Commission des affaires sociales

Réunion du jeudi 17 février 2022 à 10h25

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • EHPAD
  • domicile
  • maltraitance
  • résident
  • âgée

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 17 février 2022

La séance est ouverte à dix heures vingt‑cinq.

Dans le cadre des auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea, la commission organise une table ronde avec des associations représentées par M. Lucien Legay, vice‑président de la Fédération française des associations et familles de personnes âgées, à domicile ou en établissement (FNAPAEF), M. Pierre Czernichow, président de la Plateforme 3977, et M. Patrick Collardot, président de l'association TouchePasMesVieux, pour la plateforme de demandes « Pour des Résidents toujours citoyens en Ehpad ».

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Nous poursuivons nos travaux sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea. Après avoir entendu les dirigeants de ce groupe, l'auteur du livre qui lui est consacré, l'agence régionale de santé (ARS) Île‑de‑France et le département des Hauts‑de‑Seine, il nous a paru important de recueillir les témoignages des proches de résidents en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sur les dysfonctionnements et les difficultés rencontrées, voire sur les maltraitances subies dans ces établissements.

Nous venons d'entendre les familles, dont les témoignages poignants, douloureux, nous ont profondément bouleversés. Il faut absolument, nous en sommes tous d'accord, que cela change !

Nous recevons à présent les représentants d'associations et de collectifs regroupant des familles de personnes âgées ainsi que de la plateforme 3977, dispositif associatif d'alerte et de prévention des maltraitances envers les personnes âgées ou en situation de handicap.

Après leurs interventions, je donnerai d'abord la parole à Agnès Firmin Le Bodo et à Valérie Six, qui sont deux des trois rapporteures de notre mission « flash » sur le rôle des proches dans la vie des EHPAD.

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Lucien Legay, vice

président de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles (FNAPAEF). Notre fédération d'associations et d'adhérents individuels – qui est par ailleurs membre de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) et du comité d'entente sur l'avancée en âge, créé par le Défenseur des droits – n'a cessé, depuis sa création, en 2005, de dénoncer la maltraitance dont sont victimes les vieux, à domicile ou en établissement.

L'ouvrage consacré au cas d'Orpea, Les Fossoyeurs, qui défraie actuellement la chronique, ne nous apporte pas d'éléments vraiment nouveaux : un autre livre, L'Or gris, publié en 2011, disait déjà la même chose. Les établissements publics et associatifs ne sont pas à l'abri des mêmes reproches lorsqu'ils utilisent les mêmes méthodes – je vous renvoie à l'article que Le Parisien a récemment consacré à Arpavie. Mais nous ne plaidons pas pour le dépôt de plaintes, qui n'aboutiraient à un procès que dans quelques années – encore faudrait‑il qu'elles ne soient pas classées sans suite, comme c'est le cas de nombreuses plaintes actuellement.

Nous nous demandons cependant si le social doit être géré de façon capitaliste et coté en bourse.

En 2014, nous avons été reçus par Mme Rossignol, qui était alors secrétaire d'État à la famille, aux personnes âgées, à l'autonomie et à l'enfance, à qui nous avions remis une longue liste – dont je vous communiquerai une copie – de ce que nous appelions alors pudiquement des dysfonctionnements, qui recensait en réalité des faits de maltraitance.

Cette maltraitance peut être physique, financière ou prendre la forme de violences sexuelles ; ces faits sont heureusement peu nombreux. La maltraitance institutionnelle, plus courante, plus insidieuse et de plus en plus souvent dénoncée, résulte du manque de moyens humains, matériels et financiers à la charge de la collectivité. Quant à la « maltraitance ordinaire », comme l'appelle Jérôme Pellissier, elle désigne l'attitude des personnels qui rend les résidents invisibles. Ces différents types de maltraitance ont été dénoncés, mais les améliorations tardent à venir et l'impression générale est que les autorités, comme les ARS et les directions de l'autonomie des conseils départementaux, ne font pas le job.

Nous avons cru que le rapport de mars 2018 de Mmes Iborra et Fiat conduirait à la création d'une véritable cinquième branche, promise à deux reprises par le Président de la République au cours de l'année 2018. Nous avons participé à la consultation sur le grand âge, salué les 175 propositions du rapport de Dominique Libault, et puis plus rien...

La loi de 2002 rénovant l'action sociale et médico‑sociale, dont nous fêtons le vingtième anniversaire, nous avait déjà donné des espoirs, en imposant le contrat de séjour, en prévoyant de désigner des personnes qualifiées et en créant les conseils de la vie sociale (CVS). Mais, sans standardisation, il est toujours aussi difficile de comparer les contrats de séjour d'EHPAD différents ; on cherche toujours les personnes qualifiées compétentes pour défendre les droits des résidents ; enfin, les CVS ne fonctionnent pas – quand ils existent. Quant aux évaluations externes, nous attendons la mise en œuvre des mesures préconisées par Mme Vidal.

Je ne parlerai pas du coût des prestations à domicile et en établissement, que les vieux et leurs familles ne peuvent plus assumer après avoir épuisé leurs économies, vendu leur domicile ou avoir été spoliés par des contrats d'assurance dépendance, et ce alors que les pensions de retraite stagnent.

