Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • artificielle
  • cloud
  • cybersécurité
  • intelligence
  • régulation
  • souveraineté
  • écosystème
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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

La séance est ouverte à 10 heures 10.

Présidence de M. Philippe Latombe, rapporteur.

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Monsieur le ministre, je vous remercie d'être présent et vous salue au nom du président la mission Jean-Luc Warsmann, présent à distance au téléphone, ainsi qu'en mon nom.

Nous poursuivons donc nos travaux avec l'audition de M. Cédric O, secrétaire d'État en charge de la transition numérique et des communications électroniques. Nous vous entendons, monsieur le ministre, sur la souveraineté numérique qui est au cœur de nos préoccupations et de votre périmètre d'action. Elle regroupe en effet des questions larges, qui vont du déploiement d'infrastructures numériques autonomes dans notre pays à la régulation des plateformes en passant par le soutien aux acteurs du numérique et par les enjeux de cybersécurité. Il nous semble important, dans le cadre de notre mission, que vous nous fassiez connaître vos orientations sur ces différents sujets et les positions portées au niveau européen par la France.

La souveraineté numérique est une thématique particulièrement riche. Nous essaierons de l'aborder de la manière la plus large possible, de nombreux sujets étant porteurs d'enjeux indispensables à sa construction, qu'elle soit française ou européenne. Il est ainsi difficile de parler de souveraineté numérique sans évoquer d'abord le rôle des grandes plateformes qui occupent une place essentielle dans l'économie numérique. Leur régulation a déjà fait l'objet de débats au sein de l'Assemblée nationale. La Commission européenne travaille actuellement sur un Digital Services Act qui traite à la fois la responsabilité des plateformes numériques pour le contenu qu'elles hébergent et les problèmes suscités par leur rôle de gatekeepers – contrôleurs de l'accès des utilisateurs – ayant la charge des écosystèmes de plus en plus importants desdites plateformes. Celles-ci vont jusqu'à aborder le sujet de la monnaie virtuelle avec le lancement par Facebook du projet Libra. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, avoir votre éclairage sur l'ensemble de ces sujets.

La souveraineté numérique comporte également une dimension technologique puisque le développement de nouvelles technologies s'organise autour de la possession et de la maîtrise des données. Les modalités de soutien à notre écosystème d'entreprises dites de la « tech » mais aussi la protection des données personnelles sont deux sujets sur lesquels nous aimerions également vous entendre.

Je n'oublie pas le plan de relance qui comporte une forte dimension numérique et technologique. Vous pourrez peut-être nous en dire un mot.

Enfin, il est important de rappeler que la souveraineté numérique ne peut être séparée des enjeux de cybersécurité des infrastructures. Nous aimerions connaître votre vision sur ce que doit être la cybersécurité française et nous souhaiterions faire avec vous un point d'étape sur la 5G. Les enchères viennent de s'achever pour la bande de 3,5 GHz et les déploiements commerciaux devraient débuter à la fin de l'année 2020. La mise en œuvre d'un régime d'autorisation spécifique vis-à-vis de ces équipements témoigne de la nécessaire vigilance stratégique qui doit accompagner des déploiements par ailleurs fortement utiles pour notre économie.

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Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Le sujet nécessiterait peut-être quatre ou cinq auditions pour être traité dans le détail. Il n'a échappé ni à cette mission ni, maintenant, à l'ensemble des Français, que la souveraineté numérique est désormais au cœur des questions de souveraineté nationale, qu'il s'agisse des questions de souveraineté économique ou de souveraineté politique.

Nous l'avons vu pendant le confinement, les outils ayant permis de rendre le confinement plus acceptable, plus supportable, étaient très souvent des outils anglo-saxons. Nous nous rendons dramatiquement compte – avec les évènements de la semaine dernière – que certaines infrastructures numériques essentielles, presque aussi importantes que les ponts, les réseaux d'eau, le réseau téléphonique ou les routes, sont des infrastructures privées – ce qui n'est pas forcément un sujet en tant que tel – sur lesquelles l'État et les institutions publiques ont peu de capacité de régulation dans le cadre juridique actuel. Elles sont quasiment toutes anglo-saxonnes. Les alternatives européennes peuvent exister mais ont de toute évidence une empreinte économique et démocratique bien moindre.

Vous avez évoqué la régulation des grandes plateformes. C'est, je pense, l'un de deux piliers absolument essentiels de la question de la souveraineté numérique mais ce n'est pas le plus important. Le plus important est notre capacité à maîtriser ces technologies et à avoir des acteurs économiques capables de concurrencer les grands acteurs américains et chinois.

Je prends quelques exemples dans des secteurs clés que sont l'intelligence artificielle (IA) et le cloud. D'après les chiffres de 2017, les Américains investissent chaque année 40 milliards de dollars dans l'IA, tandis que les grandes plateformes chinoises et le gouvernement chinois investissent chaque année 40 milliards d'euros. Les chiffres sont similaires en ce qui concerne le cloud. Les investissements des entreprises européennes dans ces deux domaines, qui sont absolument stratégiques pour notre souveraineté, ne dépassent pas 4 milliards d'euros.

L'entreprise Apple, à elle seule, vaut quant à elle actuellement plus que l'ensemble du CAC 40. Dans quelques semaines, ce sera aussi vrai pour Microsoft. L'émergence de ces géants leur donne une puissance financière, une puissance d'investissement et d'acquisition, qui est sans commune mesure avec ce que les entreprises européennes et les États européens sont capables de faire. Nous pouvons considérer que ces entreprises sont trop grosses. C'est probablement le cas mais, même si elles valaient dix fois moins, elles conserveraient des valorisations et des capacités d'investissement inatteignables aujourd'hui pour les Européens.

L'âge moyen des entreprises du CAC 40 est supérieur à cent ans. L'âge moyen de leurs homologues anglo-saxonnes est inférieur à vingt ans et, pour les Chinois, il doit être inférieur à dix ans. Les deux dernières introductions en bourse d'une entreprise technologique française de plus d'un milliard d'euros – soit environ 1 500 fois moins qu'Amazon ou Apple – sont Dassault Systèmes en 1996 et Worldline.

L'équation économique est très simple : soit nous sommes capables de faire émerger des entreprises dont la puissance est aussi forte que celle des Américains et des Chinois, soit toute notion de souveraineté numérique est absolument illusoire. La régulation ne suffira pas à tout résoudre. Diminuer la taille ou démanteler ne changera pas le fait que ceux qui ont les produits et qui investissent sont les Américains et les Chinois.

Il ne faut certes pas avoir une vision binaire du sujet. L'écosystème de la French Tech se développe. Nous avons des investisseurs, des entrepreneurs, des entreprises extraordinaires. Cet écosystème devient actuellement le premier de l'Union européenne, ce qui est très encourageant. Cependant, la question économique reste centrale. Nous n'aurons pas de souveraineté technologique si nous ne sommes pas capables de créer les conditions financières adaptées, au sens des conditions fiscales, du marché du travail, des conditions de fiscalité individuelle.

