Le docteur Jean‑Claude Marian est le fondateur et désormais président d'honneur du groupe Orpea. Je vous remercie, monsieur, d'avoir répondu à notre invitation et d'avoir fait le voyage depuis la Belgique.
Neuropsychiatre de formation, vous avez fondé le groupe Orpea en 1989. Celui‑ci s'est développé au fil des décennies, d'abord en France puis à l'étranger. Il compte désormais plus de 1 100 établissements dans vingt‑trois pays. Vous avez quitté la direction du groupe en 2017 et vous êtes retiré de son capital en janvier 2020.
Vous ne l'ignorez pas, les faits relatés dans l'ouvrage Les Fossoyeurs de M. Victor Castanet ont suscité de la colère, de l'indignation, de l'écœurement et une véritable onde de choc dans le secteur des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et, plus largement, dans l'opinion publique. Nous menons des auditions depuis le 2 février pour tenter d'établir si les faits relatés sont avérés, pour comprendre le fonctionnement de ces établissements et les modalités de leur contrôle, et pour proposer des pistes de réflexion afin de remédier aux difficultés constatées.
La représentation nationale a été déçue de la qualité des auditions de l'actuel président‑directeur général du groupe, M. Philippe Charrier, du directeur général France, M. Jean‑Claude Romersi, et de l'ancien directeur général délégué en charge de l'exploitation et du développement du groupe, M. Jean‑Claude Brdenk. Nos questions précises n'ont reçu que des réponses vagues, qui noyaient le poisson, voire pas de réponse du tout, laissant souvent un sentiment de désinvolture, parfois d'arrogance – on nous a même demandé de faire preuve de discernement.
Plusieurs auditions ont, en revanche, corroboré certains des constats de M. Victor Castanet. D'anciens salariés du groupe, des familles de résidents et des avocats de ces familles ont relaté des faits absolument révoltants survenus dans des établissements Orpea, et auxquels les directions n'auraient réagi que par le déni. Je le rappelle, l'ouvrage décrit une organisation fondée sur le rationnement de l'alimentation et des protections des résidents, y compris dans les établissements affichant des tarifs très élevés, une gestion des établissements axée sur le seul taux d'occupation, des pratiques de marges arrières sur des produits financés par de l'argent public, un système de droit d'entrée pour les laboratoires d'analyse et les kinésithérapeutes, un très fort turnover des personnels, le recours systématique à des contrats à durée déterminée, des licenciements abusifs, le soutien à un syndicat « maison », et j'en passe.
Le groupe Orpea est décrit comme un système fondé sur la compression des coûts et l'optimisation des profits, au détriment de la qualité de la prise en charge des résidents, au point qu'on est conduit à s'interroger sur la pertinence du modèle des EHPAD à but lucratif. Nous sommes très désireux d'avoir votre éclairage sur ces assertions, sur l'impact de ce livre et sur les débats qu'il suscite.