Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 8 mars 2022 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 8 mars 2022

La séance est ouverte à seize heures trente.

La commission examine d'abord le bilan de son activité sous la XVe législature.

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Alors que cette législature s'achève, il est de tradition, dans cette commission comme dans toutes les autres, de jeter un regard rétrospectif sur les cinq années qui viennent de s'écouler – déjà cinq ans !

Comme vous le savez, j'ai été élue à la tête de cette commission il y a près de deux ans maintenant, suite à la nomination au Gouvernement de ma prédecesseure, qui sera donc avec nous tout à l'heure, à savoir Mme Brigitte Bourguignon, à laquelle j'aimerais rendre hommage cet après‑midi car nous partageons ce bilan.

C'est aussi l'occasion pour moi de vous dire, avant de revenir sur les points marquants de nos travaux, combien j'ai été très honorée de présider la commission des affaires sociales, qui porte si bien son nom tant les sujets qu'elle traite concernent directement le quotidien de nos concitoyens.

Pour en revenir au bilan, je ne vous accablerai pas de chiffres mais j'aimerais quand même vous faire part d'éléments importants. D'abord, l'ampleur de nos travaux : d'une législature à l'autre, nous sommes passés de 385 à plus de 430 réunions et de 717 heures à plus de 800 heures de réunion.

Pour ce qui est de ses activités législatives, la commission a examiné quarante‑neuf textes qui ont été adoptés définitivement et sont devenus des lois promulguées, dont cinq projets de loi de financement de la sécurité sociale.

À ces quarante‑neuf textes, s'ajoutent cinquante‑quatre autres, dont la procédure d'examen n'a pas pu aboutir et dont certains sont par exemple en navette au Sénat.

Au total, la commission a donc examiné pas moins de cent trois textes législatifs, dont près de la moitié ont été promulgués. Et il faut y ajouter l'examen de huit propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ainsi que le renvoi de cinq propositions de résolution européenne.

Les activités de contrôle et d'évaluation ont été tout aussi intenses. Globalement, la commission a publié près de soixante rapports ou communications, ce qui inclut les six rapports de la MECSS ainsi que de nombreuses missions « flash », missions d'information, missions d'information communes mais aussi des rapports d'application ou d'évaluation des lois.

Bien sûr, ces données quantitatives n'ont pas de sens en elles‑mêmes. Elles sont aussi, et surtout, marquées par le travail qualitatif des commissaires aux affaires sociales. Je veux donc dire ici combien chacun a pris sa part et vous remercier pour votre mobilisation et votre assiduité exemplaire au cours de cette législature.

Dans mes propos liminaires, j'ai bien sûr tenu à saluer Mme Brigitte Bourguignon, mais je n'oublie pas non plus nos deux rapporteurs généraux successifs, Olivier Véran, notre actuel ministre des solidarités et de la santé, et Thomas Mesnier, qui lui a succédé. Je salue également la co‑présidente et les deux co‑présidents successifs de la MECSS, tous les rapporteurs de textes et de missions d'information, les référents, les whips, les responsables de textes, les orateurs des groupes et tous les intervenants. Comme toujours, et c'est important, je tiens également à remercier les services de notre commission pour leur soutien sans faille et leur engagement à nos côtés.

Les sujets de fond qui nous ont occupé au cours de ces cinq années furent très nombreux et variés : d'abord, le financement de la sécurité sociale, bien sûr, « figure imposée » chaque année, mais aussi les mesures d'urgence économiques et sociales de fin 2018, sans oublier, dans le cadre d'une commission spéciale, la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, à l'initiative de notre rapporteur général ; la santé, avec la loi dite « OTSS » et la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, mais aussi la loi tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, la loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé et la loi visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid‑19 ; les droits des femmes, en ce 8 mars, avec la loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle et la loi visant à renforcer le droit à l'avortement ; l'enfance et la jeunesse, avec la loi relative à la protection des enfants et la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques ; la vieillesse, avec la loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles et la loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles ; la solidarité, avec la loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap, la loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, la loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap et la loi visant à améliorer les droits des travailleurs et l'accompagnement des familles après le décès d'un enfant.

Je n'oublie pas non plus la question de l'emploi, avec les mesures pour le renforcement du dialogue social, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et la loi pour renforcer la prévention en santé au travail.

Je tiens également à mettre en valeur un point qui me paraît capital : même quand les textes n'ont finalement pas été adoptés en commission ou en séance, nous avons toujours eu des débats de très haute tenue, souvent libérés de toute attache partisane. Je pense à l'examen des propositions de loi sur la fin de vie, sur les déserts médicaux, sur la légalisation du cannabis, sur le revenu de base, sur l'extension du revenu de solidarité active aux jeunes, sur l'éthique du don d'organes dans le monde ou sur l'emploi des seniors.

Nos travaux de contrôle et d'évaluation sont également nombreux et vous ne m'en voudrez donc pas de ne pas pouvoir tous les citer. Je retiendrai en particulier les six rapports de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ainsi que nos travaux sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sujet ô combien d'actualité, ceux sur la santé mentale, sur la maladie de Lyme, sur le médicament, sur les professions médicales, sur l'emploi des travailleurs expérimentés ou encore l'évaluation de la loi « avenir professionnel ».

Cette législature aura aussi vu la création du Printemps social de l'évaluation, sous l'impulsion de la MECSS et du rapporteur général. Année après année, nous nous sommes efforcés collectivement d'en améliorer l'organisation et l'efficacité. Nous sommes même parvenus à ce que ces travaux aboutissent à un débat en séance publique, dans l'esprit de la réforme du Règlement de 2019, qui a consacré l'exécution et le contrôle des lois de finances et de financement.

Je ne peux pas conclure sans évoquer bien sûr la crise de la covid, qui a marqué près de la moitié des cinq années écoulées. Elle a d'abord impacté nos modes de travail, qu'il a fallu adapter en recourant aux visioconférences, aux réunions « mixtes » et même aux « demi‑jauges » en présentiel.

Mais cela a surtout suscité une réaction de notre commission qui, parallèlement au travaux de commission d'enquête présidée par Brigitte Bourguignon puis Julien Borowczyk, a déployé une intense activité. Vous vous souvenez que six binômes de référents appartenant à tous les groupes de notre commission s'étaient mis à l'œuvre dès le début du mois d'avril. Ensuite, la commission a entrepris une importante série d'auditions qui nous ont permis d'aborder tous les aspects de cette crise sanitaire, depuis la vaccination jusqu'au télétravail en passant par la situation dans les EHPAD, la santé psychique et les traitements de données. Ici aussi, notre commission a été au rendez‑vous et à la hauteur.

C'est également le cas depuis le début du mois dernier avec notre travail intensif sur les EHPAD, qui s'achemine vers sa conclusion après plus de trente heures d'auditions et de réunions en commission, auxquelles s'ajoutent les travaux des quatre missions « flash » associant, une fois de plus, l'ensemble des groupes politiques. Vous avez ainsi tous contribué à une réaction à la fois rapide, complète et pertinente. Tel était l'objectif : réagir rapidement en auditionnant un maximum d'acteurs, afin de faire toute la lumière sur la situation dans certains EHPAD et donner ainsi à nos concitoyens les éléments de réponse qu'ils sont en droit d'attendre.

À l'issue de ces cinq années dont on peut dire qu'elles auront été surprenantes, nul ne sait ce que sera la prochaine législature, ni quels en seront les acteurs, mais je ne doute pas que chacun aura à cœur de perpétuer ce qui fait de cette commission une très belle commission.

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Je crois que beaucoup de nos concitoyens connaissent mal le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Ils n'en ont qu'une vision à travers certaines images qui déforment parfois ce qu'est la qualité de notre travail, notamment les questions au Gouvernement, ou parfois certains propos tenus par les uns ou par les autres, ou bien simplement les images de l'hémicycle, et ils ignorent ce qui se passe en commission. Et pourtant, dans cette commission comme dans les autres commissions, c'est un véritable travail de fond qui se fait, à tel point que nous disons souvent les uns et les autres que c'est ici, au sein même de notre commission et des autres commissions, que se fait le vrai travail parlementaire.

Je voudrais rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui ont participé, vous‑même, madame la présidente, et Mme Bourguignon, et nous tous qui avons travaillé dans le respect de nos convictions – nous ne sommes pas toujours d'accord, heureusement ! c'est ce qui fait la démocratie –, nous avons échangé des points de vue, sur des positions qui peuvent être totalement opposées, parfois se rapprocher, être mal comprises ou même nous rassembler, car cette commission des affaires sociales a certainement une grande vertu, c'est de nous placer au cœur des grands enjeux sociétaux. Lorsqu'on parle de santé, elle appartient à tous, bien évidemment, et on sait que c'est une priorité des Français ; lorsqu'on parle des EHPAD, nous savons combien la dignité humaine est au cœur de leurs préoccupations ; lorsqu'on parle de sécurité sociale, on voit bien la diversité que présente ce sujet mais aussi combien il est aussi un véritable sujet d'ordre financier, qui nous dépasse parfois, parce qu'au‑delà de notre propre volonté, il faudrait trouver tous les moyens nécessaires à la mise en œuvre de toutes les politiques que nous voulons.

Pour toutes ces raisons, je porte un regard positif sur le travail de cette commission, même si, bien évidemment, tous les textes ne correspondaient pas à nos attentes – dans ce cas, nous l'avons dit et nous nous y sommes opposés, pour certaines – tandis que nous en avons voté certains, et si des textes que nous attendions ne sont jamais venus en discussion – vous voudrez bien me pardonner d'évoquer cette grande loi sur l'autonomie et le grand âge que nous aurions espérée, mais je crois que nous partageons tous le même point de vue. Il faut donc espérer que quels que soient le Président de la République et le Gouvernement, l'Assemblée nationale, dans les mois qui viennent, ose mettre en œuvre une grande politique pour nos aînés, le vieillissement et l'autonomie.

Je vous remercie, madame la présidente, et, à travers vous, toutes celles et tous ceux qui vous entourent pour accomplir leur mission, car si les parlementaires sont parfois rapporteurs et portent la parole de groupes de travail, de missions « flash » ou de missions d'information, c'est bien évidemment parce qu'à leurs côtés, les services de l'Assemblée et les collaborateurs, dont la compétence est reconnue, sont présents pour aider et retrouver les éléments nécessaires.

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Je souscris pleinement à ce qui vient d'être dit.

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Je salue également le travail de celles et ceux qui nous ont accompagnés durant toutes ces années.

