Intervention de Jean

Réunion du mardi 22 février 2022 à 21h15
Commission des affaires sociales

Jean :

Pierre Riso. Madame Peyron, je vous remercie d'exprimer votre solidarité à l'égard de celles et ceux qui travaillent et qui souffrent aussi de la réalité.

Madame Vidal, restaurer la confiance, c'est bien une nécessité avec tout ce qui est écrit, qui va de l'amalgame jusqu'aux appels à la délation dans la presse. Les signalements ont toujours existé. Ils ont souvent été tus, ne sont pas toujours parvenus jusqu'aux personnes capables de leur donner des suites. La libération de la parole entraîne une prise de conscience. Bien sûr, il y a dans les établissements des actes de maltraitance qui doivent être condamnés mais aussi exploités. Nombre de signalements ne vont jamais au‑delà du directeur et ne sont pas traités – c'était le cas avant l'affaire Orpea –, contrairement à ceux qui concernent des enfants. Qui peut donner des suites aux signalements dans les EHPAD et qui peut contrôler ?

Les contrôles ont évidemment été trop peu nombreux jusqu'à présent. Ceux qui sont menés actuellement, que Pascal Champvert a évoqués, sont inacceptables : ils ajoutent de la difficulté à la difficulté. L'émotion, certes compréhensible, ne peut pas justifier une telle démarche ; ce n'est pas la bonne réponse. Pour l'instant, les initiatives de l'État sont embryonnaires. On s'interroge ainsi sur l'évaluation, sans apporter de solutions.

Les contrôles ne peuvent pas être effectués n'importe comment. On ne peut pas nous demander de satisfaire à des exigences auxquelles nous n'avons pas les moyens de répondre. Si des documents sont demandés lors des contrôles, ils doivent ensuite être exploités, sinon c'est du temps perdu ; cela distrait les directeurs de leur mission. Le rôle d'un directeur est d'être présent dans les couloirs de son établissement, au contact de la vie, sinon le métier perd son sens. On éloigne les directeurs des décisions qu'ils sont pourtant les seuls à pouvoir prendre.

Monsieur Vallaud, vous avez raison, c'est une question de volonté politique. Dans certains départements, des choix forts ont été faits de privilégier le modèle public ou associatif. Demain, face à la part exponentielle du secteur privé commercial, l'État et la représentation nationale auront aussi à se prononcer sur la répartition entre les différents modèles pour les années à venir.

La FNADEPA compte quatre adhérents d'Orpea – c'est très marginal – qui n'ont pas fait remonter d'informations.

Pour ce qui est de la place du directeur, elle ne peut être que centrale dans notre modèle d'accompagnement.

Je n'aimerais pas être directeur d'un EHPAD Orpea : cela ne me fait pas rêver au regard du sens que nous voulons donner à notre métier.

La FNADEPA considère qu'il faut faire évoluer et converger les métiers du soin et de l'animation, plus globalement de la vie sociale. Pendant la phase aiguë de la crise sanitaire, les soignants n'ont pas fait que du soin et les animateurs n'ont pas fait que de l'animation. Cette période a aussi révélé combien était nécessaire la présence d'un psychologue, d'un ergothérapeute, d'un psychomotricien, tous métiers qui ne sont pas habituels dans les EHPAD et qui, pourtant, amènent de la vie dans ces lieux où l'on soigne. Car les EHPAD sont à la fois des lieux de vie où l'on soigne et des lieux de soin où l'on vit.

La place des résidents et de leurs familles est sans doute à réinventer. Les directeurs sont les garants de la transparence dans les actes ; or c'est le manque de communication avec les familles qui a entraîné une perte de confiance. Il faut assurer l'information dans des occasions formelles, mais aussi par la voie des outils modernes, et le développement du numérique devrait nous y aider.

Les EHPAD ne sont plus fermés comme ils pouvaient l'être il y a une vingtaine d'années – sauf cas particulier, par exemple en cas de crise sanitaire. Ce sont des lieux déjà tournés vers l'extérieur, qui accueillent des intervenants de tous ordres – crèches, écoles, comités de quartier... Il faut sûrement aller plus loin, notamment sur la question de l'exercice de la citoyenneté, mais l'EHPAD ouvert existe : servons‑nous en pour construire l'EHPAD de demain.

L'électrochoc sera suffisant si nous veillons collectivement à ce que cela ne se reproduise pas. Une véritable transformation est nécessaire, et cela passe par davantage de personnel, une meilleure formation et une plus grande technicité des actes réalisés en établissement : c'est ainsi que l'on redonnera du sens au travail accompli par ces professionnels.

Le reste à charge est un sujet extrêmement important. On ne peut pas admettre que l'accès à un établissement soit réservé à une élite ou soumis à des critères d'aide sociale aussi inégaux d'un département à l'autre. L'effet pervers de cela, c'est que, dans certains départements, il peut y avoir renoncement à choisir librement son lieu de vie à cause des dispositifs liés à l'aide sociale. Ce sera un aspect fondamental de la gouvernance du secteur à traiter à l'avenir.

La fusion des sections « soins » et « dépendance » est un vieux serpent de mer. La FNADEPA y est favorable. Il faudra arbitrer entre les ARS et les conseils départementaux pour savoir qui financera – nous opterions plutôt pour des ARS rénovées.

Les conventions tripartites transformées en CPOM ont des effets pervers, car la porosité entre établissements d'un même groupe, par exemple, ou entre les sections peut entraîner des dérives, même si cela n'est pas systématique. De plus, nombre de nos adhérents se voient privés de ressources supplémentaires en raison de désaccords, sur certains territoires, entre ARS et conseils départementaux. Un CPOM non signé, ce sont des dizaines de milliers d'euros perdus et non transformés en aidants. Cela renvoie encore à la question de la gouvernance, que traitera sans doute la prochaine législature ; en tout cas, nous continuerons à militer en ce sens.

Madame Vidal, nul doute que des directeurs inhibés ne font pas du bon boulot, contrairement à des directeurs épanouis, qui trouvent du sens à leur travail. Notre système peut entraîner une forme de maltraitance institutionnelle parce que chaque directeur et directrice d'EHPAD a bien conscience que des moyens supplémentaires – en nombre, en qualifications et en reconnaissance – lui permettraient de prodiguer un accompagnement adapté aux besoins. N'oublions pas que le profil du résident d'EHPAD aujourd'hui n'est pas tout à fait le même que lorsque j'étais directeur d'une maison de retraite, en 1995. Il est indispensable de tenir compte de cette évolution pour accompagner correctement les personnes en établissement. L'idée est de faire en sorte que ces personnes soient chez elles partout. Nous sommes très attachés à l'approche domiciliaire.

Restaurer la confiance sera un travail de longue haleine, qui doit passer par des actes concrets et une loi forte : on ne pourra pas faire sans, chacun s'en rend compte.

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