Pour parer au plus urgent, je ne sais pas ce que pourrait faire l'Europe, mais je sais que la France dispose d'ores et déjà d'outils. Je pense notamment à la mention « Spécial France ». Cette mention peut être apposée par exemple sur un contrat. Je vous renvoie à l'article 65 de l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale. Cette mention a ceci d'intéressant qu'elle permet de restreindre à de ressortissants français l'accès à des informations ou à des supports, classifiés ou non. En l'occurrence, il s'agirait de l'accès à des données.
Je cite l'article : « Des informations qui ne sauraient, en aucune circonstance, être communiquées en tout ou partie à un État étranger ou à l'un de ses ressortissants, à une organisation internationale ni à une entreprise de droit étranger, même s'il existe avec cet État ou cette organisation un accord de sécurité. »
La mention « Spécial France » est donc un outil simple que nous pourrions utiliser tout de suite. Elle ne coûterait pas un euro au contribuable et est susceptible de parer au plus urgent. Je ne suis ni un spécialiste ni un technicien, mais je pense qu'elle pourrait par exemple être appliquée dans le cas du Health Data Hub.
La question des acteurs transnationaux est bien sûr une faiblesse d'une certaine manière, mais il ne faut pas non plus idéaliser ce modèle. Il fonctionne effectivement très bien pour la Chine, mais parce que c'est un État totalitaire qui fait en sorte que ces entreprises soient consubstantiellement liées à l'État-parti. Des cellules du Parti communiste sont présentes dans les comités de direction. Ces entreprises ont des liens historiques très fort avec l'État central. Il existe tout un jeu de coopération pour étendre leurs activités le long des nouvelles routes de la soie.
Côté américain, c'est plus ambigu. Une sorte de dissociation d'intérêts s'opère actuellement entre certaines de ces grandes entreprises et l'État fédéral, notamment en raison de l'émergence de la Chine et du pouvoir économique que constitue la Chine. C'est un marché extrêmement attractif qui pousse certaines de ces entreprises à vouloir nouer des liens de coopération avec l'État sur des technologies tout à fait critiques comme l'intelligence artificielle, y compris des liens de coopération avec des institutions militaires de l'État chinois. Cela a poussé par exemple Patrick Shanahan, à l'époque secrétaire ou secrétaire adjoint à la défense, et le chef d'état-major des armées à parler dans une audition de traîtrise de Google. Si nous pensons en termes d'intérêt public et que, par définition, l'intérêt public est représenté par l'État, nous pourrions rencontrer cet obstacle.