Intervention de Yann Le Baron

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Yann Le Baron, secrétaire national de la Fédération UNSA Santé et sociaux public et privé :

En tant que représentant de l'UNSA Santé et sociaux public et privé, je souscris aux propos de mes collègues.

Je précise, pour que ce soit clair pour tous – la structuration de l'UNSA ne facilite pas la compréhension –, que c'est l'UNSA Syndicat autonome métiers de la santé (SAMS), absent ce jour, qui siège au CSE d'Orpea ; notre fédération n'y est pas présente, hélas.

Le respect du taux d'encadrement n'aurait pas permis d'éviter le problème – il l'aurait limité –, en particulier au sein du groupe Orpea, où le management a un aspect systémique – mais c'est valable dans d'autres grands groupes privés à but lucratif. En revanche, dans d'autres établissements, il le pourrait. Il convient de ne pas l'oublier.

Qu'en est‑il des conseils d'établissement ? Plus on relocalise, plus on remet l'humain au centre des préoccupations et plus on est proche du terrain, plus c'est simple. La volonté des dirigeants d'Orpea d'éloigner systématiquement la représentation du personnel a favorisé la mise en place de son management, notamment en permettant de shunter les contrôles. En effet, comment ceux‑ci seraient‑ils possibles dès lors que l'inspecteur du travail du siège est seul compétent pour l'ensemble des sites et que les inspecteurs du travail sont de moins en moins nombreux ? L'une des solutions – elle n'est pas parfaite – consiste donc à inverser le processus et à relocaliser au plus près du terrain la représentation du personnel, de manière à la faire vivre dans un dialogue raisonné et raisonnable. Il convient également d'accroître la présence des formations spécialisées en matière de sécurité et de santé au travail, qui sont en mesure d'agir si on leur en donne les moyens.

Quant au 3977, il faut d'abord un affichage dans les établissements. Ce numéro a été si peu médiatisé que les acteurs du secteur eux‑mêmes ne le connaissent pas toujours. Son affichage est d'ailleurs sans doute l'un des indices de la qualité d'un établissement, de même que la publication des comptes rendus des réunions des différentes instances et l'existence d'un véritable dialogue social. Encore faut‑il que les salariés et leurs représentants puissent y avoir recours sans prendre le risque de subir les foudres de leur direction.

Les CVS existent depuis 2004. Fort bien, mais on y discute essentiellement des menus... Ces instances sont mal utilisées, mal dotées sur le plan réglementaire, n'ont aucun moyen véritable et la représentation du personnel y est limitée. Sans doute faut‑il donc revoir l'architecture de ces conseils, de manière qu'ils soient audibles et puissent agir, y compris à l'échelon local.

Que veulent les citoyens ? Pour ma part, je sais plus ou moins ce que veulent les salariés, mais j'ignore ce que veulent les citoyens : c'est à vous de répondre à cette question. Je sais, en revanche, que, depuis trente ou quarante ans, on ne veut plus voir la mort et la maladie. On ignore ce qui se passe dans les EHPAD parce qu'on ne veut pas le savoir. Grâce au courage de Victor Castanet et de ceux de nos collègues qui travaillent au sein du groupe Orpea, le scandale a éclaté, mais les exemples sont nombreux : il suffit de fouiller un peu pour les découvrir. Par exemple, lorsqu'il n'y a que soixante‑dix biscottes pour quatre‑vingts résidents, vous êtes contraint de les couper. Si vous n'avez pas le temps de faire la toilette des résidents, vous en êtes réduit à faire de fausses toilettes en vous contentant de leur laver le visage et les mains. C'est une véritable maltraitance, mais elle est institutionnelle, liée au manque de moyens. Les personnels n'y sont pour rien. Ils sont plongés dans ce qui ressemble à l'expérience de Milgram, écrasés par le système.

Les grands groupes financiers ont des moyens colossaux, inimaginables – on le mesure lorsqu'on apprend, par exemple, que 4 millions d'euros ont été proposés à nos collègues de la CGT. Cela soulève la question du financement du système de santé privé à but lucratif. Imaginez que, demain, la sécurité sociale rembourse une salle de bains par an aux Français : les plombiers deviendraient une force financière colossale ! On peut faire du privé lucratif – c'est honorable, il faut des entrepreneurs –, mais pas avec de l'argent public. Réinvestissons plutôt celui‑ci dans le secteur public, ou alors donnons‑nous les moyens de soumettre ces grands groupes financiers au contrôle d'acteurs institutionnels indépendants. Pour l'instant, le système est totalement permissif, au point qu'il a permis à une véritable hydre de se développer grâce à l'argent public. Et, aujourd'hui, Korian ne jure que par l'entreprise à mission et plaide pour un ratio opposable ? Ne soyons pas dupes ! Ces demandes ont pour seul but de masquer l'impéritie de ces acteurs en matière de prise en charge. Lorsque la poussière sera retombée, on renouera avec les bonnes vieilles méthodes : on licenciera les personnels qu'on aura recrutés, et ce sera reparti pour un tour.

Il faut prendre le problème à sa source et se demander ce qu'il convient de faire pour changer le système de financement, pour le contrôler et pour faire en sorte que les moyens soient véritablement à la hauteur des besoins. Tous les contrôles qui étaient possibles ne le sont plus. Il faut donc faire machine arrière, pour les restaurer et réhabiliter l'exercice démocratique, syndical ou politique, au cœur d'un système qui nous en a privés.

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