Intervention de Laurent Garcia

Réunion du mardi 22 février 2022 à 17h10
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Garcia, ancien cadre infirmier du groupe Orpea :

Si l'on en vient à s'exprimer, peut‑être est‑ce en raison de l'âge ou parce qu'à un moment de notre parcours, on se dit que cela ne peut plus durer, qu'il n'est plus possible de rentrer chez soi en larmes parce qu'on a fait « de la merde ». Il y a aussi les rencontres, les discussions entre amis, le courage face au risque de perdre son travail et ses revenus.

Pendant les trois années qu'a duré l'enquête de Victor Castanet, je n'étais pas serein, je risquais de tout perdre, des pressions se sont exercées mais vient le moment où l'on décide d'aller jusqu'au bout et que le combat doit être mené. Dès lors, il n'est même plus question de courage mais du combat d'une vie. Mes équipes sont fières de moi et cela me suffit.

Le système en vigueur était connu de nombre de politiques – Victor Castanet cite notamment Xavier Bertrand –, lesquels participent à de véritables magouilles. Le système existe parce qu'il y a de l'argent à la clé et que l'on est intéressé à sa pérennité.

À la maison de retraite Les Bords de Seine, j'ai connu une salariée syndiquée à la CGT qui menait un vrai combat. Pendant les huit mois où j'y ai travaillé, ils n'ont eu de cesse d'essayer de la virer. Le climat de peur qui est instauré est paralysant : on ne se plaint pas, on baisse les yeux et on travaille comme des forcenés.

Je pense à l'Observatoire du grand âge depuis six ans, date à laquelle mon mari a travaillé quelques mois pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Nous souhaitons que l'Observatoire collecte des témoignages, puisse mener des enquêtes sur des établissements ou des groupes qui nous ouvriraient leur porte. Nous essaierons, chaque année, de dresser un état des lieux des EHPAD pour cerner les choses qui vont et peuvent être partagées, et celles qui ne vont pas.

Depuis vingt ans, nous disons que nous manquons de personnels et, depuis vingt ans, nous ne sommes pas entendus. Peut‑être n'en sera‑t‑il plus de même si c'est l'Observatoire qui le dit, avec sa vice‑présidente, Florence Aubenas, et certains de ses membres comme Victor Castanet ou d'autres journalistes. Si la presse se saisit de ces problèmes, les choses pourront peut‑être s'accélérer, comme nous l'avons vu lorsque Le Monde a publié un article sur Les Fossoyeurs dès avant sa parution. Si tel n'avait pas été le cas, peut‑être n'en serions‑nous pas là aujourd'hui.

Nous avons besoin d'une autorité administrative indépendante de contrôle, à l'instar du CGLPL pour les prisons ou les hôpitaux psychiatriques, mais sa création dépend de vous, législateurs. Elle sera peut‑être plus difficile à mener à bien puisque les EHPAD dépendent des conseils départementaux mais, cela, c'est votre « tambouille », je n'y connais rien ! Quoi qu'il en soit, sans elle, rien ne sera possible.

Avoir des contrôles est positif bien sûr. Mais tant que nous n'aurons pas plus de personnels, ne venez pas nous contrôler ! En matière de soins, forcément, nous ne pouvons pas être bons.

En quinze ans, j'ai eu affaire à un seul contrôle et en tant que cadre infirmier, oui, j'ai été interrogé. Un médecin coordonnateur avec qui j'ai travaillé m'a confié que, lors d'un contrôle de l'ARS, il avait fait part du manque de personnels, ce à quoi il lui a été répondu qu'il payait trop bien ses soignants…

L'inspection du travail est venue contrôler les contrats à l'EHPAD Les Bords de Seine ; 130 d'entre eux n'étaient pas traités. Orpea a dû payer une certaine somme mais croyez bien qu'une société du CAC40 n'en a rien à faire ! C'est passé comme une lettre à la poste ! La seule et unique personne chargée de gérer les contrats avait, grossièrement, un an de retard pour traiter les dossiers des nombreux personnels vacataires.

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