Depuis plusieurs années, les opérateurs ont, d'après la loi, l'obligation de retirer extrêmement rapidement, c'est-à-dire en quelques heures, les contenus pédopornographiques et terroristes. Dans ces deux cas, et c'est la seule exception, nous ne passons pas par la case « juge ». Le système marche et nous le faisons très rapidement. L'actualité récente fait que nous avons enfin mis sur le devant de la scène la plateforme de signalement Pharos, à laquelle tout remonte. Il faut savoir que la Fédération française des télécoms fait office de filtre : tout ce qui est remonté sur les contenus pédopornographiques et terroristes passe par un premier filtre technique de la Fédération pour voir si la caractérisation des faits sera ensuite exploitable par la plateforme Pharos. Nous demandons depuis des années une véritable prise de conscience, que nous ayons des effectifs formés et beaucoup plus nombreux pour Pharos, que soit créé le fameux parquet numérique. Toutes ces nouvelles infractions, ces nouvelles atteintes à la vie privée et autres ne sont aujourd'hui pas traitées à un niveau suffisant par les tribunaux.
Chacun sait où trouver les opérateurs, les fournisseurs d'accès internet que nous sommes. Le réflexe est de nous demander de couper les contenus, ce qui ne nous pose aucun problème puisque nous respectons comme d'habitude scrupuleusement les lois. Toutefois, il existe de multiples intermédiaires techniques, des hébergeurs et des moteurs de recherche qui échappent de fait à toutes ces obligations.
Nous pensons qu'il faudrait en premier lieu avoir une harmonisation européenne comme nous l'avions dit pour la proposition de loi « Avia ». Il semble qu'une prise de conscience européenne ait lieu. L'objectif de cette proposition de loi était d'être précurseur mais nous avons bien vu que, juridiquement et au niveau de la mise en œuvre, la question était plus compliquée. Le problème s'est posé de la même façon pour tous les débats liés à l'empreinte du numérique, à l'économie circulaire, à la réparabilité des téléphones portables. Nous nous apercevons aujourd'hui que ces problèmes devraient plutôt être traités au niveau européen.
Il faut que tous les acteurs de la chaîne de valeurs soient appréhendés. S'agissant des contenus et de la sécurité, les hébergeurs et les moteurs de recherche sont donc concernés. C'est à eux qu'il faut demander de supprimer des contenus puisque, en vertu des principes de la neutralité du Net, nous n'avons pas vocation à regarder ce qui passe dans nos réseaux et nous en avons même l'interdiction. Si nous regardons ce qui passe dans nos tuyaux, nous sommes en infraction. Aussi, lorsque le juge nous demande de couper telle ou telle page sur Facebook, nous ne sommes pas capables de faire une coupe chirurgicale contrairement aux autres acteurs intermédiaires et nous coupons l'accès à Facebook de tous nos clients, ce qui pose des questions de proportionnalité par rapport à l'atteinte.
Lorsque je parlais de l'Allemagne, je ne pensais pas à la sécurité des réseaux sur laquelle je n'ai pas de données mais à la qualité de nos réseaux. Il faut savoir que l'Allemagne a fait le choix depuis une dizaine d'année de monter en débit sur le très haut débit et que, aujourd'hui, le système explose complètement. Ils n'ont plus suffisamment de capacités et réfléchissent maintenant à la fibre. Sur le mobile, l'Angleterre et l'Allemagne ne couvrent pas les zones blanches et investissent des milliards en s'inspirant du « New Deal mobile ». Je voulais dire que la qualité de connexion de nos réseaux est extrêmement bonne et nous nous en apercevons puisque, que ce soit de la part des pouvoirs publics ou des élus, nous sommes en train de glisser de « je n'ai pas de connexion, cela ne marche pas » à des questions liées à l'inclusion numérique, à l'empreinte du numérique, au fait que Nantes par exemple ne veut pas d'antenne 5G en jugeant que la 4G suffit.
Nous pensons que, sur les questions de fiscalité et de régulation des contenus, une approche européenne coordonnée est vraiment nécessaire. La principale difficulté provient du fait que nous avons quatre opérateurs en France, plus de quatre-vingts en Europe et une trentaine de régulations différentes, ce qui complique beaucoup l'harmonisation. Nous pensons malgré tout que tout ce qui concerne la souveraineté et l'émergence de champions du numérique passera par une approche coordonnée et harmonisée.