Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 22 février 2022 à 17h10

Résumé de la réunion

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  • EHPAD
  • orpea
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 22 février 2022

La séance est ouverte à dix-sept heures dix.

Dans le cadre des auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea, la commission entend M. Camille Colnat, ancien directeur d'établissement du groupe Orpea, et M. Laurent Garcia, cadre infirmier.

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Mes chers collègues, nous poursuivons cette semaine notre cycle d'auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea, parallèlement aux quatre missions « flash » qui concluront très prochainement leurs travaux.

Après avoir entendu, la semaine dernière, les témoignages des familles de résidents, des associations et des avocats, il était indispensable que nous entendions les personnels des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Nous recevrons ce soir et demain matin les représentants des directeurs d'établissements, les organisations syndicales et les représentants des médecins coordonnateurs. Nous entendrons demain après‑midi le docteur Jean‑Claude Marian, président d'honneur du groupe Orpea.

Auparavant, il nous a semblé pertinent de recueillir les témoignages d'anciens salariés d'Orpea. Nous auditionnons donc cet après‑midi M. Camille Colnat, ancien directeur d'établissement du groupe Orpea, et M. Laurent Garcia, cadre infirmier ayant exercé dans la résidence Les Bords de Seine, longuement évoquée dans l'ouvrage de M. Castanet intitulé Les Fossoyeurs.

Messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de témoigner devant notre commission.

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Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de cette invitation. Je dois avouer que je n'aurais jamais imaginé me retrouver un jour devant vous. L'EHPAD des Quatre saisons, où je travaille en qualité de cadre de santé, ou d'« ambianceur », comme j'aime à le dire, et qui est situé en Seine‑Saint‑Denis, me paraît parfois si loin de vous ! Nos voix semblent parfois se perdre dans les méandres d'une administration où les interlocuteurs sont trop nombreux et où chacun semble renvoyer à la responsabilité à un autre. Nous sommes tous responsables.

Depuis plusieurs semaines, le sujet des EHPAD, et plus largement de la prise en charge de nos aînés, est au cœur de l'actualité. Nous ne pouvons que tristement nous en féliciter. Je souhaite qu'il le reste, et qu'il soit pris à bras‑le‑corps. J'ose espérer que les candidats à l'élection présidentielle s'en saisiront, sans faux‑semblants, sans fausse promesse.

Si la maltraitance a déjà été au cœur de l'actualité, elle a toujours été appréhendée de façon ponctuelle, en rapport avec un établissement ou une personnalité, comme autant de phénomènes isolés. Le livre de Victor Castanet a permis de dépasser le simple constat pour engager une réflexion plus large. Nous devons réfléchir à ce que signifie « vivre avec nos vieux » et à la façon dont nous voulons vivre notre vieillesse, car aucun de nous n'y échappera.

La question du grand âge est une des interrogations dont personne ne peut être exclu. Rendue visible par la crise sanitaire et les restrictions dont les résidents et leurs familles ont fait l'objet, ainsi que par le courage, voire l'abnégation dont les soignants ont fait preuve, la prise en charge des aînés ne peut être mise de côté, ni la réflexion renvoyée à plus tard. Il faut agir, ici et maintenant.

Réfléchir à l'EHPAD de demain suppose de réfléchir à celui d'aujourd'hui. Le nombre de personnes dont nous devrons nous occuper ne fera qu'augmenter. La crise sanitaire et le choc provoqué par la publication du livre Les fossoyeurs ont démontré que nous avons pris un chemin qui n'est pas le bon. Attention, n'entendez pas dans mes mots un simple « EHPAD bashing ». Les postes que j'ai occupés, dans les secteurs associatifs privé et public, m'ont également permis d'être témoin de magnifiques projets et de réflexions porteuses d'espoir.

Comment ne pas être enthousiaste en voyant les résidents de l'EHPAD des Quatre saisons participer à un projet d'opéra, en lien avec le Théâtre des Bouffes du Nord ? En les accompagnant dans les processus de Citoyennage, qui interdisent de réfléchir à la place des résidents mais les placent au cœur des initiatives ?

Comment ne pas être admiratif devant ces dizaines de résidents d'EHPAD venus des quatre coins de la France pour réfléchir à ce qu'ils veulent et à la façon dont ils souhaitent être acteurs de la société à laquelle ils appartiennent pleinement ?

Comment ne pas s'enthousiasmer sur les réflexions autour de l'architecture et plus largement l'environnement des lieux d'accueil ?

S'il s'agit de protéger les résidents, il ne s'agit pas de les isoler. La seule protection que nous leur devons est celle exigible par chaque citoyen. L'EHPAD doit être, non plus jamais un lieu caché, mais un lieu dans la cité. Les murs doivent tomber.

Une réflexion sur la prise en charge des aînés doit passer par un triple prisme : l'EHPAD est un lieu de vie, un lieu de soins et un lieu de travail. Ce n'est qu'au prix de cette lecture que nous pourrons créer un avenir désirable.

Un lieu de vie car il est rappelé à chaque résident admis en EHPAD que la chambre est sa chambre et l'EHPAD sa maison. Mais voudriez‑vous d'une maison où, dès votre entrée, on vous prend vos titres d'identité et vos moyens de paiement ? Où votre rythme de vie s'efface au profit de celui de la collectivité, ou plutôt celui des contraintes horaires imposées aux équipes soignantes ? Un lieu de vie est un lieu où l'on vous permet d'être vous‑même, et où aucun de vos droits ne peut être limité.

Un lieu de soins car nous ne saurions ignorer que l'entrée en EHPAD est de plus en plus tardive, ni que les résidents sont de plus en plus dépendants à leur entrée. Cette voie sur laquelle nous sommes engagés mériterait d'être repensée. Comment rendre attractive la venue en EHPAD pour que le lieu de vie ne s'efface pas au profit de celui du soin ? S'il s'agit de prendre soin, il ne s'agit pas de surprotéger, ni surtout d'isoler. Construire une réflexion sur le soin consiste aussi à accepter collectivement notre vulnérabilité. Dans les EHPAD, la mort est présente. Aucun soin n'empêchera le départ de ceux que l'on aime.

Un lieu de travail car un EHPAD ne peut fonctionner qu'avec la synergie de toutes ses composantes, de l'entretien à la cuisine, des toilettes à la prise en charge médicale, de la création de projet à la gestion de budget. Venir travailler en EHPAD à reculons ou y travailler avec le salaire pour seule ambition ne pourra jamais fonctionner. Il est temps de valoriser le travail de ceux qui prennent soin, non par une simple augmentation de salaire, mais par une augmentation du nombre de soignants et un regard bienveillant. Chaque résident est différent des autres et a des besoins spécifiques, comme moi, comme vous. Il faut que nous nous donnions les moyens d'adapter la prise en charge à chacun.

Si certains croient à l'industrialisation de la prise en charge, cette pensée est intimement liée à la velléité de réduire les coûts, coûte que coûte, pour que la silver economy soit l'une des plus lucratives qui soit, où les investisseurs affluent. Mais il s'agit de vos parents et de vos grands‑parents. Voulez‑vous réellement les penser comme un produit ? Je n'ai rien contre l'investissement privé, qui est certainement indispensable compte tenu du vieillissement de la population auquel nous devrons faire face. Au prix de restrictions sur le grammage de beurre et les protections urinaires ? Il s'agit ici de se dire que plus jamais la nourriture servie ne sera gonflée aux compléments alimentaires remboursés par les deniers publics, pour réduire les portions et augmenter les profits.

La verticalisation des prises de décisions au déprofit du terrain a permis toutes les dérives. Dans certains groupes, les décisions sont prises par des personnes qui ne connaissent aucun résident et ne savent pas qui ils sont, sur la seule base des courbes évolutives du taux d'occupation des établissements. Le soin ne peut être lié à une courbe. Les primes pleuvent pour ceux qui restreignent et économisent le plus. Le licenciement ou la mise au placard guettent ceux qui ne sont pas prêts à tout. Cela ne peut pas fonctionner. Nous parlons de personnes.

J'admets que les finances publiques ne sont pas un puits sans fond, mais elles ne doivent certainement pas servir de tremplin à la croissance des marges du secteur privé. La prise en charge des aînés doit être une priorité. L'investissement public doit être significatif, au profit de l'immobilier et de l'emploi. La mienne, en qualité de soignant, sera toujours le sourire du matin de Gaëlle, aide‑soignante, de Daniel, résident, et de tous les autres.

Si, notre vie entière, nous avons été des cœurs de cible pour quelques spécialistes du marketing, il est difficile d'admettre que notre vieillesse sera uniquement perçue comme une source de profit et un jouet pour cost killer. Vieillir ne peut pas être laissé à la réflexion de quelques entrepreneurs lobbyistes détenant le monopole de la gestion du vieillissement, que nous nous devons de rendre visible. Nous devons le regarder en face, et être là signifie que nous sommes prêts.

Aujourd'hui, nous pouvons parler. Nous sommes de ceux qui participent du début d'une grande réflexion. J'imagine sans mal que nous appelons à nous interroger collectivement sur la façon dont nous voulons vieillir ensemble. Le grand âge doit devenir une question prioritaire, car elle nous concerne tous.