C'est encore plus vrai dans une situation où les citoyens européens sont schizophrènes. Le consommateur adore ces grands groupes même en détestant leur comportement fiscal, éthique… Il « vote avec ses pieds » mais plébiscite le service qu'ils rendent. Si ce n'était pas vrai, Facebook n'aurait pas le monopole des réseaux sociaux, Amazon n'aurait pas une telle empreinte sur le commerce en ligne, Google n'aurait pas le monopole des moteurs de recherche. La raison est simple ; ces groupes sont en effet extrêmement forts en termes de consumérisme. Le premier élément pour faire émerger des entreprises capables de concurrencer les entreprises anglo-saxonnes s'appuie dès lors sur l'investissement, l'environnement fiscal et l'environnement du marché du travail.

Chaque année, 5 milliards d'euros sont investis dans les start-up françaises et plus de 100 milliards dans les start-up américaines. Je n'ai pas le chiffre européen mais il est largement inférieur au chiffre américain. Il existe actuellement environ 450 « licornes » – des entreprises valorisées à plus d'un milliard d'euros – dont environ 200 aux États-Unis, 200 en Chine et 30 en Europe.

Nous n'avons pas d'autre choix que de développer un écosystème numérique à la hauteur des enjeux, justifiant que le Président de la République, le Premier ministre et moi-même y consacrons autant de temps et d'investissements, notamment dans le cadre du plan de relance. L'horizon indépassable de notre souveraineté numérique est d'avoir les acteurs capables de la réaliser, au-delà des décisions sectorielles dans le domaine des jeunes entreprises disruptives – « Deep Tech » –, de la cybersécurité ou des biotechnologies. C'est au cœur de ce que veut faire la Commission européenne, avec des montants d'investissements extrêmement importants, au cœur de la politique du Gouvernement. Nous devons avoir cette dimension offensive car la dimension de la régulation ne suffit pas.

Le deuxième pied sur lequel nous devons avancer est la régulation, d'un point de vue souverain sans doute mais aussi démocratique et économique. Aux États-Unis et en Chine, des acteurs économiques dont l'empreinte sur notre économie et notre démocratie est difficilement soutenable ont émergé. C'est vrai dans le domaine économique avec des comportements prédateurs et monopolistiques ou oligopolistiques. C'est vrai dans le domaine démocratique comme les évènements récents nous l'ont démontré.

Dans ce cadre, la régulation de ces acteurs est une question internationale qui se pose en France évidemment mais en Europe de façon plus générale et aussi aux États-Unis. Je suis allé aux États-Unis à la fin de l'année dernière ; la question de la puissance de ces acteurs et de leur empreinte est centrale dans l'équilibre démocratique des États-Unis eux-mêmes. Nous verrons ce qu'il se passera en fonction du résultat des élections américaines mais la régulation de ces acteurs nous semble aujourd'hui indispensable. C'est ce que la France porte de manière extrêmement forte dans le Digital Services Act qui doit être présenté par la Commission européenne début décembre.

Les deux éléments principaux sont : la nécessité de la mise à jour de nos règles de concurrence pour faire en sorte que nous les adaptions à la question de l'économie numérique et des modèles d'affaires des grands acteurs du numérique ; la nécessité de mettre en place une régulation spécifique de ce que nous appelons les plateformes structurantes, c'est-à-dire les plateformes qui ont une empreinte telle dans un secteur ou sur une économie qu'elles deviennent des gatekeepers, des gardiens de l'accès. Ces plateformes étant quasiment devenues des infrastructures essentielles, elles doivent se voir appliquer une régulation ex ante qui soit à la hauteur de l'enjeu tout comme nous avons régulé les réseaux d'eau, les réseaux téléphoniques, les réseaux routiers… Je pense aux réseaux sociaux, aux terminaux mobiles, aux moteurs de recherche. Il nous faut un régulateur à la hauteur de cette ambition.

Si nous voulons recouvrer notre souveraineté politique sur ce domaine à la croisée du politique et de l'économique, nous devons avancer sur ces deux points : être au bon niveau économique et avoir des acteurs que nous régulons ici même.

Il est important d'avoir des acteurs que nous régulons ici, pour une raison simple : je suis persuadé que les entreprises ont une identité et une nationalité. Lorsque vous êtes sur une plateforme ou un réseau social américain, vous êtes régulé par des conditions générales d'utilisation d'inspiration anglo-saxonne. Vous êtes soumis à une entreprise dont l'identité est profondément anglo-saxonne même si elle s'adapte évidemment de temps en temps au pays dans lequel elle opère. Une entreprise dont le siège social et le patron sont américains est différente d'une entreprise dont le siège social et le patron ou la patronne sont européens par leur culture, par leur approche de la question des valeurs de l'entreprise et par la capacité d'influence des états. Cette question de la régulation dépasse l'aspect national. Elle me semble être une question démocratique. Nous avons donc à la fois une question économique offensive et une question de régulation plus défensive.

Le Digital Services Act est un horizon extrêmement important et décisif pour les dix ans qui viennent. Soit l'Europe est à la hauteur de l'enjeu, soit nous aurons laissé passer une occasion absolument décisive. Les premières propositions mises sur la table par la Commission européenne sont extrêmement intéressantes et positives, je dois le dire. Nous savons toutefois qu'il peut arriver qu'elles s'effilochent avec le temps. J'ai rappelé au Conseil « Télécommunications » de la semaine dernière que nous sommes vigilants pour maintenir ce niveau d'ambition. Nous sommes sur ce sujet alignés avec la plupart des pays européens, notamment avec l'Allemagne ou les Pays-Bas avec lesquels j'ai cosigné un document sur la régulation.

Vous avez évoqué la cybersécurité qui est évidemment au cœur de la souveraineté numérique. Nous devons être très forts en cybersécurité mais ce n'est pas indépendant de la question économique. La cybersécurité demande de l'intelligence artificielle, de la maîtrise du cloud … Si nos acteurs ne sont pas parmi les meilleurs du monde dans l'intelligence artificielle et la maîtrise du cloud, nous serons en retard en matière de cybersécurité. Il ne suffit pas de financer les spécialistes du cloud ou de l'intelligence artificielle ; Facebook n'a notamment rien d'une entreprise profondément technologique à l'origine, c'est un réseau social. Toutefois, cette entreprise a tellement grossi, est devenue tellement monopolistique qu'elle vaut maintenant 700 milliards de dollars et est capable d'investir des dizaines de milliards de dollars.

L'État n'a pas à choisir entre une entreprise de cybersécurité, une entreprise de livraison de repas et une entreprise de réseau social pour l'investissement et la croissance de l'écosystème économique parce que c'est peut-être une entreprise de réseau social qui, demain, grossira et aura une capacité d'investissement telle qu'elle deviendra un acteur majeur de l'intelligence artificielle.