Cette commission a été un lieu de confrontation, d'échanges, de travail, de construction de propositions et de mesures pour essayer de faire face à des enjeux considérables auxquels nous sommes et nous avons été confrontés. J'éprouve évidemment un peu d'amertume en me souvenant du démarrage des travaux de notre commission avec une habilitation à légiférer par ordonnances qui nous avait été demandée par le Gouvernement : c'est un signal qui, dès notre élection, était peut‑être un peu rude ou peut‑être aussi un peu annonciateur, en vérité.

Mais cela ne nous a pas empêchés de continuer à travailler et à réfléchir. Il y a les lois qui ne sont pas venues – Bernard Perrut vient d'en dire quelques mots. Il y a aussi celles qui sont venues, et parfois je le regrette aussi et j'aurais aimé que le progrès social soit un peu plus au rendez‑vous de nos travaux. C'est l'appréciation contradictoire que nous portons sur le bilan de ces cinq dernières années mais toujours est‑il que le lieu dans lequel nous nous trouvons a effectivement été ce lieu de la confrontation politique, de la confrontation des propositions, de la confrontation des visions : c'est extrêmement précieux et je remercie donc toutes celles et tous ceux qui y ont œuvré.

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Je remercie grandement tous ceux qui nous ont conseillés et accompagnés de façon si précieuse tout au long de ce mandat. Pour avoir présidé une commission spéciale et rapporté deux propositions de loi ainsi que des missions d'information, je sais à quel point leur aide est précieuse, surtout lorsqu'on découvre dans un premier mandat le fonctionnement de l'Assemblée nationale.

Comme l'a dit Bernard Perrut, notre rôle, et peut‑être le rôle de ceux qui nous succéderont dans les mandatures suivantes, c'est de faire connaître le fonctionnement du travail en commission. Je crois qu'il est de notre responsabilité de faire savoir que ce qui se passe dans l'hémicycle est important mais que ce n'est pas forcément ce qui ressort comme étant le plus glorieux de notre travail. Je crois qu'à l'énumération de tout ce que nous avons fait, nous pouvons collectivement si ce n'est peut‑être éprouver de la fierté pour ce travail en commission, du moins avoir le sentiment que nous avons bien travaillé au service de nos concitoyens, chacun dans le respect des idées des autres.

Vous avez cité beaucoup de sujets, madame la présidente, mais pour ma part, j'ajouterai la création de la cinquième branche, qui a constitué un grand progrès tout en ayant le regret collectif et partagé de ne pas avoir adopté cette loi « grand âge et autonomie » qui manque peut‑être au bilan de cette mandature mais dont on peut espérer qu'elle marquera le démarrage de la future.

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Sur la méthode, d'abord, je veux saluer la courtoisie qui a régné dans cette commission et votre esprit d'ouverture, madame la présidente. Je veux vous remercier de ce que vous avez toujours laissé la parole quand nous la demandions et même quand nous souhaitions la reprendre. Je pense en effet que cet état d'esprit est important pour travailler correctement et de façon constructive pour l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.

Sur le fond, il y a effectivement eu beaucoup de textes mais aussi beaucoup de regrets. Nous terminons ce mandat avec un hôpital en crise, avec un vrai sujet sur les personnels, les rémunérations et l'attractivité des métiers, ce qui touche au quotidien de nos concitoyens. Je veux aussi ajouter la désertification médicale, à laquelle nous n'avons pas trouvé de solutions si ce n'est à long terme ; mais dans les prochaines années, nous allons vivre des moments très difficiles.

Je regrette comme tout le monde que cette loi pour le maintien de l'autonomie n'ait pas vu le jour. Nous nous réjouissons de la création de la cinquième branche mais je rappelle sans cesse qu'elle n'est aujourd'hui qu'un cadre budgétaire, résultant de la fusion des objectifs nationaux de dépenses d'assurance maladie pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées. À aucun moment on n'a travaillé sur de nouvelles recettes afin de mieux rémunérer le personnel à domicile et le personnel des EHPAD et d'assurer une meilleure prise en charge.

Bien sûr, mon grand regret est que nous n'ayons pas abouti sur la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés mais je ne perds pas espoir et je pense que ce sera chose faite durant la prochaine mandature.

Je ne conclurai pas sans remercier l'ensemble des services de la commission, qui nous accompagnent régulièrement dans nos travaux, et sans leur dire combien j'ai apprécié leur capacité de travail et d'analyse, qu'ils font un excellent travail et qu'il est très agréable de travailler avec eux.

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À mon tour, je souhaite souligner le travail important accompli par la commission des affaires sociales, que j'ai pour ma part intégrée en seconde partie de mandat, ainsi que les qualités de sa présidence, d'abord avec Mme Bourguignon, puis avec vous, madame Khattabi. J'ai beaucoup apprécié votre sérieux, votre travail et, comme cela a été souligné, la manière dont vous présidez et donnez la parole à chacun, ce qui est important.

C'est l'occasion pour moi de parler de la proposition de loi visant à réformer l'adoption, qui ne peut pas entrer dans le bilan de la commission des affaires sociales : en effet, apportant davantage de modifications au code civil qu'au code de l'action sociale et des familles, elle a été renvoyée à la commission des lois. Pour ma part, je la rapprocherai de l'ensemble des considérations sur la protection des enfants, sujet qui m'est cher et qui est en lien direct avec mon parcours professionnel.

Je veux également remercier tous les collègues pour ces échanges riches et parfois vifs et, puisque je ne présenterai pas à nouveau devant les électeurs, vous dire que je garderai un excellent souvenir de ce passage en commission des affaires sociales. Merci à tous pour ces échanges riches qui m'ont nourrie tout au long de mon mandat.

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Nous conserverons également un souvenir très agréable de votre présence dans cette commission et vous avez raison de rappeler cette proposition de loi sur l'adoption, sujet dont nous savons qu'il vous tenait à cœur et sur lequel vous vous êtes pleinement investie.

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J'ai rejoint cette commission en juin 2020 et m'y suis tout de suite très bien sentie. Je remercie donc tous les commissaires pour leur accueil mais aussi les services, dont nous sommes conscients qu'ils donnent beaucoup de leur temps. Je remercie également la présidente pour sa présidence très chaleureuse, respectueuse de chacun et soucieuse de faire vivre le débat.

Cette commission a accompli de nombreux travaux. Chacun a pu y trouver sa place et j'ai eu le plaisir de prendre ma part et de me sentir utile, notamment au travers du projet de loi relatif à la protection des enfants, même si on voudrait toujours aller plus loin et si ce n'est jamais complètement abouti. Comme vous tous, j'aurais souhaité que nous allions plus loin pour la grande loi sur l'autonomie et, de par les fonctions que j'ai antérieurement exercées, pour le traitement de la grande précarité.

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Je vous remercie pour ces propos très constructifs, auxquels je souscris pleinement. Comme l'a observé M. Perrut, les débats contradictoires font la force mais aussi la richesse de la démocratie. Vous avez dit qu'il y avait encore beaucoup à faire, et c'est vrai : nous avons fait certaines choses, mais il faut poursuivre. Les Français nous regardent en se disant que malgré nos divergences, nous pouvons travailler ensemble et faire avancer certains sujets de manière collective, ce qui est très positif. Je vous remercie de votre travail et de votre implication sans faille au service des Françaises et des Français, pour lesquels nous exerçons nos fonctions.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication d'un rapport d'information sur le bilan de son activité sous la XVe législature.

La commission entend ensuite la communication de Mme Caroline Janvier, Mme Jeanine Dubié et M. Pierre Dharréville sur la gestion financière des EHPAD.

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Mes chers collègues, nous entendons aujourd'hui les communications présentées par les rapporteurs de nos deux dernières missions « flash » sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

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Un mot d'abord sur les objectifs qui ont été les nôtres dans cette mission « flash ». Le livre de Victor Castanet ainsi que les auditions que nous avons menées ont révélé, dans l'ensemble du système des EHPAD, des problèmes, des dynamiques préoccupantes, des zones grises. En partant de ce constat, nous avons voulu distinguer ce qui, dans la gestion financière, relevait de problèmes généraux de financement des EHPAD, de ce qui était imputable au système privé lucratif – les EHPAD commerciaux.

En nous penchant de plus près sur ces fameuses zones grises, nous avons cherché à identifier les mécanismes qui devraient être revus pour éviter que l'argent public ne serve à autre chose qu'à prendre correctement en charge les personnes âgées. Nous avons également réfléchi à la manière d'améliorer le contrôle pour pouvoir détecter ces dérives.

Après deux semaines de travaux, nous sommes parvenus à poser un diagnostic d'ensemble sur la gestion financière des EHPAD, dont nous tirons treize recommandations. Certaines sont très concrètes, d'autres s'apparentent plutôt à des pistes pour une réforme structurelle qu'il conviendra d'explorer dans le cadre d'un prochain projet de loi pour le grand âge et l'autonomie.

En effet, nous parvenons tous aux mêmes conclusions : il faut réformer en profondeur le secteur de la prise en charge des personnes âgées pour mieux accompagner nos aînés et relever l'immense défi démographique qui se présente à nous. C'est particulièrement vrai pour le financement des EHPAD.

Tout d'abord, ce financement s'illustre par sa complexité, qui tient aux interventions croisées des départements, de l'assurance maladie et des résidents, à travers la prise en charge des forfaits soins, dépendance et hébergement.

Les enveloppes soins et dépendance, financées respectivement par les agences régionales de santé (ARS) et les départements, sont calculées en fonction d'équations tarifaires fondées sur le niveau de dépendance et de santé moyen des résidents d'un EHPAD. Elles valorisent les gestes techniques de prise en charge des résidents, comme la toilette, au détriment des actes de prévention de la perte d'autonomie ou du temps d'échange avec les personnes âgées et leurs familles. Il conviendrait de simplifier les circuits de financement en fusionnant les enveloppes soins et dépendance.

D'autre part, le taux d'encadrement en personnels soignants est insuffisant. S'il s'établit en moyenne, toutes catégories confondues, personnels administratifs compris, à 63 équivalents temps plein (ETP) pour 100 résidents, le taux moyen d'encadrement des personnels soignants en EHPAD n'est que de 31 ETP pour 100 résidents.

Tous les EHPAD sont pris dans une spirale négative, conséquence de la faiblesse de l'encadrement : glissements des tâches vers les fonctions du soin et généralisation du recours aux « faisant fonction », maltraitance et burn‑out du personnel, difficultés à recruter dans les métiers de l'accompagnement en EHPAD du fait de leur manque d'attractivité.

