Intervention de Guillaume Gobet

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Guillaume Gobet, membre du bureau de l'Union fédérale de la santé privée (CGT), pilote du collectif Orpea :

Je suis un ancien délégué syndical de la filiale EHPAD du groupe Orpea, où j'ai travaillé pendant dix‑huit ans. Tout ce que vous avez découvert dans le livre de Victor Castanet ou un peu avant, lors des auditions auxquelles j'ai participé à l'occasion de la crise du covid, était déjà assez largement connu. Ce que nous venons peut‑être de découvrir grâce au livre concerne le système, en particulier la façon dont il a vu le jour, la promiscuité entre les grands groupes du secteur et les pouvoirs publics, la porosité avec les services publics – je pense aux responsables qui viennent des ARS ou qui y partent ensuite. Ces grands groupes ont réussi à savoir, avec un temps d'avance sur tout le monde, comment le système fonctionne et comment on peut optimiser les choses. Nous dépendons essentiellement de l'argent public, pour les salaires et les dotations. Et pourtant, les financiers ne se comportent pas comme des gens qui reçoivent de l'argent public. Ils n'agissent pas pour le bien de la société mais pour celui des actionnaires et des personnes que ces derniers rémunèrent. La dimension humaine a ainsi complètement disparu.

Le dialogue social est devenu, au fil des années, complètement hallucinant. Nos interlocuteurs nous répondaient, nous donnaient des informations uniquement quand ils en avaient envie et ils s'affranchissaient des règles légales. Nous avons dû traîner le groupe Orpea devant les tribunaux un grand nombre de fois pour obtenir des documents qui devaient nous être communiqués. Environ soixante‑dix questions posées par les élus CGT depuis 2019 n'ont toujours pas été traitées par le CSE de l'UES Orpea, au niveau de la filiale EHPAD, et le même problème se pose dans les cliniques.

Le système Orpea est allé très loin : les dirigeants du groupe ont estimé que leurs salariés représentaient un risque et qu'ils devaient être contrôlés. Or comment contrôle‑t‑on les salariés d'une société privée ? On met la main sur les instances représentatives du personnel. Ainsi, en trente ans, le groupe Orpea n'a jamais été soumis à aucun contrôle : ni ses comptes, ni les risques psychosociaux ou les troubles musculo‑squelettiques auxquels sont exposés ses personnels – alors que le secteur est, on le sait, l'un des plus accidentogènes – n'ont fait l'objet de l'audit d'un cabinet d'expertise. De fait, les instances représentatives du personnel ont été neutralisées par la création de toutes pièces du syndicat Arc‑en‑Ciel, qui forme, avec l'UNSA – ainsi, le paysage ne paraît pas trop atypique –, la majorité du CSE. Selon les résultats des dernières élections professionnelles, intervenues en 2019, la représentation syndicale au sein du groupe Orpea – groupe international, je le rappelle, qui emploie environ 30 000 salariés en France – est composée du syndicat Arc‑en‑Ciel, que personne ne connaît, de l'UNSA et de la CGT. Cela n'existe dans aucune entreprise comparable ! Le groupe a poussé la logique de son système jusqu'à contrôler ses salariés.

Cinq élus de la CGT sont actuellement sous le coup d'une sanction disciplinaire qui peut aller jusqu'au licenciement. Il est urgent d'agir ! J'ai moi‑même été licencié l'année dernière. La machine à broyer ne s'est pas arrêtée. À l'heure où nous parlons, on range les dossiers ; l'ensemble des directeurs d'exploitation du groupe ont été contactés par la direction des ressources humaines et les services financiers, qui leur ont demandé de mettre à jour l'ensemble de leurs documents. Nous en avons les preuves : il y a une semaine, à 3 heures du matin, le directeur d'un EHPAD de Nancy était dans son bureau avec un responsable régional et les ressources humaines au téléphone : les classeurs étaient sortis et les ordinateurs en train de tourner. Le nettoyage est en cours.

Depuis trop longtemps, j'entends dire : « nous allons agir », « nous allons faire des rapports »... Des rapports, il en existe treize ! Les constats sont connus : la maltraitance institutionnelle ne fait plus de doute. Et, une fois encore, vous nous dites que vous allez prendre des mesures. Je vous le demande solennellement : quand ? Les salariés, les résidents et leurs familles veulent une date.

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