Je souhaite évoquer l'aspect de la souveraineté mais de l'autre côté de la barrière. Je me suis basé sur un très bon livre de Joël de Rosnay, intitulé Je cherche à comprendre, qui parle d'internet et de ses impacts sociétaux. Il dit qu'internet est une sorte de gros corps dont l'ADN est l'humain, puisque nous alimentons en permanence ces sujets par nos propres données. Il n'est pas difficile de dire que la crédulité de l'humain est plus facile à corriger que la puissance de la technologie alliée au capitalisme.
Vous avez rappelé la nécessité absolue d'acculturation des citoyens et des politiques en premier lieu. Tous sont également manipulés au quotidien par les dark patterns qui alimentent cette économie de l'attention. Ne pourrions-nous pas réfléchir collectivement à un grand programme national d'acculturation, à la formation de chacun à l'économie de l'attention et au numérique au sens large ? Pourquoi ne pas organiser un débat national ou une convention citoyenne sur le numérique ?
Nous devons faire des choix qui ne soient pas que des choix d'experts mais aussi des choix de citoyens. De très nombreux sujets doivent être posés sur la table et débattus collectivement, comme la reconnaissance faciale.
S'agissant de la modération, est-il envisagé de travailler avec les plateformes ou les médias sociaux sur l'instantanéité des messages ? Ainsi, sur Twitter ou Facebook, lorsque je poste un message, il part tout de suite mais nous savons très bien, comme le fait Google par exemple, qu'il peut exister un petit contrôle. Par exemple, si j'écris « vous trouverez en pièce jointe… », que j'oublie la pièce jointe et que j'appuie sur « Envoyer », Google signale que j'ai oublié d'envoyer la pièce jointe. Un contrôle se fait donc. Avec les moyens dont nous disposons, nous pouvons reconnaître automatiquement, avec quelques erreurs certes, des images ou des phrases à caractère très violent, des insultes ou des incitations à la haine. L'algorithme pourrait dire dans ce cas : « Êtes-vous bien sûr de vouloir envoyer ce message, sachant que vous pouvez vous exposer à une amende, de la prison, au transfert de votre adresse IP aux autorités… ? » avec un rappel à la loi.
Ainsi, nous ne toucherions pas à la liberté des citoyens de dire ce qu'ils veulent mais ce micro-contrôle permettrait de réfléchir et de ne pas s'embarquer dans une ivresse collective qui amène aux actes les plus odieux.