Intervention de Dominique Chave

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Dominique Chave, secrétaire général de l'Union fédérale de la santé privée (CGT) :

Nous sommes régulièrement contactés et sollicités par nos délégués, qui, comme c'est leur rôle, nous informent de dysfonctionnements allant de la maltraitance institutionnelle de résidents accueillis dans les structures Orpea à la maltraitance du personnel, en passant par celle des syndicats et par la discrimination syndicale envers nos élus et mandatés, dignes représentants du personnel.

Le groupe Orpea agit de manière très violente envers celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour la prise en charge de nos aînés et pour que les conditions de travail des salariés soient vertueuses et respectueuses de la dignité humaine. Nos délégués n'ont eu et n'ont de cesse, malgré des moyens qui, vous l'imaginez bien, sont très limités, de dénoncer les agissements de ce groupe au sein des instances représentatives du personnel – ce que l'on appelle aujourd'hui le CSE –, et auprès de l'inspection du travail comme des agences régionales de santé (ARS), mais nos demandes restent depuis des années sans réponse. À croire que ce groupe peut continuer en toute impunité de s'engraisser sur le dos de ses salariés et de ses résidents.

Le fonctionnement des instances représentatives du personnel est depuis plus de dix ans sous le contrôle d'un syndicat « maison », Arc‑en‑Ciel, monté de toutes pièces par la direction d'Orpea afin de discréditer les autres centrales syndicales tout en paraphant des accords minimaux pour les salariés, ce qui dégrade toujours plus leurs conditions de travail et, in fine, la prise en charge des résidents. Lors des dernières élections professionnelles, en 2019, le paysage syndical a encore évolué avec l'éviction des deux grosses centrales que sont la CFDT et Force ouvrière, passées sous la barre fatidique des 10 % qui détermine la représentativité, tandis que la CGT restait sous perfusion, à quelque 14 %.

Comment expliquer que les trois plus grosses centrales syndicales soient devenues quasi inexistantes au profit d'Arc‑en‑Ciel et d'une autre organisation qui, à elles deux, pèsent près de 72 %, à moins de soupçonner une fraude électorale ? Un recours a été déposé en référé au tribunal de Puteaux par les trois organisations syndicales concernées ; nous attendons la date de jugement.

Les nombreux éléments publiés dans l'ouvrage de Victor Castanet et les investigations menées par la CGT ne font que corroborer ce que nous supputions depuis bien longtemps. Depuis 2019, nos élus tentent de poser leurs questions au CSE de l'unité économique et sociale (UES) Orpea, mais en vain, car elles ne sont jamais prises en compte par la majorité « syndicale » commanditée par la direction. Par exemple, la CGT a déposé cinq droits d'alerte pour danger grave et imminent pendant la première phase de la crise sanitaire ; ils ont été rejetés en bloc par le CSE sans qu'aucune des infractions dénoncées soit prise en considération, qu'il s'agisse de l'état des stocks, des équipements de protection individuelle, de l'état des lieux dans les résidences touchées par le covid ou des problèmes relevés concernant les insuffisances d'effectifs.

Que dire de la politique managériale de ce groupe, qui, outre la violence qu'il inflige à ses salariés, se permet de falsifier les contrats de travail pour générer toujours plus de profit sur le dos du contribuable ?

L'UES Orpea est composée de 220 établissements et 13 000 salariés. Le CSE y constitue une instance unique, nationale, centralisée, de trente‑cinq membres : comment pourrait‑il traiter les problèmes de chacun de ces établissements depuis l'autre bout de la France ? En 2019, les résultats pour la CGT étaient les suivants : cinq membres titulaires élus CSE, six suppléants élus CSE, cinq délégués syndicaux dits nationaux et un représentant syndical, soit dix‑sept élus et mandatés en tout. En 2022, il reste douze élus, dont cinq sont menacés de sanctions disciplinaires avec demande de licenciement. Et la casse continue. Orpea n'a pas tiré de leçons de ce qui se passe et a même mis un petit coup d'accélérateur aux licenciements pour écarter ceux qui voudraient prendre la parole pour dénoncer les faits.

Dans la même veine, la négociation sur la création, à notre demande, d'un comité d'entreprise européen n'a cessé d'être entravée et a abouti à un accord minimal, bien en deçà des attentes de l'ensemble des organisations syndicales européennes, en avril 2021. Depuis, Orpea a entrepris de licencier la secrétaire de cette instance européenne, une élue allemande – la CFDT y a fait référence.

Il aura donc fallu la sortie de l'ouvrage et notre propre investigation pour que nous disposions enfin d'assez d'éléments pour engager plusieurs contentieux, au civil comme au pénal, afin que les salariés élus et mandatés puissent retrouver leur dignité.

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