Il est donc indispensable que, rapidement, dès les premiers mois de la nouvelle législature et avant la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, une loi consacrée au grand âge définisse les prestations de la cinquième branche créée par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, alloue de façon pérenne les moyens nécessaires au financement de la prévoyance du handicap, de l'environnement des handicapés – car nous espérons que la barrière de l'âge sera abolie –, d'une filière gériatrique – pour que les vieux soient mieux accueillis dans les hôpitaux –, des EHPAD et des résidences autonomie, appelées autrefois logements‑foyers, de l'aide à domicile, de la fin de vie ainsi que des aidants – qui sont souvent des aidantes – et, surtout, favorise le dialogue et la transparence.

Dans l'immédiat, il est nécessaire que les droits fondamentaux des vieux soient réaffirmés, comme le demandait la Défenseure des droits l'an dernier, que la prévention et la lutte contre la maltraitance soient renforcées et, enfin, que la protection juridique des majeurs soit améliorée – la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui a marqué un important progrès, demeure néanmoins insuffisante à cet égard. Ces mesures n'entraîneraient a priori aucun coût supplémentaire.

Cependant, comme l'a récemment écrit dans une tribune Mme Marie‑Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, le pire est devant nous. Il est donc urgent de recruter en nombre suffisant les personnels nécessaires pour l'aide à domicile et les EHPAD, ce qui suppose, avant même de les former, de consentir des majorations de salaires au‑delà de ce que prévoit le « Ségur » et d'inventer de nouvelles conditions de travail. Demain, 18 février, se tiendra la conférence des métiers de l'accompagnement et médico‑social. Nous espérons que le Gouvernement entendra les requêtes des personnels des métiers de l'humain, secteur où l'on compterait actuellement 64 000 postes vacants !

Enfin, la mission des directeurs d'établissement – ne les oublions pas ! – est particulièrement difficile. Nous suggérons donc que leurs tâches administratives soient allégées afin qu'ils puissent se consacrer davantage à l'animation de leurs équipes, au contrôle du bien‑être des résidents et au dialogue avec les familles.

Comme l'écrivait Mme Iborra dans la conclusion de son rapport, « le monde politique, les parlementaires notamment, doivent s'emparer du problème, qui repose à la fois sur des choix stratégiques, financiers mais aussi sociétaux, où l'humain doit avoir une place prépondérante ». Et Mme Fiat d'ajouter : « Face à l'urgence sanitaire et sociale dans laquelle se trouvent les EHPAD, il faut revenir aux fondamentaux d'une véritable politique de solidarité pour le vieillissement. »

C'était il y a déjà quatre ans...

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Pierre Czernichow, président de la Fédération 3977

Merci pour votre invitation, qui nous touche.

La Fédération 3977 est un dispositif associatif composé, d'une part, d'une plateforme téléphonique nationale, avec un numéro unique accessible tous les jours, d'autre part, d'un réseau associatif d'une cinquantaine de centres répartis sur le territoire national, chacun d'entre eux couvrant au moins un département. Pourquoi cette organisation duale ? Parce que c'est une chose de recevoir des alertes concernant d'éventuelles situations de maltraitance – je ne vous dirais pas la vérité si j'affirmais que tous les appels correspondent à de telles situations –, c'en est une autre de rechercher des réponses sur le terrain. Il faut, pour cela, non seulement analyser la situation, mais aussi écouter et soutenir les familles – et vous savez, pour les avoir reçues, leur souffrance, leur peine et les difficultés qu'elles rencontrent –, ce qui nécessite temps et proximité. Ce n'est pas de Paris, par téléphone, que l'on trouvera une solution à un problème local, en Bretagne, en Aquitaine ou ailleurs.

On estime, sur le plan international – nous n'avons pas de chiffres pour la France – qu'au moins 95 % des situations de maltraitance avérées demeurent méconnues. Personne n'en entend parler, pas davantage notre fédération que la justice, les forces de l'ordre, les conseils départementaux, le Défenseur des droits ou les autres instances compétentes. Se pose donc la question de la révélation des maltraitances, dont nous ne voyons qu'un fragment, qui plus est probablement déformé.

Quelle est la situation ordinaire, celle que nous connaissons depuis que la plateforme fonctionne sur le modèle actuel, avec son réseau de centres, c'est‑à‑dire depuis 2015 ? Sur les 35 000 appels que nous avons reçus l'an passé, nous avons – pardonnez‑moi cette expression, que j'abhorre – ouvert 7 000 dossiers, sachant que nous ouvrons un dossier lorsque nous disposons d'éléments suffisamment tangibles pour nous convaincre qu'il y a lieu d'aller plus loin. Tous ces dossiers ont fait l'objet d'un recueil d'informations et, surtout, des suites leur ont été données par nos centres départementaux. Que l'on soit victime ou témoin – proche ou professionnel – d'une situation de maltraitance, en parler prend du temps et nécessite de la confiance. De fait, ce n'est pas quelque chose que l'on met facilement sur la table : il s'agit de situations parfois intimes ou qui mettent en difficulté les uns et les autres.