Nous considérons la question de la cybersécurité comme critique. Nous avons dans le cadre du plan de relance décidé que la cybersécurité serait particulièrement traitée parmi les marchés critiques. C'est un sujet sur lequel la France, comme dans tous les domaines de la souveraineté, a la volonté d'être autonome.

Je rappelle que la France est dans le monde occidental, à part les États-Unis, le seul pays qui s'attache à maîtriser l'ensemble de composantes de la souveraineté stratégique. Cela va de la question nucléaire à la cybersécurité offensive et défensive où la France est attachée à ne dépendre d'aucun pays, que ce soit pour ses capacités de renseignement ou pour ses capacités défensives d'attribution et de contrôle de ce qu'il se passe sur ses réseaux par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Cette agence est considérée comme dans le top 5 ou 6 des agences ayant un savoir-faire en matière de cybersécurité.

Nous avons besoin, en plus de ce savoir-faire reconnu par les entreprises et nos homologues européens, de développer un écosystème privé d'entreprises de la cybersécurité. Nous avons plusieurs acteurs de taille internationale, notamment dans les très grandes entreprises françaises comme Orange, Thalès, Atos, Airbus, Capgemini, que ce soit dans la production de matériel ou de logiciels. Nous avons un écosystème très performant de start-up, de petites et moyennes entreprises et d'entreprises de taille intermédiaire (PME et ETI). Nous souhaitons consolider ce savoir-faire pour maîtriser l'ensemble des chaînons technologiques de la cybersécurité. Nous avons vu à travers le développement des attaques informatiques des institutions, des entreprises ou même des citoyens, à quel point cette maîtrise est importante.

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Vous avez dit qu'il faut investir dans le cloud et ne pas laisser les États-Unis notamment prendre la tête. Nous avons interrogé voici quelques semaines les représentants des fabricants de composants électroniques. Ils nous ont dit que nous avions très clairement perdu le match sur le cloud et sur l'intelligence artificielle dans le cloud et qu'il fallait que la France se spécialise. D'après eux, la France a de bonnes capacités notamment dans l'intelligence artificielle décentralisée, l'industrie automobile étant un bon exemple de ce savoir-faire. La meilleure solution est, à leur avis, que nous nous spécialisions dans ce domaine. Vous nous disiez pourtant que vous vouliez absolument que nous investissions dans le cloud.

Par ailleurs, nous n'avons pas abordé la question de l'organisation de l'État. Nous voyons que l'État souhaite numériser l'ensemble de son fonctionnement mais le fait ministère par ministère. Pourquoi, à l'instar d'autres pays, n'avons-nous pas un ministère dédié au numérique, qui soit transversal, donc relié directement au Premier ministre ? Cela existe à Monaco et dans d'autres pays européens. Le numérique ne peut pas se voir simplement ministère par ministère, en silos. Il doit irriguer la totalité du fonctionnement de l'État.

Enfin, nous avons beaucoup entendu parler de la plateforme des données de santé ( Health Data Hub, HDH) et du recours à Microsoft. La question des marchés publics se pose et il faut voir comment privilégier des solutions européennes dans le cadre des marchés publics. Qu'en pensez-vous ? Le code des marchés publics affirme très clairement certaines impossibilités alors que la souveraineté passe aussi par la maîtrise des lieux de stockage des données. Une réflexion est-elle en cours pour savoir comment privilégier des acteurs français ou européens dans les marchés publics français ou européens ?

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Cédric O, secrétaire d'État

Je ne pense pas que nous ayons perdu le match du cloud ou de l'intelligence artificielle. Nous avons perdu les deux premiers sets. La question fait certes débat et est l'objet de discussions répétées avec les industriels du secteur, clients et fournisseurs. La France et l'Europe ont-elles perdu le match du cloud et de l'intelligence artificielle ? Cela vaut-il encore le coup de le mener ? Ma conviction est que oui, cela vaut le coup. Je constate qu'une partie de l'écosystème estime le contraire, compte tenu des montants en jeu.

Les deux sujets sont un peu différents. Sur la question du cloud, nous avons perdu les deux premiers sets sur des scores très sévères. Je pense que le match peut encore être joué mais que cela nécessite des investissements et une volonté constante, au bon niveau, pour développer nos acteurs. Même ainsi, ce n'est pas certain que nous réussissions.

Je considère en revanche que nous avons, pour longtemps, perdu le match de l'intelligence artificielle appliquée aux données personnelles et aux consommateurs. Les bases de données constituées par les très grandes entreprises américaines ou chinoises, exponentiellement grandissantes, font que l'écart s'accroît chaque jour.

Il existe des domaines dans lesquels nous pouvons toutefois encore jouer, et même dans lesquels nous pouvons être parmi les meilleurs du monde. Cela concerne notamment les données industrielles et l'intelligence artificielle appliquée à certains secteurs du commerce interentreprises (B to B), tels que les domaines de la santé, des transports, de l'environnement, de l'énergie, de la cybersécurité. Partout où le savoir-faire français est extrêmement fort, avec des très grandes entreprises françaises et des lacs de données à la bonne taille, nous sommes capables de créer des savoir-faire parmi les meilleurs du monde parce que nous avons l'une des meilleures écoles du monde en mathématiques et en informatique.

Pour faire le lien avec le HDH, la création de l'entrepôt des données de santé a été décidée parce que nous avons un très fort savoir-faire en France en intelligence artificielle et sur la question médicale. Notre pays est particulièrement centralisé en termes de données médicales, ce qui est un avantage compétitif très important. Les bases de données françaises de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l'assurance maladie sont parmi les cinq plus grosses bases de données de santé du monde. Nous avons donc intérêt, pour des raisons médicales et économiques, à connecter l'ensemble de ces bases de données afin de découvrir des interactions médicamenteuses, faire de la recherche, du suivi individualisé de patients, améliorer la qualité des soins, améliorer la vie des personnels de santé et faire émerger des champions français de la santé numérique ou développer le savoir-faire de nos entreprises.

Le HDH n'est qu'une surcouche. Les données de santé des Français ne sont, à 99 %, pas dans le HDH aujourd'hui. Elles sont stockées dans les data centers des différents hôpitaux, des laboratoires qui sont pour la plupart hébergés chez des Français. Nous avons voulu créer une surcouche qui, tout en respectant un processus extrêmement normé sur les questions de données personnelles et d'éthique, permette de connecter les données nécessaires pour faire fonctionner des algorithmes d'intelligence artificielle. L'objectif est de créer des champions de la santé numérique et d'améliorer la santé des Français.

Cette décision a été prise dans le cadre de la présentation par le Président dela République du plan sur l'intelligence artificielle en mars 2018. Elle a donné lieu à la consultation de dix-neuf entreprises sur l'outil mis à la disposition du HDH. La seule entreprise qui répondait début 2019 aux critères techniques de performance, de capacité à développer ces algorithmes, était Microsoft. Il a alors été décidé de démarrer tout de suite avec Microsoft une phase expérimentale de développement, parce que cette société était en avance dans le domaine de l'intelligence artificielle. D'ailleurs, si vous discutez aujourd'hui avec les entreprises de l'intelligence artificielle, elles vous feront toutes part de l'extrême avance des groupes américains.

