Intervention de Camille Colnat

Réunion du mardi 22 février 2022 à 17h10
Commission des affaires sociales

Camille Colnat, ancien directeur d'établissement du groupe Orpea :

Nous en venons à nous exprimer parce qu'après s'être battus pendant des années pour les résidents, on entend à la télévision des personnes auditionnées proférer de révoltantes contre‑vérités.

Je crains que la transformation des groupes d'EHPAD lucratifs en sociétés à mission ne soit un écran de fumée. La plupart des personnes qui ont installé le système ont toujours des responsabilités au sein d'Orpea. Celles qui ont succédé à celles qui sont parties ont été formées par ces dernières. Il n'est pas nécessaire de créer des sociétés à mission pour mettre un terme au système des « top et des flop ». Bien d'autres décisions pourraient être prises, d'ailleurs, mais tout dépend de l'objectif et du profit attendus. Faut‑il attendre que les actionnaires ou les pouvoirs publics imposent les choses ? Je ne le crois pas. En tant que soignant, en tant que cadre et directeur, je n'attendais pas que les pouvoirs publics me disent ce qu'il convenait de faire dès lors que je pouvais améliorer les conditions de vie des résidents et les conditions de travail des salariés !

Lorsque j'étais chez Orpea, mon établissement n'a pas été contrôlé par l'inspection du travail. Un contrôle fait l'objet d'un procès‑verbal. Imaginez‑vous ce qui arriverait à un directeur dont les propos seraient jugés déloyaux à l'endroit de sa hiérarchie ? Il serait mis dehors plus vite qu'il ne faut pour le dire ! Certaines équipes préfèrent dire que tout va bien dès lors que, grâce à leur directeur, les choses bougent. Tenir un discours différent, ce serait prendre des risques avec l'éventuelle arrivée d'un nouveau directeur. Toujours ce management par la peur…

Par ailleurs, de nombreux directeurs sont partis. Lors d'une réunion, j'ai appris qu'un directeur avait été mis à pied pour incompatibilité d'humeur ! On ne nous a rien dit de plus, ce qui illustre la façon dont nous sommes traités.

Que la personne donne ou non satisfaction, chez Orpea, la période d'essai est toujours doublée, comme la loi le permet. Si cela ne lui plaît pas, il ne lui reste plus qu'à partir. Pendant la mienne, on m'a expliqué que la CGT n'était pas la bienvenue et que l'on me tiendrait responsable de son implantation. En cas de grève, chez Orpea, les choses sont donc simples : le directeur est immédiatement mis à pied, on l'accuse de ne pas avoir su gérer son équipe et, après son remplacement, on assure que les choses iront mieux. Ensuite, la direction régionale nous explique que tel ou tel directeur est parti mais qu'il avait été prévenu, qu'il n'était pas capable de gérer ses équipes et de maintenir la paix sociale. Dans ce contexte, un directeur fait tout pour qu'il n'y ait pas de grèves. Parfois, les services des ressources humaines (RH) l'appellent en lui demandant quelle est l'« ambiance RH » dans son établissement. Lorsque cela m'est arrivé, je n'ai pas bien compris ce que c'était et ce que l'on attendait de moi. On m'a expliqué qu'il s'agissait de savoir si des mouvements de grève étaient envisagés…

Lors d'une réunion régionale, à la veille d'élections syndicales, on m'a dit qu'il serait bon de faire remonter les coordonnées des professionnels susceptibles de représenter les syndicats Arc‑en‑Ciel et Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). La commande était claire et nette, formulée en présence de l'ensemble de mes collègues directeurs d'établissement. En cas d'oubli, on savait nous le rappeler !

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