les services de santé de la femme enceinte et de l'enfant, les acteurs de la santé scolaire et les acteurs du soin est proposée ? Qu'en est‑il des logiciels ESCULAPE et SAGESSE, et de leur interopérabilité ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la déléguée ministérielle, madame la directrice, je vous remercie pour votre présentation très concrète. Nous faisons tous le même constat. La crise sanitaire a bouleversé nos pratiques, notre vie quotidienne et professionnelle. Le numérique, déjà bien présent, l'est encore plus aujourd'hui et notamment en matière de santé. Par exemple, il était impensable pour la plus grande majorité des Français de consulter leur médecin en visioconférence. Aujourd'hui, c'est monnaie courante, avec un taux de satisfaction positif. Le numérique a et aura une place centrale dans la mutation de notre système de santé. Il offre en effet de nombreuses possibilités, notamment dans les déserts médicaux, avec les cabines de téléconsultation. Il peut aussi permettre aux médecins de consacrer plus de temps aux soins, et moins aux actes administratifs chronophages.

Pour autant, il faut rester vigilant. En effet, si le numérique peut pallier les difficultés rencontrées dans certains territoires, nous devons préserver l'essence même de notre système de santé, c'est‑à‑dire le lien humain. Le numérique doit également être une opportunité pour les administrations, mais aussi les patients. Il faut cependant veiller à ce que tous puissent avoir accès à ces outils modernes. Vous avez déjà partiellement répondu à ma question : quelles sont vos pistes de réflexion pour ce public « déconnecté » qui ne doit pas être laissé au bord de la route ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci madame la déléguée ministérielle, madame la directrice. C'est un pas important que nous venons d'accomplir avec cette numérisation de la santé, qui suit peut‑être un peu tardivement d'autres domaines dans lesquelles la numérisation est déjà au rendez‑vous. C'est une avancée qui permettra à mes yeux plus d'efficience, sur un parcours de soins souvent important, et, comme on l'a vu dans la crise covid, sur les prises de rendez‑vous pour le dépistage et la vaccination. C'est un service rendu aux habitants, qui semble donc aller dans le bon sens.

Vous avez dit que, dans Mon Espace Santé, un patient peut refuser à un professionnel de santé l'accès à ses données. N'est‑ce pas une limite ? Si quelqu'un arrive aux urgences inconscient, le médecin n'aura pas accès à l'ensemble de ses données de santé. C'est l'efficience qui est en jeu ici. Il devrait y avoir des modes dégradés pour avoir accès à ces données.

La protection des données est un autre point central. En biologie médicale, des milliards de données ont été détournées depuis deux ans. Des tentatives similaires ont été observées sur le SI‑DEP. Quelles sont les protections mises en place ?

Vous avez souligné que l'interopérabilité est le réacteur du système. Au‑delà du financement des logiciels, différencions le hard et le soft. Pour le hard, parfois, une absence de compatibilité avec les logiciels est problématique. Existe‑t‑il un plan d'investissement référencé dans tous les établissements dans lesquels nous voudrons assurer l'interopérabilité ? Les logiciels peuvent être compatibles, sans que les systèmes d'exploitation permettent d'utiliser ces données. Ainsi, il n'existe pas de compatibilité des données entre l'hôpital et la plateforme numérique mise en place à l'échelle de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), ce qui contraint à utiliser la version papier.

S'agissant de la télémédecine, un avenant récent a été mis en place. Ne faudrait‑il pas favoriser encore la télémédecine, qui est un excellent moyen de lutter contre la désertification médicale ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, mesdames, pour cette présentation très complète et pédagogique. Ces dernières semaines, plusieurs événements se sont produits au sujet du Health Data Hub, et je souhaiterais des éclaircissements. Je fais référence en premier lieu au retrait de la demande d'autorisation par le gouvernement à la CNIL. Il y a une semaine, par ailleurs, le conseil d'administration de la CNAM réclamait de la transparence et un nouvel appel d'offres. L'un et l'autre posent la question de l'hébergement des données en santé, aujourd'hui auprès d'un opérateur américain, assujetti au Cloud Act américain, malgré une invalidation du Privacy Shield de l'Union européenne. Nous savons que le succès de ce type de démarche suppose de la confiance des citoyens, mais aussi de tous ceux qui auraient recours à ces données. Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur ce sujet de transparence et sur les garde‑fous qui permettraient de gagner la confiance. Quelles sont les possibilités d'une migration vers un autre opérateur, et dans quel calendrier ? Sur quelles bases légales existent aujourd'hui les données du Health Data Hub ?

Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, des orientations sur l'éthique du numérique ont été adoptées. Pourriez‑vous y revenir et nous dire de quelle manière elles sont opposables à ce que vous construisez ?

Enfin, pour quelles raisons la proposition qui nous est faite aujourd'hui connaîtrait‑elle plus de succès que le DMP ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, mesdames, vous avez réalisé à marche forcée ce que nous attendions depuis vingt ans. Cependant, pour chaque progrès qui peut être atteint, il faut s'interroger sur les possibles conséquences. La télémédecine ne pourra jamais remplacer le contact humain et l'échange direct, alors que la dématérialisation peut également être une source de stress, voire aggraver la santé psychique de nos concitoyens, si elle n'est pas proposée de façon mesurée et réfléchie. Avez‑vous pris en compte les éléments d'alerte qui pourraient rendre le numérique en santé contreproductif ? Quelles sont les mesures prises pour lutter contre cela ? Avez‑vous prévu la mise en place d'un comité d'éthique numérique qui pourrait veiller à ce que la dématérialisation ne soit pas synonyme de déshumanisation ?

