Intervention de Loïc Le Noc

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Loïc Le Noc, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)‑Fédération santé sociaux :

La CFDT‑Fédération santé sociaux, forte de ses 86 000 adhérents, que nous représentons devant vous, remercie la commission des auditions qu'elle a entreprises et interpelle ses membres pour que, comme au Sénat, une commission d'enquête parlementaire soit créée malgré les difficultés de calendrier que l'on connaît.

Que dire d'Orpea ?

Tout d'abord, il faut féliciter Victor Castanet de la qualité de ses investigations, qui fait honneur au journalisme français, et d'avoir résisté aux pressions et aux tentatives de corruption à 15 millions d'euros. Tout notre respect va aux témoins qui vont permettre que la peur change de camp dans ce groupe international – il était temps.

Depuis des années, des adhérents démissionnent à la suite de pressions exercées par le management. Lors des dernières élections au comité social et économique (CSE), nombre de salariés nous ayant donné un accord de principe pour figurer sur nos listes ont finalement refusé d'y être, avant de se murer dans un silence gêné. On peut dire que nous avons été victimes d'une escroquerie en bande organisée lors de ces élections. Camille Lamarche et d'autres attestent que nos professions de foi ont disparu des enveloppes destinées aux électeurs et que bon nombre de salariés devant voter par correspondance ont été privés de cette possibilité par diverses manœuvres. L'ouvrage Les Fossoyeurs nous permet d'apporter des preuves là où nous avions des interrogations et des doutes.

J'ai encore en tête une réunion au siège du groupe où devait être négocié un accord sur le dialogue social. J'étais accompagné par Mme Villain, secrétaire nationale de la CFDT‑Fédération santé sociaux, et par Mmes Kumer et Mansard, déléguées syndicales CFDT pour Clinea et Orpea. Étaient également présents, de mémoire, FO et la CGT. Cette réunion intervenait plusieurs mois après un courrier dans lequel nous avions demandé l'ouverture de négociations sur le sujet. Nous avons été reçus par M. Desriaux, directeur des ressources humaines, et par son adjointe, Mme Coffre. Nous nous sommes d'abord étonnés de l'absence du syndicat « maison », Arc‑en‑Ciel. La direction nous a instantanément répondu qu'ils estimaient ne rien avoir à gagner à un tel accord. Le groupe a présenté un projet qui tenait sur un Post‑it, puis le DRH s'est levé, annonçant à la cantonade l'attribution de 3 000 euros à chaque organisation signataire. Il a été très surpris de la verdeur de notre réaction, qui consistait à dire qu'un juge pourrait qualifier son comportement de tentative de corruption.

À la suite de la publication de l'ouvrage, nous avons appelé nos adhérents à nous transmettre des éléments. Hélas, trop souvent encore, par peur des représailles, ils ne veulent pas signer leur déclaration. La semaine dernière, nous avons obtenu un témoignage assez révélateur de l'ambiance qui règne en ce moment au sein du groupe. Celui‑ci a lancé des enquêtes de satisfaction des salariés, que ses représentants vous ont servies ici pour vous montrer que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes Orpea. Une salariée nous explique comment les choses se passent : « Je reçois mon questionnaire de satisfaction. Je vais dans le bureau du directeur, qui me pose les questions, et je réponds, et lui coche. Une collègue a essayé de faire autrement, avec son ordi perso, à la maison ; sauf qu'au bout d'un moment, vous tombez sur un bug informatique et vous ne pouvez pas valider votre questionnaire. »

Le management par la terreur est à l'œuvre à tous les étages. Il nous reste en tout et pour tout deux élus au CSE. Récemment, ils ont eu le courage de faire valoir leur droit d'alerte, dont la mise en œuvre a été rejetée par la direction et Arc‑en‑Ciel. Les faits : un directeur d'EHPAD en Île‑de‑France convoque une salariée en contrat à durée déterminée (CDD) pour lui demander d'établir une attestation à charge contre une autre salariée, en contrat à durée indéterminée (CDI), qui, elle, refuse de signer une attestation à charge contre une salariée que la direction a décidé de dégager. Ce que ce directeur ne savait pas, c'est que la salariée en question, se doutant de ce qui l'attendait, a tout enregistré. Les propos tenus par le directeur sont tout simplement lamentables. Tout cela a eu pour conséquence que la collègue en CDD qui a refusé de faire un faux témoignage n'a plus de travail. Mais la Sainte‑Alliance formée par Orpea et Arc‑en‑Ciel a refusé que le sujet soit inscrit à l'ordre du jour, arguant que les salariées concernées n'étaient plus membres du groupe – forcément...

Notre syndicat de directeurs, le Syndicat des cadres de direction, médecins, chirurgiens‑dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS), accompagne régulièrement des directeurs victimes de licenciements abusifs au sein du groupe.

Pas plus tard que la semaine dernière, nos camarades de la CGT ont déposé en vue du CSE une demande d'expertise judiciaire ; vote majoritaire contre, de la direction et d'Arc‑en‑Ciel. Il en a été de même de toutes les demandes d'expertise déposées par la CGT ce jour‑là.

Pour le prochain CSE, les deux élus CFDT ont déposé la totalité des questions posées par Victor Castanet à la fin de son ouvrage et auxquelles le groupe s'est toujours refusé à répondre. La direction a accepté d'en inscrire certaines à l'ordre du jour, mais surtout pas toutes. À notre avis, il y a des questions qui gênent et il est exclu de donner aux salariés les réponses que nous sommes en droit d'attendre.

Il y a quelques années, quand nous bénéficiions encore d'une représentativité au sein du groupe, le conjoint d'une militante y faisait des remplacements. On lui a murmuré à l'oreille que l'engagement syndical de sa femme était un obstacle à son éventuelle embauche.

Le pire, c'est que ce groupe exporte à l'étranger son management par la terreur. En ce moment même, en Allemagne, une collègue de la centrale syndicale ver.di est assignée en justice par Orpea – nous en avons été alertés par nos homologues au sein de l'Union européenne.

Demain matin, à 10 heures, à notre siège, nous organisons avec la CGT et le centre de recherche international CICTAR (Centre for International Corporate Tax Accountability and Research) une conférence de presse sur la structuration financière du groupe Orpea en France et à l'étranger. Nous vous invitons à y participer.

Comme l'a dit notre secrétaire général, Laurent Berger, il faudra que justice passe et qu'elle fasse payer les « salopards ». En ce qui nous concerne, nous déposerons deux plaintes, au pénal et au civil.

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