Intervention de Gilles Gadier

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Gilles Gadier, secrétaire fédéral de la branche santé de la Fédération Force ouvrière des personnels des services publics et des services de santé (FO‑SPSS) :

Vous nous avez demandé si nous avions d'autres exemples de maltraitance. Encore faut‑il la définir : où commence la maltraitance ? En quoi consiste‑t‑elle ? À quel niveau se situe‑t‑elle ? Vous savez, c'est très simple. Divisez la somme des temps de présence de l'ensemble des effectifs par le nombre de résidents, vous obtiendrez le temps consacré à chacun d'eux ; divisez‑le par le nombre de tâches à effectuer, et vous comprendrez immédiatement où se situe le problème – cela vaut pour n'importe quel EHPAD, qu'il soit public ou privé, qu'il appartienne à Orpea ou à un autre groupe. La maltraitance est institutionnelle, et même systémique : elle est inhérente au système de fonctionnement des établissements et à l'absence de normes.

Qu'en est‑il de l'attractivité ? Depuis 2016, le taux d'incidence dans le secteur des EHPAD dépasse celui qui prévaut dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Non seulement nos professions ne sont pas attractives, mais les salariés sont cassés, rendus malades par leur travail. Qui plus est, cela a un coût pour la société, notamment sur le plan de la formation, car il faut former d'autant plus de personnes que la durée de vie au travail diminue à cause des conditions de travail. Or, dans le même temps, je le rappelle, on supprime les CHSCT, que l'on remplace, dans la fonction publique, par une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, laquelle n'est obligatoire qu'au‑delà d'un seuil d'effectifs fixé à deux cents agents, seuil que n'atteint aucun EHPAD de France. C'est une véritable anomalie ! Comment peut‑on considérer les EHPAD comme une structure comme une autre alors que, dans ce secteur, le taux d'incidence avoisine 40 % ? C'est dramatique.

J'en viens à la question des lanceurs d'alerte. Dans les établissements d'Orpea, on pourrait afficher le numéro 3977 sur tous les murs, cela ne servirait à rien : on sait le sort qui est réservé aux éventuels lanceurs d'alerte. La loi punit le fait de ne pas dénoncer une situation de maltraitance dont on a connaissance d'une peine de trois ans de prison et d'une amende de 45 000 euros. La coercition existe donc, mais force est de constater qu'elle ne fonctionne pas. Si je voulais être provocateur, je poserais la question : faut‑il condamner l'ensemble des salariés d'Orpea pour ne pas avoir dénoncé ce système ? Bien évidemment non : les salariés sont des victimes.

Quant aux « faisant fonction », ils coûtent moins cher. Non seulement ils assument des tâches qui ne sont pas les leurs, mais on a créé une validation des acquis de l'expérience professionnelle pour leur permettre d'obtenir un diplôme qu'ils n'ont pas, précisément parce qu'ils n'ont pas suivi la formation adéquate ! Cela démontre bien que personne n'ignore la manière dont le système est organisé.

S'agissant du secteur privé, ce qui se produit est suffisamment grave pour justifier la remise en cause des agréments. Je ne dis pas qu'il faut fermer les structures – nous en avons besoin –, mais il faut lier l'agrément au respect de nouvelles exigences et de nouvelles normes.

Enfin, on parle du statut d'entreprise à mission et de la place qui serait faite aux salariés. Si je voulais être encore une fois provocateur, je demanderais si ces salariés appartiennent à l'organisation syndicale Arc‑en‑Ciel... Tant que l'on ne mettra pas un coup de pied dans la fourmilière, nous n'avons aucune raison de penser que les choses changeront : on connaît le mode de financement et les exigences de rentabilité du système marchand.

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