Comment intégrez‑vous dans cette révolution numérique en santé le pan oublié et essentiel qui est celui du champ de la prévention et de l'éducation à la santé ? Je pense en particulier à l'utilisation de cet outil par les plus jeunes, qui le maîtrisent parfaitement, et sur lesquels ils ne sont pas sollicités, au travers d'applications ou d'enseignements en ligne sur l'éducation à la santé.

Le Ségur numérique représente un investissement de 2 milliards d'euros consacrés à la modernisation des logiciels des médecins, entre autres. Cependant, il ne vise pour l'instant pas les logiciels des paramédicaux et de certaines professions médicales. Les kinésithérapeutes, les infirmiers, les chirurgiens‑dentistes, les sages‑femmes, notamment, ne touchent que le forfait d'aide à la modernisation et à l'informatisation du cabinet professionnel, plafonné à 590 euros par an, alors que les médecins bénéficient du forfait structure qui passera à 10 325 euros en 2023. Lui‑même est cumulable avec d'autres forfaits. Pourquoi, alors que les moyens sont les mêmes à déployer pour avoir les outils nécessaires à mettre en place la numérisation et la dématérialisation, avez‑vous fait le choix d'une hiérarchie des aides dans les professions ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la déléguée ministérielle, madame la directrice, je tiens d'abord à vous remercier pour cette présentation et cet engagement envers une meilleure coordination entre professionnels de santé, interministérielle, ainsi que du public et du privé.

Je souhaite vous interroger sur l'utilisation des outils du numérique en santé comme objets de lutte contre le développement des déserts médicaux, soit l'utilisation du numérique pour pallier la distance qui sépare le patient du médecin, même si rien ne saurait remplacer le contact physique. Huit millions de nos concitoyens vivraient dans un désert médical. Ils pâtiraient d'une offre de soins très dégradée, provoquant un renoncement aux soins, à rebours de tous les engagements de la République sur la protection de la santé des Français. Il est admis que cette situation risque de prospérer ou en tout cas de perdurer jusqu'à ce que de nouveaux médecins soient formés. Que faire dans cet intervalle ? Nous considérons qu'il faut mettre toutes les solutions sur la table et le numérique en santé en est une. Ainsi, la téléconsultation s'est formidablement développée durant la crise sanitaire. Selon vous, les Français ont utilisé trois à cinq fois plus ce nouvel outil. Toutefois, pouvez‑vous nous confirmer que les Français qui vivent dans un désert médical ont fait un usage plus important de ces outils ces dernières années ? Les applications comme Doctolib ont facilité la prise de rendez‑vous médicaux. Constatez‑vous le même effet dans les déserts médicaux ?

Enfin, vous venez de nous présenter le développement des outils numériques en santé et leur coordination. Ce développement permettra‑t‑il aussi de libérer du temps médical et d'accroître le nombre de consultations réalisées par les professionnels de santé ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la directrice, madame la déléguée ministérielle, je vous félicite pour l'énergie et la passion que vous mettez dans vos travaux et vous remercie pour vos premières explications.

Je souhaite aborder le soutien à l'innovation en santé au niveau français comme européen, et plus particulièrement la disponibilité de l'exploitation des données en santé au profit de la recherche scientifique. En France, nous avons la chance d'avoir dans nos territoires des hôpitaux universitaires en pointe en matière de recherche scientifique. Étant alsacien, je cite volontiers les hôpitaux universitaires de Strasbourg, avec le pôle sénologie du Pr Mathelin, qui utilise des données de dépistage liées au traitement du cancer de sein pour améliorer la prévention et le traitement, et qui se lance maintenant dans la compréhension des causes environnementales de ce cancer. Pour ce faire, il faut être capable d'exploiter les données de manière massive et de faire appel à l'intelligence artificielle. Comment les institutions que vous pilotez se mettent‑elles au service des acteurs de la santé par rapport à l'accès aux données, aux technologies du domaine pour faciliter leur travail ? Pourriez‑vous nous en dire plus sur les principaux axes de recherche que vous soutenez actuellement ?

Je voulais ensuite revenir sur les enjeux du numérique en santé dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. J'ai été rapporteur avec Mme Marietta Karamanli d'un rapport d'information portant sur la coordination par l'Union européenne des mesures nationales de gestion de la crise covid. Nous avions constaté des difficultés relatives aux essais cliniques européens en matière de vaccins et de traitements. Nous avions donc soutenu la création d'un contexte favorable à un cloud européen en matière d'échange de données de santé. Pourriez‑vous revenir sur les actions mises en œuvre pour la création de cet écosystème, dans le cadre de vos priorités en France et des prospectives liées à la présidence française de l'Union européenne ? C'est un enjeu majeur pour notre Union que de construire et consolider sa souveraineté dans le domaine de la santé, en plein accord avec les principes d'éthique et de citoyenneté, pour l'ensemble des habitants de l'Union européenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la directrice de l'Agence du numérique en santé, madame la déléguée ministérielle au numérique en santé, en écho à votre présentation, qui se veut très positive, je vais aborder de manière concrète l'enjeu du déploiement de ces innovations, car il existe un risque que la ruche ne donne pas toujours du miel. Au centre hospitalier de Lunéville se développent des innovations numériques prometteuses en santé. Une équipe de professionnels de santé chercheurs en e‑santé a développé une application, PILMIX, pour rendre accessibles et compréhensibles les informations sur le médicament pour les patients. Elle est entièrement gratuite pour les patients et s'appuie sur un dictionnaire de littératie en santé. PILMIXPRO en est le pendant pour les professionnels de santé. Comment cette application simple, rapide et efficace pourrait‑elle se faire connaître au plus grand nombre ?