Pourtant, de bonnes mesures ont été prises. Les travaux du Ségur de la santé ont débouché sur une revalorisation historique de ces métiers. Tous les personnels des EHPAD publics et privés non lucratifs ont vu leur salaire mensuel augmenter de 183 euros. Nous avons engagé un plan d'investissement de 2,1 milliards pour rénover les EHPAD et les faire basculer dans l'ère du numérique.

D'autre part, en 2016, la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement avait permis d'assouplir la gestion financière des EHPAD en remplaçant les conventions tripartites par des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). Conclu pour cinq ans entre l'ARS, le département et l'établissement, le CPOM est un bon outil pour donner de la visibilité et de la souplesse aux gestionnaires des établissements. Cet outil a été critiqué par les personnes auditionnées mais il nous semble préférable de mieux l'encadrer plutôt que de le supprimer.

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Je profiterai de cette journée internationale des droits des femmes pour rendre hommage à toutes celles, nombreuses, qui ont choisi les métiers de l'humain et prennent soin de nos anciens, et qui méritent beaucoup plus de reconnaissance.

On le sait, la situation est critique. Le secteur de l'autonomie manque de financements, ce qui a d'ailleurs incité à ouvrir plus largement la porte au domaine privé à but lucratif. Le nombre d'EHPAD mercantiles croît tandis que l'offre publique se tarit. L'offre privée lucrative représente un peu plus de 20 % des EHPAD de l'ensemble de la France, mais est devenue prépondérante dans certaines régions. Ainsi, en Provence‑Alpes‑Côte d'Azur (Paca), elle constitue la moitié des établissements.

La montée en puissance du secteur privé lucratif au détriment des autres modes d'accueil ne peut nous laisser indifférents, du fait du reste à charge bien plus élevé pour les familles. Alors qu'un EHPAD privé commercial coûte en moyenne 2 700 euros par mois, un EHPAD public tourne autour de 1 900 euros par mois, soit un écart de 40 % alors que le taux d'encadrement est inférieur de 40 % dans le secteur lucratif. C'est le monde à l'envers !

Parallèlement, nous assistons à une financiarisation galopante du secteur. En France, cinq groupes – Orpea, Korian, DomusVi, Colisée et Domidep – se partagent désormais la moitié de l'offre commerciale, contre dix en 2011. L'introduction de plusieurs groupes en bourse conduit au versement de montants très importants de dividendes. Le gouffre qui s'est creusé depuis plusieurs années entre, d'une part, les bénéfices générés par certains groupes et les rémunérations astronomiques de leurs dirigeants, et d'autre part les salaires proposés à des personnels dont les conditions de travail sont de plus en plus difficiles, pose question.

Les auditions ont mis en évidence des zones grises. La coexistence de trois forfaits dans le budget des EHPAD permet à certains établissements de maximiser les dépenses prises en charge par les pouvoirs publics avec les forfaits soins et dépendance afin de minimiser celles qui sont imputées sur le forfait hébergement, et d'accroître ainsi leurs bénéfices. Ainsi, des personnels non diplômés font fonction d'aides‑soignants, bien souvent de manière permanente. Il conviendra de mieux encadrer l'imputation des dépenses de personnels sur les différentes sections tarifaires en fonction de leur finalité. Nous proposons également de fusionner les forfaits soin et dépendance.

Les auditions ont confirmé la pratique des remises de fin d'année, parfois très importantes, évoquées par Victor Castanet. Il n'est pas admissible que des groupes privatisent des remises obtenues sur des produits financés par des dotations publiques : ces dernières ont vocation à bénéficier directement aux résidents. Ce mode de fonctionnement peut dégrader la qualité des produits achetés, alors que les remises consenties devraient contribuer à améliorer la qualité de la prise en charge. Nous proposons, par conséquent, de faire apparaître dans les comptes des EHPAD et de leurs groupes les remises sur les achats et de les obliger à les réinvestir dans l'amélioration de la prise en charge des résidents, à due concurrence des achats réalisés.

De façon générale, les comptes de tous les EHPAD, publics, associatifs ou commerciaux, et le cas échéant ceux des groupes auxquels ils appartiennent, doivent être transparents sans que le secret des affaires puisse être invoqué.

Les auditions ont permis de lever le voile sur des pratiques d'ingénierie financière et de spéculation sur le parc immobilier. La revente d'établissements à des investisseurs en quête de rentabilité peut aboutir à l'augmentation des loyers et, par conséquent, des prix de journée, tout en déconnectant les intérêts des bailleurs de l'entretien des locaux. Ces pratiques nécessitent des montages financiers complexes dans lesquels interviennent des sociétés de capital‑investissement.

Nous devrons réfléchir de manière globale à plusieurs sujets. D'abord, les modalités de gestion du parc immobilier des EHPAD doivent être passées en revue et évaluées afin que les coûts, et par conséquent le tarif hébergement facturé aux résidents, soient mieux maîtrisés.

Nous devrons également évaluer les effets d'une régulation des tarifs d'hébergement et fixer, le cas échéant, un tarif plafond. Nous pourrions demander aux EHPAD commerciaux de verser une redevance en contrepartie de l'autorisation qui leur est délivrée en cas de maintien de la liberté tarifaire.

Pour éviter certaines dérives spéculatives, il faudra revoir le régime des autorisations des EHPAD, notamment en cas de revente de tout ou partie des établissements. Les ARS et les départements devraient au moins être informés du changement de propriétaire quand un groupe revend des parts d'EHPAD à des particuliers.

Les dispositifs de défiscalisation qui encouragent cette financiarisation ne devraient‑ils pas être supprimés ? Qui sont les actionnaires, du reste ? Ce sont souvent des fonds de pension mais il arrive qu'il s'agisse de sociétés semi‑publiques, qui encouragent le système. Et il conviendrait encore de veiller à ce que l'argent ne soit pas détourné vers des paradis fiscaux.

Enfin, la crise actuelle pose la question de l'intérêt des EHPAD commerciaux pour notre société. La quête insatiable de profits par des entreprises cotées en bourse, même si leur fonctionnement est régulé, est‑elle compatible avec la prise en charge de nos aînés les plus fragiles ? Quel est l'impact de l'existence des EHPAD commerciaux sur l'ensemble de l'écosystème de l'autonomie ?

Nous devrons engager une réflexion approfondie sur la pertinence de ce modèle. En attendant, est‑il opportun de délivrer de nouvelles autorisations à des EHPAD commerciaux tant que toutes les leçons de la crise actuelle n'auront pas été tirées ?

M me Jeanine Dubié, rapporteure. Je concentrerai mon propos sur le contrôle de la gestion financière des EHPAD, qu'il est urgent de renforcer.

Il s'agit essentiellement de contrôles sur pièces réalisés par les départements et les ARS. Or les effectifs correspondants ont chuté ces dernières années – une baisse de 20 % en dix ans pour les ARS. C'est une des raisons pour lesquelles les contrôles sur place et inopinés sont si rares, alors que ce sont eux qui permettent de détecter des anomalies. D'autre part, les personnes auditionnées ont expliqué que les personnels manquaient d'expertise pour déceler les transferts entre forfaits et les manipulations budgétaires complexes opérées par certains établissements.

Nous proposons de renforcer le contrôle des EHPAD par les départements et les ARS en leur donnant davantage de moyens, financiers et humains, pour cela, et en développant les collaborations avec les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), lesquelles peuvent d'ores et déjà contrôler des EHPAD. La Cour des comptes pourrait également jouer un rôle, comme l'a souhaité son premier président, Pierre Moscovici, lors de sa dernière audition au Sénat.

L'un des problèmes majeurs soulevés par Victor Castanet réside dans l'absence de vision d'ensemble des autorités sur les comptes des EHPAD privés lucratifs – non habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale – qui ne sont tenus de transmettre que des états prévisionnels et réalisés des recettes et des dépenses (EPRD et ERRD) simplifiés. Le forfait hébergement n'entre pas dans le champ de leur contrôle, qui porte uniquement sur les forfaits soins et dépendance.

Nous proposons de rendre obligatoire la transmission d'EPRD et d'ERRD complets, incluant le forfait hébergement, pour tous les EHPAD, ainsi que l'élaboration d'EPRD et d'ERRD consolidés au niveau des groupes, afin de disposer d'une vision globale de leurs comptes.

Sans remettre en cause les CPOM, qui présentent des avantages, ils nous semblent avoir offert trop de liberté aux gestionnaires d'établissements commerciaux. Il leur revient ainsi de constituer leurs propres équipes, en fonction des moyens alloués, sans avoir à respecter un ratio minimal d'encadrement. Ils ont donc toute latitude pour réaliser des économies sur les dépenses de personnel, en recrutant des personnes moins expérimentées qu'ils paieront moins, ou en ne remplaçant pas les absents.

Les excédents de résultat n'étant plus repris par les autorités de tarification depuis l'instauration des CPOM, les excédents dégagés sur la masse salariale, financée majoritairement par de l'argent public au titre des forfaits soins et dépendance, ne sont pas forcément réinvestis de manière à renforcer les effectifs. Nous proposons d'imposer aux EHPAD commerciaux le report à nouveau des excédents des budgets soins et dépendance.

Le renforcement des contrôles permettra de mieux comprendre les comptes des EHPAD, ce qui aboutira à améliorer les prestations proposées aux résidents. Leurs droits, qui découlent de la loi mais aussi du contrat passé avec l'établissement, seront ainsi mieux respectés. C'est le sens des contrôles, pour l'instant insuffisants, réalisés par les directions départementales de la protection des populations, rattachées à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont nous avons entendu des représentants.

La démarche dans laquelle doit s'inscrire la gestion financière des EHPAD ne doit pas être simplement comptable : elle doit aussi garantir la qualité des prestations proposées. Le nouveau référentiel de qualité pour les établissements et services sociaux médico‑sociaux, défini par la Haute Autorité de santé (HAS), devra être utilisé dans un cadre juridique sécurisé, comme le prévoyait l'article 52 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, que le Conseil constitutionnel a considéré comme un cavalier social et a censuré. Il s'agissait de faire accréditer les organismes évaluateurs par le Comité français d'accréditation, qui est l'instance nationale d'accréditation, ou par tout organisme européen équivalent. Cette disposition, qui va dans le bon sens, devra être adoptée dès que possible.

