Intervention de Cédric O

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Cédric O, secrétaire d'État :

Je vous rejoins totalement sur votre premier point, monsieur le député. Les dérives des acteurs d'internet sont largement liées à l'ignorance de nombre de nos concitoyens – et même des responsables politiques évidemment – de la manière dont cela fonctionne et des sous-jacents d'un monde de plus en plus numérique.

L'inclusion numérique me semble absolument essentielle si nous voulons continuer à faire société dans le cadre de citoyens autonomes et émancipés. Nous savons qu'un Français sur six n'utilise jamais d'ordinateur. Un Français sur trois manque de compétences numériques de base. L'inclusion numérique commence par apprendre à créer une adresse e-mail, à déclarer ses impôts en ligne, à vendre un objet sur « Le Bon Coin » ou à faire un WhatsApp avec des proches pour une personne isolée.

Dans une session de médiation numérique où les citoyens apprennent à devenir autonomes, les questions qui suivent l'explication de la création d'une adresse e-mail portent sur les données personnelles, les fausses informations, la parentalité à l'heure du numérique, les écrans. Le sujet porte certes sur des capacités très concrètes mais le fond est un sujet de grammaire, de compréhension par nos concitoyens de cette grammaire du monde numérique.

Je conseille assez largement la lecture du sociologue Gérald Bronner : le numérique a tendance à favoriser les instincts anciens, les explications unifactorielles par rapport à des explications multifactorielles. Nous apprécions le fonctionnement en silos informationnels favorisé par le numérique.

La seule manière de combattre les nombreuses dérives du numérique, sur les fausses informations, sur la haine en ligne ou sur la puissance des grandes entreprises d'internet, est de former nos concitoyens. Il faut les faire progresser et progresser nous-mêmes car nos concitoyens ne sont pas les seuls à être en retard. Les serviteurs de l'État, les hauts fonctionnaires, ne sont guère en reste. Je pense que nous ne sommes actuellement pas au bon niveau. Il faut que nous accélérions sur ce sujet.

Avons-nous besoin d'une convention citoyenne sur le numérique ? Pourquoi pas, mais je pense que les prochaines échéances empêchent ou compliquent la tenue de ce genre de cénacle. Toutefois, nous avons besoin d'une réflexion sociétale sur la question du numérique, sans le saucissonner entre données, géants du web (GAFA), haine en ligne, inclusion numérique et question économique.

Dans la perspective de la nomination du prochain Conseil national du numérique puisque l'ancien a terminé ses travaux cet été, nous voulons justement mettre sur la table la question de cette capacité à avoir une approche multidisciplinaire et holistique de ce sujet essentiel du numérique.

Je pense que l'instantanéité de messages doit être une piste de travail. Cela ne résoudra évidemment pas tout mais, dans le cadre des obligations de moyens et de modération, elle est une des solutions. Il faut ralentir le caractère viral de certains contenus, particulièrement des plus offensants. Nous sommes au cœur du modèle d'affaires des plateformes et de l'économie de l'attention. Les contenus qui retiennent le plus votre attention, ceux que vous aurez le plus tendance à commenter ou à partager, sont les contenus les plus choquants ou les plus agressifs. Ce sont donc les plus rémunérateurs puisqu'ils font le plus de vues.

En appelant à l'émancipation et à l'autonomie individuelle, certains éléments pourraient effectivement conduire des personnes à se demander : « Ai-je vraiment besoin de dire cela, de partager ce contenu ? » Je pense que c'est une très bonne question et un outil sur lequel nous devons travailler, une forme de modération ex ante qui n'irait pas jusqu'au bout.

Nous devons aussi avoir conscience, particulièrement dans le cadre des évènements de la semaine dernière, que la modération des contenus n'est pas humainement possible. Il faudra qu'une part importante des décisions soit prise par des algorithmes. Cela pose des questions de transparence des algorithmes, de redevabilité de ceux qui les font, qui les déploient… Le sujet est complexe mais je suis assez favorable à votre proposition pour certains acteurs dont l'empreinte est telle qu'ils sont devenus peut-être la première agora publique. Cette question pourrait être étudiée en France, d'autant plus que ces acteurs utilisent déjà en partie ces algorithmes. Ainsi, lorsque vous postez votre message, il peut être retiré dans la seconde qui suit. L'intérêt de votre proposition est que cette modération se fasse en amont et j'y suis plutôt favorable.

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