Notre volonté est de faire émerger des champions européens capables de tenir tête à Microsoft Azure, à Google Cloud ou à Amazon Web Services (AWS). C'est bien sûr indispensable mais, à ce moment et sur cette question de la santé, Microsoft était le plus avancé. Il a donc été décidé de débuter avec lui une période probatoire. Nous avons pu ainsi, pendant la crise de la covid du début d'année, faire des découvertes extrêmement intéressantes sur des interactions médicamenteuses ou des facteurs de comorbidité. Très concrètement, si nous avions dû attendre un an ou un an et demi pour travailler avec un acteur français, nous ne l'aurions pas fait pendant la crise de la covid parce que nous n'aurions pas été prêts.

Voici donc la situation objective. J'ai toutefois été très clair lors d'une audition au Sénat. Notre volonté est de faire passer le HDH sur une infrastructure européenne, notamment pour une raison juridique. En effet, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne a estimé juridiquement impossible que le HDH continue à être hébergé sur des infrastructures américaines à terme, le Conseil d'État ayant par ailleurs considéré qu'il n'y avait pas urgence. Notre volonté est donc de travailler à la transition vers une infrastructure européenne. En conséquence, nous devons être capables de mettre à jour nos capacités de traitement algorithmique. Dans le cas inverse, ce que nous aurons gagné en indépendance industrielle sera perdu en opportunités sanitaires. Juridiquement, les données étaient suffisamment protégées compte tenu des clauses contractuelles. Passer le HDH sur des infrastructures européennes n'est donc pas anodin.

Encore une fois, Amazon avec AWS investit 22 milliards de dollars par an en recherche et développement. La France tout entière investit un peu plus de 60 milliards par an dans l'ensemble de sa recherche. Sans géant du web européen, nous n'aurons pas de solution. Notre conviction est que nous devons faire en sorte que ces géants émergent, que ce soit dans le cloud, dans l'intelligence artificielle… mais cela prendra du temps. La Silicon Valley s'est créée à la fin des années 1950. Même si cela ne prend pas autant de temps, il en faut pour faire émerger ces acteurs. En ce qui concerne le HDH, la décision est claire ; il passera, dans les mois ou les années qui viennent, sur une infrastructure européenne.

Vous m'avez interrogé sur la possibilité de privilégier des solutions européennes. Je rappelle que la législation européenne, sauf pour ce qui concerne la défense nationale, ne nous permet pas de faire de différence entre une entreprise américaine ayant un siège en Europe et une entreprise européenne ayant un siège en Europe. Elles sont juridiquement à traiter de la même manière. Il existe une petite différence dans le cas du cloud : compte tenu de la législation extraterritoriale prise par les États-Unis, nous estimons que toutes les conditions juridiques de sécurité des données ne peuvent être remplies. C'est d'ailleurs le cœur de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur l'affaire Schrems II et l'invalidation du « Privacy Shield ». Pour les questions qui relèvent au sens large de la souveraineté mais qui n'en relèvent pas au sens juridique, il n'est pas possible de faire une différence entre une entreprise américaine et une entreprise européenne. La décision n'est pas à la main de l'État français, même si nous pouvons le regretter.

Je ne suis pas le mieux placé pour répondre à la question d'un ministère dédié au numérique. Je pense que le fond du sujet est de faire progresser la culture de l'État, des hauts fonctionnaires et des ministres sur les questions du numérique et de l'importance du numérique. Nous avons vu encore la semaine dernière, de façon dramatique, à quel point le numérique irrigue l'ensemble de notre vie quotidienne et de nos politiques publiques. Il répond à des codes qui ne sont pas exactement les mêmes que ceux de la vie réelle, à certaines contraintes et opportunités. Il est important que chaque politique publique soit conçue dans une approche notamment numérique, pas uniquement tout de même, et de faire en sorte que nos politiques soient décidées de manière holistique en prenant en compte le numérique.

Sera-ce mieux avec un ministre d'État du numérique ou faut-il que chaque ministre injecte du numérique dans sa politique publique ? Encore une fois, je ne suis pas le mieux placé pour y répondre. Cela me rappelle les débats dans les entreprises privées pour savoir s'il faut une direction de la transformation numérique du groupe ou s'il faut injecter du numérique dans chaque unité commerciale. Les choix peuvent évoluer d'ailleurs. Il pourrait y avoir un intérêt symbolique à le faire mais le principal est de faire en sorte que le numérique progresse au sein du Gouvernement et des administrations.

À cet égard, je considère que ce Gouvernement et cette majorité ont fait progresser d'un pas inédit la question du numérique. Est-ce suffisant ? Probablement pas. Devons-nous continuer ? C'est certain. En tout cas, le numérique a, au sein de ce gouvernement, une place qu'il n'avait pas dans les gouvernements précédents. Ayant fait partie de ceux-ci, je le sais et je pense que, en la matière, le plus intéressant est d'écouter la manière dont les entreprises du numérique en parlent. Nous ne sommes certainement pas au bout du chemin.

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Vous avez parlé de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Schrems II. Le niveau européen est important. Il a construit le règlement général de protection des données (RGPD). En lien avec la Cour de justice de l'Union, il a par ailleurs fait Schrems II et a confirmé Tele2. Vous avez par ailleurs évoqué le Digital Services Act. Pouvez-vous revenir sur les points que la France souhaite voir intégrés dans ce projet de directive ? Quelles avancées proposées par l'Europe vous conviennent-elles et pourraient créer des ruptures ou permettre des innovations ?

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Cédric O, secrétaire d'État

Dans le cadre du Digital Services Act, la France porte trois éléments particuliers. Le premier concerne la régulation économique des plateformes, le deuxième la régulation des contenus et le troisième la régulation du commerce en ligne.

La question de la régulation économique des plateformes est probablement ce qui fait le plus consensus au niveau européen. La position de la France est simple. Certaines entreprises sont aujourd'hui en position monopolistique ou oligopolistique. Leur empreinte sur notre économie et notre société a atteint un point tel qu'elles doivent se voir appliquer une régulation asymétrique, extrêmement forte et qui leur soit dédiée. L'actualisation de nos outils de concurrence ainsi que la mise en place de régulations et de supervisions dédiées avec un superviseur de niveau européen dédié sont donc indispensables. Il pourrait imposer des notions d'interopérabilité et de régulation d'accès à certains services, les terminaux par exemple, considérés comme des infrastructures essentielles pour lesquelles nous ne pouvons pas laisser s'exercer la libre concurrence. Il pourrait aussi imposer des notions de transparence sur les pratiques de ces plateformes. Nous ne savons actuellement pas comment elles se comportent exactement. Le régulateur pouvait imposer des obligations pour contrôler les secteurs et marchés dominés par ces plateformes, en les considérant comme des infrastructures essentielles.