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Votre travail s'inscrit dans un contexte particulier, celui de l'affaire qui touche certains établissements du groupe Orpea, que le journaliste Victor Castanet a mis en cause dans son livre, Les Fossoyeurs. Il y dénonce un système qui serait maltraitant, où seule la rentabilité financière prévaudrait.

Son enquête révèle de nombreuses malversations financières au sein des établissements. Les auditions que vous avez menées ont‑elles permis de confirmer les faits ? Le cas échéant, quelle serait l'ampleur de ces malversations ? D'autres établissements, groupes privés ou publics, se seraient‑ils rendus coupables d'agissements comparables ?

Vous proposez plusieurs mesures pour améliorer les règles comptables dans les EHPAD. Pourriez‑vous les préciser ?

Deux propositions retiennent mon attention. Vous nous invitez d'abord à réfléchir aux modalités de gestion du parc immobilier et aux dispositifs de défiscalisation des investissements en EHPAD. D'autre part, vous suggérez de mesurer les effets d'une régulation des tarifs d'hébergement et de l'obligation imposée aux établissements de s'acquitter d'une redevance au cas où la liberté tarifaire serait maintenue. Quels abus avez‑vous pu constater en l'espèce ? Ces mesures permettraient‑elles d'y mettre fin ? Remettraient‑elles en cause le modèle lucratif ou seraient‑elles le moyen de mieux le réguler ?

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Le contrôle financier des EHPAD consiste essentiellement en un contrôle sur pièces réalisé par les départements et les ARS, les contrôles sur place restant rares. Comment renforcer les contrôles inopinés ? Le Syndicat national des établissements et résidences privés et services d'aide à domicile pour personnes âgées (SYNERPA) propose d'établir des CPOM au niveau national pour les groupes d'EHPAD, en lien avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la HAS, les ARS et les conseils départementaux, afin de contrôler les comptes aux niveaux local et national. Qu'en pensez‑vous ?

Vous avez présenté vos propositions pour faire évoluer le mode de financement des EHPAD. Or celui‑ci a déjà été réformé en profondeur en décembre 2016 pour instaurer une convergence tarifaire entre les établissements, fondée sur un nouveau mode de calcul des dotations soins et dépendance. Malheureusement, cette nouvelle mesure s'est surtout traduite par de nouveaux déséquilibres et les EHPAD publics hospitaliers, les unités de soins de longue durée ainsi que les EHPAD de petite capacité en ont pâti. Au contraire, les EHPAD privés lucratifs sont sortis vainqueurs de cette nouvelle tarification. Que pouvez‑vous en dire ?

Quant aux inégalités entre les départements, comment pourrions‑nous lutter contre les écarts de prise en charge ?

Afin d'améliorer la prise en charge des résidents âgés et mettre fin aux disparités territoriales, la Cour des comptes recommande d'augmenter les dotations publiques allouées aux EHPAD d'un montant compris entre 1,3 et 1,9 milliard d'euros. Elle souligne que les effectifs de soignants sont souvent insuffisants et qu'il manque un médecin coordonnateur à temps plein dans la moitié des établissements. Elle recommande d'harmoniser les critères d'évaluation du degré de dépendance des seniors. Partagez‑vous son avis ?

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Votre communication confirme les faits révélés par le livre de Victor Castanet, qui a provoqué une véritable onde de choc. Il dénonce en particulier une gestion des EHPAD tournée vers le seul rendement économique et le profit, ce qui est insupportable.

Vous identifiez plusieurs éléments qui auraient dû nous alerter, tels que la concentration des groupes privés qui gèrent les EHPAD et leur financiarisation accrue, qui ne pouvait que faire prévaloir l'intérêt capitalistique sur la politique publique de soin. De surcroît, il faudra mettre fin au système des remises de fin d'année qui revient à optimiser les dotations publiques.

La rationalisation maximale de la prise en charge des résidents, notamment sur la nourriture et les frais de siège, dont les bénéfices retombent dans les poches des dirigeants, ne doit pas perdurer. Comment y mettre fin ?

Je partage votre proposition de réguler les tarifs d'hébergement en tenant compte du niveau de vie et de fixer un tarif plafond. Serait‑il possible d'aller plus loin en transformant ces EHPAD privés lucratifs en sociétés à mission, ou d'imposer aux groupes privés une marge bloquée qui ne pourrait être réutilisée que pour être investie dans les établissements ?

Vous souhaitez enfin, fort légitimement, que les comptes publics soient transparents. Comment ce service public auquel nous pensons tous pourrait‑il prendre forme ? Ces établissements privés à but lucratif pourraient‑ils être transformés, ou réinvestis, dans des structures publiques ? Quoi qu'il en soit, il faut commencer à changer réellement les choses.

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Je tiens à saluer, en ce 8 mars, toutes les femmes qui travaillent, et elles sont nombreuses, dans ces établissements.

Nous avons tous été indignés par les révélations du journaliste Victor Castanet sur les méthodes de management et de gestion financières dans les EHPAD du groupe Orpea. Financiarisation excessive imposant une logique déraisonnée de réduction des coûts, qui se traduit par des restrictions dans l'usage des produits de santé essentiels au bien‑être des résidents ; personnels en sous‑effectif et pas toujours remplacés ; économies de bout de chandelle sur les repas ou les protections : le mot rationalisation aura été confondu avec celui de rationnement.

Vous l'avez souligné, le système de financement des EHPAD est complexe. Il se décline en trois forfaits : soins, dépendance et hébergement. Vous proposez de fusionner les deux premiers dans un souci de simplification. Je me réjouis que cette préconisation, que j'avais formulée avec Charlotte Parmentier‑Lecocq en septembre 2017, fasse son chemin. Elle faisait suite à la crise dans les EHPAD déclenchée par la réforme de la tarification.

Concernant les CPOM, qui ont remplacé les conventions tripartites, quel bilan tirez‑vous de la souplesse qu'ils ont permis d'introduire dans le pilotage financier des établissements ? Comment restaurer un pilotage par la qualité, notamment grâce à des indicateurs de prise en compte de la prévention ?

Concernant les contrôles, vous préconisez de conforter le rôle des ARS et des départements en leur accordant davantage de moyens d'inspection. Mais ARS et départements sont également les financeurs des EHPAD : sont‑ils les mieux placés pour jouer ce rôle ? Notre mission « flash », la semaine dernière, penchait plutôt pour la création d'un organisme indépendant, qui pourrait être rattaché à la Cour des comptes.

Enfin, vous proposez de supprimer les dispositifs de défiscalisation pour investissement dans des EHPAD privés. Ne craignez‑vous pas que cela conduise à la disparition de ces établissements, qui représentent 20 % des EHPAD en France ?

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Je commencerai par les CPOM. Dans cette mission « flash », nous avons essayé d'éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain, autrement dit de pénaliser les EHPAD publics ou privés non lucratifs en raison de malversations commises par des EHPAD commerciaux. Or il me semble que les CPOM constituent une avancée importante pour les établissements publics et associatifs, dans la mesure où ils permettent une pluriannualisation des financements et une plus grande marge d'autonomie, avec notamment la reprise des excédents. C'est pourquoi nous avons souhaité conserver cette modalité de contractualisation avec les autorités de financement, même s'il convient de mieux réguler la gestion des excédents. À cette fin, nous proposons d'imposer aux seuls EHPAD commerciaux le report à nouveau des excédents des budgets des soins et de la dépendance, pour éviter que les fonds publics ne servent à la rémunération des actionnaires.

Quant à la question du contrôle, nous formulons plusieurs propositions. Madame Victory, la transformation d'un EHPAD privé lucratif en société à mission ne nous a pas paru une bonne idée – Jeanine Dubié vous en dira plus. En revanche, madame Firmin Le Bodo, les ARS et les départements, auxquels il faut adjoindre les CRTC, restent de bons interlocuteurs car ils tarifient et connaissent les établissements. À cet égard, je regrette la recentralisation des effectifs et des moyens des ARS à l'échelle régionale, alors que leurs délégations départementales entretenaient un lien de proximité avec les établissements et pouvaient mieux évaluer leurs besoins budgétaires. Quoi qu'il en soit, les ARS, départements et CRTC restent des autorités pertinentes pour effectuer les contrôles, même s'il convient de renforcer leurs moyens et en particulier leurs effectifs.

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Compte tenu du temps qui nous était imparti, nous n'aurons peut‑être pas réponse à toutes vos questions. Nos travaux méritent d'être approfondis, et sans doute l'Assemblée se saisira‑t‑elle de ces sujets lors de la prochaine législature.

Madame Peyron, pour confirmer l'ampleur des malversations, il faudrait mener une enquête fouillée, laquelle est probablement en cours hors de l'Assemblée, du moins je l'espère. Vous demandez si les mesures que nous proposons, à la suite des abus constatés en matière de gestion immobilière, permettront une meilleure régulation ou iront jusqu'à mettre en cause l'existence du secteur lucratif. Il nous faudra débattre de la place que l'on souhaite accorder aux établissements à but lucratif dans notre système d'accompagnement de l'autonomie. Les avis divergent, la société française s'interroge. Les récentes révélations, qui s'ajoutent aux indices dont on disposait depuis quelque temps, rendent cette réflexion d'autant plus nécessaire. Pour ma part, je m'interroge fortement sur la pertinence du modèle à but lucratif, car l'existence de ces établissements a un impact sur l'ensemble du système : la directrice d'un EHPAD me disait que les autorités s'inspirent de la politique d'efficience appliquée dans le secteur lucratif pour fixer des objectifs à l'ensemble des établissements, ce qu'a confirmé une chercheuse que nous avons auditionnée.

Monsieur Perrut, vous avez évoqué les différences entre départements. Nous proposons de fusionner les forfaits soins et dépendance, ce qui conduirait à revoir l'organisation de la prise en charge et du financement de l'autonomie. À titre personnel, je considère que la sécurité sociale doit être au cœur de la réponse aux besoins exprimés en matière de protection sociale. La puissance publique doit être présente, et le service public puissant.

Madame Firmin Le Bodo, vous nous demandez si la disparition des mécanismes de défiscalisation des investissements dans les EHPAD ne risque pas de tarir l'investissement. À mes yeux, on devrait commencer par s'interroger sur la faiblesse de l'investissement public et des services publics : c'est le nœud du problème. On a eu tendance à laisser faire le privé. J'ai vu des EHPAD publics se faire racheter par des groupes privés. On a peu ou prou engagé une dynamique de renoncement. La CGT et la CFDT, que nous avons auditionnées il y a quelques jours, ont réalisé une étude montrant que des sociétés dépendant de la Caisse des dépôts participent au financement des groupes privés. C'est assez incompréhensible et cela mériterait d'être mis à plat.