En tant que personnel soignant, j'en appelle à une grande réflexion sur la prise en charge et les moyens que nous souhaitons allouer aux soins. En tant que président de l'Observatoire du grand âge, j'en appelle à un profond respect des droits et des libertés de nos aînés. En tant que citoyen, j'exhorte à la création d'une autorité administrative indépendante (AAI), seul organisme en mesure de contrôler non seulement le soin, mais aussi l'accueil, le lieu de vie, les conditions de travail et l'économie.

Mesdames et messieurs les députés, je compte sur vous. Grâce à vous tous, nous allons améliorer grandement la prise en charge de nos aînés, et de toutes les personnes vulnérables, notamment les jeunes enfants et les personnes souffrant de handicap. Une société qui fonctionne est une société qui n'oublie personne et qui est capable d'apprendre de ses erreurs. Il n'y aura plus de mur qui cache. Il y aura la seule volonté de rendre visible et de le rester.

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Camille Colnat, ancien directeur d'établissement du groupe Orpea

« Dis papa, là où tu travaillais, il est arrivé la même chose aux personnes âgées que ce qu'ils disent à la télévision ? ». Ces mots sont ceux de mon fils, mais aussi de mes parents, de mes amis, de mes étudiants, de mes collègues. Tous veulent comprendre comment une telle prise en charge des personnes âgées a pu exister.

Je m'apprête à relater des faits constatés dans le cadre de ma fonction de directeur d'un EHPAD du groupe Orpea, après des expériences professionnelles en qualité d'aide‑soignant, d'infirmier, d'encadrant de proximité puis de directeur qualité risque au siège d'un groupe de soins. J'ai exercé dans les secteurs associatifs, public et privé.

En rejoignant la résidence Sainte‑Anne, située sur le territoire où je vivais, j'ai découvert Orpea et son système. J'ai pris la décision d'en démissionner avant d'être abîmé par un conflit permanent et insoluble entre mes valeurs et les objectifs ainsi que les méthodes imposés, entre une obligation contractuelle de performance ainsi que d'excellence et l'absence des moyens requis pour s'y conformer.

L'EHPAD est un lieu d'accueil de personnes riches de leur parcours de vie et de leurs différences. C'est un lieu de vie où l'on prend soin d'eux. Le travail réalisé par les professionnels y est, dans la très grande majorité des cas, remarquable. Chaque jour, avec les moyens dont ils disposent, ils accompagnent nos aînés dans l'avancée en âge, en les aidant à maintenir leurs capacités. Je sais d'expérience combien la mobilisation des directeurs sur le terrain, en proximité des salariés et des résidents, est l'une des clés de voûte de la bientraitance. Je tiens à saluer leur professionnalisme, alors qu'ils assument une responsabilité pénale sans les outils ni les soutiens qui la justifient et la permettent.

Par‑delà toute analyse juste de l'existant, il est indispensable de faire œuvre de pédagogie, d'authenticité et de transparence au profit des personnes âgées et de leurs familles, ainsi que des professionnels, des institutions et des pouvoirs publics, et de la société dans son ensemble. Tel sera le fil conducteur de mon propos. Mon témoignage ne surprendra pas mon ancienne hiérarchie, que je n'ai eu de cesse d'aviser.

D'après le Larousse, un système est « un ensemble de procédés, de pratiques organisées, destinés à assurer une fonction définie ». À la lecture de cette définition, je me suis étonné d'entendre les dirigeants d'Orpea affirmer en audition qu'il n'existait aucun système chez Orpea. Quelle organisation de cette taille pourrait s'exonérer de procédés et de pratiques organisées pour atteindre ses objectifs et réaliser sa vocation ainsi que ses ambitions ?

Le premier système, dit de qualité, occupe plusieurs classeurs de procédures, élaborées unilatéralement au siège et s'imposant au directeur ainsi qu'à ses équipes. Les lire toutes m'a pris plusieurs jours. J'ai interrogé les référents qualité régionaux santé successifs sur des contenus qui m'intriguaient, notamment le plan bleu applicable en cas de crise ; je n'ai jamais obtenu de réponse. Que peut faire un directeur d'établissement auquel on a fait signer une conduite à tenir précisant que le directeur régional, après validation du directeur d'exploitation du groupe, est chargé de l'information des autorités en cas d'événements indésirables ? Une autre procédure prévoit que le directeur d'établissement signale les faits de maltraitance aux autorités. Cette injonction paradoxale permettait d'être conforme lors des contrôles.

Chez Orpea, il y a les écrits réglementaires et la réalité du système interne, qui s'impose à vous. Je me suis ému, la première année, lors d'une réunion mensuelle des directeurs, que l'on nous enjoigne à organiser le remplissage des enquêtes de satisfaction avec les résidents ou à leur place. Pendant cette période, un indicateur des retours reçus était suivi et chaque directeur devait s'en expliquer.

S'il est légitime de diriger un EHPAD en ayant à cœur les préoccupations économiques nécessaires, cela peut devenir foireux si les moyens dédiés sont prioritairement employés à financer une démarche où le profit guide les choix stratégiques. Et qu'en dire lorsque ce système devient tentaculaire ? Lorsqu'Orpea est devenu actionnaire d'une solution de télémédecine, on nous a demandé de la vendre aux médecins traitants et aux services hospitaliers du secteur.

Lorsque vous arrivez chez Orpea, le système commercial doit être intégré rapidement. Chaque directeur est immédiatement conditionné pour vendre la résidence, grâce à l'utilisation de nombreux outils, inspirés pour la plupart des secteurs les plus mercantiles. Cela commence par un circuit de visite, qu'il doit faire valider par la hiérarchie. Il veillera, par exemple, à montrer la seule chambre de la résidence entièrement rénovée. Une immersion dans un autre établissement précède toujours la prise de fonction et la divulgation des informations clés de l'établissement à diriger. À cette occasion, j'ai découvert que les salariés ou des stagiaires devaient visiter les établissements concurrents, les noter et tenir à jour un document transmis au siège.

Le personnel administratif doit relancer des prospects, inscrits dans un fichier. Tout retard dans cette tâche doit être justifié. À mon arrivée, cette tâche occupait plus de 40 % d'un poste de secrétariat de la résidence. L'objectif est d'être actif pour des prospects : agence de mise en relation rétribuée plus de 1 000 euros par résident admis, admissibilité à valider en quelques heures par un médecin coordonnateur (MEDEC) de la résidence, parfois sur dossier, sans connaissance de la structure.

L'efficacité de ce système était vérifiée par des appels mystères. J'ai le douloureux souvenir d'un tel appel, tandis que la résidence était en proie au covid‑19 et à de nombreux décès de résidents. L'appel avait été organisé et réalisé par des professionnels de la direction régionale. La détresse de la salariée ayant reçu l'appel m'a fait réagir. On m'a répondu que je n'avais nulle justification à solliciter. La réunion de région mensuelle suivante révéla que tous les établissements de la région avaient fait l'objet d'enquêtes par ce biais. Le taux d'occupation (TO) étant en baisse, des actions devaient être menées, à la demande du siège, afin de vérifier les éléments de langage employés par les agents d'accueil.

Ce TO quotidien a été mon cauchemar. Il devait être renseigné chaque matin avant dix heures, sous peine d'un rappel à l'ordre à dix heures une. Des tableaux prévisionnels du TO indiquaient, pour la quinzaine à venir, le nombre de résidents susceptibles de mourir. Tout écart avec les prévisions devait être justifié.

Le souci de limitation des coûts à tous niveaux est paroxystique. L'adoption de dispositions pour y parvenir est efficace. Elle permet de dégager rapidement des bénéfices. Le directeur reçoit ainsi les primes prévues. Je suis venu ce jour muni du document intitulé « Système de primes à destination des directeurs d'établissements ». Le directeur doit augmenter chaque année le bénéfice net d'exploitation de la résidence de 4 % à 9 % en seuil plateau, grâce notamment à des économies du même ordre.

Par exemple, il peut réaliser une économie directe en profitant de la convergence tarifaire pour faire un transfert de charge d'un poste d'auxiliaire de vie (AV) vers un poste d'aide-soignant (AS), en inscrivant la salariée concernée en validation des acquis de l'expérience (VAE) chez Domea. En cas de remplacement, il est demandé de réduire le temps de présence des remplaçants, qui peuvent être amenés à arriver une demi‑heure plus tard, ou à partir une demi‑heure plus tôt. Cela permet de réaliser de substantielles économies, tout en montrant aux autorités et aux familles des plannings où les professionnels sont remplacés.

La mécanique d'Orpea est au service de la moindre économie. Elle impose à chaque directeur d'établissement de justifier mensuellement, lors de l'élaboration du planning, les dépenses prévisionnelles qui seront validées et scrupuleusement respectées. La directrice régionale a indiqué à maintes reprises, en réunion mensuelle, que son n +1 lui demandait de maîtriser la masse salariale des établissements de la région, ce qui l'amènerait à refuser certains remplacements. Toute embauche en CDD était soumise à validation régionale. Toute embauche en CDI était soumise à validation nationale.

Si elle ne respectait pas ses prévisions en matière de coût‑repas journalier, de gestion de la masse salariale ou de taux d'occupation, la résidence apparaissait dans le « Flop 10 mensuel » en comité exécutif (COMEX), puis en réunion de région, en présence des directeurs des établissements de la région. Humiliante, cette pratique soumet le directeur à un plan de correction immédiat et à un suivi rapproché pendant plusieurs mois.