Les trois quarts de ces 7 000 dossiers concernent des situations de maltraitance à domicile, le dernier quart a trait à des personnes qui résident en établissement, au sens large. Il s'agit, pour la plupart, d'établissements médico‑sociaux, lesquels ne sont pas tous des EHPAD puisque le périmètre de notre fédération inclut l'ensemble des adultes vulnérables, notamment les personnes en situation de handicap. Ce dont nous pouvons témoigner, s'agissant de ces établissements, c'est la diversité de leurs statuts. Je ne peux pas citer de chiffres, car il se trouve que le statut des établissements ne figure pas parmi les données traitées de manière systématique par la fédération au niveau national, mais il est très clair que les situations de maltraitance portées à notre connaissance – encore une fois, il s'agit d'une toute petite partie de la réalité – ont pour cadre des établissements privés commerciaux, certes – et pas seulement ceux du groupe Orpea –, mais aussi des établissements privés à but non lucratif et des établissements publics.

On ne se donnerait pas les moyens de remédier efficacement aux situations de maltraitance en établissement si l'on réduisait les mécanismes générateurs de ces situations à un seul facteur : pour qu'il y ait maltraitance, il faut une conjonction de facteurs. On peut citer notamment des problèmes liés aux ressources professionnelles, qu'il s'agisse de leur nombre ou du niveau de leur qualification. On observe en effet souvent, dans les établissements en difficulté, des glissements de tâches : faute de professionnels, des tâches qui nécessitent un certain niveau de qualification sont remplies – quand elles le sont – par une personne qui n'est pas qualifiée. Je pense également à des difficultés liées aux conditions de travail – des professionnels en souffrance ne peuvent pas, on le sait, faire correctement leur travail –, au management – il est essentiel que le travail en équipe soit organisé de manière à permettre aux professionnels d'avoir des temps d'échanges sur les personnes dont ils ont la charge – et à des directives inappropriées.

Celles‑ci peuvent émaner d'un groupe privé – c'est ce que M. Castanet a très bien documenté dans son ouvrage – mais aussi d'une collectivité territoriale ou d'une ARS. Ainsi, pendant l'épidémie de covid‑19, des directives à caractère sanitaire ont été appliquées de manière mécanique à l'ensemble des résidents d'un même établissement et à leurs familles, alors qu'on aurait pu faire du sur‑mesure – bien entendu, cela coûte plus cher.

Pour conclure, la situation des deux ou trois dernières semaines est différente. Nous avons observé, ces derniers jours, un afflux d'alertes, dont le nombre dépasse de très loin ce que nous connaissions jusqu'à présent. Cet afflux n'est peut‑être pas très durable, mais les situations de maltraitance en établissement y sont surreprésentées de manière très importante au regard de ce que nous observions ces dernières années.

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Patrick Collardot, président de l'association TouchePasMesVieux, porte

parole de la plateforme de demandes « Pour des Résidents toujours citoyens en Ehpad ». L'association TouchePasMesVieux a été créée à la suite de l'expérience vécue par mon épouse en tant que représentante des familles au sein d'un EHPAD. Dans le cadre de ces fonctions, qu'elle a occupées pendant cinq ans, elle a dû affronter des critiques et a même été la cible d'accusations calomnieuses. Notre association a donc pour objet d'aider – initialement dans le seul département de la Haute‑Garonne – les familles qui rencontrent des difficultés pour faire fonctionner les conseils de la vie sociale dans les EHPAD.

Quant à la plateforme « Pour des Résidents toujours citoyens en Ehpad », elle regroupe dix‑sept collectifs et associations – bientôt dix‑huit – et représente des milliers de familles et plus de mille EHPAD. Aujourd'hui, je veux exprimer la grande colère de ces familles, qui ont le sentiment de ne pas être entendues, mais aussi de ces associations et collectifs, qui informent régulièrement, notamment les parlementaires, en leur adressant des courriers et des documents – nous avons des milliers de témoignages de familles à votre disposition –, et qui ne comprennent pas que des politiques, des députés, puissent être choqués d'apprendre les faits relatés dans Les Fossoyeurs, car ils estiment que ces informations circulent depuis au moins deux ans.

Je veux exprimer la colère des familles auxquelles on refuse encore l'accès à l'EHPAD dans lequel se trouvent leurs proches au motif qu'on y a recensé trois ou quatre cas de coronavirus – alors que l'ensemble des résidents et des personnels sont vaccinés – et de celles qui n'ont pas pu accompagner leurs proches en fin de vie parce que les règles habituellement applicables en la matière ont été suspendues pendant la crise sanitaire.

Notre plateforme, publiée il y a environ un mois, regroupe onze demandes dont les dénonciations contenues dans le livre de M. Castanet attestent la pertinence. Ces demandes sont évolutives. Certaines d'entre elles peuvent être prises en compte presque immédiatement ; je pense à l'amélioration du CVS ou à la réforme du pouvoir de police des directions d'EHPAD, qui ne nécessitent ni intervention législative ni financement. Si le Président de la République le décidait, les CVS pourraient, dès demain, ou presque, fonctionner correctement et un EHPAD ne pourrait plus être fermé du jour au lendemain sans que les résidents et leurs familles sachent pourquoi. Pour le moment, non seulement on ne leur doit pas d'explications, mais elles n'ont aucun recours face à ce type de décisions, qui ne sont pas traçables. Ce n'est absolument pas acceptable ! D'autres demandes sont plus lourdes ; je pense en particulier à la loi consacrée au grand âge que nous réclamons.