Madame Victory, face à l'espace considérable occupé par les groupes privés à but lucratif, il faut engager un processus de reconquête. Une réflexion doit être engagée à ce sujet.

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Bien que notre rapport porte sur la gestion financière des EHPAD, je veux insister sur le fait que la première des priorités est de pallier le manque de personnel dans les établissements, quels qu'ils soient. Je rappelle que le taux d'encadrement global y est de 0,63, et le taux d'encadrement du personnel soignant, de 0,31. Or, on assiste aujourd'hui à une augmentation du groupe iso‑ressources moyen pondéré (GMP) et du référentiel PATHOS ; les populations accueillies sont âgées, souvent malades et de plus en plus dépendantes. Nous avons bien conscience que la priorité est de doter les établissements d'une capacité en personnel suffisante pour prodiguer des soins corrects et assurer une prise en charge digne, que nos personnes âgées méritent.

Madame Peyron, nous n'avons pas enquêté sur les malversations. Ce n'était pas l'objet de notre mission. Sur ce point, des procédures judiciaires ont été engagées. Pour notre part, outre les auditions globales de la commission, nous avons conduit des auditions spécifiques, mais en nous concentrant sur le contrôle de la tarification.

Vous nous interrogez sur l'amélioration des règles comptables. Il est impératif d'être en mesure d'apprécier, au sein des établissements commerciaux, les flux financiers opérés entre sections : nous ne remettons pas en cause cette latitude qu'ont offerte les CPOM, mais il faut en améliorer le contrôle. Il n'est pas acceptable que dans les établissements commerciaux, les excédents des sections soins et dépendance s'ajoutent aux bénéfices de la section d'hébergement et remontent jusqu'au groupe. Ce qu'il faut contrôler, c'est donc les flux financiers existant d'une part entre les sections d'un établissement, et d'autre part entre ce dernier et le groupe. C'est pourquoi nous demandons un EPRD et un ERRD consolidés au niveau du groupe.

Nous ne remettons pas en cause le modèle lucratif, nous demandons simplement qu'une véritable réflexion s'engage à ce sujet. Il existe aujourd'hui un service public de santé, qui comprend des hôpitaux publics et des établissements privés participant à l'exercice de la mission de santé. Madame Victory, vous évoquez l'institution d'un service public de l'accueil des personnes âgées. Cela fait partie des questions qui devront être étudiées.

Cela étant, pour rassurer Mme Firmin Le Bodo, nous avons bien conscience que 20 % des établissements ont un caractère commercial : il n'est pas question de changer cela du jour au lendemain. Il n'en reste pas moins que la réflexion doit être conduite.

Monsieur Perrut, notre volonté est d'avoir une vision globale des relations entre l'établissement et le groupe. Nous n'avons pas pu, en l'espace de quinze jours, étudier toutes les modalités envisageables, y compris la proposition du SYNERPA sur la conclusion de CPOM au niveau national, mais l'esprit est sans doute le même. Il faut un contrôle à l'échelle du groupe.

S'agissant de la convergence tarifaire, elle avait été appliquée dans une certaine mesure en 2002. À l'heure actuelle, à référentiel PATHOS et à dépendance identiques, cette dernière étant mesurée par la grille autonomie gérontologie groupes iso‑ressources (AGGIR), des moyens semblables sont accordés, grâce à une formule mathématique qui prend en compte divers éléments : valeur du point, nombre de personnes accueillies, valeur du GMP et du GMP soins, PATHOS... Une chose est sûre, ces moyens sont insuffisants et ne permettent pas de couvrir correctement les besoins. La dotation accordée à un établissement correspond à un certain nombre d'équivalents temps plein, en aides‑soignants ou en infirmières par exemple, qui ne permet pas d'assurer le remplacement des personnels en congé maladie ou annuel. Pour prendre en charge correctement les résidents du 1er janvier au 31 décembre, il y a donc deux possibilités : soit on remplace poste par poste au risque de se trouver en déficit, soit on ne remplace pas, afin de rester dans le cadre de l'enveloppe. Il faudra donc aussi prendre en considération les charges liées aux remplacements.

S'agissant des différences entre départements, nous avons constaté, lors de nos auditions, qu'en Paca, 50 % des établissements ont un caractère commercial. Cela justifie une forme de régulation.

Nous sommes favorables au contrôle du juge des comptes. Cela se fait déjà : l'ARS Paca a saisi la CRTC de la situation d'un établissement. C'est une démarche qu'il faut généraliser, notamment s'agissant des établissements commerciaux, dès lors qu'aucune autorité ne peut intervenir en matière de tarification du forfait d'hébergement.

Madame Victory, nous pensons que la transformation d'un EHPAD en société à mission ne changerait pas grand‑chose. Le projet d'établissement fixe déjà les objectifs en matière de prise en charge, qu'il s'agisse des soins, de l'hôtellerie ou de la restauration. Par ailleurs, il existe un contrat, un projet de vie individualisé, une charte des droits et libertés de la personne âgée en situation de dépendance. Si toutes ces dispositions étaient déjà correctement appliquées, avec les moyens correspondants, on aurait ce qu'il faut pour assurer une bonne prise en charge.

Madame Firmin Le Bodo, on peut en effet légitimement se demander si les ARS et les départements sont les mieux placés pour effectuer le contrôle, dans la mesure où ce sont ces mêmes autorités qui fixent les objectifs à atteindre – auparavant dans le cadre des conventions tripartites et aujourd'hui dans celui des CPOM – et qui tarifient, financent et contrôlent. On observe souvent un décalage entre l'objectif à atteindre, souvent très ambitieux, et les capacités financières. Nous nous sommes demandé s'il fallait une structure indépendante. Nous n'avons pas la réponse, mais, après en avoir discuté avec les ARS Occitanie, Paca et Centre‑Val de Loire, nous pensons qu'il doit y avoir une séparation entre les inspecteurs de l'ARS en charge du contrôle et les personnels assurant la tarification. Il faut renforcer les brigades d'inspection au sein des agences pour effectuer davantage de contrôles inopinés, à tout moment : il peut être notamment utile, par exemple, d'être là au lever des résidents, à 6 heures du matin, ou de voir s'ils ne dînent pas à 17 heures 30 pour être couchés à 18 heures – car, bien que cela soit interdit par toutes les normes en vigueur, ces pratiques existent.

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Comme l'a rappelé Jeanine Dubié, l'ensemble des établissements souffrent d'une insuffisance de financement. Toutefois, les établissements publics sont particulièrement frappés du fait de la taxe sur les salaires, qui peut se traduire par 3 ETP en moins que les autres établissements, ce qui n'est pas rien. Il faut vraiment réfléchir à la question du financement, en gardant à l'esprit que si l'on augmente la masse financière consacrée à l'accompagnement de l'autonomie, il faut veiller à ce que cela se fasse au bénéfice des résidents. Beaucoup de travail reste à réaliser pour atteindre ces objectifs.

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J'ajoute un mot sur la redevance, qui me paraît une fausse bonne idée. En effet, elle serait versée en contrepartie de l'autorisation de fonctionnement – définie en nombre de lits – accordée à l'établissement. Or le secteur public et associatif éprouve des difficultés pour investir ou rénover les bâtiments, alors que c'est le cœur de métier des établissements commerciaux, qui se consacrent surtout au développement immobilier : leur objectif est de se développer et de construire. À l'origine, l'idée était de prélever une redevance sur le secteur privé pour donner aux EHPAD publics les moyens d'investir. Le risque est que l'essentiel des appels à projets et des autorisations soient captés par les établissements commerciaux, qui se développeraient encore plus qu'autrement, quitte à payer la redevance. Nous avons relayé cette suggestion dans le rapport parce qu'elle existe, mais cela ne constitue pas pour autant une préconisation. On peut y réfléchir, mais il faudra que la mesure soit extrêmement encadrée.

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Je vous remercie pour la qualité de vos travaux et des réponses que vous avez apportées.

La commission entend ensuite la communication de M. Didier Martin, Mme Marine Brenier et M. Cyrille Isaac‑Sibille sur les conditions de travail et la gestion des ressources humaines en EHPAD.

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Mes chers collègues, je vous informe que M. Bernard Perrut supplée Mme Marine Brenier, à laquelle nous souhaitons un prompt rétablissement.

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Les conclusions de notre mission « flash » sont très complémentaires de celles qui viennent d'être présentées. Nous nous retrouvons largement sur le constat qui a été dressé et sur de nombreuses préconisations. Il sera intéressant de confronter les résultats de nos travaux et les conclusions des inspections diligentées par le Gouvernement, sur les finances, d'une part, et sur les conditions de travail et la gestion des ressources humaines au sein des EHPAD, d'autre part.

Bouleversés et scandalisés par l'affaire Orpea, nous avons mené cette mission « flash » avec une détermination sans faille. Voilà plusieurs années que les métiers du grand âge, en général, et le secteur des EHPAD en particulier connaissent une situation difficile. Effectifs insuffisants, absentéisme, turnover élevé : les EHPAD, dans lesquels résident quelque 600 000 personnes fragiles, souvent en perte d'autonomie, peinent, pour la plupart d'entre eux, à garantir aux personnes âgées un accompagnement adapté à leurs besoins.

Face à cette situation, le Gouvernement a pris des mesures fortes afin d'accroître l'attractivité des métiers : création de postes, hausse des rémunérations – de la prime « grand âge » aux revalorisations salariales décidées à l'occasion du Ségur de la santé –, ouverture de nouveaux parcours de formation, déploiement d'un programme de lutte contre la sinistralité et d'amélioration de la qualité de vie au travail, investissements massifs – 1,5 milliard d'euros – dans la rénovation et la numérisation des établissements, etc.

Cependant, de l'avis de tous, la gestion des ressources humaines doit encore progresser dans les EHPAD. Notre mission formule treize propositions pour améliorer les conditions de travail des professionnels et la qualité de la prise en charge des résidents. Je centrerai mon propos sur les conditions de travail, ce qui impose de dire un mot, au préalable, de l'évolution du profil des pensionnaires.

Toutes les études l'indiquent, tous nos interlocuteurs nous l'ont confirmé, les résidents sont non seulement de plus en plus nombreux mais également de plus en plus âgés et de plus en plus dépendants, et cette tendance devrait se poursuivre. On le sait, une part significative des résidents souffrent de pathologies lourdes : 70 à 80 % d'entre eux seraient atteints de troubles cognitifs et près de 60 % seraient touchés par des maladies neuro‑évolutives.

