Intervention de Jeanine Dubié

Réunion du mardi 8 mars 2022 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié, rapporteure :

Bien que notre rapport porte sur la gestion financière des EHPAD, je veux insister sur le fait que la première des priorités est de pallier le manque de personnel dans les établissements, quels qu'ils soient. Je rappelle que le taux d'encadrement global y est de 0,63, et le taux d'encadrement du personnel soignant, de 0,31. Or, on assiste aujourd'hui à une augmentation du groupe iso‑ressources moyen pondéré (GMP) et du référentiel PATHOS ; les populations accueillies sont âgées, souvent malades et de plus en plus dépendantes. Nous avons bien conscience que la priorité est de doter les établissements d'une capacité en personnel suffisante pour prodiguer des soins corrects et assurer une prise en charge digne, que nos personnes âgées méritent.

Madame Peyron, nous n'avons pas enquêté sur les malversations. Ce n'était pas l'objet de notre mission. Sur ce point, des procédures judiciaires ont été engagées. Pour notre part, outre les auditions globales de la commission, nous avons conduit des auditions spécifiques, mais en nous concentrant sur le contrôle de la tarification.

Vous nous interrogez sur l'amélioration des règles comptables. Il est impératif d'être en mesure d'apprécier, au sein des établissements commerciaux, les flux financiers opérés entre sections : nous ne remettons pas en cause cette latitude qu'ont offerte les CPOM, mais il faut en améliorer le contrôle. Il n'est pas acceptable que dans les établissements commerciaux, les excédents des sections soins et dépendance s'ajoutent aux bénéfices de la section d'hébergement et remontent jusqu'au groupe. Ce qu'il faut contrôler, c'est donc les flux financiers existant d'une part entre les sections d'un établissement, et d'autre part entre ce dernier et le groupe. C'est pourquoi nous demandons un EPRD et un ERRD consolidés au niveau du groupe.

Nous ne remettons pas en cause le modèle lucratif, nous demandons simplement qu'une véritable réflexion s'engage à ce sujet. Il existe aujourd'hui un service public de santé, qui comprend des hôpitaux publics et des établissements privés participant à l'exercice de la mission de santé. Madame Victory, vous évoquez l'institution d'un service public de l'accueil des personnes âgées. Cela fait partie des questions qui devront être étudiées.

Cela étant, pour rassurer Mme Firmin Le Bodo, nous avons bien conscience que 20 % des établissements ont un caractère commercial : il n'est pas question de changer cela du jour au lendemain. Il n'en reste pas moins que la réflexion doit être conduite.

Monsieur Perrut, notre volonté est d'avoir une vision globale des relations entre l'établissement et le groupe. Nous n'avons pas pu, en l'espace de quinze jours, étudier toutes les modalités envisageables, y compris la proposition du SYNERPA sur la conclusion de CPOM au niveau national, mais l'esprit est sans doute le même. Il faut un contrôle à l'échelle du groupe.

S'agissant de la convergence tarifaire, elle avait été appliquée dans une certaine mesure en 2002. À l'heure actuelle, à référentiel PATHOS et à dépendance identiques, cette dernière étant mesurée par la grille autonomie gérontologie groupes iso‑ressources (AGGIR), des moyens semblables sont accordés, grâce à une formule mathématique qui prend en compte divers éléments : valeur du point, nombre de personnes accueillies, valeur du GMP et du GMP soins, PATHOS... Une chose est sûre, ces moyens sont insuffisants et ne permettent pas de couvrir correctement les besoins. La dotation accordée à un établissement correspond à un certain nombre d'équivalents temps plein, en aides‑soignants ou en infirmières par exemple, qui ne permet pas d'assurer le remplacement des personnels en congé maladie ou annuel. Pour prendre en charge correctement les résidents du 1er janvier au 31 décembre, il y a donc deux possibilités : soit on remplace poste par poste au risque de se trouver en déficit, soit on ne remplace pas, afin de rester dans le cadre de l'enveloppe. Il faudra donc aussi prendre en considération les charges liées aux remplacements.

S'agissant des différences entre départements, nous avons constaté, lors de nos auditions, qu'en Paca, 50 % des établissements ont un caractère commercial. Cela justifie une forme de régulation.

Nous sommes favorables au contrôle du juge des comptes. Cela se fait déjà : l'ARS Paca a saisi la CRTC de la situation d'un établissement. C'est une démarche qu'il faut généraliser, notamment s'agissant des établissements commerciaux, dès lors qu'aucune autorité ne peut intervenir en matière de tarification du forfait d'hébergement.

Madame Victory, nous pensons que la transformation d'un EHPAD en société à mission ne changerait pas grand‑chose. Le projet d'établissement fixe déjà les objectifs en matière de prise en charge, qu'il s'agisse des soins, de l'hôtellerie ou de la restauration. Par ailleurs, il existe un contrat, un projet de vie individualisé, une charte des droits et libertés de la personne âgée en situation de dépendance. Si toutes ces dispositions étaient déjà correctement appliquées, avec les moyens correspondants, on aurait ce qu'il faut pour assurer une bonne prise en charge.

Madame Firmin Le Bodo, on peut en effet légitimement se demander si les ARS et les départements sont les mieux placés pour effectuer le contrôle, dans la mesure où ce sont ces mêmes autorités qui fixent les objectifs à atteindre – auparavant dans le cadre des conventions tripartites et aujourd'hui dans celui des CPOM – et qui tarifient, financent et contrôlent. On observe souvent un décalage entre l'objectif à atteindre, souvent très ambitieux, et les capacités financières. Nous nous sommes demandé s'il fallait une structure indépendante. Nous n'avons pas la réponse, mais, après en avoir discuté avec les ARS Occitanie, Paca et Centre‑Val de Loire, nous pensons qu'il doit y avoir une séparation entre les inspecteurs de l'ARS en charge du contrôle et les personnels assurant la tarification. Il faut renforcer les brigades d'inspection au sein des agences pour effectuer davantage de contrôles inopinés, à tout moment : il peut être notamment utile, par exemple, d'être là au lever des résidents, à 6 heures du matin, ou de voir s'ils ne dînent pas à 17 heures 30 pour être couchés à 18 heures – car, bien que cela soit interdit par toutes les normes en vigueur, ces pratiques existent.

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