Nous n'écartons pas la question du démantèlement et nous souhaitons qu'elle reste sur la table, comme l'a demandé la France de manière précise. Le démantèlement est toutefois un ultime recours. En effet, d'abord, concrètement, il prendrait vingt ans compte tenu des recours juridiques ; ensuite il n'est pas certain que cette solution soit la plus efficace. Les modèles économiques sont changeants.

J'ai d'ailleurs eu une très intéressante discussion avec l'ancien président de la Federal Communications Commission (FCC), équivalent aux États-Unis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Sa position était : « Don't break them up, break them open » – ne pas les briser, mais les ouvrir – donc de passer par l'interopérabilité, l'ouverture des données et la régulation. Il estimait que ce serait beaucoup plus efficace et rapide. Il faut toutefois garder le démantèlement dans la boucle des sanctions, où il existe déjà.

Il convient par ailleurs d'éviter certaines fusions qui nous semblent dommageables, comme l'acquisition d'Instagram ou de WhatsApp par Facebook. Elles conduiraient non seulement à empêcher la concurrence mais à renforcer la situation monopolistique des acteurs.

Compte tenu de ce que la Commission européenne a posé sur la table avec la mise à jour des règles de concurrence et le Digital Services Act, je crois que le terrain est favorable pour progresser sur ces questions en Europe. Nous le verrons début décembre.

Les obligations de modération de contenu appliquées aux plateformes font plus débat. Cette question relève moins de la souveraineté numérique mais davantage malheureusement de l'actualité. Aujourd'hui, les grands réseaux sociaux sont régis par la directive « e-commerce » sur le commerce électronique qui les rend irresponsables des contenus publiés sur leurs plateformes car ils ne sont pas éditeurs mais simplement hébergeurs.

La France soutient qu'il faut considérer, à l'image de la deuxième partie de la « loi Avia » visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, la nécessité d'obligation de moyens pour les plateformes dans la modération et la régulation des contenus les plus problématiques. La loi a été invalidée par le Conseil constitutionnel, mais seulement par voie de conséquence en ce qui concerne cette deuxième partie, donc sans jugement au fond.

Les plateformes devraient se doter d'équipes de modération à la hauteur de l'enjeu qu'elles représentent. Facebook et Twitter n'ont ainsi pas le même. Elles doivent avoir des obligations de moyens sous la supervision d'un régulateur. La France est extrêmement offensive sur cette question. Il nous semble qu'il s'agit d'un bon équilibre entre la régulation et la liberté d'expression.

Ce sujet fait en Europe infiniment plus débat que la question économique pour des raisons de sensibilités culturelles à la liberté d'expression, qui sont assez différentes. Certains pays européens ne souhaitent rien ajouter à la régulation actuelle des plateformes. La capacité de notre pays à réguler cette question est incertaine, étant sous directive européenne. Nous sentons les lignes bouger et nous poussons en faveur cette obligation de moyens.

Ces obligations de moyens seraient fixées au niveau européen, avec éventuellement une supervision européenne, mais la définition des contenus illicites ne relève évidemment pas d'une définition européenne. La culture française n'est pas la même que la culture suédoise ou la culture portugaise sur la liberté d'expression et la haine en ligne. Nous souhaitons donc que des obligations de moyens soient posées au niveau européen tandis que la définition des contenus illicites resterait à la main des États, compte tenu des forts liens avec les héritages culturels.

Nous portons enfin la question de la régulation des places de marché. Certaines, comme Wish que j'ai eu l'occasion de dénoncer en tant que ministre pendant le confinement, ont des comportements vis-à-vis de leurs vendeurs qui sont d'une irresponsabilité totale. Vous trouvez aujourd'hui sur certaines places de marché une majorité d'articles vendus par des vendeurs non européens et non conformes aux règles européennes. Dans la régulation actuelle, ces plateformes sont irresponsables, au sens qu'elles ne sont pas responsables juridiquement. Vous pouvez, sur ces plateformes, acheter un jouet qui explosera à la figure de votre enfant sans que la plateforme soit redevable de quoi que ce soit. C'est inacceptable.

La France porte le fait que des obligations spécifiques soient imposées aux places de marché sur le contrôle de la conformité de leurs vendeurs non européens, pour s'assurer que les vendeurs non européens respectent les mêmes règles que les vendeurs européens et ne soient pas irresponsables. C'est une question qui dépasse la liberté d'expression et relève de la sécurité sanitaire. L'Europe serait fondée à être beaucoup plus dure et à sortir du cadre de la directive « e-commerce » sur ce sujet spécifique.

Voici donc les trois positions que la France porte dans le cadre de la nouvelle directive sur les services numériques.

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Je souhaite évoquer l'aspect de la souveraineté mais de l'autre côté de la barrière. Je me suis basé sur un très bon livre de Joël de Rosnay, intitulé Je cherche à comprendre, qui parle d'internet et de ses impacts sociétaux. Il dit qu'internet est une sorte de gros corps dont l'ADN est l'humain, puisque nous alimentons en permanence ces sujets par nos propres données. Il n'est pas difficile de dire que la crédulité de l'humain est plus facile à corriger que la puissance de la technologie alliée au capitalisme.

Vous avez rappelé la nécessité absolue d'acculturation des citoyens et des politiques en premier lieu. Tous sont également manipulés au quotidien par les dark patterns qui alimentent cette économie de l'attention. Ne pourrions-nous pas réfléchir collectivement à un grand programme national d'acculturation, à la formation de chacun à l'économie de l'attention et au numérique au sens large ? Pourquoi ne pas organiser un débat national ou une convention citoyenne sur le numérique ?

Nous devons faire des choix qui ne soient pas que des choix d'experts mais aussi des choix de citoyens. De très nombreux sujets doivent être posés sur la table et débattus collectivement, comme la reconnaissance faciale.

S'agissant de la modération, est-il envisagé de travailler avec les plateformes ou les médias sociaux sur l'instantanéité des messages ? Ainsi, sur Twitter ou Facebook, lorsque je poste un message, il part tout de suite mais nous savons très bien, comme le fait Google par exemple, qu'il peut exister un petit contrôle. Par exemple, si j'écris « vous trouverez en pièce jointe… », que j'oublie la pièce jointe et que j'appuie sur « Envoyer », Google signale que j'ai oublié d'envoyer la pièce jointe. Un contrôle se fait donc. Avec les moyens dont nous disposons, nous pouvons reconnaître automatiquement, avec quelques erreurs certes, des images ou des phrases à caractère très violent, des insultes ou des incitations à la haine. L'algorithme pourrait dire dans ce cas : « Êtes-vous bien sûr de vouloir envoyer ce message, sachant que vous pouvez vous exposer à une amende, de la prison, au transfert de votre adresse IP aux autorités… ? » avec un rappel à la loi.

Ainsi, nous ne toucherions pas à la liberté des citoyens de dire ce qu'ils veulent mais ce micro-contrôle permettrait de réfléchir et de ne pas s'embarquer dans une ivresse collective qui amène aux actes les plus odieux.