Cette situation a des conséquences directes sur la charge de travail des personnels. Les soins, les gestes techniques, les toilettes, les tâches répétitives, prennent une place toujours plus importante dans les missions des soignants, au détriment, hélas, de l'accompagnement et du maintien des capacités des pensionnaires. Les soignants déplorent cet état de fait et nous ont fait part de leur souffrance. Le raccourcissement de la durée de séjour alourdit encore la charge de travail des équipes, ce qui nuit à la qualité de l'accueil et à l'accompagnement de la fin de vie, qui requiert attention et compassion.

La modification du profil des résidents n'explique toutefois pas à elle seule la détérioration du cadre de travail dans les EHPAD. Elle aggrave en réalité une situation déjà dégradée, à propos de laquelle les acteurs de terrain nous ont déjà alertés.

Médecins coordonnateurs, infirmiers, aides‑soignants le disent sans détour : l'insuffisance des moyens humains pour répondre aux besoins et aux attentes des personnes âgées constitue, à l'heure actuelle, la principale difficulté.

Les personnels sont trop souvent soumis à des rythmes harassants, à des cadences difficilement tenables, la pression de la pendule faisant perdre son sens à l'action de femmes et d'hommes soucieux du bien‑être de nos aînés. Que le travail soit accompli de façon continue, parfois jusqu'à douze heures par jour, ou sur un autre rythme – les deux schémas présentant des avantages et des inconvénients –, il est source d'une fatigue et d'un stress importants.

Conséquence du manque d'effectifs, le taux d'encadrement des résidents s'avère trop faible, dans le secteur privé commercial plus que dans le secteur public.

La situation dans les EHPAD est d'autant plus compliquée que l'absentéisme pour raisons de santé y est particulièrement élevé.

En définitive, la situation actuelle conduit à une forme de maltraitance institutionnelle, selon l'expression des professionnels eux‑mêmes. Il n'est donc pas surprenant que les EHPAD soient confrontés à un turnover élevé et à de sérieuses difficultés de recrutement, l'instabilité des équipes rendant difficile la formation et la montée en compétences des personnels.

Ces constats appellent des réponses fortes, concrètes, dans la lignée de celles apportées par l'actuelle majorité présidentielle. La première consiste sans doute dans le prolongement de l'effort en faveur des recrutements. Durant le quinquennat, 10 000 postes de soignants ont été créés dans les EHPAD et 10 000 postes supplémentaires ont été budgétés d'ici 2024. En outre, pour faire face aux effets de la crise sanitaire, le Gouvernement a lancé une campagne de recrutement d'urgence qui aura concerné près de 40 000 professionnels entre octobre 2020 et septembre 2021. Cet effort devra être poursuivi dans les années à venir. C'est notre proposition n° 1.

Nous souhaitons également, c'est notre proposition n° 2, qu'un ratio minimal opposable de personnels au chevet des résidents soit défini. Il s'agit d'infirmiers et d'aides‑soignants, bref de postes au contact des personnes âgées. C'est la condition sine qua non de l'amélioration de la qualité de la prise en charge, de jour comme de nuit. Dans le même ordre d'idées, la proposition n° 3 vise à garantir une présence de personnels en nombre suffisant aux moments clés de la journée – lever, toilettes, repas, coucher.

Avec la proposition n° 4, nous appelons de nos vœux la poursuite du processus de hausse des rémunérations des personnels, enclenché au début de l'année 2020, afin que leur engagement au service des personnes âgées soit plus justement récompensé.

En complément, un certain nombre de mesures pourraient donner un coup de pouce financier supplémentaire aux personnels – aide au logement, attribution facilitée de logements sociaux à proximité du lieu de travail, augmentation des indemnités de résidence.

Pour conclure, nous aurions souhaité avoir le temps d'aborder d'autres sujets au cours de nos travaux, à commencer par celui du dialogue social dans les EHPAD. Pour résumer les choses, il nous apparaît trop peu développé, en particulier dans le secteur privé lucratif. Or, ce n'est pas sans conséquence sur les conditions de travail : leur amélioration exige en effet, outre bien d'autres choses, un dialogue social structuré et dynamique entre employeurs et représentants des salariés. Il faudra y revenir de manière approfondie.

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Sibille, rapporteur. À mon tour de vous présenter une partie des travaux de la mission d'information. Je m'attacherai aux ressources humaines, en indiquant au préalable que nous nous sommes attachés à considérer les EHPAD avant tout comme des lieux de vie, même s'ils sont aussi, de plus en plus, des lieux de soins.

À la suite de Didier Martin, il me paraît indispensable de renforcer les actions de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles pour rendre plus attractifs les métiers du grand âge, en cohérence avec le programme de lutte contre la sinistralité et d'amélioration de la qualité de vie au travail dans ce secteur. Cela passe par exemple par le fait d'être plusieurs pour lever ou coucher une personne âgée. C'est notre proposition n° 6. Les maladies professionnelles et les arrêts de travail sont plus nombreux dans ce secteur que dans celui du bâtiment et des travaux publics.

Concernant la gestion des ressources humaines, le constat est unanime : il existe une véritable faiblesse autour de la définition du rôle, de la fonction, des responsabilités fonctionnelles du directeur d'EHPAD. Il a un rôle de chef d'orchestre : s'il doit être un bon gestionnaire, il doit aussi disposer de qualités managériales pour administrer les équipes, mais surtout humaines, car il est l'âme de son établissement, et le premier interlocuteur des résidents et de leur famille.

Il y a encore une dizaine d'années, le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale (CAFDES) et la formation de directeur d'établissement sanitaire, social et médico‑social (D3S) de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) étaient indispensables pour devenir directeur d'établissement privé ou public. Ce n'est plus le cas puisqu'il suffit désormais d'être diplômé d'un master 2, dans n'importe quel domaine, pour devenir directeur d'un établissement privé. Cette situation n'est pas satisfaisante car elle conduit à une vision gestionnaire et managériale de la fonction, centrée sur les tableaux de bord et les taux d'occupation, alors que le directeur devrait avant tout être tourné vers l'humain. Il est donc impératif que la formation initiale des directeurs d'établissements comporte un volet médico‑social, pour limiter le risque d'une dérive purement gestionnaire de la direction des EHPAD. C'est notre proposition n° 7.

Le statut juridique des EHPAD n'est évidemment pas sans influence sur leur gestion. Comme on nous l'a rappelé en audition, le directeur d'un petit EHPAD associatif a nettement plus de marges de manœuvre pour gérer son établissement et organiser la vie quotidienne des résidents que celui qui dépend d'un grand groupe commercial, qui est trop souvent privé d'autonomie et contraint de suivre les injonctions du siège, et qui n'est pas associé à la rédaction des CPOM.

Partenaires des directeurs d'établissements, les médecins coordonnateurs souffrent aussi d'un manque de reconnaissance de leur fonction, pourtant structurante au sein des EHPAD. Près de 30 % des établissements ne disposent d'aucun médecin coordonnateur, alors qu'il s'agit d'une obligation légale. La prise de conscience du manque d'attractivité de la fonction a déjà conduit le Gouvernement à agir, en élargissant les missions dévolues aux médecins coordonnateurs et en revalorisant leur rémunération au niveau de celle des praticiens hospitaliers.

Toutefois, les efforts doivent être poursuivis. Il faut allonger le temps de travail des médecins coordonnateurs, afin qu'ils puissent vivre de cette fonction. Il est également légitime de renforcer leur rôle dans le fonctionnement des EHPAD en rendant, par exemple, leur avis contraignant lors de l'admission de nouveaux résidents. Enfin, pour prévenir la pénurie de médecins coordonnateurs et permettre à ceux qui sont en exercice de s'absenter, nous préconisons la création d'un service d'astreinte, qui permettrait de pallier leur absence. C'est la proposition n° 8.

Je le répète, l'EHPAD est un lieu de vie – un lieu de « prendre soin », avant d'être un lieu de soins. Il faut diversifier les profils recrutés pour accompagner au mieux les résidents dans leur vie quotidienne : animateurs, professionnels du secteur socioculturel, psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes... Ils sont nombreux à pouvoir accompagner nos aînés et prévenir la dépendance autrement que par le soin. La proposition n° 9 vise à s'assurer de leur présence dans les établissements, d'autant que leurs postes relèvent de la section hébergement, qui n'est contrôlée ni par les ARS, ni par les conseils départementaux.

Nous savons que rien de tout cela ne sera possible si nous n'engageons pas une rénovation en profondeur des CPOM. Il ne s'agit pas d'aborder ces contrats en tant qu'outils de gestion financière, mais bien de mesurer leur influence sur la gestion des ressources humaines. Auparavant, les conventions tripartites comportaient des tableaux des effectifs, prévisionnels ou réalisés. Ce n'est plus le cas avec les CPOM, négociés avec les groupes et non établissement par établissement, ce qui contribue largement à la déresponsabilisation des directeurs, qui ne sont pas impliqués dans leur négociation. Plus largement, le mouvement de mutualisation des établissements, conforme aux souhaits des ARS, présente certes des avantages, mais fait naître aussi une organisation pyramidale : les directeurs d'établissement ne sont plus considérés comme des cadres dirigeants, ce qui a des répercussions sur l'organisation du quotidien des résidents.

Le manque de personnel pour accompagner nos aînés aux côtés du personnel soignant est aussi le fait du cloisonnement, voire du glissement des financements établis dans le cadre des CPOM. Ces derniers ne permettent pas d'assurer le recrutement pérenne du personnel de prévention ou d'animation, dont les emplois sont financés par la section hébergement, ni une bonne répartition des ressources humaines. En outre, le contrôle des établissements et de l'utilisation des fonds qui leur sont alloués n'est pertinent qu'au regard des moyens prévus par les CPOM. C'est pourquoi notre mission n'a pu faire l'économie d'une proposition, n° 10, allant dans le sens d'une redéfinition des CPOM. La nouvelle génération de contrats devra permettre de négocier de manière globale et simultanée les trois objectifs – hébergement, dépendance, soins – afin d'intégrer les ressources humaines financées par la section hébergement. La négociation doit, en outre, se faire simultanément avec l'ARS et le conseil départemental. Le contrôle des objectifs et des moyens s'exercera, dès lors, sur l'ensemble des trois sections de financement et permettra d'adopter une vision transversale des ressources humaines.