Tôt ou tard, nous aurons tous un proche en EHPAD. Nous sommes donc tous concernés. Nous avons besoin de vous : vous pouvez nous aider et reconnaître le travail de ces collectifs et associations.

Je conclurai par une demande. La plateforme regroupe, je l'ai dit, divers collectifs et associations qui n'ont pas tous le même objet. Je souhaiterais donc que vous associiez chacun d'entre eux à votre démarche en les auditionnant également, pour entendre ce que je ne suis pas capable de dire avec leurs mots car, si je comprends leur colère, je ne la ressens pas de la même façon qu'eux. En tout état de cause, je vous remercie de nous avoir donné la parole.

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Nous avons bien conscience que le rôle des familles dans la vie des EHPAD est un enjeu important, comme en témoigne la création par notre commission d'une mission « flash » consacrée à cette question.

Vos associations ont en commun d'accorder une attention particulière à la situation des résidents afin de lutter contre l'isolement et les risques de maltraitance au sein des établissements.

Monsieur Collardot, votre plateforme appelle à créer un statut des aidants principaux et bénévoles. Quel devrait être, selon vous, le fondement de ce statut ? Dans quelle mesure est‑il susceptible de faciliter la vie des proches, notamment des proches aidants, et leur accès aux établissements ? Je précise que nous avons déjà beaucoup travaillé, au cours de la législature, à l'amélioration de la situation des aidants, en particulier sous l'angle de leur statut.

Dans son rapport de mai 2021, la Défenseure des droits fait le constat de la difficulté dans laquelle nous nous trouvons pour nous assurer du respect des droits fondamentaux des résidents. Elle propose notamment d'inscrire dans la loi un droit de visite quotidien du résident par ses proches dès lors qu'il le souhaite. Pensez‑vous qu'une intervention législative est effectivement nécessaire ou cette question relève‑t‑elle uniquement des bonnes pratiques observées sur le terrain ?

Vous partagez en outre le constat d'un défaut d'application des obligations législatives relatives au conseil de la vie sociale. Comment l'expliquez‑vous ? Comment son fonctionnement pourrait‑il être amélioré et comment pourrait‑il favoriser une meilleure information des résidents et de leurs proches quant à leurs droits respectifs ?

Enfin, pensez‑vous que des évolutions législatives permettraient de garantir la mise en œuvre de conseils de la vie sociale dans l'ensemble des établissements ? Nous avons évoqué, au cours des auditions précédentes, la plus grande place que pourraient avoir les familles au sein des EHPAD. On pourrait, par exemple, prévoir dans l'ensemble des établissements, indépendamment de leur statut, la présence d'un « référent familles » – ce serait un nouveau métier –, chargé d'assurer leur bonne information mais aussi leur participation, le cas échéant, aux décisions relatives à la gouvernance des établissements. Quel regard portez‑vous sur ce type de propositions ?

Monsieur Legay, nous avons tous conscience de l'urgence de la situation. C'est bien pour cela que nous nous sommes saisis de cette question dès 2017. Nous espérons comme vous que, demain, lors de la conférence des métiers, des mesures importantes seront annoncées.

Monsieur Czernichow, vous avez indiqué que 95 % des situations de maltraitance n'étaient pas connues. Pourquoi l'existence de votre plateforme ne fait‑elle pas l'objet d'un simple affichage dans l'ensemble des EHPAD ? On voit bien que l'actualité a provoqué un afflux d'appels.

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Nous savons que la présence des familles et des proches est un facteur essentiel du bien‑être des résidents ; l'entourage familial joue un rôle fondamental et contribue à une intégration réussie. Ainsi est‑il recommandé, dans un souci de transparence, d'intégrer au mieux les familles dans le cadre des démarches d'amélioration de la qualité de l'accueil et de la prise en charge des résidents.

En premier lieu, vos associations déplorent le fait qu'en raison de la mauvaise réputation des EHPAD, qui risque de s'aggraver à cause de l'actualité, les cellules familiales subissent une forte pression. Comment tisser des relations de confiance, que ce soit au moment de l'entrée en EHPAD du résident ou tout au long de son séjour ?

Vous avez également fourni de nombreux éléments liés à votre expérience durant la crise sanitaire – dont, je l'espère, nous sortons progressivement. Vous avez souligné d'abord les restrictions auxquelles vous avez dû faire face en raison des consignes sanitaires. De nombreuses familles se sont plaintes de la situation dans laquelle l'application de ces règles les avait placées. Quelles ont été, selon vous, les conséquences à moyen et à long terme de l'isolement dans lequel se sont trouvées, par la force des choses, les personnes âgées en EHPAD ?

Vous avez ensuite souligné les inégalités régionales. Quelle est la situation actuelle ?

