Intervention de Werner Stengg

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Werner Stengg, membre du cabinet de Mme Margrethe Vestager :

Je ne peux malheureusement pas répondre à cette seconde question car je ne suis pas en charge de ce dossier. La cybersécurité est une très grande priorité et un « paquet » est prévu pour la fin de l'année.

Concernant les GAFAM, l'instrument le plus pertinent est le Digital Market Act. Ils sont également concernés par le Digital Services Act, mais la question centrale n'est pas leur pouvoir de marché, mais plutôt l'impact négatif qu'ils peuvent exercer sur la société. Une grande entreprise comme AliExpress qui transporte des centaines de milliers de colis depuis la Chine possède un impact évidemment bien supérieur à celui d'une petite plateforme. Sur Facebook ou Twitter, d'éventuelles manipulations d'élections ou le partage de discours haineux possèdent un impact considérable. Des régulations plus strictes sont donc mises en place pour ces grandes plateformes. Nous y trouvons donc déjà une dimension concurrentielle. Si vous êtes une entreprise européenne, que vous soyez en ligne ou non, vous devez respecter nos règles et nos normes, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas vendre des produits qui ne respectent pas nos acquis communautaires sur la protection des consommateurs et que vous devez payer des taxes. Pour autant, vous êtes en concurrence avec Amazon, Alibaba et Ebay, avec des produits qui viennent de l'étranger, et notamment de la Chine, qui ne respectent pas ces règles et des entreprises qui ne payent pas de taxe. En augmentant la responsabilité des plateformes à travers ces importations, en retirant du marché des produits illégaux, vous n'êtes plus en concurrence avec autant de produits contrefaits ou non sécurisés. Nous avons défini des critères neutres pour déterminer les entreprises couvertes par le Digital Market Act. Les GAFAM y répondent, mais également d'autres entreprises seront concernées.

Le Digital Market Act est le moyen principal pour améliorer la situation actuelle. Une de vos questions dans votre questionnaire portait sur notre expérience dans la législation des plateformes. Nous en avons peu puisque nous avons commencé au mandat précédent, mais j'avais moi-même négocié le règlement promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne, dit « Platform to Business ». De nombreux vendeurs dépendent des plateformes, par exemple les hôtels dépendent de booking.com, les PME dépendent d'Amazon, les développeurs des applications dépendent de l'Apple Store et du Google Play Store. Nous avions commencé à introduire davantage de transparence dans les méthodes de travail de ces plateformes, mais nous avions également accru la possibilité pour les entreprises de contester les décisions prises par elles. Je parle, par exemple, du cas où votre produit est retiré de la plateforme cinq semaines avant Noël sans que vous ne sachiez pourquoi et sans recours possible. Nous avions abordé ces points dans ce règlement. Politiquement, c'était un pas important pour lancer cette dynamique en Europe. Quand nous avions commencé la préparation de cet acte législatif, la moitié des États membres considéraient que nous n'avions pas réellement besoin d'un règlement sur les plateformes. Nous avions alors discuté avec beaucoup de PME dont les représentants craignaient que nous tuions ce modèle, qui était le seul moyen pour elles de vendre dans toute l'Europe et ailleurs, car elles ne possédaient pas les infrastructures pour le faire elles-mêmes. Nous avions au départ rencontré beaucoup d'opposition, mais au fur et à mesure des négociations, presque tous les États membres ont compris que quelque chose avait changé dans notre monde et notre économie et que nous devions en tenir compte. Le Parlement européen a également beaucoup appris de cette expérience. Les questions liées au numérique sont parfois très techniques et tout le monde ne se sent pas tout à fait à l'aise. Mais, après deux ans de négociation avec le Parlement et les États membres, tout le monde a mieux saisi les enjeux. C'était la première fois dans le monde qu'une telle réglementation a été établie. En parallèle, nous avons observé les actions de Mme Vestager dans le monde de la concurrence avec l'application de la loi sur la concurrence. Nous avons également beaucoup appris à travers ces investigations sur les manières dont travaillent les grandes entreprises, mais nous avons également constaté que cet instrument possède des limites. Après quatre ou cinq ans d'investigation, de nouvelles problématiques sont apparues et d'autres entreprises ont disparu. Ce sont ces deux leçons du mandat dernier qui nous ont menés à franchir la nouvelle étape. Lorsque je consulte les États membres et les membres du Parlement européen, c'est devenu un élément que, je pense, tout le monde appuie.

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