Comment ai‑je résisté à une telle mécanique ? Certainement grâce au sourire des résidents et aux encouragements d'une équipe consciente que mes efforts faisaient bouger les lignes, même si tout était toujours sujet à bataille, et elles furent nombreuses avec le siège. A titre d'illustration, lorsque j'ai constaté que l'eau pétillante était réservée à quelques résidences sur prescription médicale, j'ai démontré qu'il était possible d'installer des fontaines à eau pétillante pour tous sans surcoût.

Lorsque je prends mes fonctions, en juillet 2019, je découvre un établissement très éloigné du standing attendu de l'un des EHPAD les plus chers du département : ascenseur vieux de plus de trente‑cinq ans où des résidents restaient régulièrement coincés ; unités spécifiques pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer autorisées mais non installées ; lumière insuffisante dans les couloirs ; office de travail non ventilé ; jetées de lit effilochées ; lits médicaux et barrières non conformes aux normes ; mobilier de chambre vétuste ; bureau de l'adjoint de direction dans un local technique ; carrelage cassé dans la cuisine ; appel malades dysfonctionnel ; absence de wifi pour les résidents ; ruptures régulières du réseau d'eau chaude ; chambre froide en multipannes ; déclenchement intempestif de l'alarme incendie en cas de pluie. Il ne s'est pas passé une semaine sans nuit ou week‑end ayant nécessité mon intervention.

J'ai été recruté avec l'engagement que l'établissement était inscrit dans un programme de rénovation. Quinze jours après mon arrivée, j'ai appris que tel n'était pas le cas. La formidable équipe de cette résidence, à laquelle je rends hommage, m'a dit avoir l'habitude des promesses non tenues et des directeurs qui partent les uns après les autres. La présidente du conseil de la vie sociale (CVS) me tient le même discours, les élus locaux aussi.

J'avais pris l'engagement de remettre l'établissement à un niveau digne pour les résidents. Pour tenter d'y parvenir, il m'a fallu comprendre les systèmes, les dispositifs et les rouages internes à Orpea ainsi que ceux des financements publics. En effet, l'obtention du soutien d'un projet par une fondation, l'agence régionale de santé (ARS) ou le conseil départemental était un déclencheur pour le siège d'Orpea.

L'arrivée du covid‑19 dans la résidence confirma que la vision mercantile et l'image donnée primaient sur la qualité des prestations. Pour rassurer les familles et communiquer positivement auprès d'elles, Orpea a investi dans des machines à désinfecter les chambres. Ce que les familles ignoraient, c'est que chaque machine était utilisée par trois établissements, en l'espèce ceux de Nancy, Heimsbrunn et Schiltigheim. Je me vois encore prendre la voiture, rouler six heures, traverser deux fois un col enneigé et découvrir, en rentrant le soir, l'ascenseur bloqué entre deux étages, portes ouvertes. Après mes alertes répétées, le service travaux a décidé, sans me consulter, d'immobiliser définitivement l'ascenseur. J'ai dû menacer de saisir l'ARS et de faire intervenir le directeur médico‑social France pour qu'une solution provisoire soit mise en œuvre par l'entreprise chargée de la maintenance de l'ascenseur dans l'attente de son changement.

Pendant ce temps, j'ai bataillé pour que le service de dotation du siège, qui gérait le matériel, déclenche la livraison des masques FFP2 refusés à l'établissement. Pendant ce temps, j'ai commandé des produits d'hygiène pour nettoyer les locaux puis appris que le fournisseur ne pouvait honorer la commande, au motif que j'avais dépassé de quelques euros le budget alloué par Orpea à cet effet. Pourtant, la résidence a dégagé un excédent de plus de 100 000 euros en 2020. En outre, ces produits, en raison de la crise du covid‑19, relevaient de lignes de crédit non reconductibles alimentées par de l'argent public versé directement par l'État. Le fournisseur m'a indiqué que me livrer infligerait à sa société des pénalités, faute d'avoir respecté le budget du contrat‑cadre conclu avec Orpea. Outré, en colère, j'ai rappelé au service achats que la responsabilité pénale du directeur d'établissement peut être engagée.

L'amour du métier, l'envie d'accompagner cette équipe, la volonté de donner de la vie et le sourire aux résidents de l'EHPAD, et l'accueil chaleureux des habitants de ce village n'effacent pas certaines images et aberrations managériales. Elles m'ont hanté. Il fut difficile pour moi de voir une directrice régionale, épuisée par quinze injonctions paradoxales du siège, en pleurs dans mon bureau, et de servir des éléments de langage à des familles conscientes de ce qui se passait et inquiètes. Il y a des images que je ne pourrai jamais oublier.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère vous avoir fourni quelques éléments d'une réflexion utile, au profit d'actions justes et efficaces. Je me réjouis qu'elle pose les fondamentaux d'un système d'accueil de nos aînés vertueux et cohérent, répartissant et évaluant équitablement les moyens et les responsabilités mobilisés.

Imaginons qu'il ne serait plus admissible que des courriers soient envoyés aux familles au nom du directeur sans son consentement. Imaginons que les autorités de tarification et de tutelle, en matière de gestion de l'établissement, aient pour interlocutrice la direction de l'établissement. Imaginons que les infirmiers diplômés d'Etat (IDE) encadrants ne puissent exercer cette fonction qu'à l'issue d'une formation diplômante, associée à un référentiel de compétences intégrant les dimensions managériales et réglementaires de cette fonction.

Imaginons que les groupes privés bénéficiant de fonds publics d'un montant supérieur à 153 000 euros déposent, comme les associations, leurs comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes sur la plateforme du Journal officiel. La transparence, la rigueur et l'équité l'exigent. Les contrôles sur les prestations d'hébergement et leurs modalités de financement seraient renforcés, mobilisant souvent l'argent public par le biais des aides sociales, même chez les opérateurs privés.

Il est sans doute essentiel de repérer et de déjouer d'emblée les failles d'un système et de prévoir des modalités d'analyse et de contrôle véritablement utiles, ni chronophages ni prohibitives. La complexité et l'ampleur du sujet requièrent la rigueur des acteurs, ainsi que la limpidité et la simplicité des procédures et des actions.

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Je vous remercie, messieurs, pour vos interventions riches et étayées, ainsi que pour vos propositions et préconisations.

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Merci, messieurs, pour la force et la sincérité de vos témoignages. Vous nous proposez des pistes pour mettre fin aux pratiques, et même au système, que le groupe Orpea pousse à l'extrême dans le seul but de dégager des profits financiers. Tout est bon pour réduire les coûts, au détriment du bien‑être et de la santé des résidents : la nourriture et les protections sont rationnées ; la masse salariale est réduite, en dessous du strict minimum ; le taux d'occupation est maximisé pour accueillir le plus de résidents possible, au‑delà des capacités d'accueil. Tout est orchestré pour dégager des profits, y compris sur des postes financés par de l'argent public : utilisation massive de CDD et d'intérimaires ; maximisation, pour l'assurance maladie et les mutuelles, du coût de chaque patient ; réalisation systématique de marges arrières sur les contrats conclus avec les fournisseurs.

Je tiens à exprimer une nouvelle fois, au nom du groupe La République en marche, notre indignation face à ces méthodes détestables, qui visent à réaliser des profits aux dépens de nos aînés, de leur confort, et même de leur dignité, lorsque ceux‑ci sont outragés. Je veux redire notre soutien aux familles qui se sacrifient pour leurs proches, ainsi qu'aux professionnels qui les accompagnent avec dévouement. Dans ce système, l'humain est oublié. Les directeurs d'établissement sont devenus les simples exécutants d'une politique de groupe dévoyée. Rares sont ceux qui connaissent les résultats de leur établissement et le nombre de postes auquel ils peuvent prétendre. Rares sont ceux qui peuvent conserver une mission opérationnelle et gérer leur établissement au quotidien, en adaptant le matériel et les ressources humaines aux besoins des résidents.

Les personnels soignants, les infirmiers, sont eux aussi en souffrance. Ils sont conduits à exercer un métier qui a perdu de son sens, qui ne leur permet plus de prendre soin des résidents comme ils le souhaiteraient. En tant qu'anciens employés du groupe Orpea, avez‑vous effectivement constaté, sur le terrain, les dysfonctionnements décrits dans le livre de Victor Castanet ? Considérez‑vous que ces méthodes sont propres au système Orpea ? Ou bien sont‑elles répandues dans d'autres établissements privés à but lucratif, voire ailleurs ?

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Messieurs, vous nous avez décrit une situation peu acceptable et j'ai une pensée pour toutes celles et tous ceux qui travaillent dans ces établissements, et pour vous‑mêmes, qui avez subi de telles contraintes, et je dirais même de telles humiliations. En effet, on sait combien il importe, dans ces métiers, d'être au plus près de l'humain et de valoriser les personnes dont on s'occupe. Vous avez évoqué le manque structurel de personnel, les pratiques de rationnement, l'organisation de marges arrière, le défaut de suivi médical, les négligences graves. Vous avez vous‑même constaté ces défaillances.

Lorsque vous étiez alertés par des familles ou des professionnels, lorsque vous étiez informés de situations de maltraitance survenus dans des établissements du groupe Orpea, que faisiez‑vous ? Combien de cas de ce genre ont été portés à votre connaissance ? Avez‑vous été en contact avec des responsables du groupe à ce propos ? Et, si tel est le cas, quelles ont été leurs réactions ?