PILMIX informe le patient sur ses médicaments, sans qu'il doive transférer ses informations dans le dossier médical. Le catalogue Mon Espace Santé référence des solutions. Le processus de référencement impose l'interopérabilité aux solutions, alors comment référencer les solutions qui informent les patients et qui n'ont par nature pas besoin d'être interopérables ?

Le centre hospitalier de Lunéville porte une seconde innovation, le dispositif MEDISIS, visant à développer un parcours innovant dédié à la prise en charge médicamenteuse du patient pour assurer sa sécurité, retenue dans le cadre de l'« article 51 ». Cette expérimentation tend à un véritable accompagnement thérapeutique du patient dès son admission à l'hôpital et jusqu'à sa sortie, tout en associant la médecine de ville. 22 700 erreurs médicamenteuses ont déjà été interceptées sur 10 379 patients pris en charge. Ce sont autant de réhospitalisations évitées. L'expérimentation est en cours. Une équipe d'experts s'est formée. À l'issue de cette période d'expérimentation, comment éviter une rupture ? Comment préparez‑vous le déploiement de ces bonnes pratiques ? Comment œuvrez‑vous de concert pour imaginer un modèle pérenne de financement, par exemple, de ces séances d'accompagnement thérapeutiques réalisées par les pharmaciens d'officine ? Ces séances sont en effet chronophages, mais permettent d'éviter des erreurs médicamenteuses, et avec elles des réhospitalisations, synonymes de coûts pour l'assurance maladie. Il s'agit de sécuriser et de valoriser cet accompagnement thérapeutique, ainsi que les acteurs humains de la santé. Sans cela, toute cette belle présentation sera déconnectée du terrain, de ses acteurs et des patients. Je pense que l'humain est la clef de la réussite et cela passe par la valorisation des acteurs de terrain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame Létourneau, madame Prévot, je vous remercie d'être présentes en ce lieu pour répondre à nos questions.

Ma question porte sur le développement de la télémédecine dans nos territoires, notamment dans ceux où l'accès aux soins semble de plus en plus compliqué, représentant parfois une véritable épreuve pour nos concitoyens. C'est le cas dans mon département francilien, la Seine‑et‑Marne, qui se situe selon l'ordre des médecins au 97e rang sur 101 départements en matière de désertification médicale. Le ratio est en moyenne de moins de 6 généralistes pour 10 000 habitants de Seine‑et‑Marne. Face à ce constat, le gouvernement a mené plusieurs actions concrètes pour pallier ce phénomène, dont plusieurs mesures visant à développer la télémédecine d'autant plus que pendant la crise sanitaire, celle‑ci a facilité en partie la continuité de l'accès aux soins. Nous avons notamment prolongé jusqu'à fin 2022 la prise en charge intégrale de la téléconsultation par l'assurance maladie dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Nous avons également permis l'autorisation des actes de télésoins pour les professionnels paramédicaux ainsi que l'autorisation de prescription.

Ainsi, la télémédecine semble l'une des solutions pour pallier le manque de médecins sur nos territoires, ruraux, mais pas seulement. Comment contribuer et inciter à l'usage de la télémédecine ? Comment se forment nos professionnels de santé ? Comment favoriser le développement de la télémédecine dans nos territoires ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lecocq. Mesdames, je voudrais vous féliciter ainsi que vos équipes et toutes les personnes impliquées dans cet important travail, attendu de longue date et qui améliorera le parcours de soins, la coordination entre les professionnels de santé et la prise en charge pour l'ensemble des citoyens français.

Certains acteurs pourraient être insuffisamment pris en compte. Je pense aux acteurs de la santé au travail. Dans la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, nous avons voté le fait que les données du dossier médical de santé au travail puissent, avec l'accord du salarié, être intégrées dans le DMP. Pourriez‑vous nous dire quelques mots sur l'état d'avancement de ce travail ?

Les centres de soins infirmiers sont des structures associatives mobilisant des infirmiers salariés, dont le statut relève du sanitaire et du champ médicosocial. Ces infirmiers ont souvent le sentiment de rester hors du prisme des autorités, alors qu'ils ont besoin d'être intégrés dans la relation à l'espace numérique de santé. En effet, ils interviennent auprès de nombreuses personnes dans la population française.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Nabour. Je vous remercie et vous félicite d'avoir avancé aussi rapidement. Je suis très heureuse, car en 2018, j'avais rendu un rapport sur le non‑recours aux droits. J'avais constaté qu'en Belgique, ce système a été mis en place plus tôt. Dans ce pays, seuls 13 % de patients consultent en ligne, et 39 % prennent les rendez‑vous en ligne. Aviez‑vous anticipé ce possible non‑recours, et quels outils d'analyse avez‑vous mis en place pour lutter contre ce phénomène ?

Permalien
Annie Prévot, directrice de l'Agence du numérique en santé

Concernant la sécurité et l'interopérabilité, il est difficile de faire collaborer des logiciels avec des couches matérielles et des systèmes d'exploitation qui parfois redondants. Nous travaillons sur cette interopérabilité, mais également sur la réversibilité. Au niveau de l'agence, nous souhaitons développer des logiciels libres, pour ne pas devenir des clients captifs. Des investissements très importants sont nécessaires pour faire évoluer les logiciels. Dans le Ségur, nous nous sommes préoccupés du fait que les éditeurs proposent des critères de réversibilité de leurs solutions. En cas de changement d'outil, il est souvent très compliqué de récupérer les données. Des règles de protection, de réversibilité et d'indépendance des éditeurs de logiciels ou de solutions techniques ont été définies. La direction du numérique préconise de s'orienter vers une stratégie cloud first afin d'assurer l'indépendance envers les solutions technologiques. Cette stratégie est coûteuse, mais nécessaire. Il n'existe actuellement pas de financement coordonné dans le domaine de la santé. C'est une piste que nous explorons. S'agissant du cloud européen, des solutions sont évoquées. Des partenariats seront signés. En France, Capgemini a par exemple annoncé la création de Bleu. Ces possibilités de disposer d'un cloud sont très importantes. Les États‑Unis ont une certaine avance dans ce domaine, mais nos efforts ne sont pas vains et garantiront notre indépendance.