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Je m'exprime ici au nom de ma collègue Marine Brenier qui ne peut, à son plus grand regret, être parmi nous pour présenter les conclusions de la mission, elle qui est si attachée à ces questions.

Voilà plusieurs années que les métiers du grand âge en général, et les EHPAD en particulier, connaissent une situation difficile : effectifs insuffisants, absentéisme, turnover élevé... Beaucoup d'EHPAD, dans lesquels résident quelque 600 000 personnes, font face à de nombreuses difficultés et peinent à garantir aux personnes âgées, dont le niveau de dépendance ne cesse de croître, un accompagnement adapté à leurs besoins.

Je souhaite insister sur deux points, largement relayés lors des auditions. Le premier est l'alarmant glissement de tâches qui découle de l'insuffisance des moyens humains pour répondre aux besoins des résidents. L'absentéisme régulier de certains personnels, notamment pour raison de santé, et le turnover élevé conduisent à un glissement des tâches effectuées par les personnels présents et à une porosité croissante des fonctions entre les agents des services hospitaliers (ASH), les aides‑soignants et les infirmiers, certains salariés étant amenés à effectuer des tâches pour lesquelles ils ne sont pas formés sans bénéficier de la compensation salariale correspondante. Concrètement, un aide‑soignant va se trouver en situation d'administrer certains médicaments à la place de l'infirmier, tandis que l'ASH procédera à la toilette des résidents, mission pourtant dévolue à l'aide‑soignant. Ce glissement de tâches pose de grandes difficultés dans la mesure où ces personnels « faisant fonction » endossent une responsabilité qui ne correspond ni à leur formation, ni à leur rémunération. Cette délégation de tâches non encadrée juridiquement n'est acceptable ni pour les personnels, car elle dégrade encore un peu plus leurs conditions de travail, ni pour les résidents, qui ne jouissent pas de la qualité de soins qu'ils sont en droit d'attendre.

Il est impératif de mieux réglementer ces glissements de fonctions en prévoyant explicitement les délégations de tâches autorisées et en introduisant une analyse globale des contrats de travail au sein de l'établissement, qui permettra de s'assurer de l'affectation exacte des ressources humaines, emploi par emploi, pour chaque section de financement. C'est la proposition n° 11.

La pénurie de personnels est intrinsèquement liée au manque d'attractivité pour les métiers du grand âge. L'engouement des étudiants n'est pas à la hauteur des besoins croissants de recrutement de personnels soignants et encadrants dans les EHPAD. Un chiffre est particulièrement significatif : les candidatures aux concours d'accès au métier d'aide‑soignant ont chuté de 25 % en quelques années. Il faut lancer une grande campagne de communication nationale valorisant les métiers du grand âge et incitant à la mixité des recrutements pour diversifier le profil des personnels. C'est la proposition n° 12.

S'il faut attirer les personnels futurs dès la formation initiale, il est impératif de fidéliser les personnels en place en renforçant la formation continue. Pour faire face à la multiplication des personnels faisant fonction, il faut fluidifier les passerelles entre les métiers afin d'offrir de véritables perspectives de carrière. Valoriser les savoir‑faire du personnel soignant aura pour vertu de mieux considérer la technicité de leurs métiers, une reconnaissance qui fait souvent défaut à ces salariés. Une simplification du processus de validation des acquis de l'expérience et la mise en place de passerelles entre formations contribueront à fluidifier la gestion des ressources humaines. Enfin, il fait largement consensus que nous ne pourrons pallier le manque d'effectifs sans augmenter significativement les formations d'aide‑soignant et d'infirmier. C'est la proposition n° 13.

Voici, mes chers collègues, les conclusions et les préconisations auxquelles la mission est parvenue, qu'elle souhaite au service d'améliorations concrètes le plus rapidement possible.

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Dès la sortie des Fossoyeurs de Victor Castanet fin janvier et l'éclatement du scandale autour des conditions de vie dans certains établissements du groupe Orpea, la commission des affaires sociales a organisé des auditions et créé quatre missions « flash », afin de faire le bilan du fonctionnement des EHPAD du groupe.

Travailler au contact des personnes âgées, c'est indéniablement avoir un métier qui a du sens et qui porte des valeurs importantes – le respect de l'autre, la générosité, la solidarité, l'altruisme. Mais les conditions de travail des salariés en EHPAD sont difficiles en raison de multiples facteurs, tels que la pénibilité physique, le rythme de plus en plus soutenu qui empêche de mener à bien son travail, la charge émotionnelle, etc. Ces facteurs sont renforcés par la dépendance physique et mentale croissante des résidents, qui demandent donc une attention accrue.

Les directions des ressources humaines font face à un challenge considérable : trouver des professionnels souvent mal rémunérés et aux mauvaises conditions de travail. Ces problèmes semblent exacerbés au sein des EHPAD d'Orpea et on ne peut que regretter qu'un seul groupe jette l'opprobre sur tout un secteur.

Ce matin, la conférence de presse du ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran, et de la ministre déléguée chargée de l'autonomie, Mme Brigitte Bourguignon, a confirmé la volonté du Gouvernement de créer les conditions de l'EHPAD de demain et de poursuivre sur la voie de la prise en compte globale de l'autonomie, empruntée depuis le début du mandat. En effet, le Gouvernement et sa majorité n'ont pas attendu le scandale Orpea pour agir en direction des personnels du secteur médico‑social. Néanmoins, il faut poursuivre les efforts pour valoriser ses métiers et donner envie aux futurs professionnels d'accompagner au mieux les personnes âgées dépendantes.

Messieurs les rapporteurs, vous nous avez présenté vos treize propositions. Lesquelles faudrait‑il appliquer en priorité ? Quel calendrier préconisez‑vous pour leur mise en œuvre globale ? Qui devrait en contrôler la bonne application ?

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À nouveau, nous ne pouvons que déplorer des constats que nous faisons depuis plusieurs années. Mais je me félicite que les deux missions « flash » ne s'arrêtent aux constats, dramatiques, et fassent des propositions. On le sait, les métiers du soin, majoritairement occupés par des femmes – que je remercie ici sincèrement pour le travail qu'elles réalisent – sont mal considérés, mal payés et les conditions de travail sont éprouvantes. Les moyens humains sont dérisoires face aux besoins grandissants de nos aînés. Pendant que les groupes émargent au CAC 40, les soignants et les auxiliaires, indispensables au quotidien des résidents, sont en sous‑effectif chronique, souvent non remplacés, impuissants face aux pressions économiques et personnelles exercées par les groupes en question et certains responsables d'établissements lorsque les salariés qui ne peuvent faire leur travail de manière satisfaisante, malgré leur engagement, tentent de signaler ou de dénoncer des pratiques dégradantes.

Nous le répétons, ces soignants se donnent avec toutes leurs forces dans le soin aux anciens et la maltraitance dont il est question est le résultat d'un système visant à générer des profits, ce qui est insupportable dans ce secteur.

Je vous remercie pour vos propositions, notamment l'instauration d'un ratio minimal de personnels par résident ou le renforcement de l'attractivité des métiers, les deux étant d'ailleurs étroitement liés. Les besoins du secteur sont immenses et nous ne pourrons y répondre qu'en acceptant de voir en face la réalité des contrats et des salaires.

Quelles sont vos recommandations pour améliorer les conditions de travail, dans un mode de fonctionnement où le dialogue social, pour le dire joliment, n'a pas vraiment sa place ? Comment protéger les salariés lanceurs d'alerte qui tentent de résister au rouleau compresseur de la productivité ?

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La crise des vocations et la pénurie d'effectifs qui frappent certaines professions liées au grand âge menacent sérieusement notre capacité à prendre dignement en charge nos aînés, alors que la dépendance ne cesse d'augmenter et que les besoins sont estimés à 300 000 emplois. Les conditions de travail et la gestion des ressources humaines dans les EHPAD doivent occuper une place centrale dans nos réflexions sur la société du bien‑vieillir que nous souhaitons bâtir.

C'est d'abord l'attractivité des métiers du lien qui est en cause, trop longtemps délaissés, insuffisamment rémunérés et sans véritable perspective d'évolution. Vous l'avez rappelé, notre majorité et le Gouvernement ont agi pour améliorer l'image des filières professionnelles du grand âge. En complément des revalorisations salariales du Ségur de la santé, un plan d'action national pour les métiers du grand âge et de l'autonomie a été lancé en septembre 2020 sur la base des préconisations des rapports Libault et El Khomri. Nous saluons cette trajectoire, qui s'ajoute aux 20 000 postes de soignants supplémentaires financés depuis 2017 dans les EHPAD. Où ce vaste plan de recrutement en est‑il ? Estimez‑vous que la hausse des rémunérations, l'ouverture de nouveaux parcours de formation et les différentes actions d'amélioration de la qualité de vie au travail engagées dans le cadre du plan sont suffisantes pour inverser la tendance ?

En outre, quels dispositifs ciblés préconisez‑vous pour répondre à l'urgence de la pénurie de médecins coordonnateurs ? Avez‑vous eu l'occasion de parler avec les infirmières diplômées d'État de coordination (IDEC), qui réclament un statut ? Elles sont davantage présentes dans les EHPAD que les médecins coordonnateurs, absents dans 30 % d'entre eux.

Enfin, il est essentiel de renforcer les modules de formation initiale et continue des professionnels du grand âge et de l'autonomie, notamment en matière de prévention de la maltraitance et de promotion de la bientraitance. C'est une des préconisations de la mission « flash » que j'ai menée avec Mmes Six et Biémouret. Comment en faire un axe majeur du parcours des professionnels ?

Votre proposition n° 9 vise à financer l'intervention de nouveaux professionnels et de professionnels extérieurs sur la section hébergement. Ne craignez‑vous pas que cela engendre une hausse du prix de journée, et donc un reste à charge de plus en plus important pour les résidents ? S'agissant des professionnels extérieurs qui pourraient accompagner le résident lors de son entrée en EHPAD, ne serait‑il pas pertinent de prévoir, pour l'infirmière ou le kinésithérapeute qui le suivait déjà à domicile, le même dispositif que celui qui s'applique au médecin traitant ?

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Merci aux trois rapporteurs pour leur présentation, qui complète parfaitement celle que nous venons de faire avec Caroline Janvier et Pierre Dharréville.