Ne faudrait‑il pas, pour chaque établissement, un médiateur extérieur, que les résidents et les familles contacteraient en cas de problème ? Que faire pour favoriser la communication et la transparence ? Depuis la loi Kouchner, les patients sont associés au fonctionnement de l'hôpital. Ne faudrait‑il pas, de la même manière, que les résidents et les familles soient davantage associés au fonctionnement des EHPAD ? Il me semble que les instances de contrôle devraient jouer pleinement leur rôle dans la prévention de la maltraitance de nos aînés, dans les établissements privés comme dans les établissements publics.

Lorsque vous étiez en fonction, votre établissement a‑t‑il fait l'objet de contrôles de la part de l'ARS ou du conseil départemental ? Comment ces contrôles s'exercent‑ils concrètement ? Quels liens entreteniez‑vous avec les personnes chargées d'effectuer ces contrôles ? Rencontraient‑elles les employés de l'établissement ? S'intéressaient‑elles au fonctionnement réel de l'EHPAD ? Quelle était la procédure de signalement ? En avez‑vous été destinataire ? Comment se déroulait ensuite la remontée d'informations ? Que pouvait faire concrètement, dans ces cas‑là, le directeur d'établissement ou le cadre infirmier que vous étiez ? Vos propos nous ont déjà montré que vous ne pouviez pas faire grand‑chose...

La surveillance des établissements semble défaillante. Partagez‑vous ce constat ? Quels outils pouvez‑vous nous proposer pour qu'un contrôle efficace soit mis en œuvre sur le terrain ?

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Sibille (Dem). Messieurs, comme vous nous l'avez rappelé, nous avons tous une part de responsabilité dans la manière dont nos aînés sont accompagnés et pris en charge – chacun à notre niveau. Je souhaiterais revenir sur vos rôles respectifs de directeur et de cadre de santé dans la vie d'un EHPAD. Vous aviez l'un et l'autre une grande polyvalence et de nombreuses tâches administratives. Combien de temps passiez dans vos bureaux, à remplir des dossiers et à accomplir les procédures que vous nous avez décrites, alors que votre rôle était surtout d'entretenir des relations avec les résidents et leur famille, ainsi qu'avec le personnel soignant et aidant ? Il semble essentiel de redonner du temps à l'humain.

Certains rapports préconisent un regroupement des établissements en vue de mutualiser les fonctions support. Ma question est simple et vise aussi bien les groupes commerciaux que les groupes publics ou associatifs : quelles sont vos propositions pour que ces services support transversaux – achat, ressources humaines, qualité – soient au service des directeurs d'EHPAD, alors que ceux‑ci, pour l'instant, ne font qu'obéir à des injonctions ? Faut‑il renforcer le niveau d'exigence dans la formation professionnelle des directeurs d'EHPAD ?

Par ailleurs, faudrait‑il, selon vous, que les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) soient discutés directement avec les directeurs d'établissement, et non avec la personne morale qu'est le groupe privé, public ou associatif ? Ces modifications de fonctionnement sont-elles de notre responsabilité ?

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Je veux redire combien nous avons été effarés par les révélations du livre de Victor Castanet, même si nous avions déjà connaissance de certaines réalités et de pratiques qui ont contribué à la mise en place d'un système souvent maltraitant pour nos aînés ; un système où une logique de rentabilité permanente préside à la gestion des établissements et anime probablement les actionnaires de ces groupes. Faisons en sorte que ce nouvel épisode permette une prise de conscience nationale autour de la question du grand âge, afin de changer rapidement de modèle.

Je vous remercie pour vos témoignages, qui sont très utiles pour appréhender les conditions de travail des cadres et des personnels soignants dans ces établissements. Vous nous avez fait part de vos réussites, puisque vous en avez connu, comme de vos difficultés, et vos propos ne font que confirmer un constat déjà largement partagé. Mais quelle réponse la société peut‑elle y apporter ? Dans nos circonscriptions, nous avons tous eu connaissance de traitements dégradants. Ce qui est le plus terrible, ce sont peut‑être les réponses que nous font les ARS : elles nous disent régulièrement qu'elles ne relèvent aucune insuffisance dans les prises en charge. Or on s'aperçoit que les contrôles sur lesquels elles se fondent sont très insuffisants et ne vont jamais au bout des choses.

C'est, pour les résidents et les familles, un déni terrible, puisque l'institution a toujours raison, toujours le dernier mot face à la souffrance des personnes. Cela n'est plus acceptable. Vous nous avez donné quelques pistes, vous nous avez dit qu'il fallait protéger sans isoler et je trouve que c'est vraiment juste. Quel système pourrait‑on introduire pour garantir une parfaite transparence et pour que de tels faits ne soient plus jamais possibles ? Comment faire pour que toute personne qui place un proche dans ce type d'établissement puisse savoir et comprendre ce qui s'y passe ? Comment faire pour que le droit des personnes soit respecté et que le dialogue ne s'arrête pas aux portes de l'établissement ?

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Au nom du groupe Agir ensemble, je veux redire mon indignation face à la gravité des faits dénoncés dans le livre de M. Victor Castanet et exprimer toute ma compassion aux résidents et aux familles concernées. Je veux aussi avoir un mot pour les personnels des EHPAD qui, vous l'avez dit, effectuent, dans leur écrasante majorité, un travail remarquable pour prendre soin de nos aînés avec la plus grande dignité. Je veux les en remercier, eux qui sont les victimes collatérales d'un scandale et d'un système qui les dépassent.

Les accusations qui pèsent sur le groupe Orpea sont graves et il est essentiel que vous puissiez éclairer la représentation nationale car, même s'il s'agit de structures privées, les EHPAD gérés par le groupe Orpea bénéficient d'importants financements publics, de la part de l'État ou des collectivités. Nous ne sommes pas un tribunal ; des enquêtes sont en cours, qui permettront de faire la lumière sur les faits rapportés. En tant que législateur, il est en revanche de notre devoir de comprendre le fonctionnement de vos structures et d'identifier les failles qui peuvent conduire à des situations de maltraitance, afin d'y remédier.

Je comptais vous demander, tout d'abord, s'il y a bien selon vous un « système » Orpea, mais vous avez déjà répondu à cette question. J'aurais préféré vous entendre dire que les faits de maltraitance ne sont que des cas isolés, qu'il ne faut pas généraliser, mais vous nous avez montré que le cynisme du groupe va jusqu'à écrire le mot « système » sur les documents qu'il vous adresse. Cela nous écorche les oreilles et remet en cause les fondements même de ce que nous voulons voir offrir aux résidents.

Pouvez‑vous détailler le rôle du médecin coordonnateur, que vous avez évoqué très rapidement ? Quelle était sa fonction dans les structures où vous avez exercé ? Son rôle est tout de même essentiel et il est tenu par un serment...

Enfin, pouvez‑vous nous en dire davantage sur les contrôles ? Quelle suite leur est donnée ? Quelle réponse leur est apportée ? Le contrôleur a‑t‑il un droit de suite au sein des établissements ?

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Je vous remercie de vos témoignages et je tiens à saluer le courage dont vous faites preuve en parlant à visage découvert. Le message que vous adressez à tous vos collègues – directeurs, cadres infirmiers, infirmiers, aides‑soignants – est essentiel car votre témoignage va leur donner la force de dire à leur tour : « Non, maintenant, ça suffit. » C'est important et je vous en remercie très chaleureusement.

Je vois, monsieur Colnat, que vous êtes consultant en management, spécialiste de la responsabilité sociale des entreprises. Vous avez eu une expérience dans plusieurs groupes d'EHPAD privés – Korian, Saint Sauveur, Orpea. La recherche du profit prime‑t‑elle toujours sur la qualité de vie des résidents ? Quel regard portez‑vous sur le secteur privé lucratif et, surtout, que pensez‑vous de l'idée, qui se répand aujourd'hui, de transformer les groupes commerciaux travaillant auprès des personnes dépendantes en entreprises à mission ?

Je suis corapporteure, avec mes collègues Pierre Dharréville et Caroline Janvier, de la mission flash relative à la gestion financière des EHPAD. Monsieur Colnat, vous qui avez été directeur d'établissement, pouvez‑vous nous expliquer comment, sur la section d'hébergement, étaient financés les frais de siège ? Est‑ce que le bénéfice remontait intégralement ? Ou bien une part forfaitaire était‑elle prise sur le forfait hébergement ?

Monsieur Garcia, vous êtes soignant. Les soignants sont libérés du secret médical quand ils sont témoins d'actes de maltraitance. Qu'est‑ce qui fait que les soignants ne peuvent pas alerter les autorités sur les faits qu'ils constatent ?

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À mon tour, je veux vous remercier pour votre témoignage. Votre prise de parole est forte, courageuse, sensible et nécessaire.

Vous nous avez donné de nombreux renseignements qui vont nous être précieux pour effectuer le travail politique qui est devant nous. La première question que je me pose est une fausse question : comment pouvait‑on ignorer tout cela ? Des rapports avaient été faits ; des témoignages existaient dans l'espace public. La question montait et on se demande finalement pourquoi les autorités sanitaires n'ont pas pris la mesure de ce phénomène. Comment l'expliquer ? Est‑ce à cause du poids d'Orpea ? Est‑ce que les choses étaient vraiment dissimulées ?

