Intervention de Charles Thibout

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Charles Thibout, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique (CNRS, EHESS, Paris 1) :

Vous avez raison. Les traités européens empêchent aujourd'hui un État de favoriser une entreprise nationale, voire de favoriser une entreprise communautaire au détriment d'une entreprise extra-européenne, ce qui est un peu problématique pour favoriser la souveraineté numérique. Nous nous cantonnons donc à des mesures réactives et défensives du type concurrence libre et non faussée. C'est probablement ce qui se produira encore avec le Digital Services Act et le Digital Market Act.

Je pense que la question est aujourd'hui celle des traités, de l'aspect juridique qui constitue l'Union européenne. Il faut sans doute dépasser ce modèle. À vingt-sept, trouver un accord qui reposerait sur des intérêts et des objectifs communs et donc sur une ambition politique commune me paraît tout à fait irréalisable. Nous imaginons mal que l'Irlande, par exemple, prenne des décisions contraignantes contre des entreprises dont le siège social européen se situe en Irlande. Le Premier ministre du Luxembourg a indiqué récemment que son pays soutenait Google et il est étonnant qu'un pays se place ainsi, aussi manifestement, derrière une entreprise.

La concurrence libre et non faussée est à mon avis un pis-aller qui ne résout rien en réalité. Même si vous démantelez les GAFAM, si vous faites en sorte que les règles soient les mêmes pour tous, cela ne fera pas surgir des géants européens. L'innovation ne se décrète pas, elle a besoin de fonds et du soutien de l'État, d'un État stratège. Pour le moment, l'Europe n'est pas en position d'offrir cette figure de l'État stratège que requerrait cette souveraineté numérique.

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