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Cédric O, secrétaire d'État

Je vous rejoins totalement sur votre premier point, monsieur le député. Les dérives des acteurs d'internet sont largement liées à l'ignorance de nombre de nos concitoyens – et même des responsables politiques évidemment – de la manière dont cela fonctionne et des sous-jacents d'un monde de plus en plus numérique.

L'inclusion numérique me semble absolument essentielle si nous voulons continuer à faire société dans le cadre de citoyens autonomes et émancipés. Nous savons qu'un Français sur six n'utilise jamais d'ordinateur. Un Français sur trois manque de compétences numériques de base. L'inclusion numérique commence par apprendre à créer une adresse e-mail, à déclarer ses impôts en ligne, à vendre un objet sur « Le Bon Coin » ou à faire un WhatsApp avec des proches pour une personne isolée.

Dans une session de médiation numérique où les citoyens apprennent à devenir autonomes, les questions qui suivent l'explication de la création d'une adresse e-mail portent sur les données personnelles, les fausses informations, la parentalité à l'heure du numérique, les écrans. Le sujet porte certes sur des capacités très concrètes mais le fond est un sujet de grammaire, de compréhension par nos concitoyens de cette grammaire du monde numérique.

Je conseille assez largement la lecture du sociologue Gérald Bronner : le numérique a tendance à favoriser les instincts anciens, les explications unifactorielles par rapport à des explications multifactorielles. Nous apprécions le fonctionnement en silos informationnels favorisé par le numérique.

La seule manière de combattre les nombreuses dérives du numérique, sur les fausses informations, sur la haine en ligne ou sur la puissance des grandes entreprises d'internet, est de former nos concitoyens. Il faut les faire progresser et progresser nous-mêmes car nos concitoyens ne sont pas les seuls à être en retard. Les serviteurs de l'État, les hauts fonctionnaires, ne sont guère en reste. Je pense que nous ne sommes actuellement pas au bon niveau. Il faut que nous accélérions sur ce sujet.

Avons-nous besoin d'une convention citoyenne sur le numérique ? Pourquoi pas, mais je pense que les prochaines échéances empêchent ou compliquent la tenue de ce genre de cénacle. Toutefois, nous avons besoin d'une réflexion sociétale sur la question du numérique, sans le saucissonner entre données, géants du web (GAFA), haine en ligne, inclusion numérique et question économique.

Dans la perspective de la nomination du prochain Conseil national du numérique puisque l'ancien a terminé ses travaux cet été, nous voulons justement mettre sur la table la question de cette capacité à avoir une approche multidisciplinaire et holistique de ce sujet essentiel du numérique.

Je pense que l'instantanéité de messages doit être une piste de travail. Cela ne résoudra évidemment pas tout mais, dans le cadre des obligations de moyens et de modération, elle est une des solutions. Il faut ralentir le caractère viral de certains contenus, particulièrement des plus offensants. Nous sommes au cœur du modèle d'affaires des plateformes et de l'économie de l'attention. Les contenus qui retiennent le plus votre attention, ceux que vous aurez le plus tendance à commenter ou à partager, sont les contenus les plus choquants ou les plus agressifs. Ce sont donc les plus rémunérateurs puisqu'ils font le plus de vues.

En appelant à l'émancipation et à l'autonomie individuelle, certains éléments pourraient effectivement conduire des personnes à se demander : « Ai-je vraiment besoin de dire cela, de partager ce contenu ? » Je pense que c'est une très bonne question et un outil sur lequel nous devons travailler, une forme de modération ex ante qui n'irait pas jusqu'au bout.

Nous devons aussi avoir conscience, particulièrement dans le cadre des évènements de la semaine dernière, que la modération des contenus n'est pas humainement possible. Il faudra qu'une part importante des décisions soit prise par des algorithmes. Cela pose des questions de transparence des algorithmes, de redevabilité de ceux qui les font, qui les déploient… Le sujet est complexe mais je suis assez favorable à votre proposition pour certains acteurs dont l'empreinte est telle qu'ils sont devenus peut-être la première agora publique. Cette question pourrait être étudiée en France, d'autant plus que ces acteurs utilisent déjà en partie ces algorithmes. Ainsi, lorsque vous postez votre message, il peut être retiré dans la seconde qui suit. L'intérêt de votre proposition est que cette modération se fasse en amont et j'y suis plutôt favorable.

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Je reviens sur la formation. Le code est aujourd'hui absolument nécessaire dans l'écosystème. Le code est un langage, une langue étrangère. Pensez-vous que son apprentissage, non pas dans le supérieur mais dès le plus jeune âge, est actuellement suffisant à l'école ? Devrions-nous le développer ? Sans ces futurs codeurs et donc l'acculturation au code par les plus jeunes, nous n'y arriverons pas. Pensez-vous que la France a une vraie spécialité dans le code ? Nous avons des codeurs de très haut niveau mais nous avons tendance à les laisser partir ensuite.

Ne serait-ce pas également un moyen d'avoir un équilibre entre les garçons et les filles pour avoir ensuite des étudiants et des étudiantes dans les écoles d'informatique et les écoles d'ingénieurs spécialisées dans le numérique ?

Quelle vision portez-vous, en tant que secrétaire d'État mais aussi dans le Gouvernement ? Je rappelle que le langage Python est étudié au lycée. D'autres langages sont en train de sortir comme le langage Julia qui est une invention française. Nous avons OCaml, nous avons une spécificité française. Avons-nous suffisamment de formation et d'acculturation au langage pour conserver cet avantage ?

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Cédric O, secrétaire d'État

La question est du ressort du ministre de l'éducation, Jean-Michel Blanquer, mais j'ai évidemment un avis. Oui, nous devons faire progresser nos jeunes sur la question du code. C'est le cas dans le monde entier. Il ne s'agit pas véritablement de la question du code mais de ce qu'il induit de compréhension des mécanismes numériques et de compréhension de la grammaire de notre monde. Personnellement, je ne code pas mais j'ai quelques petites connaissances qui me permettent de mieux comprendre ce qui est faisable ou infaisable. Nous avons donc besoin d'augmenter le niveau de nos élèves. La question de cette nouvelle « langue étrangère » et même de plusieurs langues étrangères est un problème mondial.

Nous devrions évidemment faire plus, aller plus vite mais, au regard de ce qui a été enclenché par l'éducation nationale au niveau national, la France est aujourd'hui l'un des pays qui fait le plus d'efforts pour éduquer ses élèves au code. La modification introduite par la réforme du lycée et du baccalauréat fait que, en seconde, tous les élèves ont chaque semaine une heure et demie d'enseignement technique et numérique. La France est le premier pays à avoir généralisé cet enseignement en seconde.

Il existe certes des endroits, aux États-Unis ou dans d'autres pays, où certaines écoles sont plus en avance sur l'enseignement du code mais la France est le seul pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à avoir généralisé cet enseignement. Il est inscrit dans une feuille de route ambitieuse qui commence en primaire et se poursuit au collège puis au lycée.