Les EHPAD doivent redevenir des lieux de vie. Comment pensez‑vous apporter votre pierre à l'édifice ?

Quel bilan dressez‑vous de la gestion de la relation entre les EHPAD et les familles dans le cadre d'une crise épidémique ? Alors que nous passons, semble‑t‑il, d'une situation pandémique à une situation endémique, pensez‑vous que les établissements ont pu tirer de l'expérience des deux dernières années des enseignements qui leur permettent d'assurer la pleine présence des familles dans ces moments de crise aiguë ?

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Avez‑vous déjà reçu de la part de familles ou de professionnels des alertes concernant des cas de maltraitance survenus dans des établissements du groupe Orpea ? Si oui, combien de situations ont été portées à votre connaissance ? Avez‑vous déjà été en contact avec des responsables de ce groupe à ce propos et, si tel est le cas, quelles ont été leurs réactions ?

Les CVS associent‑ils suffisamment les résidents à la vie de l'établissement ? Avez‑vous des propositions d'amélioration à faire dans ce domaine ?

Enfin, quel lien avez‑vous avec les autorités sanitaires, en particulier les ARS, s'agissant de la remontée et du traitement des alertes concernant des cas de maltraitance ou de défaillance ? Avez‑vous, là aussi, des propositions d'amélioration à faire ?

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Monsieur Czernichow, vous évaluez à 95 % le taux des situations de maltraitance qui demeurent inconnues. Comment parvenez‑vous à ce résultat ? Par ailleurs, la nature des maltraitances varie‑t‑elle selon que les personnes âgées sont à domicile ou en établissement ?

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Le CVS me semble être un organe de proximité essentiel pour les résidents. Avez‑vous de bonnes pratiques à mettre en évidence dans ce domaine et, si tel n'est pas le cas, que faut‑il faire ?

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Vous connaissez tous trois très bien la situation. De quels moyens de communication disposent vos associations pour la faire connaître ? La politique, c'est aussi faire pression – on peut le regretter, mais c'est la réalité.

Au‑delà d'Orpea, l'enjeu, sociétal et démographique, est la place des personnes âgées dans notre société. Je suis toujours étonnée, lorsque je participe à des réunions publiques, de constater à quel point le citoyen lambda méconnaît les politiques relatives au vieillissement. Il est vrai que le Parlement a toujours été tenu un peu à l'écart de ces politiques, et il faut en finir avec cette situation.

Il serait néanmoins injuste de dire que nous n'avons rien fait, car nous avons pris un certain nombre de mesures. Hélas, très peu le savent. Au‑delà de la communication, c'est la manière dont sont menées ces politiques qui est problématique : elles restent l'apanage de quelques‑uns et des administrations centrales. Nous avons donc besoin de vous. Aussi, je souhaiterais savoir comment nous pouvons aider vos associations pour qu'elles participent à la communication et contribuent à changer le regard de notre société sur ces sujets. Les citoyens doivent être informés, et, pour cela, je compte sur vous !

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Monsieur Legay, vous avez évoqué mes travaux sur la démarche qualité en EHPAD. Leur mise en œuvre est en cours. Il s'agit essentiellement de faire évaluer les établissements, sur la base d'un référentiel commun, par des personnes accréditées par le Comité français d'accréditation. Pensez‑vous que cela suffira pour assurer de la transparence et restaurer la confiance dans les établissements ou, au contraire, qu'il faudrait aller plus loin ? Force est de constater que la défiance est très grande, et les événements récents la justifient.

Monsieur Czernichow, vous avez évoqué les situations de maltraitance et l'action de la plateforme 3977. Vous participez par ailleurs, comme moi, aux travaux de la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, qui existe depuis 2018. La plateforme 3977 reçoit actuellement beaucoup d'appels. Pouvez‑vous – je ne suis pas sûre que ce soit le cas – traiter tous ces appels ? Comment pourrait‑on faire pour pousser tout un chacun à donner l'alerte, car c'est le point de départ, mais aussi pour avoir, en parallèle, les capacités de traitement nécessaires ?

Je sais que c'est une question délicate tant que l'affaire n'a pas été complètement analysée, mais permettez‑moi de faire appel à votre expérience : dans le cas d'Orpea, considérez‑vous qu'il s'agit de maltraitance institutionnelle systémique ? C'est un point important. Dans l'affirmative, il faut l'intervention d'un tiers.

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Lucien Legay, vice

Est‑il vraiment utile d'inscrire dans la loi, comme le demande la Défenseure des droits, un droit de visite ? Il faudrait commencer par répondre à la question suivante : la chambre du résident d'un EHPAD constitue‑t‑elle ou non son domicile ? Si c'est le cas, le résident peut recevoir toutes les visites qu'il veut, à toute heure du jour et de la nuit. Sinon, il en va autrement, et on revient à la question du pouvoir de police évoqué par M. Collardot – la direction de l'établissement peut fixer des horaires, comme on l'a vu pendant les confinements. Des conditions invraisemblables ont été prévues : la chambre du résident est son domicile lorsque le personnel doit frapper à la porte et que les repas ne sont pas pris de façon collective.

