Intervention de Valérie Six

Réunion du mercredi 2 mars 2022 à 8h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six, rapporteure :

« La prise en charge de nos aînés nous ramène à notre propre humanité », a écrit Victor Castanet dans son livre. Cette humanité a été mise à mal par ses récentes révélations, ainsi que par celles du reportage de Cash Investigation sur la situation dans certains EHPAD.

En tant que parlementaire, je me sens frustrée de ce que nous n'avons pas eu la possibilité de présenter un rapport plus étoffé que ces quelques préconisations, alors qu'une loi sur le grand âge et l'autonomie devra être l'une des priorités du prochain mandat. Dans le temps contraint qui nous a été imparti, nous avons tenu à auditionner tous les acteurs intervenant dans les établissements, à confronter la parole des associations de bénévoles et de familles avec celle des personnels des établissements, soignants et non soignants, ainsi que celle des tutelles et des ministères.

Chaque âge de la vie mérite l'accompagnement le plus adapté, sans stigmatisation ni hiérarchisation. Si la crise sanitaire a obligé de nombreux établissements à se refermer pour protéger leurs résidents, si elle a justifié certaines restrictions, celles‑ci ne sont désormais plus de mise. La Défenseure des droits l'a relevé dans son rapport de mai 2021, le choix des horaires de repas ou les difficultés liées à l'insuffisance de personnels ne sauraient justifier une restriction du droit de visite des résidents, qui relève de la Constitution et du droit fondamental européen. La liberté de recevoir des visites et celle de rendre visite doivent être la règle. C'est d'autant plus nécessaire qu'une augmentation du syndrome de glissement, attestée par plusieurs rapports issus d'institutions de contrôle, a eu des effets concrets sur la mortalité au sein des établissements. Ces deux libertés de visite sont directement liées à l'EHPAD conçu comme une maison, et non comme un hôpital. L'EHPAD doit être considéré comme le lieu de résidence de la personne âgée ; la chambre doit devenir le logement, et le résident, l'habitant. Toutes les libertés qui ne portent pas atteinte au bon fonctionnement de la vie en communauté doivent pouvoir être pleinement exercées. Les familles doivent disposer de toutes les informations nécessaires pour s'assurer de la qualité de séjour de leurs proches.

Le conseil de la vie sociale (CVS) est censé remplir cette fonction. Or, avec un CVS sur cinquante qui fonctionne correctement, l'institution a besoin d'être profondément rénovée. Ce qui était une obligation innovante dans la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico‑sociale est devenu trop souvent une coquille vide, quand il est mis en place.

Du point de vue de sa composition, le CVS constitue déjà un espace dans lequel sont représentés les résidents et les familles. Or 10 % à 20 % de résidents n'ont aucune famille proche et ne sont donc plus entendus dans les établissements. Il faudrait étendre leur représentation aux associations de bénévoles qui s'occupent d'eux. On pourrait même envisager la présence de représentants d'associations de quartier ou d'élus locaux chargés de la vie de la cité, afin d'encourager un lien entre les résidents et la vie locale. Le personnel aussi est représenté dans le CVS. L'instance pourrait donc utilement contribuer au renforcement du dialogue entre les familles et les soignants. C'est pourquoi nous proposons qu'un représentant des soignants soit obligatoirement intégré dans chaque CVS.

Du point de vue de son fonctionnement, le CVS n'a qu'un rôle consultatif. Sans sanction ni contrôle, il est rarement mis en place. Nous souhaitons que ces conseils deviennent des instances de concertation, avec obligation d'examiner certains points annuellement – projet d'établissement, lutte contre la maltraitance, promotion de la bientraitance, par exemple. Sur le modèle du conseil social et économique (CSE) des entreprises, le CVS participerait ainsi à la gouvernance de l'établissement. Il serait également pertinent de permettre aux CVS d'allouer une part du budget de l'établissement à des activités culturelles, de stimulation intellectuelle ou de renforcement du lien social.

Ce rôle renforcé appellerait une modernisation de la formation et de l'information concernant le CVS. Les associations représentant les aidants l'ont souligné, cette instance est souvent découverte par hasard, au cours des échanges entre les résidents et les familles. Il faut absolument informer de son existence dès l'entrée en EHPAD, par le biais d'affiches par exemple. Ce rôle nouveau appellerait également une formation accrue des participants. Comme dans les CSE, des sessions de formation à destination des représentants des familles et du personnel pourraient leur rappeler le rôle de l'instance, les droits fondamentaux dont disposent les résidents et leurs familles, ainsi que leur droit à l'information sur ce qui se passe dans l'établissement.

Pour dessiner une perspective d'amélioration concrète de la vie des résidents, nous sommes parties du principe que la sociabilité est unanimement reconnue comme l'une de leurs principales sources de joie. Nous avons repris à notre compte les propositions visant à lutter contre l'isolement par l'ouverture des EHPAD sur leur environnement immédiat. Sur le modèle des tiers‑lieux que propose la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), certains établissements pourraient accueillir des crèches, intégrer des activités ouvertes aux personnes extérieures...

Ce sont là quelques pistes d'améliorations concrètes et immédiates, dans l'attente d'une réforme structurelle de la prise en charge de nos aînés.

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