S'agissant de la sécurité, nous partageons auprès de tous les établissements de santé les bonnes pratiques pour les aider à régler leurs incidents de cybersécurité et de sécurité. Le nombre de déclarations d'incidents a augmenté de 150 % l'année dernière. Nous partageons cette responsabilité avec l'ANSSI. En effet, les CPTS, qui sont supports de groupements hospitaliers de territoire, organisent le service essentiel et sont pris en charge par l'ANSSI en priorité. Toutes ces règles de sécurité et de cybersécurité sont par conséquent bien prises en compte, et nous mesurons leur importance.

La télésurveillance et la télé‑expertise, qui n'est pas très développée, permettent l'accès à un spécialiste lorsque certaines professions sont en raréfaction ou peu présentes dans certains territoires. L'avenant 9 a valorisé le recours à la télé‑expertise. Aujourd'hui, les professionnels de santé s'organisent davantage pour faire de la consultation physique, de la téléconsultation et de la télé‑expertise. Il faut travailler sur l'organisation du travail et la rémunération de la télé‑expertise. En dermatologie ou en ophtalmologie, elle devient plus fréquente. S'agissant de la télésurveillance, nous pensons que des solutions sécurisées seront proposées dans le cadre de l'innovation en santé. Elles permettront aux personnes de rester à domicile en limitant le coût des soins de suivi, tout en leur garantissant une bonne sécurité. Au sujet des objets connectés, nous nous inspirons des solutions proposées dans d'autres pays, comme en Finlande.

Vous demandez pourquoi certaines professions sont aujourd'hui absentes du Ségur. Un travail et une concertation importants ont été nécessaires pour intégrer les documents que nous estimons prioritaires en raison des volumes générés. Nous avons ajouté les pharmacies et le médico‑social, qui nous a demandé d'importants efforts. Le médico‑social a la chance ou le désavantage de partir de plus loin. Ce secteur est moins informatisé. L'information des dossiers des résidents et des patients, outre la collaboration et les échanges, fait ainsi partie de nos chantiers prioritaires. Chaque jour, Mme Létourneau nous rappelle que nous devons intégrer de nouvelles professions. Certaines sont déjà listées pour la deuxième vague. Nous cherchons à trouver la bonne répartition entre les volumes générés et la criticité. Nous travaillons sur les infirmiers, la médecine nucléaire et les paramédicaux. Des travaux sur la médecine préventive seront réalisés. Mme Létourneau a insisté sur la sécurité et la confiance, et l'apport possible sur le choix de ces professions.

Permalien
Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé

Vous nous demandez pourquoi Mon Espace Santé fonctionnera mieux que le DMP qui existe depuis 2004. Nous avons pensé ce dispositif comme l'outil du citoyen, et non comme celui des professionnels de santé pour la coordination. L'ergonomie a été totalement repensée, afin que le citoyen puisse remplir son dossier médical de façon ludique. Il suffit désormais de prendre une photo en un clic et de la placer dans le bon dossier, alors que le document intégrait précédemment un dossier fourre‑tout inexploitable. Grâce au tableau de bord sur les accès, la personne peut masquer et bloquer un professionnel de santé très facilement. Cette refonte de l'ergonomie et du design de Mon Espace Santé est importante. Au‑delà de la partie émergée de l'iceberg, un travail de fond a été entrepris sur les fondations de la maison, et sur la connexion de tous les logiciels des paramédicaux, du sanitaire, de l'hôpital, au dossier médical et à la messagerie sécurisée. De cette façon, les professionnels de santé peuvent alimenter le dossier médical en zéro clic, sans aucune double saisie, pour regagner du temps médical. Grâce au Ségur, l'alimentation du dossier médical sera quasiment invisible, sauf si le professionnel de santé veut retenir un document, et automatique. La messagerie sécurisée sera utilisable de manière fluide. Il suffira de cliquer pour envoyer un message au citoyen.

La seconde différence, que vous avez votée par amendement en 2019, est le mécanisme d' opt‑out. La santé numérique est confrontée à un cercle vicieux depuis des années. Les hôpitaux n'alimentent pas le DMP, car ils estiment que les citoyens n'en ont pas ou qu'ils ne l'utilisent pas. Cette ouverture facilitée permettra de rompre ce cercle vicieux et d'enclencher un cercle vertueux. Elle contribuera aussi à répondre à la problématique de la fracture numérique. L'une des critiques adressées au DMP était que les personnes ayant réalisé la démarche d'ouvrir leur DMP étaient mieux soignées. En effet, leurs professionnels de santé pouvaient se coordonner. Ici, le mécanisme d' opt‑out, sachant qu'il est possible de s'y opposer, permet à tous, même aux plus éloignés du numérique, de bénéficier de ce service de manière fluide. L' opt‑out permet de rompre le cercle vicieux. Dans les trois départements pilotes, les hôpitaux savaient que quasiment tous les patients avaient un dossier médical, car le taux d'opposition était de moins de 1 %. Ils alimentaient donc toujours le dossier. Lorsqu'ils recevaient une notification les informant qu'un document avait été ajouté à leur espace santé, les patients se connectaient et le complétaient eux‑mêmes de leur côté.

