Intervention de Lucien Legay

Réunion du jeudi 17 février 2022 à 10h25
Commission des affaires sociales

Lucien Legay, vice :

président de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles (FNAPAEF). Notre fédération d'associations et d'adhérents individuels – qui est par ailleurs membre de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) et du comité d'entente sur l'avancée en âge, créé par le Défenseur des droits – n'a cessé, depuis sa création, en 2005, de dénoncer la maltraitance dont sont victimes les vieux, à domicile ou en établissement.

L'ouvrage consacré au cas d'Orpea, Les Fossoyeurs, qui défraie actuellement la chronique, ne nous apporte pas d'éléments vraiment nouveaux : un autre livre, L'Or gris, publié en 2011, disait déjà la même chose. Les établissements publics et associatifs ne sont pas à l'abri des mêmes reproches lorsqu'ils utilisent les mêmes méthodes – je vous renvoie à l'article que Le Parisien a récemment consacré à Arpavie. Mais nous ne plaidons pas pour le dépôt de plaintes, qui n'aboutiraient à un procès que dans quelques années – encore faudrait‑il qu'elles ne soient pas classées sans suite, comme c'est le cas de nombreuses plaintes actuellement.

Nous nous demandons cependant si le social doit être géré de façon capitaliste et coté en bourse.

En 2014, nous avons été reçus par Mme Rossignol, qui était alors secrétaire d'État à la famille, aux personnes âgées, à l'autonomie et à l'enfance, à qui nous avions remis une longue liste – dont je vous communiquerai une copie – de ce que nous appelions alors pudiquement des dysfonctionnements, qui recensait en réalité des faits de maltraitance.

Cette maltraitance peut être physique, financière ou prendre la forme de violences sexuelles ; ces faits sont heureusement peu nombreux. La maltraitance institutionnelle, plus courante, plus insidieuse et de plus en plus souvent dénoncée, résulte du manque de moyens humains, matériels et financiers à la charge de la collectivité. Quant à la « maltraitance ordinaire », comme l'appelle Jérôme Pellissier, elle désigne l'attitude des personnels qui rend les résidents invisibles. Ces différents types de maltraitance ont été dénoncés, mais les améliorations tardent à venir et l'impression générale est que les autorités, comme les ARS et les directions de l'autonomie des conseils départementaux, ne font pas le job.

Nous avons cru que le rapport de mars 2018 de Mmes Iborra et Fiat conduirait à la création d'une véritable cinquième branche, promise à deux reprises par le Président de la République au cours de l'année 2018. Nous avons participé à la consultation sur le grand âge, salué les 175 propositions du rapport de Dominique Libault, et puis plus rien...

La loi de 2002 rénovant l'action sociale et médico‑sociale, dont nous fêtons le vingtième anniversaire, nous avait déjà donné des espoirs, en imposant le contrat de séjour, en prévoyant de désigner des personnes qualifiées et en créant les conseils de la vie sociale (CVS). Mais, sans standardisation, il est toujours aussi difficile de comparer les contrats de séjour d'EHPAD différents ; on cherche toujours les personnes qualifiées compétentes pour défendre les droits des résidents ; enfin, les CVS ne fonctionnent pas – quand ils existent. Quant aux évaluations externes, nous attendons la mise en œuvre des mesures préconisées par Mme Vidal.

Je ne parlerai pas du coût des prestations à domicile et en établissement, que les vieux et leurs familles ne peuvent plus assumer après avoir épuisé leurs économies, vendu leur domicile ou avoir été spoliés par des contrats d'assurance dépendance, et ce alors que les pensions de retraite stagnent.

Il est donc indispensable que, rapidement, dès les premiers mois de la nouvelle législature et avant la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, une loi consacrée au grand âge définisse les prestations de la cinquième branche créée par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, alloue de façon pérenne les moyens nécessaires au financement de la prévoyance du handicap, de l'environnement des handicapés – car nous espérons que la barrière de l'âge sera abolie –, d'une filière gériatrique – pour que les vieux soient mieux accueillis dans les hôpitaux –, des EHPAD et des résidences autonomie, appelées autrefois logements‑foyers, de l'aide à domicile, de la fin de vie ainsi que des aidants – qui sont souvent des aidantes – et, surtout, favorise le dialogue et la transparence.

Dans l'immédiat, il est nécessaire que les droits fondamentaux des vieux soient réaffirmés, comme le demandait la Défenseure des droits l'an dernier, que la prévention et la lutte contre la maltraitance soient renforcées et, enfin, que la protection juridique des majeurs soit améliorée – la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui a marqué un important progrès, demeure néanmoins insuffisante à cet égard. Ces mesures n'entraîneraient a priori aucun coût supplémentaire.

Cependant, comme l'a récemment écrit dans une tribune Mme Marie‑Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, le pire est devant nous. Il est donc urgent de recruter en nombre suffisant les personnels nécessaires pour l'aide à domicile et les EHPAD, ce qui suppose, avant même de les former, de consentir des majorations de salaires au‑delà de ce que prévoit le « Ségur » et d'inventer de nouvelles conditions de travail. Demain, 18 février, se tiendra la conférence des métiers de l'accompagnement et médico‑social. Nous espérons que le Gouvernement entendra les requêtes des personnels des métiers de l'humain, secteur où l'on compterait actuellement 64 000 postes vacants !

Enfin, la mission des directeurs d'établissement – ne les oublions pas ! – est particulièrement difficile. Nous suggérons donc que leurs tâches administratives soient allégées afin qu'ils puissent se consacrer davantage à l'animation de leurs équipes, au contrôle du bien‑être des résidents et au dialogue avec les familles.

Comme l'écrivait Mme Iborra dans la conclusion de son rapport, « le monde politique, les parlementaires notamment, doivent s'emparer du problème, qui repose à la fois sur des choix stratégiques, financiers mais aussi sociétaux, où l'humain doit avoir une place prépondérante ». Et Mme Fiat d'ajouter : « Face à l'urgence sanitaire et sociale dans laquelle se trouvent les EHPAD, il faut revenir aux fondamentaux d'une véritable politique de solidarité pour le vieillissement. »

C'était il y a déjà quatre ans...

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