Intervention de Charles Thibout

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Charles Thibout, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique (CNRS, EHESS, Paris 1) :

Je vous rejoins sur le fait que nous ne rêvons pas de projet scientifique et technique, du moins que cela n'apparaît pas, ce qui tranche effectivement avec les États-Unis et la Chine. Dès le début du XXe siècle, les chroniqueurs relèvent dans la population américaine une véritable appétence pour la science et le progrès technique.

En Chine, il a longtemps existé un dilemme entre une volonté farouche de modernisation qui passait en grande partie par une modernisation technique et technologie et la hantise que cette modernisation entraîne une occidentalisation, une importation des cultures et des institutions occidentales.

Nous ne pouvons pas mettre de côté l'importante méfiance des populations européennes envers leurs dirigeants qui se manifeste par des mouvements populaires à tendance insurrectionnelle, par la montée de l'extrême-droite et parfois son accession au pouvoir. Cette extrême-droite semble elle-même légitimée par les institutions européennes qui posent un voile pudique sur les agissements de tel ou tel dans certains pays envers les migrants ou le droit des femmes.

C'est à la fois la tragédie et le grand mérite de nos institutions. Nous sommes habillés pour un Général qui avait tout d'un monarque républicain capable de donner un horizon par un discours et un programme politiques. L'horizon est aujourd'hui assez introuvable. Nous avons du mal à nous projeter vers l'avant du fait des contraintes économiques, des contraintes institutionnelles européennes, d'où l'intérêt de poser une ambition au niveau français et/ou européen. Il faut inclure la population dans cette ambition, faire en sorte que la population veuille d'un développement technique dans telle technologie en particulier, parce que ce développement la fait rêver ou qu'il créera de l'emploi ou qu'il fera monter le pouvoir d'achat ou que les conditions de vie s'amélioreront… Cela signifie recréer un marché intérieur, relancer la consommation.

Sur la question des technologies, il est exact que nous avons tendance ces dernières années à jouer à passer d'une technologie à une autre, sans même savoir vraiment quelle est la différence. Cet ensemble crée un répertoire technologique assez confus et dense. Les responsables politiques peuvent consulter massivement les spécialistes de ces domaines et savoir ce que ces spécialistes voient comme ouvertures techniques et technologiques apportées par ces différentes découvertes scientifiques. Par exemple, rien n'assure que le quantique amènera vraiment à cet ordinateur quantique dont nous rêvons. À partir de cette connaissance scientifique, nous pourrons dessiner un avenir désirable et un horizon d'attente.

La passerelle entre le monde de la recherche académique et le monde politique de la décision publique doit être renforcée.

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