Vous avez décrit un système fondé sur des pratiques managériales extrêmement brutales, qui vous dépossèdent de votre responsabilité, tout en vous forçant à assumer des actes commis par d'autres. La perversité des logiques d'argent qui sont introduites dans la gestion de ces établissements ne conduit‑elle pas mécaniquement à cela ? On imagine qu'il existe des systèmes différents, des cultures d'entreprise différentes. Comment pourriez‑vous caractériser la culture d'entreprise d'Orpea ?

Enfin, s'agissant du financement, pourriez‑vous nous décrire les mécanismes qui permettaient de dégager des marges, en jouant peut‑être, dans les comptes, entre le soin et la dépendance, d'un côté, et l'hébergement, de l'autre ?

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Monsieur Martin, j'ai travaillé pour trois grands groupes privés et je peux vous dire que ça dysfonctionne partout, mais pas comme chez Orpea. À partir du moment où la pression est mise sur le TO, cela ne peut que dysfonctionner : chez Orpea, il fallait en rendre compte chaque jour ; chez Korian, chaque semaine.

Tous les établissements dysfonctionnent, du fait d'abord du manque de personnel. Depuis vingt ans, nous sommes en souffrance et appelons à l'aide. Et, après deux années de pandémie, imaginez l'état d'épuisement de nos équipes ! Il y a de la maltraitance dans l'EHPAD où je travaille actuellement, parce que le soir, j'ai trois soignantes pour coucher une soixantaine de résidents en une heure, entre dix‑neuf et vingt heures. La maltraitance, elle est là.

Le vrai problème, dans le privé, c'est que ce sont des commerciaux qui font visiter les établissements et les chambres. Ils promettent beaucoup de choses aux familles et ce sont les équipes, les soignants, qui en subissent les conséquences. L'EHPAD Les Bords de Seine est absolument magnifique. Quand un commercial fait visiter une chambre à 300 euros la nuit, il dit à la famille que tous ses souhaits seront exaucés. Le problème, c'est qu'il n'a jamais travaillé dans le soin : il fait des promesses que les équipes ne peuvent pas tenir. C'est l'un des grands problèmes du secteur privé. Ce ne sont que des promesses ; rien n'est transparent, rien n'est affiché. Dans l'établissement public où je travaille désormais, les familles sont au courant que les soignantes ne laveront pas les dents de leur papa ou de leur maman le soir, puisqu'elles ne sont que trois et qu'elles n'ont qu'une heure pour s'occuper de soixante‑cinq résidents. Au moins, les familles sont au courant.

Monsieur Perrut, vous demandez ce que nous avons fait, lorsque nous avons constaté des cas de maltraitance. Lorsque je travaillais à l'EHPAD Les Bords de Seine, j'ai réuni une trentaine de familles et nous avons contacté le Défenseur des droits. Nous avons été reçus et j'ai été auditionné pendant une matinée. Après cela, il y a eu le fameux rapport de 2018, dont on parle beaucoup. C'est très bien, mais ni l'établissement ni le groupe n'y sont cités. Ils sont surpuissants, chez Orpea, rien ne leur fait peur. J'étais désespéré quand, à la fin de mon audition, qui a duré quatre heures, on m'a dit qu'on ne pouvait pas citer le groupe. Le jour où j'ai été viré – parce que j'ai été viré – j'ai dit aux familles que je ne savais pas ce que j'allais faire, mais que je ferais quelque chose. Les années ont passé, les familles me rappellent et me remercient. J'avoue que cela fait plaisir.

Nous avions aussi fait appel à SOLRES 92, un organisme auquel les familles et les soignants peuvent faire appel lorsqu'ils constatent des cas de maltraitance. Avec quelques familles et quelques soignants, nous les avons rencontrés et ils ont fait quelques préconisations. Mais la direction n'y prête aucune attention.

M. Isaac‑Sibille a évoqué les CPOM. Mesdames et messieurs les députés, les CPOM sont la porte ouverte à tout : on donne un budget aux établissements et ils en font ce qu'ils veulent. La loi qui les a introduits a été faite uniquement pour les groupes privés, il faut ouvrir les yeux. Les CPOM sont un dispositif révoltant. Ces groupes ne seront plus hors la loi, ils pourront faire exactement ce qu'ils veulent de cet argent. J'ai honte, parfois.

Je ne sais pas très bien en quoi consistent les contrôles des ARS : depuis quinze ans que je fais ce métier, j'en ai eu un seul. Les contrôles ne sont pas assez nombreux, c'est évident. Par ailleurs, les contrôles des ARS portent sur les soins. Ce sont donc les soignants qui sont pointés du doigt, parce qu'ils n'ont pas mis la croix dans la bonne case ou parce qu'ils ont oublié, le 6 du mois, d'indiquer la température du frigo. Ce que pointent les contrôles des ARS, ce sont des choses de cet ordre : c'est aberrant ! Je l'ai dit, un EHPAD est avant tout un lieu de vie ! Compte tenu des effectifs que nous avons dans nos établissements, très sincèrement, peu importe la température du frigo. Ce que je veux, c'est que les résidents aient le sourire et que les salariés se sentent bien et aient plaisir à venir. J'aimerais bien qu'on vérifie la température du frigo tous les jours, mais avec quel personnel ? Comment fait‑on ? Je n'ai pas de solution.

Madame Victory, vous demandez comment on peut renforcer la transparence. Très sincèrement, je n'ai jamais vu de transparence dans les trois groupes privés où j'ai travaillé. Il n'y a aucune transparence, on ne sait pas ce qui s'y passe. On rame, on court, on essaie de faire au mieux, mais le soir – et j'en parle souvent avec mes équipes –, on n'est pas très fier. C'est difficile, mais on est quand même là, sur le bateau, on essaie de ne pas couler.

Monsieur Christophe, vous m'avez interrogé sur le rôle du médecin coordonnateur. Aux Bords de Seine, son rôle est de recevoir les familles et de faire les ordonnances que les familles désirent. Les visites de préadmission n'existent pas aux Bords de Seine : les résidents rentrent, quel que soit leur état. Les équipes reçoivent les ordonnances au dernier moment mais ce n'est pas très grave, parce que le pharmacien est un copain de l'un des dirigeants du groupe. Le médecin coordonnateur n'a aucun rôle, aucun pouvoir. Il ne peut pas s'opposer à une entrée : c'est comme ça et pas autrement. Alors les médecins coordonnateurs défilent aux Bords de Seine, ils ne restent pas. Il m'est arrivé de travailler avec un médecin coordonnateur formidable, mais il était enchaîné, comme moi. Des médecins de ville intervenaient aussi et mes équipes se retrouvaient avec deux ordonnances différentes. Cela arrivait souvent. Je suis allé plusieurs fois me plaindre auprès de la direction régionale, qui est installée au sixième étage des Bords de Seine. À certains moments, on faisait des entrées à la pelle : les gens allaient payer, ils entraient, point.

Je me souviens d'une princesse iranienne, dont la famille vivait à New York et qui était totalement démente. Elle était logée dans une suite au premier étage, comme la famille l'avait demandé, mais elle était désespérée, totalement perdue. Elle était clairement maltraitée. La famille avait pris deux dames de compagnie qui filmaient les soignantes, quand elles entraient, et qui envoyaient ces images au fils, à New York. Cela me touche beaucoup de vous raconter cela, et c'est seulement un exemple parmi d'autres.

Au premier étage des Bords de Seine, il y avait trente‑trois résidents, dont quelques « VIP ». Le matin, je disposais d'une seule soignante pour aider les résidents à se lever et à prendre leur petit déjeuner entre sept heures et neuf heures trente. Je ne voulais pas faire le travail à sa place, parce que j'avais l'espoir qu'à un moment, ça explose. Donc je l'aidais, mais en cachette. Malgré tout, la plupart de ces résidents ne déjeunaient pas : le plateau repartait sans qu'ils y aient touché. Vous imaginez ce que c'est pour un soignant, ce que c'était pour moi, de me dire que je n'avais rien fait pour que cela change. Une fois, j'ai retrouvé une résidente nue sous la douche : la soignante avait tellement de travail qu'elle l'avait oubliée.

Tout cela s'est déroulé dans un établissement d'un luxe inouï. Quand on arrive aux Bords de Seine, on en prend « plein les yeux » : il y a une piscine intérieure chauffée à 37 degrés, une moquette très épaisse – ce qui ne facilite d'ailleurs pas la circulation des chariots pour les soignantes et les soignants.

J'ai tenu huit mois, j'ai perdu huit kilos, j'ai arrêté de travailler pendant quelque temps, parce que je pensais que j'étais nul, que j'étais incapable. Ce groupe est une machine à broyer les salariés. L'un de vous m'a demandé pourquoi les soignants ne signalent pas ces faits. Quand vous travaillez en tant que vacataire, avec des petits contrats renouvelés pendant des années et que vous signalez quelque chose, vous vous faites virer. J'ai beaucoup parlé avec les soignantes. Orpea est le plus grand groupe privé ; elles se disent que si elles partent, elles vont être « black‑listées » dans tous les établissements et qu'elles ne trouveront plus de travail. D'autres sont tellement épuisées qu'elles ne peuvent plus lutter. Déposer plainte, cela coûte cher ; prendre un avocat, cela coûte cher ; aller au bout d'une procédure judiciaire, cela coûte cher. C'est pour toutes ces raisons qu'elles ne disent rien, qu'elles ne font rien. Mais elles pleurent, je peux vous le dire.