Les dispositions relatives au CVS dans le code de l'action sociale et des familles ne font pas de distinction entre les établissements médico‑sociaux relevant du monde du handicap et ceux qui accueillent les personnes âgées. Or on ne peut pas traiter de la même façon les établissements accueillant de jeunes enfants et ceux où vivent des personnes de 80 ans. Par ailleurs, les textes en vigueur contiennent des ambiguïtés, depuis fort longtemps, concernant le nombre de représentants – on ne sait d'ailleurs pas s'il est question de représentants des résidents ou des familles – mais aussi la participation du directeur ou du gestionnaire.

Nous avons créé un groupe de travail sur ces questions et nous avons remis l'année dernière au ministère des propositions de corrections, lesquelles peuvent intervenir par décret. Nous avons reçu une réponse par courriel – un accusé de réception – mais jusqu'à présent peu de véritables concertations ont eu lieu. Une réunion a toutefois été programmée – elle doit se tenir au cours des prochaines semaines. On nous a d'abord oubliés, alors que nous avions remis un dossier complet, et ce n'est qu'en manifestant un peu notre étonnement – pour ne pas m'exprimer dans d'autres termes – que nous avons été raccrochés au train. Le texte proposé semble relativement éloigné de nos préconisations, mais je ne veux pas anticiper sur les conclusions de la réunion.

Nous avons connu deux années difficiles, marquées par des confinements différents. Nous avons été privés de témoignages, en tant que représentants d'associations, car les familles ne pouvaient plus entrer dans les établissements. Elles ne pouvaient plus voir comment étaient traités leurs parents. Ce n'est que lorsque les portes se sont un peu rouvertes qu'elles ont constaté que la longueur des ongles des mains ou des pieds était scandaleuse et que les toilettes étaient faites de manière approximative. Des témoignages des plus douloureux nous sont parvenus, mais il était difficile d'en savoir plus à l'époque.

Mme Peyron nous a interrogés sur les alertes concernant Orpea. Nous sommes tranquilles : nous n'en avons pas eu. Venant de clients de Korian, oui, au fil du temps, mais s'agissant d'Orpea, je n'en ai pas le souvenir.

Nous nous sommes posé une question en interne. Comment se fait‑il que les personnes qui résident dans les belles maisons d'Orpea, où le prix de l'hébergement s'élève à plusieurs milliers d'euros, n'aient pas eu des carnets d'adresses leur permettant de tirer sur les bonnes ficelles, compte tenu de leur souffrance et de leur détresse, pour faire intervenir les pouvoirs publics ? Ce ne sont pas d'anciens ouvriers spécialisés ou qualifiés ni d'anciennes femmes de ménage qui sont chez Orpea. Comment se fait‑il que ces personnes n'aient pas eu accès à des décideurs ?

Nous n'avons guère de relations avec les ARS. Les familles nous disent qu'elles s'adressent à elles mais n'obtiennent pas de réponses de leur part.

Il existait autrefois des comités départementaux des retraités et personnes âgées. Les handicapés et les personnes âgées relèvent désormais d'une seule structure, les conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA). C'est à peu près la même situation que pour les CVS : très peu de CDCA fonctionnent correctement.

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Pierre Czernichow, président de la Fédération 3977

Vous avez manifestement été touchés d'apprendre que, selon des estimations internationales, 95 % des situations de maltraitance sont méconnues. Nous n'avons pas de chiffres pour la France. Pour que ce soit le cas, il faudrait d'abord connaître l'ensemble des signalements et des alertes reçus par la justice, la police, la gendarmerie, les conseils départementaux, les ARS, les établissements, le 3977 et d'autres acteurs. Cela nécessiterait une harmonisation technique des informations recueillies mais aussi une volonté claire de les rapprocher et de surmonter toute une série d'obstacles juridiques relatifs au partage d'informations. Il faudrait ensuite disposer d'une estimation de la réalité des maltraitances. Certains pays développés y sont parvenus en organisant des enquêtes portant sur des échantillons représentatifs de la population, généralement les ménages, parce qu'il faut utiliser une autre méthodologie pour analyser spécifiquement ce qui arrive aux résidents des établissements. Jusqu'à présent, de telles enquêtes n'ont pas eu lieu en France. Nous proposerons dès demain matin – nous avons un rendez‑vous à la direction générale de la santé – d'aller dans cette direction. En l'absence de vision d'ensemble de la réalité, on a du mal à croire que les politiques publiques puissent être efficaces.