S'agissant de la fracture numérique, qui ne concerne pas que la santé, nous travaillons en interministériel. Des actions sont menées avec volontarisme par le secrétariat d'État au numérique, par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, par les collectivités territoriales et par les élus. Nous avons rencontré toutes les forces vives, comme les maires de France, les départements et les élus locaux. Mon Espace Santé est un projet clef pour que les personnes soient mieux soignées demain. La pandémie nous a rappelé à quel point cela était essentiel. La fracture sanitaire ne doit par conséquent pas se superposer à la fracture numérique. Nous mènerons des efforts conséquents pour faire monter en compétence un réseau d'accompagnants numériques.

Au sujet des professions intégrées, nous travaillons avec les plus gros producteurs de documents, soit tout d'abord les médecins traitants, qui renseignent le dossier de synthèse médical, avec les allergies, les antécédents, et qui envoient les ordonnances. Les hôpitaux, les biologistes et les cabinets de radiologie produisent également un grand nombre de documents. Fin 2023, nous aurons des pointeurs vers les IRM et radios dans Mon Espace Santé. Le fait de collecter ces informations les rend plus accessibles à toutes les professions paramédicales qui en ont besoin pour assurer le suivi du patient. Je pense aux infirmières à domicile, qui s'appuient sur le dossier de synthèse médicale, ou aux kinésithérapeutes, auxquels un compte rendu d'hospitalisation peut être très utile. Ces données sont également nécessaires aux professions médicales. Nous avons choisi de commencer par ces professions. Les professions paramédicales ont également besoin des canaux tels que la messagerie sécurisée, qui sera sans doute presque plus utile aux professions paramédicales que médicales. Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la planification des travaux est en cours pour les autres professions médicales et paramédicales. Cela représente un travail très important. Nous avons mis à jour tous les logiciels de France en un an. Comme nous nous y étions engagés, à la fin du premier trimestre, nous déterminerons quelles professions se verront ouvrir ces canaux. Je rappelle que des crédits sont réservés pour ces professions.

Le sujet de la prévention et du lien avec la médecine et les infirmiers scolaires est en effet essentiel. Un accouchement prématuré peut par exemple expliquer l'asthme de l'enfant. Le parcours doit être pensé dès le plus jeune âge, avant et pendant l'école, en lien avec la protection maternelle et infantile et les infirmiers scolaires. Les logiciels ESCULAPE, SAGESSE et Horus doivent pouvoir se connecter à Mon Espace santé, y envoyer des documents et récupérer ceux dont ils ont besoin pour leur travail de prévention, de soin et de diagnostic. Une réunion avec la direction du numérique pour l'éducation a eu lieu hier à ce sujet. Les logiciels ESCULAPE et Horus sont par ailleurs en cours d'évolution. En outre, Mon Espace Santé augmente le carnet de santé de l'enfant. Le lien avec ces professions est en cours.

Je rappelle qu'en 2022, outre le dossier, seront mis en place la messagerie, l'agenda et le catalogue. L'agenda offre une vue consolidée des rendez‑vous pris sur différentes plateformes, ce qui évite les positions de monopole et permet le décloisonnement. L'agenda est également essentiel pour la prévention personnalisée. C'est une avancée par rapport à la version papier. Les informations sur l'âge ou le sexe de la personne permettent d'informer sur le dépistage ou la vaccination.

Le référencement au catalogue de services est ouvert depuis décembre. Tous les industriels de vos territoires doivent être renvoyés vers le guichet national de l'innovation et des usages en e‑santé (G_NIUS). Il s'agit d'un site en ligne, expliquant les modalités pour postuler au catalogue de Mon Espace Santé. Différents critères sont proposés, selon que l'application a vocation à échanger des données, ce qui implique le respect de critères renforcés d'interopérabilité et de sécurité, ou que ce n'est pas le cas, comme cela m'a été demandé. Les critères sont alors simplifiés. Si toutes les cases sont cochées, l'application est référencée dans le catalogue. Nous incitons parmi ces services au développement d'applications d'éducation en ligne, assurant la prévention pour les jeunes. Le catalogue permet de vérifier que les services respectent les fondations de la maison, mais il favorise également leur émergence. Il suit la stratégie d'accélération de santé numérique. En effet, nous travaillons à tous les stades de vie d'une start‑up pour débloquer les différents verrous auxquels elle est confrontée.

Pour répondre à la question sur la prescription, je rappelle tout d'abord l'implication collective de tous les acteurs, mus par l'intérêt général qui nous tient tous à cœur. L'une des difficultés que nous rencontrons est que nous peinons à agir sur un mode dégradé. Nous avons compris que nous devons cesser de viser le Graal. L'interopérabilité sémantique parfaite dans les documents ne fonctionnera jamais à court terme. Depuis trois ans, nous défendons par conséquent une logique de petits pas rapides. Ainsi, concernant la messagerie sécurisée, nous commençons par mettre en place l'envoi de messages par ce canal, puis nous intégrerons l'INS, les métadonnées, et nous procéderons de manière de plus en plus détaillée.

