La question est du ressort du ministre de l'éducation, Jean-Michel Blanquer, mais j'ai évidemment un avis. Oui, nous devons faire progresser nos jeunes sur la question du code. C'est le cas dans le monde entier. Il ne s'agit pas véritablement de la question du code mais de ce qu'il induit de compréhension des mécanismes numériques et de compréhension de la grammaire de notre monde. Personnellement, je ne code pas mais j'ai quelques petites connaissances qui me permettent de mieux comprendre ce qui est faisable ou infaisable. Nous avons donc besoin d'augmenter le niveau de nos élèves. La question de cette nouvelle « langue étrangère » et même de plusieurs langues étrangères est un problème mondial.
Nous devrions évidemment faire plus, aller plus vite mais, au regard de ce qui a été enclenché par l'éducation nationale au niveau national, la France est aujourd'hui l'un des pays qui fait le plus d'efforts pour éduquer ses élèves au code. La modification introduite par la réforme du lycée et du baccalauréat fait que, en seconde, tous les élèves ont chaque semaine une heure et demie d'enseignement technique et numérique. La France est le premier pays à avoir généralisé cet enseignement en seconde.
Il existe certes des endroits, aux États-Unis ou dans d'autres pays, où certaines écoles sont plus en avance sur l'enseignement du code mais la France est le seul pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à avoir généralisé cet enseignement. Il est inscrit dans une feuille de route ambitieuse qui commence en primaire et se poursuit au collège puis au lycée.
Des difficultés de transition se posent, notamment celle du professorat puisqu'il faut former des professeurs. Jean-Michel Blanquer me disait, voici quelques mois, que l'éducation nationale avait été extrêmement surprise par l'enthousiasme et l'adhésion des professeurs de lycée, notamment les professeurs de technologie, pour se faire former à cette question de l'éducation numérique.
Nous devons aller plus loin. L'éducation nationale a, je pense, à cœur de faire progresser ce sujet et de progresser vite. C'est d'autant plus important qu'il faut que nous essayions progressivement de descendre sur le collège et même sur le primaire, où d'ailleurs des modules d'initiation sont déjà prévus. Cette question est aussi liée à la mixité et à l'égalité femmes-hommes puisque le déport des petites filles sur la question de l'enseignement numérique commence assez tôt, dès le primaire, et se cristallise au moment du collège, lorsque des choix d'orientation sont faits en quatrième et troisième. Il faut aller plus loin et pas que pour apprendre à développer des jeux vidéo. Il s'agit de comprendre le monde dans lequel nous évoluons.
S'agissant des codeurs qui s'en vont, je pense d'abord que qu'ils sont moins nombreux actuellement. Nous assistons, depuis un ou deux ans, avec une accélération depuis six mois, à un mouvement de retour des Français entrepreneurs ou développeurs partis à l'étranger. Je n'ai pas encore de chiffres mais ce mouvement est très intéressant. L'attractivité de l'écosystème français pour des entrepreneurs, des salariés, des développeurs étrangers, est plus élevée qu'elle ne l'a jamais été. Elle est probablement liée au climat américain actuel, au Brexit mais aussi à l'augmentation de la maturité de l'écosystème français et à l'image de la France, de son Gouvernement, de son écosystème numérique sur les start-up.
Si nous voulons que nos codeurs et développeurs restent, ils doivent pouvoir disposer d'entreprises dans lesquelles ils s'épanouiront autant qu'aux États-Unis. C'est le cas aujourd'hui et le sera de plus en plus.
Dans le fond, je suis très optimiste sur cette question de la souveraineté numérique et de l'écosystème numérique ; en effet, je pense que la compétition mondiale pour la technologie est d'abord une compétition mondiale pour l'intelligence humaine. Or la France a cette intelligence humaine. Elle forme des ingénieurs, des chercheurs et des entrepreneurs parmi les meilleurs du monde. Il s'agit juste de les garder et qu'ils trouvent ici l'écosystème leur permettant de développer des entreprises qui seront demain parmi les meilleures du monde. Cela prendra un peu de temps mais elles y arriveront. La dynamique actuellement observée, pour des raisons fiscales aussi, est très encourageante.