Des difficultés de transition se posent, notamment celle du professorat puisqu'il faut former des professeurs. Jean-Michel Blanquer me disait, voici quelques mois, que l'éducation nationale avait été extrêmement surprise par l'enthousiasme et l'adhésion des professeurs de lycée, notamment les professeurs de technologie, pour se faire former à cette question de l'éducation numérique.

Nous devons aller plus loin. L'éducation nationale a, je pense, à cœur de faire progresser ce sujet et de progresser vite. C'est d'autant plus important qu'il faut que nous essayions progressivement de descendre sur le collège et même sur le primaire, où d'ailleurs des modules d'initiation sont déjà prévus. Cette question est aussi liée à la mixité et à l'égalité femmes-hommes puisque le déport des petites filles sur la question de l'enseignement numérique commence assez tôt, dès le primaire, et se cristallise au moment du collège, lorsque des choix d'orientation sont faits en quatrième et troisième. Il faut aller plus loin et pas que pour apprendre à développer des jeux vidéo. Il s'agit de comprendre le monde dans lequel nous évoluons.

S'agissant des codeurs qui s'en vont, je pense d'abord que qu'ils sont moins nombreux actuellement. Nous assistons, depuis un ou deux ans, avec une accélération depuis six mois, à un mouvement de retour des Français entrepreneurs ou développeurs partis à l'étranger. Je n'ai pas encore de chiffres mais ce mouvement est très intéressant. L'attractivité de l'écosystème français pour des entrepreneurs, des salariés, des développeurs étrangers, est plus élevée qu'elle ne l'a jamais été. Elle est probablement liée au climat américain actuel, au Brexit mais aussi à l'augmentation de la maturité de l'écosystème français et à l'image de la France, de son Gouvernement, de son écosystème numérique sur les start-up.

Si nous voulons que nos codeurs et développeurs restent, ils doivent pouvoir disposer d'entreprises dans lesquelles ils s'épanouiront autant qu'aux États-Unis. C'est le cas aujourd'hui et le sera de plus en plus.

Dans le fond, je suis très optimiste sur cette question de la souveraineté numérique et de l'écosystème numérique ; en effet, je pense que la compétition mondiale pour la technologie est d'abord une compétition mondiale pour l'intelligence humaine. Or la France a cette intelligence humaine. Elle forme des ingénieurs, des chercheurs et des entrepreneurs parmi les meilleurs du monde. Il s'agit juste de les garder et qu'ils trouvent ici l'écosystème leur permettant de développer des entreprises qui seront demain parmi les meilleures du monde. Cela prendra un peu de temps mais elles y arriveront. La dynamique actuellement observée, pour des raisons fiscales aussi, est très encourageante.

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Je pense qu'il est urgent de rendre obligatoire à l'école primaire, vers six ou sept ans, l'apprentissage du codage. Au-delà, puisque nous sommes forts en France sur les systèmes de données comme nous le voyons avec le système de santé, nous devrions être innovants sur la partie apprentissage des données de manière très pédagogique. Je pense que c'est très urgent.

Il ne faut pas oublier l'outil Computer Science For All initié par le précédent Président des États-Unis. Les enfants, dès la sortie de la maternelle, avaient des cours dans ce domaine. Ils n'étaient évidemment pas obligatoires puisqu'aux États-Unis le système n'est pas national. Le fait que nous ayons un système harmonisé nationalement en France peut faciliter cet apprentissage.

J'ai également une question concernant les identifiants numériques, un sujet sur lequel nous n'évoluons pas. Cette identification permettrait d'harmoniser les échanges interministériels ainsi que les échanges entre tous les systèmes. Je ne sais pas où nous en sommes. Des rapports sont faits. Quelle suite y est-elle donnée ? Quels sont les freins identifiés ?

Concernant la santé numérique pour laquelle nous avons une force liée à notre système de sécurité sociale nationale, le risque de l'entente avec Microsoft est évidemment que des sociétés récupèrent un certain nombre de données. Je suppose que tout ceci est bien « bordé ». Ces données sont tout de même la plus grande richesse, plus que les algorithmes me semble-t-il. Nous pouvons essayer d'avancer, de développer des algorithmes, en revanche les données sont une richesse sans prix. Pourriez-vous donner quelques informations complémentaires sur l'accord conclu ?

Enfin, nous avions dès le début de la mandature des relations avec l'Estonie. Où en sommes-nous ?

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Cédric O, secrétaire d'État

Je crois que le secrétaire d'État chargé de la transition numérique est assez favorable au code obligatoire à l'école mais je vous invite à évoquer ce sujet avec le ministre de l'éducation. Je ne veux pas nous opposer.

Nous aimerions effectivement aller plus vite mais je pense que ce qui a été fait depuis le début du quinquennat par Jean-Michel Blanquer est absolument remarquable. Il faut probablement aller plus loin encore mais aucun pays de l'OCDE n'a fait ce que fait la France sur l'enseignement obligatoire du code dès le lycée. Il s'agit maintenant de descendre vers les niveaux inférieurs et je partage votre avis.

Sur l'identifiant numérique, le premier problème est celui de l'identifiant numérique unique des Français par les administrations puisqu'il est interdit par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le moteur et la clé de la réussite estonienne sont l'identifiant unique puisqu'il s'agit de communiquer entre les administrations. Toutefois, le Conseil d'État, au moment de la discussion sur le numéro de sécurité sociale, qui est en fait le seul identifiant, a estimé que l'usage de cet identifiant devait rester proportionné et qu'il n'était pas possible d'avoir un identifiant unique de l'administration.

Cela n'empêche pas que nous progressons assez vite sur la question de l'échange d'informations entre les administrations dans le cadre du programme « Dites le nous une fois ». Je vous invite à auditionner ma collègue Amélie de Montchalin qui pilote la transformation numérique de l'État. L'identité numérique des Français doit commencer à être déployée l'été prochain.

En ce qui concerne le contrat passé avec Microsoft, je n'ai pas d'inquiétude sur la récupération commerciale des données. Les entreprises n'y ont pas intérêt et les clauses juridiques sont très protectrices. Le cryptage des données n'est pas assuré par Microsoft mais par les Français. La question posée par le Cloud Act et le déploiement du HDH sur l'infrastructure Microsoft est plutôt la question de l'extraterritorialité des décisions américaines et de la capacité des Américains, dans le cadre de décisions judiciaires, à avoir accès aux données des Français en se passant de l'autorisation de l'entreprise et de l'autorisation des autorités françaises.