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Camille Colnat, ancien directeur d'établissement du groupe Orpea

Je vais essayer de répondre à l'ensemble de vos questions. Certains points concordent avec ceux du témoignage de M. Garcia.

Un élément est commun aux groupes privés : l'absence de transparence. D'où la difficulté pour vous répondre sur la manière dont les frais de siège sont prélevés sur un budget. Je ne sais pas comment cela est réalisé. Cela peut paraître étonnant qu'un directeur ne puisse pas répondre à cette question, mais je ne suis même pas certain que le budget qui était attribué par Orpea à mon établissement correspondait à celui accordé par les autorités de tarification. Il ne m'appartenait pas de traiter directement avec ces autorités.

C'est peut‑être la première évolution à prévoir : qu'aucun budget ne puisse être défini sans que le directeur de l'établissement ne soit associé à la démarche d'élaboration menée avec les autorités de tarification. Au cours de ma carrière, je n'ai pu constater une telle participation que dans les structures privées associatives, où les directeurs d'établissement ont voix au chapitre en ce qui concerne la répartition du budget. D'ailleurs, dans un certain nombre de structures associatives, le budget du siège est défini de manière claire et transparente avec le conseil départemental.

Quelle est l'origine des différents dysfonctionnements constatés chez Orpea et comment fonctionnent les alertes ? Comme je vous l'ai indiqué dans mon propos liminaire, on nous fait signer un document intitulé Conduite à tenir, dans lequel il est indiqué qu'un directeur d'établissement ne peut effectuer un signalement à l'ARS ou au conseil départemental sans en référer à la hiérarchie, qui rédigera les différents éléments de langage et qui décidera de les transmettre elle‑même à ces autorités – à l'époque, cela relevait de M. Brdenk, le directeur chargé de l'exploitation du groupe.

Un épisode me hante vraiment depuis des mois. Nous avions accueilli dans la résidence un ancien champion de gymnastique français, qui était demeuré sportif tout au long de sa vie. Un jour, l'équipe me dit qu'il a fait une grave chute contre le lit et qu'il a été hospitalisé. Comme je l'ai déjà dit, de nombreux lits n'étaient pas aux normes. Quand je suis arrivé chez Orpea, j'ai bataillé pour qu'ils soient remplacés. Les nouveaux lits qui ont été livrés n'étaient pas de la meilleure qualité. L'un s'est d'ailleurs cassé en deux – j'ai eu de la chance : ce jour‑là, la directrice régionale était présente. Je l'ai signalé à l'entreprise qui loue les lits. Il s'agit de Bastide Le Confort Médical.

Chez Orpea, il n'est pas possible pour un directeur d'établissement de s'opposer à cette entreprise. Mon infirmière coordinatrice me disait : « Dès que cela concerne Bastide, je vous mets en copie de tout. » J'ai très vite compris pourquoi : dès qu'elle faisait une remarque, pourtant fondée, elle se faisait engueuler par les commerciaux de cette entreprise – il n'y a pas d'autre mot. Un jour, la directrice régionale m'a dit : « Pouvez‑vous me préparer un argumentaire par rapport aux écarts que vous avez constatés chez Bastide, parce que je suis convoquée pour m'expliquer auprès d'eux ? » C'était à ne plus savoir qui était prestataire. Je pourrais détailler un très grand nombre d'épisodes avec Bastide.

Pourquoi les contrôles sont‑ils inefficaces ? Tout d'abord, je n'appelle pas cela des contrôles ; ce sont des visites. La nuance est de taille. Prenons l'exemple d'une visite de mon établissement par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) quinze jours après mon arrivée, à la suite d'un contrôle effectué auprès de la direction générale d'Orpea. J'ai été prévenu et j'ai largement eu le temps d'installer tous les affichages qui manquaient. J'ai eu le temps de préparer les quelques dossiers qui seraient présentés, parce que je savais très bien que la personne chargée de l'inspection ne resterait qu'une demi‑journée. Ceux‑ci étaient en apparence conformes, alors que la grande majorité des autres dossiers ne l'étaient pas. Lors d'un contrôle, on vérifie la conformité de l'ensemble des dossiers ; lors d'une visite, on regarde les dossiers qu'on vous présente. S'agit‑il d'un manque de moyens ? Je ne sais pas.

Le décret du 26 novembre 2004 – ce n'est pas nouveau – impose que le contrat de séjour soit remis dans les quinze jours suivant l'admission et qu'il soit signé dans un délai d'un mois par le résident ou par son représentant légal. Comment cela se passait‑il chez Orpea ? Il était obligatoire de faire signer le contrat de séjour par une personne dès le jour de l'arrivée du résident. On sait très bien que pour les personnes âgées, l'arrivée est parfois un moment complexe ; cela l'est d'autant plus chez Orpea, où les admissions se font vite. Les résidents n'ont alors pas encore conscience de l'ensemble de l'environnement au sein de l'établissement. Il est écrit noir sur blanc dans chaque contrat de séjour – les autorités chargées des contrôles l'ont vu lors de leurs visites – qu'il peut être signé par l'accompagnant, ce que la réglementation ne permet pas. Si le résident n'est pas en mesure de signer, il existe en France des procédures d'urgence pour désigner des représentants légaux. On peut s'appuyer sur cette réglementation et vérifier son respect lors des contrôles. Pourtant, dans l'établissement que je dirigeais, plus de 85 % des contrats avaient été signés par des accompagnants, le jour de l'admission.

Comme je ne pouvais pas être d'accord avec cela, j'avais expliqué à mes équipes quelles étaient les règles prévues par le décret. Je leur avais dit qu'il fallait remettre le contrat de séjour à la famille le jour de l'arrivée et lui laisser le temps de le lire chez elle, puis prévoir un rendez‑vous pour expliquer de nouveau le contenu du contrat et répondre aux questions. Lors d'un contrôle, la directrice régionale d'Orpea m'a demandé pourquoi aucun contrat de séjour n'avait été signé ce jour‑là, alors même qu'une admission était intervenue. Plus jamais je n'ai fait d'admission lorsqu'elle était présente. Pour moi, il était primordial que l'on explique au résident et à sa famille ce à quoi ils s'engageaient. Ce sont des documents volumineux, qui ne sont pas toujours simples à comprendre.

À l'occasion de la visite de la DGCCRF, je me suis rendu compte que de nombreux remboursements n'étaient pas effectués. Depuis la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », trente jours après le départ d'un résident il faut procéder au remboursement des sommes avancées. Cela concerne la caution mais aussi les sommes qui correspondent à des prestations non effectuées – chaque famille devant payer d'avance avant le début du mois. Si Orpea savait aller chercher l'argent – les lettres partant du siège pleuvaient sur les familles, qui ne comprenaient pas –, quand il s'agissait de restituer les fonds, c'était plus compliqué. J'ai pu constater à l'époque que cela pouvait prendre cinq ou six ans.

Les visites par les autorités chargées du contrôle ont lieu. L'établissement dont j'étais le directeur a fait l'objet d'une telle visite mercredi dernier. Vendredi, plusieurs membres de l'équipe m'ont appelé – je ne donnerai pas d'informations sur leur identité pour les préserver, parce que chez Orpea le management par la peur est la règle. Ils m'ont dit que cela s'était bien passé grâce à ce que j'avais mis en place. Pour les points qui étaient moins satisfaisants, ils m'ont dit avoir repris les éléments de discours appris, selon lesquels rien ne manquait. Une salariée a même été rappelée, alors qu'elle était en congé, pour apporter des documents au cours de la visite. Je ne peux pas qualifier cela de contrôle. Je suis désormais consultant et la nuance entre contrôle et visite est très importante.

Faut‑il effectuer les contrôles de manière inopinée ? Oui, c'est la règle.

Faut‑il toujours les réaliser en semaine ? Je ne sais pas. Il pourrait être intéressant de prévoir d'en faire à d'autres moments, le soir ou le week‑end, car les EHPAD sont des lieux de vie.

Faut‑il accroître ces contrôles ? Sans doute. Mais il faut aussi probablement renforcer la compétence avec laquelle ils sont exercés. Un de mes amis, qui sera bientôt à la retraite, m'a dit qu'à son époque un tel scandale n'aurait pas pu avoir lieu car les contrôles étaient réalisés par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Ils pouvaient alors porter sur une ligne budgétaire prise au hasard, et l'on s'assurait que l'ensemble des dépenses qu'elle retraçait étaient conformes.

À force d'édicter des lois fondées sur la confiance, il arrive un moment où des personnes la trahissent, tout simplement parce qu'elles veulent faire du profit. Et lorsque l'on regarde la genèse de ces textes, on voit que les personnes qui font aujourd'hui du profit sont celles qui ont fait du lobbying en faveur de dispositifs comme le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), où tout est vu à travers le prisme économique. Dans certains groupes, cela pose de vrais questions au directeur d'établissement.

Pourquoi les ARS et les conseils départementaux ont‑ils parfois manqué de vigilance ? D'abord tout simplement parce que lorsqu'il y a autant d'établissements à suivre, on va d'abord contrôler ceux qui ont des difficultés financières. Chez Orpea, il y a très rarement de telles difficultés parce que le système est construit pour qu'il n'y en ait pas. Chez Orpea, on sait aussi se préparer aux contrôles inopinés. De quelle manière ? Dans chaque établissement du groupe, il y a un classeur dit ATC – autorité de tarification et de contrôle – dans lequel on trouve toutes les pièces qui peuvent être demandées lors des contrôles. C'est dire combien ces derniers peuvent être prévisibles, puisqu'il est possible de tenir à jour les pièces qui vont être demandées à cette occasion.

