Je suis très heureux de vous accueillir, monsieur Benhamou. Vous êtes secrétaire général de l'Institut pour la souveraineté numérique (ISN). Notre mission d'information va, pendant plusieurs mois, se pencher sur moyens de bâtir et de promouvoir une souveraineté numérique européenne et française. Aussi nous apparaît-il indispensable de recueillir l'analyse de l'Institut que vous représentez parce que son objet de travail est identique à celui de notre mission.
À cet effet, nous souhaiterions que vous nous présentiez en quelques mots votre organisation, sa genèse, son mode de fonctionnement ainsi que ses activités.
Le thème de la souveraineté fait immédiatement appel au cœur régalien des missions de l'État, mais nous engage également à une réflexion sur les armes économiques dont nous devons disposer pour défendre la place de notre pays et de l'Union européenne dans la compétition mondiale. Sur ces deux plans, régalien et économique, nous aimerions connaître votre opinion sur la montée en puissance de la notion de souveraineté numérique. Comment l'analysez-vous ? Que pensez-vous des positions adoptées au niveau national et européen sur ces sujets par les autorités publiques ? Quelle appréciation portez-vous sur les initiatives législatives en cours ?
Cette problématique de souveraineté numérique implique de nombreux sujets souvent porteurs d'enjeux majeurs pour la place de notre pays sur la scène internationale. Nous pensons en premier lieu aux questions de cybersécurité et de cyberdéfense. Ici, la thématique de la souveraineté est incontournable puisqu'il s'agit de déterminer comment protéger les intérêts français de nouvelles menaces immatérielles et déterritorialisées. Il s'agit également de définir de nouvelles modalités de discussions avec nos partenaires européens et autres pour engager des actions concertées, mais respectueuses de la souveraineté de chacun. Quelle est votre analyse de ces enjeux multilatéraux ? Comment percevez-vous le paysage international actuel ? Quelles devraient être, selon vous, les réponses françaises et européennes aux menaces de déstabilisation ou de désinformation ?
La souveraineté numérique française et européenne est aussi, sur un mode peut-être moins visiblement conflictuel, confrontée à la montée en puissance de nouveaux acteurs privés qui prétendent imposer leurs normes ou qui disposent d'un pouvoir de marché les rendant bien souvent incontournables pour les consommateurs et les usagers. Comment la France et l'Union européenne peuvent-elles, selon vous, reprendre la main sur la définition des termes dans ces rapports nouveaux afin de ne pas être réduites à une position strictement réactive, voire passive ? Nous pourrons ici évoquer les multiples instances privées ou semi-privées dans lesquelles s'organise la gouvernance d'internet, l'attribution des noms de domaine par exemple, tout comme les géants du numérique qui jouent un rôle de prescripteur de plus en plus important dans nos sociétés, qu'il s'agisse des modes de consommation ou de notre façon de nous informer. La crise que nous traversons ne fait que renforcer malheureusement ces tendances. Quelle réponse publique apporter, selon vous, au plan national, européen et international ?
Enfin, la défense de la souveraineté numérique passe aussi par celle d'une certaine autonomie matérielle et par la défense et la promotion d'une industrie du numérique européenne compétitive et indépendante. Or nous savons que l'Europe souffre de façon croissante du départ d'industries stratégiques pour le matériel informatique qui constituent pourtant le soubassement du développement du numérique. La dépendance aux solutions technologiques extracommunautaires (aussi bien logiciels que matériels) met-elle en cause, selon vous, l'autonomie européenne ? Comment contrer cette tendance et comment faire participer l'innovation et la recherche à une certaine forme de réindustrialisation dans les nouvelles technologies à même d'assurer une plus grande souveraineté européenne ?
Je vous laisse la parole en espérant que nous pourrons balayer l'ensemble de ces sujets pendant l'heure qui nous est impartie. En tout cas, je vous remercie de vos commencements de réponse.