Ainsi, sur la prescription, Mon Espace Santé propose dès à présent une avancée. Aujourd'hui, l'ordonnance est délivrée au format papier ou envoyée par un canal non sécurisé. En pharmacie, si le patient ne dispose pas de son ordonnance papier, il peut l'envoyer par un canal non sécurisé. Avec Mon Espace Santé, à la suite d'une consultation physique ou d'une téléconsultation, le médecin peut envoyer la prescription par messagerie sécurisée. Le patient peut demander au pharmacien pharmacie de se rendre dans son dossier médical ou lui envoyer la prescription par messagerie sécurisée. La deuxième étape à déployer est la e‑prescription unifiée. Elle fait partie du cahier des charges du Ségur et du déploiement de la première vague, tant du côté des médecins que des pharmaciens. Les éditeurs ont jusqu'à mai pour installer des logiciels conformes à la e‑prescription, puis jusqu'au premier trimestre 2023 pour détailler la e‑prescription unifiée. Cette innovation sera disponible dans les six à vingt‑quatre prochains mois.

Concernant les usages secondaires liés à la recherche et au Health Data Hub, je ne souhaite pas botter la question en touche, toutefois la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) est davantage en charge de ce sujet. Je ne pourrai répondre à toutes vos questions. Sur l'innovation, des actions en lien avec ce sujet ont été menées. Le deuxième pilier est lié à la recherche. Un appel à programmes et équipements prioritaires de recherche exploratoires a été lancé sur les jumeaux numériques. Nous travaillons en lien étroit avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour aligner nos intérêts. Nous réfléchissons également conjointement à la formation, ce qui était moins le cas auparavant. Cela fait partie de la stratégie d'accélération. Une action est en cours de cadrage sur le financement des entrepôts de données de santé hospitaliers.

La question du partage de la valeur des données reste complexe. Cette action est en cours de structuration et suit une ambition européenne. L'utilisation secondaire des données de santé, notamment lorsque ces dernières sont rares, est essentielle. Dans le cadre de l'espace européen des données de santé, je vous ai rapidement donné quelques cas d'usage d'utilisation primaire des données, pour le soin. Ainsi, le médecin allemand soignant un Français inconscient hospitalisé aux urgences en Allemagne aura accès à son dossier de synthèse médical. Cependant, les cas d'usage secondaire des données sont immenses. Nous voulons faire avancer la recherche, par exemple l'intelligence artificielle. Plus encore, nous créons un digital single market européen pour unifier le marché grâce à la standardisation technique. Aujourd'hui, les industriels ont trop souvent tendance à considérer qu'un dépôt de dossier est compliqué en Europe, parce que le fonctionnement diffère d'un État membre à un autre, et se tournent vers la Chine ou les États‑Unis. Cette standardisation de l'accès au marché répond à cette problématique. C'est à nouveau la logique de petits pas rapides que nous défendons. Nous avons annoncé l'adoption de la SNOMED CT (Systematized Nomenclature of Medicine Clinical Terms). Il s'agissait d'un serpent de mer depuis dix ans. Nous l'adoptons, tout en garantissant un poids dans la gouvernance de l'organisation SNOMED International. Nous bénéficions de la majorité des voix à l'association et nous pourrons donc jouer un véritable rôle. Certes, nous travaillons aux fondations de la maison, mais il ne s'agit pas seulement de rattraper notre retard. Nous tenons à nous projeter dans l'avenir.

Concernant l'accès aux urgences et l'accès aux données de Mon Espace Santé, il faut en permanence trouver le juste milieu entre la protection des données et l'usage. La protection des données renverrait à une forme de coffre‑fort, qui resterait inaccessible aux professionnels de santé. La promesse de Mon Espace Santé, qui est celle d'une meilleure prise en charge et d'un meilleur diagnostic par l'équipe de soins, n'est alors pas remplie. C'est un extrême. L'autre extrême consiste à dire que tous les professionnels peuvent avoir besoin des données de santé à tout moment, et qu'il faut laisser les vannes ouvertes. Il faut trouver un juste milieu. D'un point de vue méthodologique, nous sommes en tout cas convaincus que ces discussions sont tellement importantes qu'elles doivent donner lieu à un débat public. Elles ne peuvent avoir lieu en chambre. Ces discussions voient en effet s'affronter deux intérêts généraux. Nous en parlons avec vous lors des débats parlementaires. Ce sujet a également été abordé par le comité citoyen. Nous avons fait intervenir différentes parties prenantes qui ont rendu leur avis sur la question. C'est enfin un sujet de concertation avec toutes les parties prenantes. Ce qui est prévu, et qui était déjà prévu dans le DMP dont l'ergonomie a été simplifiée, est que le professionnel de santé doit demander son accord à la personne avant d'accéder à ses données. J'ai évoqué les surcouches de protection, mais un dernier mécanisme existe : si la personne est inconsciente, l'urgentiste peut demander sans accord préalable l'accès au dossier. Ce mécanisme peut être décoché par la personne, mais en connaissance de cause. Par ailleurs, cet accès est toujours tracé. Le patient peut a posteriori voir l'accès dans l'historique et bloquer le document.

L'éthique du numérique en santé nous tient à cœur avec Dominique Pon depuis le début. Nous le voyons comme un prérequis à tout ce qui suit. Nous voulons un numérique en santé éthique, humaniste et citoyen. Ce ne sont pas des mots en l'air. C'est une ambition très concrète. Nous considérons que la situation actuelle n'est pas éthique : désormais, les personnes auront accès à leurs données de santé, pourront demander un deuxième avis médical, se faire leur propre avis, ou encore ne pas perdre leurs documents. Avec le Ségur de la santé, nous portons une application réelle du RGPD et notamment en ce qui concerne la portabilité des données. Nous souhaitons que les textes deviennent une réalité. Cela fait partie de l'éthique. Il faut rendre leurs données aux gens.