Il est important que les contrôles soient faits par des personnes capables d'identifier les enjeux financiers, de comprendre le jeu des lignes budgétaires entre elles et d'analyser finement le planning du personnel. Sur tous ces points, il faut être plus précis, moins prévisible et oser poser les bonnes questions, notamment sur l'hébergement.

On m'a demandé si j'avais pu constater des dysfonctionnements chez Orpea. Outre ceux dont j'ai déjà fait part, j'ai eu connaissance de pratiques de marges arrière et je vais vous expliquer comment elles affectent les résidents.

Ces derniers peuvent choisir en option une prestation d'entretien du linge. Elle est facturée entre 80 et 100 euros par mois et est assurée par deux sociétés qui nous étaient imposées. La faible qualité du service a entraîné beaucoup de plaintes des résidents et des familles. À force, je me suis dit qu'il fallait changer et j'ai pensé les mettre en concurrence avec des établissements ou services d'aide par le travail (ESAT) en vue d'un contrat, dans le cadre du projet de territoire. Le suivi aurait été plus facile, d'autant que le linge était traité par la société prestataire à plus de trois heures de trajet. On m'a alors m'expliqué que ce n'était pas possible, car si l'on vend une prestation à la société Bulle de Linge, une rétribution est versée en retour sur le budget de l'établissement – j'ai pu le constater l'année suivante en voyant apparaître une ligne spécifique.

Le système n'est pas limité à cette seule prestation. J'avais décidé d'installer une machine à café dans l'établissement, pour amener un peu de vie. J'avais trouvé une société à proximité pour le faire, selon des conditions tout à fait acceptables. Orpea y a mis son veto, au motif que le groupe travaillait avec un autre prestataire. Je découvre alors que ce dernier veut bien installer une machine à café, mais à condition de faire disparaître l'ensemble des cafetières installées dans l'établissement – y compris celles du personnel. Cela revenait donc à imposer aux équipes qu'elles paient leur café à une machine, une partie des sommes acquittées étant reversées à Orpea.

Vous avez déjà entendu parler du problème des protections fournies par le groupe Hartmann. Là encore, il existait un mécanisme de refacturation – je ne sais pas de quelle manière, mais cela m'a été confirmé.

Ce système de refacturation n'est pas propre au secteur privé lucratif ; je l'ai aussi constaté dans des structures associatives s'agissant de cette même entreprise – toujours pour financer des frais de siège.

C'est donc un point important. Jusqu'où faut‑il aller s'agissant de l'acquisition de produits financés par de l'argent public qui font l'objet d'une refacturation ? La législation doit‑elle l'interdire clairement ? La décision vous appartient, mais le constat est bien là.

Que pouvons‑nous faire pour améliorer la transparence ?

Je crois beaucoup au rôle du conseil de la vie sociale (CVS), mais pas dans sa forme actuelle. Les personnes qui y sont élues ont tendance à se préoccuper avant tout des conditions de prise en charge de leurs proches, et pas nécessairement de celles de l'ensemble des résidents.

Il serait utile que ces élus bénéficient d'un temps de formation, comme les représentants des usagers dans le secteur hospitalier.

Quand je suis arrivé chez Orpea, j'ai constaté que les comptes rendus du CVS étaient rédigés par le directeur, qui devait les soumettre à la direction régionale avant de les diffuser. À plusieurs reprises, on m'a demandé de le faire. Je rappelais que la loi était très claire : c'est au président du CVS qu'il revient de rédiger les comptes rendus ; c'est la raison pour laquelle je ne pouvais pas les transmettre à la direction régionale.

Ma hiérarchie ne l'a jamais su, mais j'organisais les réunions du CVS dans une grande salle, en laissant les portes ouvertes. De la sorte, les résidents et les membres des familles qui n'étaient pas élus pouvaient y assister et intervenir s'ils le souhaitaient. D'une certaine manière, cela reproduisait le schéma d'une réunion de conseil municipal, qui est ouverte aux citoyens. Sans être une mesure coûteuse, cela avait du succès et c'était un moment sympathique qui permettait d'apporter de la transparence dans l'établissement.

Lors de la crise sanitaire, Orpea nous a demandé d'organiser des CVS, pour lesquels nous recevions les éléments de langage en amont – pour nous aider, disaient‑ils. Comme si les directeurs d'établissement n'étaient pas capables de mener ces conseils… Cela me rappelle l'une des dernières formations à distance que j'ai suivies chez Orpea, qui concernait un logiciel de gestion des remplacements. Il fallait compléter un texte à trous avec les bons mots, de la même manière qu'au CE1. Comme je ne suis pas si bête et que je m'en sors bien, je reçois un bon point sous la forme d'une image de dinosaure ! Comment peut‑on autant prendre les directeurs pour des cons ? J'ai d'ailleurs fait part de mon sentiment à la hiérarchie. Tout cela montre à quel point le système est conçu pour rendre les directeurs incapables de réfléchir par eux‑mêmes, afin qu'ils deviennent les exécutants d'une politique dont vous avez largement entendu parler.

Vous m'avez interrogé sur d'éventuelles différences entre les EHPAD du secteur privé lucratif, du secteur associatif et du secteur public dans lesquels j'ai exercé. Bien entendu, il y a des dysfonctionnements partout. Mais j'ai aussi eu la chance de travailler dans des établissements formidables, transparents et où notre métier avait un sens. D'où l'importance du projet d'établissement. Dans les EHPAD où la direction donnait un sens au travail et à la manière de le faire, même si ce dernier reste très difficile, tout le monde savait pourquoi il le faisait et tous s'entraidaient. Avoir eu la chance de vivre ces expériences m'a donné la force de dire non, ainsi que le courage de témoigner – car ce n'est pas simple.

Vous avez prévu un outil remarquable, le projet personnalisé, qui permet de prendre en compte les besoins du résident et d'y répondre. À la résidence Sainte‑Anne, j'accueillais des résidents de confession musulmane dont le projet personnalisé était très simple : ils voulaient pouvoir continuer à consommer une alimentation sans porc. Cela me paraissait parfaitement naturel et j'ai contacté le service de la restauration à ce sujet. On m'a répondu que cela n'était pas possible et que les menus de substitution suffisaient. J'ai insisté, mais rien n'y a fait. Comme j'indiquais que les familles étaient prêtes à apporter elles‑mêmes la nourriture à leurs parents, on m'a dit que les repas seraient en tout état de cause facturés. Dans le courriel que j'avais adressé, j'avais cité la charte de bientraitance du groupe Orpea. Parmi les engagements figure précisément le respect du régime alimentaire du résident. On se rend bien compte que cet affichage ne correspond pas à la réalité, et cela conduit à s'interroger sur le rôle du directeur.

Lors de mon arrivée au sein du groupe Orpea, j'avais dû signer un document intitulé Délégation de pouvoirs qui me confiait bien les responsabilités qui relèvent habituellement d'un directeur d'EHPAD. Ces délégations sont peut‑être formalisées par écrit, mais j'ai constaté à ma grande surprise qu'elles étaient très éloignées des réalités imposées par le système. Il fallait par exemple que je garantisse le fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Comment pouvais‑je assurer cette mission, alors que les instances représentatives du personnel étaient pilotées depuis le siège ? Un seul comité social et économique (CSE) avait été mis en place pour l'ensemble du groupe Orpea. C'était en outre d'autant plus difficile qu'on m'avait bien expliqué que la CGT n'était pas la bienvenue au sein du groupe.

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Je salue le courage dont vous faites preuve en venant exposer devant la représentation nationale la vérité – difficilement audible – d'un système inacceptable dont vous êtes, en quelque sorte, les victimes collatérales.

J'ai bien compris que, pour faire votre travail, vous devez vous battre, ce qui est tout de même inouï ! Comment donc mettre fin à un système de maltraitance institutionnelle par rapport auquel les professionnels sont forcément en porte‑à‑faux, entre phases de déni, de colère, de honte, de peur, où il devient très difficile de s'exprimer ? Comment êtes‑vous parvenus à le faire ? Est‑ce suite à un événement particulier ? Quelles ont été les conséquences ?

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Lecocq. Je salue également votre courage tant votre démarche n'a pas été facile. Avant de la mener à bien, vous n'avez pas été inactifs : vous avez colmaté les brèches, pallié les manques, protégé le plus possible les résidents jusqu'à l'épuisement, la démission, jusqu'à « se faire virer », comme vous l'avez dit. Comment un tel système a‑t‑il donc pu perdurer aussi longtemps malgré des alertes, des signalements ou des plaintes ? Comment les organisations syndicales ont‑elles été progressivement écartées et les paroles des salariés évacuées ?

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Vous nous avez plongés dans une réalité que nous ne découvrons pas complètement.

Les directeurs de ces établissements disposent de très peu de marges de manœuvre, particulièrement au sein du groupe Orpea, mais pas uniquement. De plus, les politiques menées sont beaucoup trop technocratiques pour que chaque acteur puisse agir, à son niveau, de manière autonome.