Ma question concerne la formation des directeurs. Vous notez que, depuis une vingtaine d'années, les profils ont changé. Auparavant formés à l'EHESP de Rennes, il leur suffit désormais de disposer d'un master 2. Ainsi, dans les établissements privés, on trouve des directeurs qui sortent d'écoles de commerce. Vous proposez d'intégrer un volet médico‑social obligatoire à leur formation, mais ne faudrait‑il pas tout simplement en revenir au CAFDES et au D3S afin d'avoir l'assurance que les directeurs connaissent le secteur médico‑social et ne se contentent pas d'une vision gestionnaire et managériale de leur fonction ?

Dans son livre, Victor Castanet évoque le syndicat « maison » d'Orpea, Arc‑en‑Ciel. Vous y êtes‑vous intéressés ? Avez‑vous été informés de dysfonctionnements ?

Vous relevez la nécessité de renforcer les effectifs, mais aussi d'améliorer les conditions salariales. Lors de vos auditions, personne ne s'est‑il indigné des salaires astronomiques des dirigeants du groupe – 1,3 million d'euros par an – quand les salaires des aides‑soignants ou des ASH flirtent avec le SMIC ?

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Le sujet n'est pas nouveau ; il est même central depuis cinq ans. Dès 2018, j'avais posé une question écrite au Gouvernement sur la situation des personnels dans les établissements, suite à une rencontre avec des salariés vivant des situations intenables.

Il est grand temps de revaloriser les métiers, en leur apportant de la reconnaissance, et le salaire qui va avec. Mais il est aussi temps de lancer un grand plan de recrutement : nous avons besoin de beaucoup plus de personnels dans les établissements. C'est la première chose que demandent les salariés, car ils n'arrivent plus à faire leur métier et que cette perte de sens engendre une souffrance au travail. Que pouvez‑vous nous en dire ? Et qu'en est‑il du grand plan de formation, initiale et continue, que suppose forcément cet effort de recrutement ?

De façon générale, chacun ne peut qu'être choqué par le traitement réservé aux personnels, connaissant les bénéfices de certains de grands groupes. Comment mieux reconnaître ces métiers ?

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Madame Limon, l'EHPAD de demain fera appel à plusieurs modèles. Par exemple, un EHPAD public, avec un investissement immobilier public, n'a rien à voir avec un EHPAD privé, dont l'immobilier met en jeu des mécanismes fiscaux – financés en définitive par l'argent public – et qui peut faire l'objet d'une spéculation, quitte à laisser sur le carreau quelques investisseurs privés un peu crédules.

Ces modèles devront tenir compte de l'existant : il y a des établissements du secteur public, certains para‑hospitaliers, d'autres territoriaux, il y a ceux du mouvement associatif non lucratif, et enfin ceux du secteur privé lucratif qui, s'ils font l'objet de critiques, sans parler des révélations bouleversantes du livre de M. Castanet, ont trouvé leur place et répondent à un besoin.

C'est important, car la qualité de l'initiateur d'un EHPAD, son primum movens, détermine largement la façon dont ses comptes d'exploitation vont être équilibrés – et, outre cet aspect économique, la façon dont sont envisagés le soin et l'accompagnement des personnes, le respect de chacun et la prévention du vieillissement et de la perte d'autonomie.

Je reviens sur l'analyse des conditions de travail au travers du dialogue social. Ce dernier est très variable d'une structure à l'autre. Madame Dubié, nous avons auditionné le syndicat Arc‑en‑Ciel : ses représentants souffrent d'abord d'un manque de formation et, à titre personnel, j'estime qu'ils ne sont pas armés pour accompagner et défendre efficacement les salariés. Ainsi, en cas de licenciement pour faute, ils estiment que la faute est un fait. Pourtant, on sait désormais comment les fautes sont induites par la souffrance au travail et par des conditions de travail non correctes. Nous avons entendu une avocate spécialisée qui démonte le mécanisme qui conduit immanquablement à la faute, en raison du manque de temps : le système tient jusqu'au jour où le salarié – souvent en situation précaire, en contrat à durée déterminée (CDD) toujours renouvelé – craque et commet une faute, ou alors démissionne.

Des propositions sont formulées s'agissant des conditions de travail, en matière de logement et de trajets. Le rapport El Khomri suggère la mise à disposition, pour les salariés, de flottes de véhicules éventuellement non polluants, financées avec le soutien des pouvoirs publics. Nous avons également formulé des propositions concernant les parcours professionnels, la formation et les passerelles.

Enfin, je considère le directeur comme le pivot de l'établissement : il en est le centre, il observe, il est présent, mais il n'est pas seul pour le piloter, entouré du médecin coordinateur et l'IDEC, dont les recommandations doivent être opposables, et de l'intendant.

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Madame Limon, tout est prioritaire et le meilleur calendrier sera le plus rapide, dans tous les domaines. Mais il faut dans le même temps réfléchir à certaines orientations, par exemple pour savoir s'il faut augmenter le nombre d'EHPAD ou plutôt les interventions à domicile.

Quels sont les effets, madame Firmin Le Bodo, des 20 000 postes créés par la majorité et de la hausse des rémunérations ? On les voit peu, parce qu'ils ont été absorbés par les besoins croissants en matière de soins : il faut donc aller encore plus loin.

S'agissant du contrôle, il me semble que l'autocontrôle peut être efficace, assorti d'indicateurs, comme l'a évoqué la ministre Brigitte Bourguignon ce matin. D'où l'importance des chiffres : on peut calculer des moyennes nationales ou régionales, celles du secteur public, privé ou associatif, mais ce qui compte vraiment, ce sont les chiffres par établissement : taux d'encadrement, taux de rotation des personnes, taux d'absentéisme, évaluation de la qualité, plateau technique, profil des chambres, budget quotidien alloué aux repas... Tous ces indicateurs sont intéressants s'ils sont disponibles par établissement.

Je m'interroge beaucoup sur le nombre des EHPAD et sur l'intérêt de les regrouper, ce qui est la tendance actuelle et correspond notamment aux souhaits des ARS et des départements, car cela simplifie les choses. Mais si le regroupement peut offrir l'avantage de mutualiser et de fournir des fonctions support de qualité, il ne doit pas amener une verticalisation où toutes les décisions sont prises au siège. Or actuellement, dans les groupes, les cadres dirigeants ne se trouvent que dans les sièges, pas chez les directeurs d'établissements.

Je ne suis donc pas opposé au regroupement, mais pas à n'importe quelle condition. Il en va de même des CPOM de groupe : on peut discuter un CPOM pour cinquante EHPAD, c'est plus simple pour tout le monde, mais comment exercer le contrôle par la suite, sans savoir quel personnel est affecté à chaque établissement ?

Pour en revenir au contrôle, il faut donc un autocontrôle qui s'exerce établissement par établissement, et non pas au niveau du groupe. Et il faut ensuite des contrôles extérieurs, non seulement financiers, pour parer à toute dérive, mais également sur les effectifs. La perspective pluriannuelle des CPOM de groupe est certes intéressante, mais il ne faut pas en oublier les tableaux d'effectifs établissement par établissement : chaque directeur devrait être associé à la rédaction de son propre CPOM.

S'agissant de l'attractivité, d'énormes efforts doivent être faits sur les conditions de travail. Ils passent effectivement d'abord par l'encadrement. Nous avons également proposé la création d'une prime spécifique au grand âge, car le travail est plus difficile dans ces services que dans les autres.

Comme l'a dit Didier Martin, Les EHPAD fonctionnent grâce à un triptyque : directeur, IDEC et médecin coordinateur.

L'IDEC ou le cadre de santé se définit parfois comme un animateur ; il passe beaucoup de temps dans son bureau à gérer les plannings. Bref il est plus souvent en civil qu'en blouse. Est‑ce le rôle d'un infirmier ? Cela correspond‑il à sa formation ? Il y a de quoi se poser la question... Et pourtant ce rôle d'animation est essentiel, puisque l'EHPAD est un lieu de vie avant d'être un lieu de soin. D'ailleurs, l'EHPAD étant le domicile des résidents, je ne trouverais pas anormal que ceux‑ci y fassent venir leur infirmier ou leur kiné, comme ils le font pour leur médecin. Ils doivent avoir accès à des services extérieurs : c'est la différence avec les services hospitaliers de longue durée.

S'agissant de la formation des directeurs, madame Dubié, je ne sais pas si l'EHESP doit en avoir le monopole, mais je suis sûr que le diplôme doit comporter un volet médico‑social. Les directeurs des EHPAD sont des perles rares puisqu'au‑delà de leur nécessaire rôle humain, ils doivent évidemment être des gestionnaires. Avoir les deux n'est pas toujours simple et la formation doit y pourvoir.

S'agissant du syndicat Arc‑en‑Ciel, c'est une organisation a priori sympathique, mais effectivement peu véhémente à l'égard du siège du groupe.

S'agissant de la souffrance au travail, monsieur Dharréville, le temps nous a manqué pour travailler sur deux sujets, celui des CDD et celui des douze heures, sur lesquels les avis divergent. Parfois ce sont les grands groupes qui privilégient les CDD – il est rare d'y faire une carrière ! – mais parfois ce sont les salariés qui préfèrent passer par l'intérim. Nous nous sommes demandé comment favoriser les contrats à durée indéterminée ou valoriser l'ancienneté sans pénaliser l'emploi, c'est très difficile.

Il en a été de même à propos des douze heures : les salariés préfèrent travailler douze heures de suite, parce que cela réduit les temps de transport, mais cela ne correspond pas aux trois moments clés dans les EHPAD – lever et petit déjeuner, déjeuner, puis dîner et coucher, qu'il est difficile de concentrer sur ces douze heures. Les intérêts divergent sur cette question, qui ne peut guère se régler par la loi, d'où le rôle central joué par le triptyque que j'ai évoqué.

Nous avons enfin également formulé des propositions en matière de formation des aides‑soignantes et des infirmières.

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Je rappelle que les travaux des missions « flash », qui seront mis en ligne sur le site de l'Assemblée, seront en outre intégrés dans un rapport complet publié prochainement et qui comprendra également les contributions des groupes politiques ainsi que les comptes rendus de toutes les auditions et réunions de la commission.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante.

Présences en réunion

Réunion du mardi 8 mars 2022 à 16 heures 30

Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Sébastien Chenu, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Michèle Peyron

Excusés. – Mme Stéphanie Atger, M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, Mme Marine Brenier, Mme Claire Guion‑Firmin, Mme Myriane Houplain, M. Thomas Mesnier, M. Jean‑Philippe Nilor, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Boris Vallaud

Assistait également à la réunion. – Mme Michèle Victory