La fracture numérique est un autre sujet de poids. Je vous ai présenté les dispositifs inédits en cours de montée en puissance. Leur mise en œuvre prendra du temps. Une réunion rassemblant 1 200 médiateurs numériques formés à Mon Espace Santé se tient cet après‑midi.

Le pan de l'écoresponsabilité nous tient également à cœur. Il est un peu plus innovant. Nous savons que le numérique a une réelle empreinte carbone. Si le numérique en santé détériore in fine la santé des populations, nous aurons échoué. Nous devons donc jouer notre rôle et imposer un recyclage des équipements informatiques, qui représentent le poste le plus énergivore, avant les data centers. Des règles de conception écologique by design à tous ceux qui offrent des services numériques doivent être mises en place. Concrètement, nous avons entrepris un premier rapport sur l'impact écologique du numérique en santé, avec de multiples associations. Nous proposons des écoscores qui seront affichés publiquement pour tous les services numériques référencés dans Mon Espace Santé.

Nous avons réussi à faire adopter ces principes à l'écehlon européen, en trois semaines seulement. La charte de l'éthique du numérique en santé est disponible publiquement. Elle a fait l'objet d'une conférence le 2 février 2022 avec la moitié des ministres de la santé européens, Mme Sandra Gallina, la directrice générale de la santé européenne, M. Roberto Viola, le directeur général européen Connect, M. Olivier Véran ou encore M. Adrien Taquet. Nous avons annoncé l'adoption de la charte, dont vous pouvez lire l'introduction et les quatre grands piliers, à savoir « inscrire le numérique en santé dans un cadre de valeurs humanistes » ; « donner la main aux personnes sur le numérique et leurs données de santé » ; « développer un numérique en santé inclusif » ; « mettre en œuvre un numérique en santé écoresponsable ».

La première dimension concerne les dérives du numérique en santé. Nous ne souhaitons pas remplacer le présentiel par la téléconsultation ni que des services numériques nous submergent de notifications, ou encore qu'une intelligence artificielle hors de contrôle propose des recommandations que nous ne saurions expliquer. Ces principes éthiques suivent une logique citoyenne et non « techno ». Nous avons écrit ces principes pour qu'ils soient compréhensibles par un enfant de 6 ans et qu'ils restent très simples. Chaque pilier comprend quatre critères. Chacun s'est engagé à se mettre en ordre de marche pour les respecter. D'ici la prochaine réunion début juin, nous réfléchissons à des engagements concrets de chacun des pays sur ces critères et à un mécanisme de transparence pour rendre des comptes publiquement sur leur mise en œuvre effective.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre commission travaille actuellement de manière très intense sur la question des EHPAD, et sur certains en particulier. Avez‑vous envisagé des mesures spécifiques pour la mise en œuvre de Mon Espace Santé en EHPAD ? Les prescriptions par les médecins traitants, quand elles sont manuscrites, sont parfois à l'origine d'importantes difficultés d'exécution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je n'ai pas non plus le sentiment qu'une réponse à ma question a été formulée, et je ne peux me satisfaire de la réponse : « C'est la DREES qui s'en occupe. » J'aimerais des réponses sur le retrait de demande d'autorisation de la CNIL, ainsi qu'une réaction sur la demande de transparence et d'un appel d'offres transparent par le conseil d'administration de la CNAM. Sur quelles bases juridiques repose l'outil ? S'agissant de la sécurité informatique, des vols de données à l'Assistance publique‑Hôpitaux de Paris ont récemment eu lieu. Je souhaiterais au moins quelques éléments de réponse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle est la place éventuelle des GAFAM dans les dispositifs numériques ? N'est‑il pas nécessaire de faire monter en puissance une fonction publique numérique qui ne doive pas avoir recours à ce type d'opérateurs ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je n'ai pas le sentiment que vous avez répondu à mes questions très concrètes. Notamment, concernant le processus de référencement, qui impose l'interopérabilité aux solutions, comment référencer des solutions qui informent les patients et qui n'ont par nature pas besoin d'être interopérables ? Après la période d'expérimentation de deux ans de MEDISIS, comment éviter une rupture ? Les équipes sont formées. Comment travaillez‑vous concrètement à un modèle pérenne ? Comment valorisez‑vous les professionnels pour cet accompagnement thérapeutique, sur le terrain ? Existe‑t‑il pour les établissements de santé qui innovent avec une PME un dispositif de soutien et de financement ? G_NIUS est un dispositif qui ne répond pas aux besoins de ces acteurs, car le retour sur investissement pour les établissements qui injectent un savoir et des compétences issues du domaine public est souvent difficile. Pour que la ruche fonctionne mieux et qu'elle donne du miel, des améliorations restent nécessaires.

Permalien
Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé

Concernant la souveraineté numérique et les GAFAM, j'ai écrit un livre intitulé  Ubérisons l'État avant que d'autres ne s'en chargent. Les « autres » sont bien évidemment les GAFAM. La mise à disposition d'alternatives, de canaux et d'un hébergement sécurisés est mon combat depuis six ans. La réussite de ce projet relève de notre responsabilité collective.

Vous pourrez aborder le sujet du Health Data Hub avec M. Fatôme et la DREES. Le Health Data Hub a retiré la demande à la CNIL avec l'accord du Gouvernement. En parallèle, la CNIL examine l'arrêté qui définit la composition des bases de données dont il est question. Cet examen permettra ensuite une plus grande cohérence dans la mise en application du dispositif. En parallèle, un plan d'action est en cours pour accélérer la fourniture des données liée au système national des données de santé, car des problèmes techniques ont ralenti le processus. Concernant l'hébergement du Health Data Hub, vous connaissez tous les éléments publics. Je ne peux vous en fournir davantage.