Pourquoi, si les estimations sont exactes, la réalité est‑elle à ce point méconnue ? Les victimes de situations de maltraitance, en particulier lorsqu'elles sont âgées, se plaignent très rarement, parce qu'elles ont souvent un lien – un lien affectif, un lien entre patient et professionnel ou parfois un lien d'influence – avec la ou les personnes en cause. Les proches, lorsqu'ils constatent une situation de maltraitance, notamment à domicile, ne sont pas très à l'aise face aux fréquentes implications familiales, qui sont considérées comme des questions d'ordre privé qu'on ne se voit pas trop exposer sur la place publique. Les professionnels qui interviennent à domicile ou dans les établissements sont en difficulté : leur rôle à l'égard de ces situations de maltraitance, dont le cadre va souvent au‑delà de telle ou telle prestation ou pratique professionnelle, ne leur paraît pas clair, et ils peuvent s'exposer à un risque, notamment sur le plan de la sécurité de l'emploi. Nous avons de multiples témoignages de professionnels ayant fait un signalement et dont le contrat n'a pas été renouvelé. Quant aux responsables d'établissement, l'existence de maltraitances et, plus encore, les rumeurs sont une catastrophe pour l'image de l'établissement : ils n'abordent donc pas facilement de telles questions. Nous sommes en contact avec beaucoup d'entre eux, sur le terrain, et nous sommes frappés par le discours dominant, qui consiste à dire qu'ils savent que la maltraitance existe et qu'ils sont pour la promotion de la bientraitance.

Mme Casagrande a remis un rapport sur la bientraitance dans le cadre de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico‑sociaux. On peut dire, en substance, que la bientraitance correspond à une forme d'apprentissage professionnel visant à permettre de répondre exactement aux besoins individuels de chaque personne dont on a la charge – c'est du travail à façon. Nous sommes, bien sûr, absolument convaincus que c'est un aspect majeur de la formation des professionnels qui interviennent auprès des personnes vulnérables, en particulier très âgées, mais à partir du moment où l'on considère que des maltraitances peuvent résulter de mécanismes institutionnels, les professionnels les mieux formés du monde, s'ils sont confrontés à des problèmes d'effectifs, d'organisation et de conditions de travail ou de management, ne pourront pas éviter les maltraitances.

Il faut se servir de ses deux mains : on doit, effectivement, promouvoir la bientraitance dans la formation des professionnels, encourager les efforts en la matière – Mme Vidal a parlé tout à l'heure de la démarche qualité, qui va dans ce sens – mais il faut également avoir, sur le terrain, un dispositif de veille quotidienne, impliquant les professionnels, pour observer ce qui se passe, analyser, discuter, comprendre et rechercher des solutions locales. Quand une situation de maltraitance remonte au niveau central, dans une ARS ou un conseil départemental, c'est le signe d'un échec : la situation n'a pas été identifiée sur le terrain, parfois pour de bonnes raisons, parce que cela dépassait les capacités d'analyse de l'établissement ou les réponses qu'il pouvait apporter.

La répartition des faits de maltraitance entre le domicile et les EHPAD correspond à la répartition de la population âgée : trois quarts des personnes vivent chez elles et un quart dans des établissements divers, y compris des résidences services, mais cela dépend beaucoup de l'âge. Au‑delà de 90 ans, la moitié de la population réside dans des établissements, contre 10 ou 15 % des plus de 75 ans. Cependant, comme nous ne voyons que 5 % de la réalité, et probablement de manière déformée, nous sommes très méfiants. Y a‑t‑il plus de maltraitance ici que là ? Nous ne sommes pas en mesure de présenter des conclusions solides, et il vaut donc mieux se taire.

J'en viens à la question des suites données. Lorsqu'ils mettent à plat une situation, nos centres commencent par interroger l'établissement en cause, car c'est là que se trouve la réponse. Quand nous n'arrivons pas à avancer, nous sollicitons d'autres acteurs, les conseils départementaux ou les ARS, mais la première démarche est de se tourner vers le responsable de l'établissement. L'écoute dont les ARS font preuve est diverse. Certaines sont très organisées et ont un référent accessible, au sujet duquel nous savons que si nous lui transmettons un dossier, des suites seront données rapidement.

Nos centres, qui analysent les situations et donnent des suites aux dossiers, sont constitués de bénévoles. C'est formidable en soi, mais la légitimité des bénévoles est quand même faible. Quand une association de bénévoles transmet un dossier à une autorité, qu'il s'agisse de l'ARS, du conseil départemental ou de la justice, il ne faut pas croire qu'on l'informe de ce qui se passe ensuite. On ne sait pas, en particulier, si la situation en question cesse ou non. Cela peut paraître normal, puisqu'il s'agit de bénévoles, mais en réalité, c'est plus que frustrant. Tant que nous n'avons pas de visibilité sur ce que deviennent les situations de maltraitance pour lesquelles nous avons sollicité telle ou telle institution, nous sommes incapables de dire ce qui marche et ce qui ne marche pas. Pour juger de l'efficacité de notre action, ce qui fait partie de nos préoccupations, nous avons besoin de visibilité.

L'ARS n'est pas l'interlocuteur unique. Une des difficultés, notamment pour les familles confrontées à des situations de maltraitance, est de savoir auprès de qui on doit se plaindre. Nous leur disons toujours de commencer par aller voir le cadre de santé, l'infirmière ou le directeur. Si cela ne marche pas, la question peut intéresser directement la justice, selon la nature des faits, s'ils sont graves et relèvent de sanctions pénales, l'ARS, surtout s'il s'agit des soins, ou le conseil départemental, si cela concerne la réponse à la situation de dépendance de la personne ou les conditions d'hébergement.

