Intervention de Charles Thibout

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Charles Thibout, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique (CNRS, EHESS, Paris 1) :

Votre réflexion est intéressante. Comme vous l'avez rappelé, le problème est l'extrême difficulté à trouver un socle d'intérêts communs suffisamment fort et puissant pour développer une vision stratégique bien « cortiquée » et mettre les financements nécessaires sur la table.

La France est peut-être un acteur trop faible et trop petit pour pouvoir se hisser à la hauteur des États-Unis et de la Chine. Pourtant, l'histoire tend à nous montrer que ce n'est pas si clair. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France était dans un état déplorable de destruction. Les Américains ont aidé via le plan Marshall car leurs intérêts étaient en jeu, mais il faut se souvenir de ces couvertures de magazines américains des années 1960 où la France faisait peur. Les États-Unis pensaient que la France était le prochain leader géopolitique mondial du fait justement de son rattrapage forcené durant les Trente Glorieuses. C'est à mon avis dû à deux phénomènes : au rattrapage économique, avec énormément d'interventions publiques, financières et décisionnelles, et à un plan.

Cela revient à l'esprit de nos dirigeants actuels avec le Haut-Commissariat au Plan en cours de construction. Même s'il paraît archaïque, le plan a ceci d'intéressant de se projeter sur le temps long, à dix, vingt ou trente ans, donc au-delà des aléas électoraux, des changements de majorité qui, bon an mal an, font ce qu'elles peuvent, mais ont tout de même tendance à aller à l'encontre des décisions précédentes. Un plan ou un équivalent donnerait la possibilité de projeter des financements sur le long terme dans des objectifs ou des initiatives identifiés, objectifs que nous mettrions à jour régulièrement bien sûr. Il me semble que ce serait une étape intéressante d'autant plus que la France, en termes de financement, a l'avantage qu'une grosse partie de sa dette est encore actuellement possédée par les citoyens français. La dette française n'est donc pas un poids, mais un actif qui peut être délibérément mis au profit d'une politique de grands travaux en quelque sorte.

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