Je rappelle que Mon Espace Santé est hébergé en France, chez des prestataires de l'assurance maladie. Pour faire le lien avec la sécurité des données, deux sites hébergés certifiés HDS sont hébergés en France et jouent un rôle de surcouche par rapport au RGPD. Ces données sont chiffrées. Des boîtiers matériels ont été mis en place, ce qui est inédit pour un projet de la puissance publique. L'accompagnement a été assuré par l'ANSSI et la CNIL. Des bug bounties sont en cours de réalisation avec des collectifs militants de hackeurs bienveillants, pour tenter de percer notre système.

Ameli traite le sujet des droits et Mon Espace Santé concerne la relation du citoyen avec ses professionnels de santé plus que de la puissance publique. Dans un premier temps, l'attestation de droits ou les démarches en ligne ne seront pas proposées sur Mon Espace Santé. Ces fonctionnalités auront peut‑être vocation à converger plus tard. Nous avons néanmoins conscience que les personnes qui ne sauront pas utiliser Mon Espace Santé seront lésées, car elles utiliseront des canaux au format papier. Mon Espace Santé ne les remplacera pas, mais vient en complément. Le but est de rendre le dispositif plus efficace. C'est ce qui explique la mise en place du dispositif d'accompagnants numériques.

La question des médecins du travail et des centres infirmiers est à lier au sujet des professions paramédicales qui seront prises en compte dans le Ségur. Lorsqu'une task force est lancée, les structures concernées sont détaillées. Ce cas est en cours d'instruction.

Ce que vous évoquez sur la médecine au travail est possible d'un point de vue juridique. Sur le plan technique, il faudrait faire évoluer le dossier médical pour qu'il accueille de nouveaux documents, et structurer l'espace avec des volets de contenus spécifiques. Surtout, il serait nécessaire de faire évoluer tous les logiciels du terrain pour les connecter au DMP. Ces travaux sont également en cours, comme pour la médecine scolaire. La loi le prévoit. La roadmap publique de Mon Espace Santé est disponible dans l'onglet «  À propos  » sur la plateforme. Vous pourrez y lire les avancées prévues par trimestre. Nous suivons notre logique de petits pas rapides : les avancées n'arrivent pas toutes en même temps, mais elles sont bien prévues.

Concernant la question sur les EHPAD, nous avons publié la semaine dernière l'arrêté médico‑social, qui concerne les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et la protection de l'enfance. Aujourd'hui, les éditeurs des logiciels de tous les EHPAD raccordent les logiciels au dossier médical et à la messagerie sécurisée. Ils sont d'ores et déjà intégrés. Dans les 2 milliards d'euros d'investissements, 600 millions d'euros ont été sanctuarisés pour le médico‑social. Ce sujet nous tenait à cœur. Le médicosocial est encore plus en retard que le sanitaire. C'est aussi une opportunité, puisque tout reste à faire. Une partie des EHPAD était par ailleurs connectée au DMP.

Il est possible de se référencer dans le catalogue d'applications depuis décembre. Le guichet est ouvert. Il n'est pas obligatoire d'échanger des données et de mettre en œuvre les critères d'interopérabilité pour être référencé. Par exemple, l'application Petit Bambou, sur des sujets de bien‑être, qui n'a pas de sujet de partages de données, est en cours de référencement. Des critères de référencement simplifiés sont proposés lorsque l'application n'a pas vocation à échanger des données. G_NIUS est un simple guichet d'information. Certes, il est clef pour les entrepreneurs, mais il s'agit d'un simple site internet. Des experts en charge du référencement peuvent par ailleurs être contactés en cas de problème.

Concernant l'innovation et la pérennisation des business models, les investissements one shot via des appels à manifestation d'intérêt ou des appels à projets, je vous renvoie aux innovations que j'ai mentionnées. Nous offrons des financements, des subventions, pour que les start‑up puissent se lancer. Aujourd'hui, une start‑up met dix‑huit mois à entrer en contact avec un hôpital pour mettre son service en production. Les industriels soulignent depuis des années que la création d'une filière e‑santé robuste nécessite la mise en place d'un business model. L'axe 5 de notre stratégie d'accélération vise la favorisation des conditions d'un déploiement à grande échelle. La télésurveillance est entrée dans le droit commun, ainsi que l'accès anticipé au remboursement. Ces innovations seront mises en œuvre en juillet. Ces entreprises pourront alors prétendre à un remboursement pendant un an. Elles auront six mois pour prouver que leurs services cliniques offre une valeur ajoutée. Ils pourront entrer dans le droit commun au bout d'un an, avec un tarif annulé ou révisé selon la valeur du service rendu. Cela prend normalement davantage de temps. Nous créons donc les conditions d'émergence d'un digital single market en France et en Europe, car plus qu'une vision française, une vision européenne est nécessaire. Sans cela, les industriels se tournent vers la Chine ou les États‑Unis, qui offrent un écosystème plus homogène.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesdames, je vous remercie pour votre présence ce matin et pour la qualité de vos travaux, que l'ensemble des députés ont soulignée.

La séance est levée à onze heures vingt‑cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 9 heures 30

Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, Mme Annie Chapelier, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, Mme Christine Cloarec‑Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Perrine Goulet, M. Jean‑Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, Mme Myriane Houplain, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier‑Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, M. Jean‑Louis Touraine, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusés. – Mme Stéphanie Atger, Mme Justine Benin, M. Paul Christophe, M. Jean‑Pierre Door, Mme Pascale Fontenel‑Personne, Mme Claire Guion‑Firmin, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Marie‑Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur‑Christophe