Du fait de la multiplicité des portes possibles et, il faut le reconnaître, d'un certain cloisonnement des institutions, les parcours sont complexes, obscurs. Nous aurions besoin, mais je ne vous apprends rien, d'un dispositif de coordination, tant du côté des alertes qui affluent que des réponses à apporter. Quelques expérimentations ont été menées ici ou là, notamment au sein de comités départementaux de recueil des informations préoccupantes, en 2014, mais il faudrait faire un bilan pour savoir ce qui fonctionne ou, au contraire, ce qui bloque.

Si nous ne sommes pas connus, c'est parce que nous ne sommes pas bons : nous avons besoin de nous améliorer, de nous faire connaître. Un affichage dans les lieux publics, notamment les établissements médico‑sociaux, c'est précisément la première demande que nous formulerons demain matin. Nous avons besoin d'améliorer notre diffusion, y compris par notre site internet.

Il a été question tout à l'heure de communication, mais il faut aussi parler de formation. Sans formation, en effet, on ne peut pas imaginer que les professionnels puissent agir avec efficacité, qu'il s'agisse de la prévention des situations de maltraitance ou des suites à donner en cas de problème. Pour changer la culture, il faut de la formation, initiale et continue.

La situation que nous constatons tous ne pourra pas faire l'objet d'une réponse ponctuelle. On doit agir sur de multiples facteurs, comme la formation, mais aussi la recherche sur les maltraitances, qui est à peu près inexistante en France, alors que nous avons besoin de savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il faut améliorer nos connaissances et détecter les problèmes, pour agir avant que les situations ne prennent un tour dramatique. Il y a toujours un début, la maltraitance ne surgit pas d'un seul coup. Le repérage précoce est un enjeu majeur pour les familles, les aidants et les professionnels qui interviennent à domicile. Quand on voit que quelqu'un n'est pas comme d'habitude, c'est un signe très important. Il faut également renforcer les suites données aux alertes. La réponse doit être politique et multiforme, sur des années – on ne réglera pas le problème en quinze jours. Nous plaidons, en somme, pour un véritable plan d'action contre les maltraitances.

Permalien
Patrick Collardot, président de l'association TouchePasMesVieux, porte

Ce que j'ai retenu des discussions avec les associations et collectifs de notre plateforme, qui mènent tous un travail spécifique, c'est qu'il faudrait doter les aidants principaux d'un statut leur permettant d'avoir les mêmes droits en matière de circulation dans les EHPAD que le personnel soignant, pour qu'on ne se retrouve pas, comme ce fut le cas au plus fort de la crise sanitaire, dans des situations où les familles ne peuvent plus du tout entrer dans les établissements, alors que des intervenants extérieurs peuvent s'y rendre pour travailler, étant entendu que si l'aidant principal bénéficie des mêmes droits que le personnel des établissements, il doit aussi avoir les mêmes obligations – porter un masque FFP2, par exemple.

J'aurais tendance à dire que si les CVS étaient une intuition géniale du législateur en 2002 l'échec est aujourd'hui évident. Moins d'un CVS sur cinquante fonctionne correctement. Pourquoi en est‑on là ? Tout d'abord, c'est parce qu'il n'y a pas de sanctions. Quand il a mis en place des mesures sanitaires durant la crise, le législateur a prévu une amende, de 135 euros, et les forces de l'ordre ont été chargées de s'assurer que la loi était respectée. Je suis persuadé que la création d'une astreinte de 100 euros par lit tant que le CVS d'un EHPAD ne fonctionne pas serait suffisamment dissuasive pour que les directions prennent le temps d'installer ces instances. Pour qu'elles fonctionnent correctement, il faudrait aussi qu'elles aient un pouvoir décisionnaire. Tous les acteurs des EHPAD, y compris l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD‑PA) et le Syndicat national des établissements et résidences privés et services d'aide à domicile pour personnes âgées, sont d'accord sur ce point. Cela fait partie des quarante‑quatre propositions présentées par l'AD‑PA.

S'agissant des maltraitances chez Orpea, nous avons reçu des témoignages – une petite dizaine dans le cadre de l'association TouchePasMesVieux. Je n'ai pas interrogé les autres associations et collectifs pour faire une synthèse, mais je peux vous dire que des témoignages remontent spontanément.

Vous avez également évoqué l'évaluation des EHPAD. Un des membres de notre plateforme a commencé à mettre en place un observatoire du grand âge grâce auquel des personnes pourraient se rendre de façon impromptue dans les EHPAD pour s'assurer que les conditions de prise en charge sont satisfaisantes.

Les ARS sont assez souvent considérées comme des recours possibles en cas de dysfonctionnement, mais nous avons eu beaucoup de témoignages de familles qui n'ont pas eu de réponse de leur part et qui, après les avoir contactées, sont devenues persona non grata. En l'absence d'autres solutions, les familles se tournent vers nos associations.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il me reste à vous remercier pour vos réponses et vos préconisations très claires.

La séance est levée à onze heures quarante.

Présences en réunion

Réunion du jeudi 17 février 2022 à 10 heures 15

Présents. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Thierry Michels, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, Mme Valérie Six, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal

Excusés. - M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, Mme Jeanine Dubié, Mme Claire Guion‑Firmin, M. Thomas Mesnier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Marie‑Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur‑Christophe