Intervention de Gilles Gadier

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Gilles Gadier, secrétaire fédéral de la branche santé de la Fédération Force ouvrière des personnels des services publics et des services de santé (FO‑SPSS) :

L'affaire Orpea n'est que le résultat des modalités de l'agrément accordé aux gestionnaires des EHPAD. Faut‑il s'étonner de ce qui se passe ensuite quand on donne un agrément à un groupe détenu par des fonds de pension canadiens, par des actionnaires qui exigent des dividendes et exercent pour les obtenir une pression financière sans limites ? On a parlé du prix des repas ; nous sommes là pour évoquer plus largement les conditions de vie des résidents, mais aussi les conditions de travail dans les EHPAD.

Le problème est connu. Je revois d'ailleurs parmi vous des députés qui m'ont précédemment auditionné à ce sujet. On ne va pas reparler du rapport Libault, de la mission d'information de Mmes Fiat et Iborra ni du rapport de Mme El Khomri sur les métiers du grand âge. Je ne reviens pas non plus sur le plan Solidarité grand âge, de 2007 à 2012. Ce n'est pas parce qu'on remplit un constat d'accident que la voiture est réparée. Tout s'est passé comme avec une voiture qu'on ne répare pas après un accident. Les constats, ça suffit : il faut véritablement changer de paradigme, en modifiant les modalités d'agrément. La maltraitance est systémique, institutionnelle, organisée. Personne ne peut l'ignorer. Il faut donc des normes, sans quoi la situation perdurera, car il n'y aura aucune raison qu'elle change.

Les normes, ce serait, quand un promoteur vient présenter un dossier pour obtenir un agrément, qu'il indique le nombre de résidents et leur taux de dépendance, ainsi que le nombre de salariés et leur qualification. À partir de là, on pourrait savoir si sont réunies les conditions... je ne dirai pas de la bientraitance, car on n'emploie ce terme que parce qu'il existe de la maltraitance : de fait, nous sommes là pour bien traiter les gens, cela va de soi.

Le manque d'effectifs fait de nos établissements des fabriques de grabataires. Je peux vous le démontrer très facilement. Un résident se déplace à son rythme ; il a besoin de temps. Mais nous n'avons pas le temps de le lui accorder. Alors que se passe‑t‑il ? S'il a du mal à marcher, comme on n'a pas le temps de l'accompagner jusqu'au bout du couloir vers la salle à manger, on le met dans un fauteuil roulant pour l'y emmener. Cela entraîne une atrophie musculaire, et la personne perd le degré d'autonomie qu'elle avait encore lorsqu'on nous l'a confiée. Ce n'est pas pour cela que nous sommes là : nous sommes des stimulateurs d'énergie. Ainsi, pendant une toilette ou un soin de nursing, nous sommes censés décrire les zones de contact et stimuler la personne encore capable de faire des mouvements pour qu'elle se lave seule. Mais là, on prend le gant, avec lequel on fait la toilette complète, et la dégradation du schéma corporel liée à l'âge s'aggrave encore. Il y a donc une rupture totale entre, d'une part, ce que l'on nous demande de faire, ce qu'il faudrait que nous fassions, et, d'autre part, ce que nous faisons réellement.

Il faut aussi permettre la traçabilité des financements. La journée de solidarité instituée en 2004, à la suite de la canicule de 2003, rapporte 2,4 à 3 milliards d'euros par an, ce qui représente plus de 35 milliards à ce jour. Ces sommes sont destinées au handicap et à la dépendance, mais on peut imaginer qu'elles ont été détournées de leur objet, car on n'a observé aucune évolution positive au sein des structures. En outre, tout le monde s'accorde à dire qu'il faudra 9 milliards de plus en 2030, à ratio constant, alors que l'effectif est insuffisant.

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