Ce n'est pas un problème de diffusion des données des Français aux acteurs américains ; cela n'arrivera pas. Le problème est la défense de la souveraineté de données des Français. Des échanges d'informations entre les justices se font dans le cadre d'une entraide judiciaire et non le cadre d'une décision unilatérale de la justice américaine. Pour cette raison, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que le Cloud Act ne permettait pas à des entreprises américaines de traiter des données européennes. C'est aussi la raison, compte tenu de la forte sécurité juridique, qui a conduit le Conseil d'État à considérer que la migration du HDH n'est pas urgente, en tout cas que la décision prise n'est pas illégale, même si la CNIL a été très claire sur la nécessité d'opérer une transition.

Nous avons évidemment des échanges avec l'Estonie. J'admire beaucoup le système estonien qui a l'avantage de ne pas avoir été bâti sur une administration datant de plusieurs centaines d'années et ayant ses propres processus. Nous devons tendre vers cette facilité d'usage pour les citoyens en priorité. La question de l'identité numérique est un point clé et j'espère que la mise à disposition de cette identité l'été prochain permettra de faire des progrès importants.

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Je reviens sur le code à l'école. Je pense que ce sont vraiment les usages qui font que quelqu'un s'intéresse au code. Aujourd'hui, le numérique est au cœur de la pédagogie et tous les enfants, même les filles, veulent l'apprendre. Ma petite dernière regarde ses devoirs en ligne lorsqu'elle rentre à la maison et, si je lui dis qu'elle peut se créer son propre jeu, elle s'intéressera au code. Ce sont les usages qui créent l'intérêt, pas l'éducation nationale. C'est le moment d'y aller parce que les usages sont là.

Le statut du télétravailleur frontalier n'a, quant à lui, aucun sens. En effet, il dépend de la caisse de son pays d'emploi sauf s'il reste chez lui et dépasse 25 % de son temps de travail dans son pays de résidence. Je suis allée à Berne la semaine dernière pour voir le représentant de l'Union européenne et lui dire qu'il faut travailler sur ce sujet. C'est un non-sens en fait. Nous travaillons aujourd'hui où nous voulons, quand nous voulons et les frontières n'existent plus dans la vie des travailleurs. Comment l'institution peut-elle se mettre à la page de la réalité citoyenne ? Il m'a été répondu que c'est aux entreprises de jouer le jeu, ce qui sera difficile à expliquer aux citoyens. Il reste un gros travail à faire sur ce sujet.

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Cédric O, secrétaire d'État

Je vous rejoins volontiers sur le fait que le développement du télétravail et d'entreprises, de start-up qui considèrent comme possible de travailler à 100 % en télétravail d'où que ce soit dans le monde repose très sensiblement les questions du droit du travail et des fiscalités individuelles et collectives. Il se pose toutefois la question de la soutenabilité d'un tel modèle, y compris pour les entreprises elles-mêmes compte tenu des difficultés à intégrer les nouveaux et à avoir un attachement à l'entreprise. Ce problème se pose déjà pour les travailleurs frontaliers. La question d'une communauté de vie démocratique et fiscale se posera encore plus si une part importante des Français travaille depuis la France pour des entreprises étrangères et vice-versa. Il faut repenser un certain nombre de cadres, peut-être parfois de façon expérimentale.

Je n'ai pas la réponse compte tenu des questions essentielles qui sont posées mais je vous rejoins sur la nécessité d'y réfléchir. Je rappelle que le télétravail semble parfois être pour certains employeurs une nouvelle manière pour les employés de moins travailler, tandis que, pour certains syndicats, c'est le nouveau vecteur privilégié de la prolétarisation du travail. Je pense que le télétravail est quand même en règle générale très bien vécu par les employeurs et les employés, particulièrement lors de crise telle que celle de la covid. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas de règles.

Nous avons tout intérêt à favoriser le télétravail dans cette crise et, même à terme, il est probable que l'équilibre entre travail physique et travail digital soit repositionné. Ce sera très bien compte tenu de ce qu'il apporte pour la vie personnelle et la productivité.

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J'ai une question sur le 5G. Sans rentrer dans les polémiques sur les ondes, la 5G a posé et continue de poser une question de matériel. Une décision américaine a été prise de limiter le recours à un fabricant de matériel chinois, Huawei.

Quelle est aujourd'hui notre dépendance à ce matériel ? Sommes-nous capables de déployer la 5G selon le plan prévu avec du matériel européen ? La position quasi monopolistique de Huawei nous avait fait nous poser des questions et, depuis, des évolutions ont eu lieu. Comment voyez-vous la situation, sachant que le matériel a été autorisé sous conditions, pendant un temps limité ?

Quelles sont donc les perspectives, uniquement sur la partie matérielle ?

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Cédric O, secrétaire d'État

Sur la question du matériel et des équipements 5G, la position de la France est extrêmement claire. Elle a toute légitimité à prendre des décisions qui garantissent sa souveraineté. Les appareils 5G ne posent pas un problème de captation de données personnelles mais peuvent poser, compte tenu de leurs caractéristiques techniques, un problème de résilience globale du système si un ou plusieurs équipementiers ont une empreinte énorme, ainsi qu'un problème d'accès à certaines données industrielles ou certaines données sensibles. Un équipement 5G n'a donc pas la même sensibilité selon qu'il se trouve à côté de l'île Longue ou dans la campagne en Rhône-Alpes.

C'est dans ce cadre qu'une proposition de loi a été votée à l'initiative du député Éric Bothorel. Elle a imposé que chaque équipement 5G fasse l'objet d'une validation par l'ANSSI et d'une décision du Premier ministre en fonction de la nature de l'équipement et de son lieu de déploiement. Nous estimons que ce cadre garantit de manière très efficace la souveraineté française.

J'apporte un amendement à ce que vous avez dit : il n'existe pas de monopole de tel ou tel fournisseur. Orange n'a sur le territoire hexagonal que des équipements européens, Free n'a quasiment que des équipements européens, SFR a un tiers d'équipements non européens je crois – je vérifierai – et de même pour Bouygues. De manière globale, l'empreinte des équipements non européens sur le territoire français est très limitée. La France est d'ailleurs l'un des pays européens où l'empreinte des fournisseurs non européens est la plus faible.

Nous avons décidé dans ce cadre que nous donnerons des agréments à l'ensemble des fournisseurs mais que, en fonction des caractéristiques des équipements et de leur position, nous donnerons ou non l'autorisation d'installer. Nous serons attentifs à l'endroit où ces antennes sont placées et à l'empreinte globale du fournisseur. Nous estimons que ces décisions sont nécessaires et suffisantes pour assurer la souveraineté française.

D'autres pays ont pris des décisions différentes, dans les deux sens, en donnant plus ou moins d'autorisations. Je leur laisse évidemment la latitude et la responsabilité de leur décision. Nous estimons quant à nous que la souveraineté n'est pas remise en question compte tenu des décisions prophylactiques qui ont été prises.

La séance est levée à 11 heures 30.

Membres présents ou excusés

Mission d'information de la Conférence des Présidents « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10 heures

Présents. - Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Danièle Hérin, M. Philippe Latombe, Mme Marion Lenne, M. Pierre-Alain Raphan, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, M. Philippe Gosselin, Mme Marietta Karamanli