Intervention de Gisèle Biémouret

Réunion du mercredi 2 mars 2022 à 8h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret, rapporteure :

En dix‑neuf auditions et tables rondes, nous avons auditionné quarante‑sept personnes issues de divers horizons gravitant autour du monde de l'EHPAD. Je les remercie de leur disponibilité et de leur implication dans les travaux de la représentation nationale.

Des éléments remontés, nous avons dégagé trois axes de travail : l'orientation vers un établissement et l'entrée en EHPAD ; le rôle des proches pendant la vie de la personne âgée au sein de l'EHPAD ; la prévention des conflits entre les proches et l'EHPAD.

D'emblée, nous avons à cœur de signaler deux éléments. Le premier est qu'il existe des EHPAD, heureusement nombreux, où les choses se passent bien – je salue toutes les personnes qui travaillent chaque jour aux côtés de nos aînés. Le second, confirmé cette semaine par la Cour des comptes, est que les difficultés rencontrées dépassent largement le caractère public ou privé de la structure. Nos constats et recommandations ne concernent donc pas seulement les EHPAD privés ou les établissements publics ; le bien‑être des personnes âgées doit dépasser ce clivage.

Il me revient de vous présenter nos conclusions concernant la phase d'orientation vers l'EHPAD, depuis la perte d'autonomie jusqu'au choix d'un établissement adapté.

L'entrée en établissement, parce qu'elle emporte des aspects à la fois émotionnels, pratiques et financiers, est une perspective qu'on envisage trop tardivement. L'acceptation de la perte d'autonomie par la personne directement concernée et par son entourage n'est pas chose facile, et s'accompagne d'un fort sentiment de culpabilité de « placer son parent ». Pour que l'EHPAD ne fasse plus peur, pour qu'il soit associé non plus à une fin ou à un deuil mais plutôt à une continuité de vie, à une nouvelle étape, le monde de l'EHPAD ne doit plus être clos ; il doit s'ouvrir sur son environnement et le monde extérieur doit pouvoir venir à sa rencontre.

L'entrée en EHPAD est très souvent brutale alors que des moyens existent pour ménager une transition douce – par exemple, en ouvrant des activités se déroulant en leur sein aux personnes extérieures ou en y offrant la possibilité de courts séjours. Des solutions d'hébergement temporaire peuvent à la fois offrir un temps de répit aux proches aidants très impliqués au quotidien, et permettre à la personne âgée de prendre des habitudes en dehors du domicile initial, et d'avoir une vision de ce qu'est un établissement s'il fallait un jour y envisager une admission pérenne.

Lorsque le maintien à domicile n'est plus possible, l'alternative à favoriser est celle des résidences autonomie, un modèle dont certains éléments pourraient être repris dans les EHPAD. Par exemple, la possibilité de recevoir sa famille pour un repas, dans un espace privatisé, concourt au maintien du lien social et de l'intimité du résident.

Un autre moyen de limiter le bouleversement que constitue l'entrée en institution est la poursuite du suivi médical par les professionnels de santé qui assuraient les soins à domicile. C'est déjà le cas pour les médecins traitants ; cela pourrait aussi l'être pour les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les dentistes.

La plus grande vigilance doit être accordée à ce que les personnes âgées peu entourées ou n'ayant plus de famille bénéficient également de toute l'attention dont elles ont besoin. Les intervenants à domicile, les professionnels au sein de l'EHPAD et les bénévoles jouent un rôle important dans l'accompagnement de ces personnes et dans la prévention de l'isolement.

En somme, les moyens existent pour ne pas se retrouver au pied du mur au moment de choisir un établissement et pour que la transition se fasse en douceur.

La difficile question du libre choix du lieu de vie par les résidents a été soulevée au cours des auditions. L'EHPAD est encore largement un choix par défaut ou dicté par l'urgence. La personne concernée n'est pas toujours au centre du processus de décision, et il n'est pas évident pour les proches de comparer les offres existantes avec la proximité géographique comme premier critère de choix. La plateforme en ligne www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr, lancée en 2015, mettant à disposition un annuaire des établissements et un simulateur de reste à charge, a amélioré la visibilité et la transparence financière de l'offre. Toutefois, le faisceau d'indices permettant de trouver un EHPAD adapté aux besoins d'un parent pourrait être utilement complété avec des indicateurs objectifs de qualité de la prise en charge.

Une fois l'établissement choisi, un véritable lien de confiance doit être instauré entre les proches et l'équipe médico‑soignante. Les documents remis lors de l'admission – contrat de séjour, charte des droits et libertés du résident, projet d'accompagnement – doivent faire l'objet d'une meilleure appropriation et de davantage de réciprocité ; ils doivent être expliqués et ne pas rester lettre morte. Que contiennent les clauses du contrat, quels sont les droits de la personne âgée et ceux de ses proches, quelles sont les obligations à respecter pour permettre la vie en communauté ? La coconstruction du projet de vie du résident est essentielle pour appréhender l'EHPAD comme un lieu de vie de plein exercice, et non seulement comme un établissement de soins. La connaissance de l'histoire de la personne âgée, celle de son entourage, de ses loisirs et de ses goûts sont autant d'éléments qui permettent l'individualisation indispensable de son parcours au sein de l'établissement. Pour qu'elle s'y sente vraiment chez elle, la programmation d'un entretien un mois après son entrée permettrait de faire le point avec elle et ses proches sur son intégration dans la structure et sur les adaptations possibles.

On ne doit plus entendre ce qu'on nous a dit lors de nos auditions, que l'EHPAD, ça ressemble au mieux à un hôpital, au pire à une prison !

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