Nous savons que les contrôles des EHPAD sont de type administratif et que, pour le secteur privé commercial, les ARS ou les conseils départementaux ne disposent pas des mêmes pouvoirs. Même inopinés, les contrôles ne sont pas efficaces : ils ont été conçus comme tels et ni les ARS ni les conseils départementaux ne sont directement responsables. Comme vous, je pense que les contrôles a priori ne peuvent être effectués par les financeurs et que nous avons besoin d'une instance extérieure, comme ce doit être le cas pour le contrôle de n'importe quelle politique publique.

Orpea prévoit semble‑t‑il d'engager des réformes de structure – comités de mission, association des salariés au conseil d'administration, gouvernance au plan local et non plus seulement régional et national – mais je ne voudrais pas que nous soyons mis devant un fait accompli qui serait purement cosmétique. Qu'en pensez‑vous ?

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Est‑il possible d'avoir un entretien avec la personne chargée des contrôles et de lui faire part d'un certain nombre de choses ?

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Qu'en est‑il du respect du droit du travail dans le groupe Orpea ? Quel discours tient‑on aux directeurs et aux personnels à propos des organisations syndicales ?

L'inspection du travail est‑elle intervenue dans les établissements où vous avez exercé ? Qu'en a‑t‑il résulté ?

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Si l'on en vient à s'exprimer, peut‑être est‑ce en raison de l'âge ou parce qu'à un moment de notre parcours, on se dit que cela ne peut plus durer, qu'il n'est plus possible de rentrer chez soi en larmes parce qu'on a fait « de la merde ». Il y a aussi les rencontres, les discussions entre amis, le courage face au risque de perdre son travail et ses revenus.

Pendant les trois années qu'a duré l'enquête de Victor Castanet, je n'étais pas serein, je risquais de tout perdre, des pressions se sont exercées mais vient le moment où l'on décide d'aller jusqu'au bout et que le combat doit être mené. Dès lors, il n'est même plus question de courage mais du combat d'une vie. Mes équipes sont fières de moi et cela me suffit.

Le système en vigueur était connu de nombre de politiques – Victor Castanet cite notamment Xavier Bertrand –, lesquels participent à de véritables magouilles. Le système existe parce qu'il y a de l'argent à la clé et que l'on est intéressé à sa pérennité.

À la maison de retraite Les Bords de Seine, j'ai connu une salariée syndiquée à la CGT qui menait un vrai combat. Pendant les huit mois où j'y ai travaillé, ils n'ont eu de cesse d'essayer de la virer. Le climat de peur qui est instauré est paralysant : on ne se plaint pas, on baisse les yeux et on travaille comme des forcenés.

Je pense à l'Observatoire du grand âge depuis six ans, date à laquelle mon mari a travaillé quelques mois pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Nous souhaitons que l'Observatoire collecte des témoignages, puisse mener des enquêtes sur des établissements ou des groupes qui nous ouvriraient leur porte. Nous essaierons, chaque année, de dresser un état des lieux des EHPAD pour cerner les choses qui vont et peuvent être partagées, et celles qui ne vont pas.

Depuis vingt ans, nous disons que nous manquons de personnels et, depuis vingt ans, nous ne sommes pas entendus. Peut‑être n'en sera‑t‑il plus de même si c'est l'Observatoire qui le dit, avec sa vice‑présidente, Florence Aubenas, et certains de ses membres comme Victor Castanet ou d'autres journalistes. Si la presse se saisit de ces problèmes, les choses pourront peut‑être s'accélérer, comme nous l'avons vu lorsque Le Monde a publié un article sur Les Fossoyeurs dès avant sa parution. Si tel n'avait pas été le cas, peut‑être n'en serions‑nous pas là aujourd'hui.

Nous avons besoin d'une autorité administrative indépendante de contrôle, à l'instar du CGLPL pour les prisons ou les hôpitaux psychiatriques, mais sa création dépend de vous, législateurs. Elle sera peut‑être plus difficile à mener à bien puisque les EHPAD dépendent des conseils départementaux mais, cela, c'est votre « tambouille », je n'y connais rien ! Quoi qu'il en soit, sans elle, rien ne sera possible.

Avoir des contrôles est positif bien sûr. Mais tant que nous n'aurons pas plus de personnels, ne venez pas nous contrôler ! En matière de soins, forcément, nous ne pouvons pas être bons.

En quinze ans, j'ai eu affaire à un seul contrôle et en tant que cadre infirmier, oui, j'ai été interrogé. Un médecin coordonnateur avec qui j'ai travaillé m'a confié que, lors d'un contrôle de l'ARS, il avait fait part du manque de personnels, ce à quoi il lui a été répondu qu'il payait trop bien ses soignants…

L'inspection du travail est venue contrôler les contrats à l'EHPAD Les Bords de Seine ; 130 d'entre eux n'étaient pas traités. Orpea a dû payer une certaine somme mais croyez bien qu'une société du CAC40 n'en a rien à faire ! C'est passé comme une lettre à la poste ! La seule et unique personne chargée de gérer les contrats avait, grossièrement, un an de retard pour traiter les dossiers des nombreux personnels vacataires.

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Camille Colnat, ancien directeur d'établissement du groupe Orpea

Nous en venons à nous exprimer parce qu'après s'être battus pendant des années pour les résidents, on entend à la télévision des personnes auditionnées proférer de révoltantes contre‑vérités.

Je crains que la transformation des groupes d'EHPAD lucratifs en sociétés à mission ne soit un écran de fumée. La plupart des personnes qui ont installé le système ont toujours des responsabilités au sein d'Orpea. Celles qui ont succédé à celles qui sont parties ont été formées par ces dernières. Il n'est pas nécessaire de créer des sociétés à mission pour mettre un terme au système des « top et des flop ». Bien d'autres décisions pourraient être prises, d'ailleurs, mais tout dépend de l'objectif et du profit attendus. Faut‑il attendre que les actionnaires ou les pouvoirs publics imposent les choses ? Je ne le crois pas. En tant que soignant, en tant que cadre et directeur, je n'attendais pas que les pouvoirs publics me disent ce qu'il convenait de faire dès lors que je pouvais améliorer les conditions de vie des résidents et les conditions de travail des salariés !

Lorsque j'étais chez Orpea, mon établissement n'a pas été contrôlé par l'inspection du travail. Un contrôle fait l'objet d'un procès‑verbal. Imaginez‑vous ce qui arriverait à un directeur dont les propos seraient jugés déloyaux à l'endroit de sa hiérarchie ? Il serait mis dehors plus vite qu'il ne faut pour le dire ! Certaines équipes préfèrent dire que tout va bien dès lors que, grâce à leur directeur, les choses bougent. Tenir un discours différent, ce serait prendre des risques avec l'éventuelle arrivée d'un nouveau directeur. Toujours ce management par la peur…

Par ailleurs, de nombreux directeurs sont partis. Lors d'une réunion, j'ai appris qu'un directeur avait été mis à pied pour incompatibilité d'humeur ! On ne nous a rien dit de plus, ce qui illustre la façon dont nous sommes traités.

Que la personne donne ou non satisfaction, chez Orpea, la période d'essai est toujours doublée, comme la loi le permet. Si cela ne lui plaît pas, il ne lui reste plus qu'à partir. Pendant la mienne, on m'a expliqué que la CGT n'était pas la bienvenue et que l'on me tiendrait responsable de son implantation. En cas de grève, chez Orpea, les choses sont donc simples : le directeur est immédiatement mis à pied, on l'accuse de ne pas avoir su gérer son équipe et, après son remplacement, on assure que les choses iront mieux. Ensuite, la direction régionale nous explique que tel ou tel directeur est parti mais qu'il avait été prévenu, qu'il n'était pas capable de gérer ses équipes et de maintenir la paix sociale. Dans ce contexte, un directeur fait tout pour qu'il n'y ait pas de grèves. Parfois, les services des ressources humaines (RH) l'appellent en lui demandant quelle est l'« ambiance RH » dans son établissement. Lorsque cela m'est arrivé, je n'ai pas bien compris ce que c'était et ce que l'on attendait de moi. On m'a expliqué qu'il s'agissait de savoir si des mouvements de grève étaient envisagés…

Lors d'une réunion régionale, à la veille d'élections syndicales, on m'a dit qu'il serait bon de faire remonter les coordonnées des professionnels susceptibles de représenter les syndicats Arc‑en‑Ciel et Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). La commande était claire et nette, formulée en présence de l'ensemble de mes collègues directeurs d'établissement. En cas d'oubli, on savait nous le rappeler !

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Je vous remercie pour vos témoignages courageux et émouvants, dont je suis certaine qu'ils contribueront à corriger le tir. Nous ne vivons certes pas dans un monde idéal et peut‑être avons‑nous fait montre d'un peu trop de confiance mais, en tant qu'élus et responsables, nous réformerons le système que vous avez décrit.

La séance est levée à dix-neuf heures.

Présences en réunion

Réunion du mardi 22 février 2022 à 17 heures 10

Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Philippe Chalumeau, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac‑Sibille, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Martin, Mme Charlotte Parmentier‑Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, Mme Valérie Six, M. Boris Vallaud, Mme Annie Vidal

Excusés. – Mme Justine Benin, M. Jean‑Carles Grelier, Mme Claire Guion‑Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur‑Christophe

Assistaient également à la réunion. – Mme Christine Pires Beaune, Mme Michèle Victory